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07/06/2024 | FRANCE | N°22/09252

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juin 2024, 22/09252


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juin 2024



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09252 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGT3T



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 22/00962



APPELANT

Monsieur [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Guill

aume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0840 substitué par Me Marion PLANES, avocat au barreau de PARIS



INTIME

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 4]

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09252 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGT3T

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2022 par le Pole social du TJ d'EVRY RG n° 22/00962

APPELANT

Monsieur [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0840 substitué par Me Marion PLANES, avocat au barreau de PARIS

INTIME

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

M Philippe BLONDEAU, conseiller

GREFFIER : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [N] d'un jugement rendu le 6 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry (RG 21/371) dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [G] [N] était salarié de la [7] (désignée ci-après 'la Paroisse' ou 'l'employeur') depuis le 4 avril 2012 en qualité de secrétaire général lorsque, le 24 janvier 2014, il a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (ci-après désignée 'la Caisse') en ces termes : «: travail de bureau ; Nature de l'accident : Harcèlement - voir courrier joint -+ perte de connaissance quelques instants ; Sièges des lésions : Malaise + choc psychologique ».

Le certificat médical initial établi le 25 janvier 2014 faisait mention d'un « état anxio-dépressif ».

La Caisse a reconnu le caractère professionnel de cet accident de travail à la suite d'une décision rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry et a pris en charge, à ce titre, les arrêts de travail et les soins y afférent.

L'état de santé de M. [N] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la Caisse au 6 octobre 2017 et, au regard de la subsistance de séquelles à cette date, à savoir « un syndrome psychiatrique post-traumatique avec un retentissement important sur l'activité professionnelle », la Caisse lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 40 %.

Par la suite, M. [N] a adressé à la Caisse un certificat médical établi le 22 mai 2018 faisant état d'une « rechute dépressive grave avec idées suicidaires, d'injustice et de panique depuis la notification de la rente d'AT, d'autant qu'il existe une incapacité totale de travail liée aux séquelles de l'AT du 24/01/2014 » que l'organisme a reconnu comme étant en lien avec l'accident du travail du 24 janvier 2014.

L'état de santé de M. [N] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la Caisse au 9 avril 2019 avec retour à l'état antérieur, décision que l'intéressé a contestée devant la commission médicale de recours amiable.

Par décision du 30 novembre 2021, la Commission a confirmé l'analyse du médecin-conseil et a maintenu le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [N] à 40 % « compte tenu des constatations du médecin conseil, de l'examen clinique du 17/01/2019 retrouvant un syndrome dépressif post traumatique chez un assuré secrétaire général de paroisse, âgé de 43 ans et de l'ensemble des documents vus ».

Cette décision a été notifiée à M. [N] le 18 février 2021.

C'est dans ce contexte que M. [N] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry qui, par jugement du 6 octobre 2022, a :

- déclaré le recours recevable mais mal fondé,

- débouté M. [G] [N] de l'ensemble de ses prétentions,

- mis à sa charge les dépens,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Pour juger ainsi, le tribunal a retenu que les pièces médicales produites par M. [N] avaient déjà été prises en compte par le médecin-conseil de la Caisse et par la commission médicale de recours amiable pour maintenir le taux initial. Le tribunal a également souligné qu'à défaut de produire des éléments permettant de comparer l'état de santé de M. [N] à la date des deux consolidations, l'expertise médicale n'était pas justifiée. Enfin, s'agissant l'octroi d'un coefficient professionnel le tribunal constatait que M. [N] ne produisait pas d'avis d'inaptitude professionnelle du médecin du travail, ni de lettre de licenciement pour ce motif, celle produite, datée du 5 mars 2015, soit avant la première date de consolidation, avait pour cause une désorganisation de l'entreprise pour absence prolongée.

Par déclaration dématérialisée reçue au greffe le 3 novembre 2022, M. [N] a régulièrement interjeté appel de la décision notifiée le 15 octobre 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 3 avril 2024 lors de laquelle les parties ont plaidé.

M. [N], assisté de son conseil, développe oralement ses conclusions et demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 6 octobre 2022 et, statuant à nouveau,

- ordonner une expertise médicale, dont l'expert aura pour mission de :

o prendre connaissance de son entier dossier médical,

o l'examiner,

o décrire les lésions dont il souffre,

o fixer le taux d'incapacité permanente partielle relatif à la maladie professionnelle déclarée et prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,

o dire que les frais d'expertise seront supportés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,

o lui attribuer et fixer un coefficient socio-professionnel qui ne saurait être inférieur à 20 %.

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- déclarer M. [G] [N] mal fondé en son appel,

- confirmer en toutes ces dispositions jugement rendu le 6 octobre 2022 par le tribunal judiciaire d'Evry ;

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 3 avril 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 7 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son recours, M. [N] rappelle qu'il a été victime d'un accident du travail ayant entraîné un syndrome dépressif, le conduisant à être hospitalisé à plusieurs reprises en milieu psychiatrique. Si à la date de la consolidation de son état le 6 octobre 2017, les séquelles avaient justifié l'attribution d'un taux de 40 % d'incapacité permanente partielle, il considère que ce taux n'est plus adapté à son état tel qu'il résulte de la rechute. Il fait valoir que cette rechute a engendré de nouvelles hospitalisations en milieu psychiatrique, aggravant au final son état et justifiant la majoration du taux médical. Il plaide que le médecin-conseil n'est pas recevable à motiver le maintien du taux du fait que 'ces troubles paraissent dus à son traitement psychotrope énorme' puisque ce traitement est précisément prescrit en raison de l'accident du travail dont il a été victime. En tout état de cause, l'affirmation du médecin-conseil selon laquelle «en l'absence d'éléments nouveaux il convient de maintenir le taux » est inopérante alors que des éléments médicaux nouveaux en rapport avec la rechute du 22 mai 2018 lui avaient été produits et l'ont également été devant le tribunal.

M. [N] estime que la décision de la CMRA n'est pas assez motivée et qu'elle a été prise sans réel examen médical et surtout sans tenir compte de son dossier médical qui montre une aggravation de ses troubles psychiatriques. Il entend également que lui soit accordé un coefficient socio-professionnel d'au moins 20 % au motif que son état de santé a été à l'origine de son licenciement en mars 2015 et qu'il occupe désormais un poste d'économe de moindre intérêt et offrant une moindre rémunération.

La Caisse rappelle qu'aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux médical d'incapacité permanente partielle est déterminé selon un barème indicatif d'invalidité qui fixe des taux moyens d'incapacité en fonction de différents critères reposant sur la nature de l'infirmité, l'âge, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime et ses aptitudes et ses qualifications professionnelles.

Au cas de M. [N], la Caisse estime qu'en retenant des « Séquelles d'un état anxio-dépressif consistant en un syndrome psychiatrique post-traumatique avec un retentissement important sur l'activité professionnelle » consistant en « des problèmes d'attention, d'insomnie très importante, des pertes de mémoire et des instabilités occasionnant parfois des chutes » son médecin-conseil et les experts de la CMRA ont fait une juste appréciation du chapitre 4.2.1.11 du guide barème des accidents de travail en maintenant le taux d'incapacité permanente partielle à 40 %. S'agissant de la demande au titre du coefficient professionnel, la Caisse rappelle qu'il appartient au demandeur de prouver le préjudice économique subi. Or, non seulement il ne justifie d'aucune évaluation concrète, ni aucun chiffre concernant la 'perte de salaire certaine' mais surtout, la modification de la situation professionnelle doit être en lien direct et certain avec l'accident du travail. En l'espèce, M. [N] ne produit pas d'avis d'inaptitude. En tout état de cause, la Caisse entend souligner que le coefficient professionnel, s'il permet de compenser en partie une perte de salaire, ne peut en aucun cas être un salaire de remplacement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale

Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé.

Son montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d'incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé.

Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive.

Elle est incessible et insaisissable.

l'article L. 434-2 du même code prévoyant

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Pour sa part, l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale prévoit

Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse à la victime ou à ses ayants droit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le double de cette décision est envoyé à la caisse régionale et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.

La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l'aide d'un formulaire annexé à la notification, s'ils demandent l'envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d'une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l'article R. 434-31.

La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales.

Il sera rappelé par ailleurs que les séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas toujours en rapport avec l'importance des lésions initiales. De même, les lésions qui demeurent au moment de la date de consolidation (laquelle ne correspond ni à la guérison ni à la reprise de l'activité professionnelle) sont proposées à partir du barème moyen indicatif, éventuellement modifiée par des estimations en plus ou en moins en fonction de l'examen médical pratiqué par le médecin.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.

Les annexes I et II au Code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation.

Le barème indicatif d'invalidité relatif aux accidents de travail, prévoit que, pour l'estimation médicale de l'incapacité, il doit être fait la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière. C'est ainsi que :

a) il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

b) l'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

c) un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Afin d'évaluer équitablement l'incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :

1° L'accident a-t-il été sans influence sur l'état antérieur '

2° Les conséquences de l'accident sont-elles plus graves du fait de l'état antérieur '

3° L'accident a-t-il aggravé l'état antérieur '

Pour le calcul de cette incapacité finale, il n'y a pas lieu, d'une manière générale, de faire application de la formule de [T]. Toutefois, la formule peut être, dans certains cas, un moyen commode de déterminer le taux d'incapacité et l'expert pourra l'utiliser si elle lui paraît constituer le moyen d'appréciation le plus fiable.

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 25 janvier 2014 faisait mention d'un « état anxio-dépressif ».

Le certificat médical final établi par le docteur [C] [J] faisait mention d'une consolidation au 6 octobre 2017 avec séquelles indemnisables au titre d'un « état anxio-dépressif ».

A cette date, le docteur [K] [O], médecin-conseil de la Caisse, a confirmé la date de consolidation et estimé que subsistait « un syndrome psychiatrique post-traumatique avec un retentissement important sur l'activité professionnelle » justifiant un taux d'incapacité permanente partielle de 40 %. Elle retenait « un syndrome psychiatrique post-traumatique avec un retentissement important sur l'activité professionnelle ».

Par certificat médical du 22 mai 2018, M. [N] a déclaré auprès de la Caisse une rechute de son accident du travail consistant en « des idées suicidaires, d'injustice et de panique depuis la notification de la rente d'AT, d'autant qu'il existe une incapacité totale de travail liée aux séquelles de l'AT du 24/01/2014 ».

L'état de santé de M. [N] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la Caisse au 9 avril 2019 avec retour à l'état antérieur.

Aux termes de son rapport d'évaluation établi le 22 mai 2020, le médecin-conseil de la Caisse estimait que M. [N] présentait, à la date de consolidation, un « stress post traumatique consistant en un syndrome post-traumatique avec un retentissement important sur l'activité professionnelle » mais qu'il n'existait pas d'aggravation de son état par rapport aux séquelles retrouvées le 6 octobre 2017.

Lors du recours amiable, le docteur [V], expert commis par la Commission, et le docteur [B], médecin-conseil, ont estimé, au regard des constatations effectuées par le médecin-conseil, de l'examen clinique du 17 janvier 2019 qui retrouvait un syndrome post-traumatique et des documents produits, que le taux de 40 % indemnisait correctement ses séquelles à savoir « un syndrome dépressif ».

Les médecins ont rappelé que M. [N] avait des antécédents psychiatriques ainsi qu'il résultait deux séjours en milieu hospitalier en 2014 et 2015, c'est-à-dire avant l'accident du travail.

Ce faisant, ce barème, dans sa partie 4.2.1.11 traitant des séquelles psychonévrotiques et plus particulièrement des névroses post-traumatiques, rappelle que dans la majorité des cas, ces troubles sont les conséquences de lésions cérébrales diffuses, sans possibilité de focalisation, associées ou non à des troubles neurologiques précis. En règle générale, les accidentés atteints de ces troubles intellectuels post-traumatiques ont présenté un coma plus ou moins prolongé et ont présenté en général d'emblée des troubles de la conscience : 30 à 100.

A l'évidence, M. [N] ne se trouve pas dans cette situation.

S'agissant des syndromes psychiatriques, le barème indique que l'étiologie traumatique des syndromes psychiatriques est très exceptionnelle. Il suppose une intégrité mentale antérieure et un syndrome succédant immédiatement à un traumatisme particulièrement important.

M. [N] ne produit aucun élément permettant de considérer qu'il s'est trouvé dans cette situation au moment de la rechute étant rappelé qu'avant le premier accident du travail, il présentait des antécédents psychiatriques.

S'agissant du syndrome psychiatrique post-traumatique le barème propose de retenir un taux allant de 20 à 40 pour les névroses post-traumatiques consistant en un syndrome névrotique anxieux, une hypochondriaque, une cénesthopatique obsessionnelle caractérisée, s'accompagnant d'un retentissement plus ou moins important sur l'activité professionnelle de l'intéressé.

La cour constate qu'il a donc été attribué à M. [N] le taux maximal prévu pour sa pathologie et force est de constater que les éléments qu'il produit ne permettent pas de s'en écarter.

En effet, pour fixer à 40 % le taux d'incapacité permanente partielle à la date du 28 novembre 2017, le médecin-conseil avait retenu que dans les suites immédiates de l'accident du travail, l'humeur de M. [N] était triste avec un ralentissement psychomoteur et une angoisse diffuse mais sans représentation négative de soi. Il souffrait de troubles de la mémoire antérograde mais aucune confusion mentale caractérisée. L'IRM cérébrale était considérée comme normale. Il allait présenter une bonne évolution avec rémission du syndrome dépressif.

A l'examen, le médecin-conseil relevait :

- une fatigabilité

- qu'il fermait les yeux pendant tout le CM,

- des troubles de l'attention et de l'élocution,

- des troubles mnésiques,

- des vertiges aux changements de position,

- des troubles du sommeil : dort 2 à 3 heures par nuit,

- des idées noires récurrentes et idéations suicidaires,

- une absence d'appétit.

Pour maintenir ce taux à la date de la consolidation de la rechute, le médecin-conseil a relevé :

- un excellent contact,

- pas d'éléments dissociatifs ni délirants,

- la thymie était triste avec une altération modérée de l'élan vital,

- se plaint de vertiges, de troubles de la concentration.

Il résulte de la comparaison de ces deux rapports que contrairement à ce que plaide M. [N], il n'est mentionné aucun élément d'aggravation ni d'élément laissant apparaître de nouvelles symptomatologies en rapport avec l'accident du travail. Les vertiges, l'isolement, la dépendance vis-à-vis de son entourage et l'absence de motivation étaient bien existant en 2017.

Ce faisant, à l'audience M. [N] produit :

- un certificat médical établi le 30 mai 2018 par le docteur [Y], médecin psychiatre, qui notait que M. [N] souffrait d'un grave syndrome post traumatique reconnu en accident du travail «sans avoir pris en compte la faute de l'employeur » et que la symptomatologie l'empêchait de travailler, même à mi-temps, les troubles du sommeil entraînant des troubles de la mémoire très importants avec des troubles de la concentration également importants. Il était toujours envahi par des ruminations obsessionnelles par rapport à son ancien employeur. Les séquelles sont installées ; des soucis financiers, une épouse qui n'arrive pas a comprendre que cette pathologie ne puisse pas s'améliorer aggrave la situation,

- un compte-rendu d'entretien du service [5] Essonne du 25 mars 2021, qui mentionne, entre autre que «Monsieur quittera rapidement la salle : victime d'un malaise - il nous fera part en aparté de la récurrence de ces malaises sans signe annonciateur, sous forme de vertiges, pertes d'équilibre et/ou pertes de conscience. (... ) peut être amené à participer aux tâches quotidiennes telles que les courses, mais compte tenu de ses vertiges, son (épouse) l'accompagnerait quasiment toujours. De plus, des troubles de mémoire et de concentration rendent difficiles leur réalisation. Monsieur resterait donc dépendant de son entourage » , « il aurait des troubles de la mémoire compte tenu de difficultés de concentration. Puis, des plaintes somatiques : tremblements. acouphènes, vertiges qui peuvent se solder par des étourdissements avec ou pas perte de conscience. troubles du sommeil (traité depuis un an avec appareillage). troubles de l'appétit. prise de poids »,

- un bilan psychologique de l'Institut [6] établi en mars 2019 par le docteur [X] qui a procédé à une évaluation des capacités cognitives et qui conclut que M. [N] « présente un fonctionnement à fort potentiel, assorti de difficultés attentionnelles majeures qui relèvent potentiellement du registre lésionnel. On ne note en effet rien dans ses antécédents scolaires suggérant la présence d'un déficit attentionnel. M. [N] a poursuivi scolarité et études supérieures, plusieurs cursus, sans difficulté. Il y a clairement selon ses dires, par son épouse, un avant ct un après l'accident de 2014. Il serait opportun de revoir son neurologue afin de synthétiser les différents éléments. Un diagnostic de Parkinson a-t-il été éliminé ' On relève divers éléments (chutes de plus en plus fréquentes, tremblements, troubles cognitifs évocateurs), Une prise en charge en centre de réadaptation en vue d'une reconversion professionnelle pourrait être bénéfique, ou par défaut une prise en charge ambulatoire en neuropsychologie, mais une aide financière serait alors à mettre en place. Les fonctions attentionnelles notamment se récupèrent entre un et deux ans de travail en intermédiation cognitive. La souffrance est encore très vive par rapport au dernier emploi, et une psychothérapie devrait être proposée, peut-être en CNO ' Il est possible de proposer un accompagnement adapté à M.[N] qui pour le moment gère seul une situation très difficile et sc trouve rapidement en état d'épuisement physique ct psychique. Son épouse est également en demande de ré éducation pour M- [N]. que cette situation engendre tensions dais le couple »,

- un bilan neuro-psychologique effectué en mars 2021 qui indique « un fonctionnement à fort potentiel, assorti de difficultés attentionnelles majeures qui relèvent potentiellement du registre lésionnel. (... ) Ce bilan met notamment en évidence des déficits de l'attention et de capacité de mémoire de travail, des faibles capacités à retenir et à utiliser les informations retenues, des difficultés spécifiques dans la mise à jour de la mémoire de travail, une faible capacité à traiter l'information visuelle dans un temps imparti, des déficits attentionnels majeurs sur le versant auditif , des capacités d'attention visuelle faibles, des capacités d'attention auditive très déficitaires, une flexibilité mentale ou déplacement attentionnel fragile et de grandes difficultés attentionnelles »,

- un avis du docteur [W] du 26 mars 2021 selon lequel M. [N] présente « une tristesse manifeste, un sentiment de découragement, une perte d'espoir ; absence totale de toute motivation. Egalement on retrouve une évaluation négative de ses capacités ; une anticipation catastrophique ; un manque d'attention et de concentration. Ses capacités de mémorisation sont à l'évidence réduites. Il est isolé socialement même au sein de sa propre famille. Son incapacité de travail semble un risque de cristallisation. Il est allégué des chutes à répétition. des vertiges. Appareillé récemment pour un syndrome d'apnée du sommeil ; générateur d'une fatigabilité handicapante. Il semble indéniable qu'une aggravation de symptomatologie psychiatrique sur son versant physique. affectif et cognitif, consolidée en décembre 2017 soit aggravée. Ses hospitalisations récurrentes pour recrudescence dépressive sont la preuve. Un taux d'IPP de 50 % doit lui être accordé ».

Force est de constater que ces documents exposent une situation médicale soit très antérieure soit postérieure à la date de la consolidation et que, sauf s'agissant de l'avis du docteur [W], ils ne remettent pas en cause le taux qui lui a été attribué.

Ainsi, le certificat médical du docteur [Y] a été rédigé près d'un an avant la date de la consolidation et il ne faisait d'ailleurs pas mention d'une aggravation des lésions, le médecin évoquant « les séquelles se sont installées » et demandant simplement au médecin-conseil de revoir le taux car « ce serait une aide importante pour lui permettre de supporter sa situation sans aggraver sa pathologie par des idées suicidaires ». Or, il ne peut qu'être rappelé que le taux d'incapacité permanente partielle se fixe au regard de séquelles médicales actuelles, précises et objectivées et non « pour éviter une aggravation» ni même pour compenser « l'absence de reconnaissance de la faute de l'employeur ». Si le médecin psychiatre explique bien que M. [N] en veut toujours à son employeur et aurait souhaité que sa faute soit reconnue, il n'en demeure pas moins que ce ressentiment n'a pas à être pris en compte dans la fixation du taux.

Pour sa part, le compte-rendu d'entretien du service [5] n'est pas un document de nature médicale et ne fait que retranscrire les propos de M. [N] tant s'agissant de son parcours professionnel que médical.

Quant au bilan neuro-psychologique, il n'apporte aucun élément permettant de dire qu'il existe une aggravation des symptômes, le médecin n'ayant pas procédé à une comparaison de la situation médicale de M. [N] avant et après la rechute mais à un bilan de compétence cognitive deux ans après la date de consolidation de cette dernière.

Enfin, le certificat médical du docteur [W] a été établi à une date trop éloignée de la consolidation pour le considérer comme pertinent. Au demeurant, dans les descriptions qu'il fait des symptômes dont souffre M. [N], il n'indique pas ceux qui n'existaient pas en 2017 ou ceux qui se seraient aggravés. Le seul fait de la survenue de nouvelles hospitalisations, dont il n'est précisé ni le nombre, ni la durée ni la suite donnée, ne saurait apporter la preuve de l'aggravation des séquelles initiales.

Il résulte ainsi de ce qui précède que M. [N] ne démontre pas l'existence d'une aggravation de ses séquelles à la suite de la rechute consolidée au 9 avril 2019 et ne produit pas davantage d'éléments de nature médicale révélant un différent d'ordre médical qu'il conviendrait de trancher par la voie d'une expertise.

Enfin, s'agissant de l'incidence professionnelle, la cour relèvera qu'elle a bien été prise en compte par la Caisse dès 2017 puisque le médecin-conseil note, dans la discussion médico-légales « des retentissements importants dans la vie professionnelle » et « une impossibilité de reprendre une activité professionnelle à au moins deux ans » et qu'il conclut à un taux de 40 % en tenant compte « d'un retentissement important sur l'activité professionnelle».

Les éléments versés aux débats par M. [N] ne permettent pas de majorer le taux retenu d'autant que depuis, il a repris son activité professionnelle.

Au regard de ces observations et du barème rappelé ci-avant, la cour juge que c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'à la date de la consolidation de la rechute, il n'existait pas d'aggravation des séquelles et qu'il a confirmé le taux d'incapacité permanente partielle de M. [N] à 40 %.

La décision sera confirmée.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [N], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par M. [G] [N] recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 6 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry (RG 21/371) en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE M. [N] de sa demande de condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNE aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/09252
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.09252 ?
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