La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2024 | FRANCE | N°22/09120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juin 2024, 22/09120


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juin 2024



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09120 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTAA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/06236



APPELANTE

Madame [K] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe DALLE, avo

cat au barreau de PARIS, toque : C1508

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003996 du 24/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



INTIMEE

LA MDP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09120 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTAA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/06236

APPELANTE

Madame [K] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe DALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1508

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/003996 du 24/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

LA MDPH DES YVELINES

Section adultes

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par M. [D] [B] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

M Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [U] d'un jugement rendu le 5 octobre 2022 (RG19/06236) par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la MDPH des Yvelines.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [K] [U] a sollicité, le 22 juillet 2016 de la maison départementale des personnes handicapées des Yvelines (désignée ci-après la MDPH) le bénéfice de l'allocation adulte handicapé, laquelle, après examen de sa situation par une équipe pluridisciplinaire, a considéré son taux d'incapacité comme étant inférieur à 50 % et a donc refusé sa demande par décision du 1er décembre 2016.

Saisie d'un recours gracieux par Mme [U], la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a, par une décision du 6 avril 2017, confirmé le refus d'allocation de l'allocation adulte handicapé (AAH).

Mme [U] a formé un nouveau recours gracieux, le 19 avril 2017, qu'elle accompagnait de nouveaux éléments et demandait une réévaluation de son taux d'incapacité ainsi que l'AAH.

La CDAPH a, par décision du 19 octobre 2017, rejeté de nouveau la demande relevant que si l'équipe pluridisciplinaire estimait désormais que son handicap justifiait l'attribution d'un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %, il ne faisait pas apparaître une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE).

C'est dans ce contexte que Mme [U] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris, recours qui, en application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, a été transféré le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris.

Le 1er janvier 2020, l'instance s'est poursuivie devant le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal a :

- ordonné une expertise médicale sur pièces qu'il a confiée au docteur [W] [H] avec pour mission de :

o décrire, en se plaçant rétrospectivement à la date du 19 octobre 2017, l'état de santé de Mme [U],

o dire si le taux d'incapacité estimé par la CDAPH des Yvelines a été correctement évalué,

o dans la négative, déterminer le taux d'incapacité de Mme [U],

o dire si Mme [U] présente le cas échéant une restriction substantielle et durable à l'accès à l'emploi en raison de son état de santé,

- rappelé que les frais seront supportés par la caisse nationale d'assurance maladie,

- sursis à statuer sur les demandes de Mme [U] en l'attente du résultat de l'expertise.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 15 mars 2022.

Par jugement du 5 octobre 2022, le tribunal a :

- débouté Madame [K] [U] du recours exercé contre la décision du 19 octobre 2017 de la maison départementale des personnes handicapées des Yvelines rejetant sa demande d'allocation adulte handicapé au motif que son taux d'incapacité est compris entre 50 et 79 % mais ne fait pas apparaître de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi,

- dit que Madame [K] [U] supportera l a charge des dépens.

Le jugement a été notifié aux parties le 11 octobre 2022 et Mme [U] en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 18 octobre 2022.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 31 octobre 2023 puis, faute pour les parties d'avoir été en état, renvoyée à celle du 20 mars 2024, lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.

Mme [U], développe oralement ses conclusions n°2, et demande à la cour de :

- dire que son taux d'incapacité permanente est compris entre 50 et 79 % et qu'elle a souffert jusqu'au 30 octobre 2023 d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi,

- lui accorder le bénéfice de l'allocation adulte handicapé pour la période courue du 21avril  2017 à l' âge légal du départ à la retraite,

- condamner la MDPH aux dépens.

La MDPH, reprenant oralement le bénéfice de ses observations écrites, demande à la cour de :

- dire le recours introduit par Mme [K] [U] mal fondé,

- constater que Mme [U] présentait un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % à la date de la décision contestée ;

- constater que Mme [U] ne présentait pas de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi à la date de la décision contestée,

- confirmer, par conséquent, la décision de la CDAPH du 19 octobre 2017 soit le rejet de la demande d'allocation aux adultes handicapés,

- rejeter pour le surplus, l'intégralité des demandes de Mme [U].

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 7 juin 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur l'allocation adulte handicapé

Moyens des parties

Mme [U] indique qu'à la suite des graves brûlures dont elle a été victime en 2005, elle a développé de multiples pathologies en mai 2005. Ainsi, le scanner réalisé en mai 2016 a montré une ossification des muscles jumeaux inférieurs et partielle du muscle puriforme, une volumineuse excroissance osseuse au niveau du fémur. Elle subit encore des cicatrices dysmorphiques ainsi que des séquelles de coxarthrite bilatérale. En janvier 2017, son médecin a relevé une polyarthrite rhumatoïde. Elle indique encore souffrir d'un syndrome psychiatrique qui est à l'origine d'un comportement atone l'égard de ses proches et du monde en général ce qui ne lui permet pas de travailler. Depuis le 3 juillet 2019, cet état l'a contrainte à quitter son domicile en laissant une dette locative pour s'installer chez sa mère avec ses enfants.

Elle considère que les certificats médicaux qu'elle produit, à savoir notamment, celui établi le 28 septembre 2017 par le docteur [F], (pièce 6), celui écrit le 4 janvier 2018 par le docteur [M] (pièce 7) et celui rédigé le 11 septembre 2019 par le docteur [X] (pièce 11) démontrent que si son taux d'incapacité est fixé entre 50 et 79 %, il doit lui être reconnue une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Elle indique qu'elle se trouvait, jusqu'en 2023, dans l'impossibilité insurmontable de tenir un quelconque emploi en raison de son état de santé.

La MDPH entend rappeler qu'il doit être fait une distinction entre un taux d'incapacité, lié aux conséquences du handicap et un taux d'invalidité, qui est lié à la pathologie en elle-même. C'est pourquoi, pour une même pathologie, l'équipe pluridisciplinaire peut, selon les conséquences et les répercussions observées dans la vie professionnelle, sociale et domestique de la personne, attribuer un taux d'incapacité différent. Au moment du dépôt de sa demande, le certificat médical produit par Mme [U] mentionnait des séquelles esthétiques, quelques séquelles fonctionnelles et une brûlure corporelle au 3ème degré survenue en 2005 ayant touché 60 % de la surface corporelle. Il n'était nullement évoqué de troubles psychiatriques et aucun élément n'avait été fourni en ce sens. D'ailleurs, le médecin de Mme [U] précisait qu'elle ne rencontrait aucune difficulté dans l'orientation dans le temps et l'espace ni de difficulté pour la gestion de sa sécurité personnelle et la maîtrise de son comportement. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'elle ne présentait pas de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi et si l'expert a mentionné le contraire, force est de constater qu'il s'est prononcé sans faire référence à la moindre pièce et qu'il n'a même pas expliqué sa position à ce sujet. Au contraire, Mme [U] apparaissait peu gênée dans la mobilité des quatre membres, ne présentait pas de restriction ni dans sa vie sociale, ayant une famille et des enfants, ni dans sa vie professionnelle puisqu'elle ne travaillait plus depuis 2002 alors que son accident a eu lieu en 2005.

Elle indique enfin que Mme [U] n'avait entrepris aucune démarche de recherche d'emploi et qu'elle n'apportait aucun élément pouvant attester qu'elle rencontrait des difficultés d'accès à l'emploi ne pouvant être surmontées par le suivi d'une formation. Seuls sont versés un certificat médical du docteur [X] 11 septembre 2019 qui indique 'qu'elle ne peut travailler à plein temps, ni à mi-temps' au regard d'un syndrome anxiodépressif avec troubles de comportement (troubles obsessionnels compulsifs, inhibition, schizophrénoïde) et une lettre du même médecin datée du 17 février 2021 indiquant 'qu'à quarante-huit ans, avec trois handicaps majeurs, comment retrouver un travail ' Ceci est complètement évident et l'AAH devrait lui être accordée'. Or, ces deux pièces sont postérieures de deux ans à la date à laquelle devait être appréciée la restriction.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale

Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...).

l'article L. 821-2 du même code précisant

L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes :

1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ;

2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret.

Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 821-1.

Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article D. 821-1 du code de la sécurité sociale

Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %.

Pour l'application de l'article L. 821-2 ce taux est de 50 %.

Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.

Enfin, l'article R. 821-5 du code de la sécurité sociale prévoit

L'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-1 et le complément de ressources prévu à l'article L. 821-1-1 sont accordés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour une période au moins égale à un an et au plus égale à dix ans. Toutefois, l'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale est attribuée sans limitation de durée à toute personne qui présente un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % et dont les limitations d'activité ne sont pas susceptibles d'évolution favorable, compte tenu des données de la science. Un arrêté du ministre chargé des personnes handicapées fixe les modalités d'appréciation de ces situations.

L'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-2 est accordée par ladite commission pour une période de un à deux ans. La période d'attribution de l'allocation peut excéder deux ans sans toutefois dépasser cinq ans, si le handicap et la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi prévue au troisième alinéa de cet article ne sont pas susceptibles d'une évolution favorable au cours de la période d'attribution.

Toutefois, avant la fin de la période ainsi fixée et à la demande de l'intéressé, de l'organisme débiteur ou du préfet de département, les droits à l'allocation et au complément de ressources peuvent être révisés, en cas de modification de l'incapacité du bénéficiaire.

En l'espèce, la cour rappellera que, le 2 juin 2005, Mme [U] a été victime d'un accident domestique ayant entraîné des brûlures entendues sur 62 % de sa surface corporelle dont 59 % au 3 ème degré au niveau du visage, du cou manière circulaire, de la totalité du thorax, du dos, de l'abdomen, de la totalité des bras, des avant-bras, des creux axillaires, des pouces et de l'index des deux mains, de la presque totalité de la face antérieure des deux cuisses, de la majeure partie de la face postérieure de la cuisse droite. Elle a été prise en charge en réanimation et intubée pendant 10 semaines. Elle est restée hospitalisée durant 11 mois.

Pour sa part, l'expert notait que si le certificat médical CERFA du 3 janvier 2017 renseigné par le docteur [I] [N] [J] [X] n'indiquait pas de manière claire que Mme [U] avait développé une atteinte psychiatrique, il mentionnait un traitement en relation avec les dépressions sévères comportant des éléments psychotiques ainsi que des antalgiques donnés dans les douleurs de neuropathies.

La cour constate cependant que l'appréciation du taux d'incapacité de Mme [U], compris entre 50 et 79 % n'est pas contesté.

Ce taux ne permet pas d'attribuer à Mme [U] l'allocation adulte handicapé sauf à ce que soit reconnue l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

A cet égard, l'article D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale définit la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable à l'emploi de la manière suivante :

Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap ;

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.

Il résulte de ce texte que relèvent de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

- les personnes dont les tentatives d'insertion ou de réinsertion professionnelle se sont soldées par des échecs en raison des effets du handicap ;

- les personnes ponctuellement en emploi ordinaire de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont le handicap fluctuant ne leur permet pas une insertion pérenne sur le marché du travail ;

- les personnes en emploi avec un contrat de travail d'une durée supérieure ou égale à un mi-temps, mais dont les conséquences du handicap ne leur permettent plus un maintien pérenne dans leur travail ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail prolongés d'une durée à venir prévisible d'au moins un an dont les conséquences du handicap ne leur permettent pas un exercice effectif et un maintien dans une activité professionnelle ;

- les personnes connaissant des arrêts de travail répétés et réguliers en lien direct avec un handicap au cours d'au moins une année ;

- les personnes ayant strictement besoin de formation pour être employables.

A contrario, relèvent de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

- des personnes exerçant une activité professionnelle (entreprise adaptée incluse) pour une durée de travail supérieure ou égale à un mi-temps sans rencontrer de difficultés disproportionnées liées au handicap pour s'y maintenir (éventuellement avec un aménagement de poste) ;

- des personnes en arrêt de travail prolongé dont la durée prévisible est inférieure à un an;

- des personnes n'ayant pas strictement besoin de formation pour être employables (d'autres compétences acquises sont mobilisables et permettent d'envisager l'accès et le maintien dans l'emploi) ou si la formation ne peut pas être suivie pour des raisons autres que le handicap.

Afin d'évaluer les capacités d'accès ou de maintien dans l'emploi de la personne handicapée, il faut tenir compte :

- des facteurs liés au handicap,

- des facteurs personnels (durée de l'inactivité, formation initiale'),

- des facteurs environnementaux (marché du travail, réseau de transports')

Doivent par contre être exclus les restrictions d'accès à l'emploi liés à des facteurs étrangers au handicap telles que la situation familiale, le logement, les ressources et la barrière linguistique.

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a considéré que si Mme [U], lors de l'évaluation faite par l'équipe pluridisciplinaire, ne pouvait plus exercer son ancienne activité de femme de chambre, elle demeurait en pleine capacité de trouver un travail adapté à ses limitations d'activité. Or, elle indiquait qu'elle ne souhaitait pas travailler ce que corroborait le fait qu'elle n'était pas connue du pôle emploi et qu'elle n'était pas demandeur d'emploi.

L'expert désigné par le tribunal, pour sa part, n'a procédé à aucune analyse de ce chef relevant, sans aucune référence médicale ni motivation particulière que « l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH des Yvelines a été sévère et n'a pas tenu compte des conséquences invalidantes des séquelles de brûlures et des restrictions de son autonomie dans plusieurs domaines ». A l'évidence, cet avis ne permet pas à la cour de considérer son qu'il établit une impossibilité de trouver ou de se maintenir dans un emploi.

Ce faisant, les pièces produites aux débats et les déclarations des parties, permettent de dire que Mme [U] a occupé un emploi d'agent de ménage jusqu'en 2002 date à laquelle elle a décidé de s'occuper de ses enfants. Si, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal le manque d'expérience professionnelle lié à cette interruption et l'absence de recherche d'un emploi ou d'une formation facilitant son retour à l'emploi n'ont pas à être écartés pour déterminer la restriction à l'emploi, il n'en demeure par moins que Mme [U] doit pouvoir justifier que c'est en raison de son handicap qu'elle est limitée ou empêchée d'obtenir un emploi ou de s'y maintenir.

Il sera alors précisé que la cour, tout comme le tribunal, doit analyser la situation de Mme [U] au moment du dépôt de sa demande d'allocation et au plus tard au moment de la saisine de la CDAPH. Dès lors, ne seront pas pris en compte les certificats médicaux ou compte-rendu d'examen postérieurs à ces dates, lesquels pourront par contre servir à un nouvel examen par la MDPH.

Le certificat médical initial présenté par Mme [U] à l'appui de sa demande établi le 30 juin 2016 mentionnait des restrictions modérées de l'autonomie dans le domaine de la motricité et dans celui des actes de la vie quotidienne pour s'habiller et procéder à sa toilette. Il notait des séquelles cicatricielles dysmorphiques du visage, des douleurs diffuses dans tout le corps, des séquelles de coxarthrite bilatérale " coxalgies ++ " (douleurs à la hanche à l'articulation du fémur et du bassin) ainsi que des myosites calcifiantes des articulations (ossification des tissus mous et des ligaments) et une polyarthrite rhumatoïde. Il ne relevait cependant aucun retentissement sur la sécurité et les activités liées à l'entretien personnel étaient tous réalisés sans aide. Le médecin ne notait aucune difficulté grave ou absolue dans aucun des domaines de la vie courante et ne notait aucun retentissement des pathologies sur la vie sociale et familiale ni sur l'emploi. Il n'était absolument pas fait mention de trouble d'ordre psychique, le médecin cochant la case 'pas de difficulté' s'agissant de la cognition, à savoir l'attention, la mémoire, la praxie, le raisonnement, la vitesse d'idéation, le comportement et l'orientation dans le temps et dans l'espace. Le médecin ne notait aucun retentissement sur la vie sociale et familiale ni sur l'emploi.

La synthèse de la visite médicale effectuée au sein de la MDPH le 7 septembre 2017, ne notait aucune difficulté grave ou absolue dans aucun des domaines de la vie courante. Il n'était retenue qu'une difficulté légère pour la marche, se mettre debout, s'habiller/se déshabiller. Il relevait que si Mme [U] indiquait se faire parfois aider pour les courses, elle ne présentait pas d'atteinte de son autonomie individuelle et n'avait pas besoin d'une tierce personne pour les actes essentiels de la vie courante. Aucun trouble psychique n'était mentionné. Le médecin relevait des séquelles esthétiques sur le visage ainsi que des séquelles fonctionnelles à type douleurs musculaires (myosite calcifiante). Il notait que Mme [U] ne présentait pas d'atteinte de son autonomie individuelle, qu'elle était cotée en A pour tous les actes sauf la toilette et l'habillage qui étaient plus douloureux donc cotés en B, mais réalisés seule.

Le 28 septembre 2017, le docteur [E] [F] notait pour sa part que Mme [U] «souffre de poly arthralgies et myalgies en rapport avec une myosite calcifiante diffuse des articulations, suite à des brûlures du 3eme degré survenues il y a douze ans, avec une longue phase de rééducation et semble-t-il une phase de paralysie des 4 membres qui pourrait ressembler à une neuropathie de réanimation (...) Elle ne peut reprendre le travail qu'elle exerçait de femme de chambre compte tenu des douleurs diffuses et de la fatigue». Aucune impossibilité de travailler n'était ainsi mentionnée et il n'était pas fait davantage état d'une situation médicale qui empêcherait une reconversion professionnelle ou le suivi d'une formation.

Le certificat médical établi le 10 janvier 2018 par le docteur [Z] constatait pour sa part que l'examen clinique était normal s'agissant de l'équilibre, du rachis et que les articulations étaient dans la normale, qu'elle ne présentait pas de trouble sensitivo-moteur mais des paresthésies des doigts et une force musculaire légèrement diminuée. Aucune conséquence n'était tirée sur la capacité d'emploi et force est de constater que les résultats de l'examen ne font pas apparaître d'impossibilité de travailler.

Les seul éléments médicaux qui évoquent une impossibilité de travailler sont :

- le certificat médical du docteur [X] établi le 11 septembre 2019, qui, après avoir énuméré les pathologies dont souffre Mme [U] évoque « syndrome anxiodépressif avec troubles de comportement (troubles obsessionnels compulsifs, inhibition, schizophrénoïde» et indique «Ne peut travailler à plein temps ni à mi-temps »,

- la lettre de ce même médecin du 17 février 2021, qui souligne que « le handicap esthétique et le handicap psychiatrique, à eux seuls, empêcheraient Mme [U] d'avoir un emploi ».

Ce faisant, ces certificats médicaux étant établis plus de deux ans après la demande d'allocation adulte handicapé, ils ne peuvent utilement être appliqués à la situation de Mme [U] en 2016 ou 2017 d'autant qu'ils font mention de pathologies, telles que la polyarthrite rhumatoïde, qui sont apparues postérieurement.

Contrairement à ce qui est plaidé, à aucun moment, jusqu'à la date de la demande d'allocation adulte handicapé, il n'est mentionné de troubles dépressifs tels qu'ils empêcheraient tout entrée ou maintien dans l'emploi. Aucun médecin ne le mentionne, le CERFA produit à l'appui de sa demande n'en fait pas mention et l'équipe pluridisciplinaire qui a examiné Mme [U] à deux reprises au moins n'ont ni recueillis de doléances sur ce point et ni surtout constaté aucun comportement traduisant l'existence de tels troubles. S'il n'est pas contestable qu'ultérieurement, un syndrome dépressif est apparu et s'est développé, ce n'était ni le cas en 2016, ni le cas en 2017, dates de la demande et du recours amiable.

A la date de la demande, Mme [U] ne présentait aucune difficulté dans le domaine des relations avec autrui ni dans celui de la communication ni même dans l'application des connaissances et l'apprentissage en lien avec la sphère professionnelle.

D'ailleurs, il pourra être constaté que Mme [U] a travaillé, comme femme de chambre, d'octobre 1990 jusqu'au début de sa première grossesse en août 2001 et qu'elle s'est ensuite consacrée à l'éducation de ses enfants jusqu'à l'accident du 2 juin 2005.

Par ailleurs, malgré ses qualifications professionnelles, Mme [U] ne justifie d'aucune démarche effective de réinsertion accomplie en vue de la recherche d'une formation et d'un emploi compatible avec son état de santé, ni de difficultés rencontrées lors de ces éventuelles démarches qu'il aurait été impossible de compenser par un aménagement de poste sans que cela ne constitue pour lui ou pour l'employeur des charges disproportionnées, ni même de la moindre tentative de reprise d'une activité professionnelle qui aurait échoué du fait de son handicap.

D'ailleurs, lors de la conciliation du 11 octobre 2018 mise en place à la demande de Mme [U], elle indiquait clairement à la MDPH qu'elle souhaitait pas travailler et, pour sa part, le conciliateur confirmait que, si elle ne pouvait pas reprendre son ancien métier, elle avait toutes les capacités pour rechercher un emploi compatible avec ses difficultés.

Aucun élément ne permet donc de considérer qu'après 2005 et jusqu'en avril 2016, Mme [U] n'avait pu retrouver un emploi en raison de son handicap, les seules pièces concomitantes à sa demande d'allocation indiquant qu'elle était en capacité de trouver un travail adapté à ses limitations d'activité, ou de suivre une formation.

Au vu des éléments du dossier, exclusion faite du rapport du médecin consultant qui n'a pas motivé sa position, il y a lieu de dire que Mme [U] ne démontre pas avoir été contrainte de cesser l'une des activités précitées en raison de son handicap. Aucun élément ne permet, en outre, de caractériser une limitation voire une interdiction d'exercice de ces activités compte tenu de troubles psychiques ni même d'établir que son handicap entraverait l'exercice d'une activité adaptée dans une durée supérieure ou égale à un mi temps, en milieu ordinaire ou protégé.

Il y a donc lieu de considérer, compte tenu des éléments versés au dossier, qu'à la date du 19 octobre 2017, Mme [U] qui présentait un taux d'incapacité compris entre 50 et 79'% mais qui n'était pas atteint d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, n'avait pas droit à l'allocation aux adultes handicapés.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, Mme [U], qui succombe, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 5 octobre 2022 (RG19/06236) par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme [U] aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/09120
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.09120 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award