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07/06/2024 | FRANCE | N°22/05405

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 07 juin 2024, 22/05405


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 07 JUIN 2024



(n° , 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05405 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOYF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018060112





APPELANTE



S.A.R.L. OBJECTIF PDA

prise en la personne de ses repré

sentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro 487 869 067



Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 07 JUIN 2024

(n° , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05405 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOYF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018060112

APPELANTE

S.A.R.L. OBJECTIF PDA

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro 487 869 067

Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

INTIMEES

S.E.L.A.S. PHARMACIE LETORT

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 6]

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 894 988 566

Représentée par Me Karine KANOVITCH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1438

S.A.S.U. CEGELEASE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 5]

immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 622 018 091

Représentée par Me Benoît DESCOURS de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Assistée de Me Benjamin MOUROT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE,conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Objectif PDA (anciennement IV2M) a pour activité la fourniture de matériel de préparation de doses de médicaments.

Au cours de l'année 2015, la SELAS Pharmacie Letort, qui exploite une officine de pharmacie, a engagé des négociations avec la SARL Objectif PDA en vue de s'équiper d'un automate de préparation de doses à administrer « ATPRX ». La SARL Objectif PDA a émis un devis en date du 3 août 2015.

La société Pharmacie Letort a conclu, par la suite, un contrat de location avec la SAS Cegelease, destiné à financer l'acquisition du matériel, en contrepartie du paiement de mensualités. Le bailleur financier s'est acquitté, pour sa part, du prix de vente auprès de la société Objectif PDA.

Alléguant des difficultés récurrentes de fonctionnement, le 13 août 2018, la société Pharmacie Letort a mis en demeure la société Objectif PDA de reprendre le matériel litigieux et de l'indemniser de son préjudice.

N'ayant pas obtenu satisfaction, par exploits des 15 et 16 octobre 2018, la société Pharmacie Letort a fait assigner la société Objectif PDA et la société Cegelease devant le tribunal de commerce de Paris, à l'effet notamment de voir prononcer la résolution du contrat de fourniture du matériel et de condamner la société Objectif PDA à lui rembourser le montant des loyers réglés à la société Cegelease, ainsi qu'à retirer l'installation litigieuse.

Selon jugement avant dire droit, en date du 5 décembre 2019, le tribunal de commerce a désigné M. [S] [H] en qualité d'expert judiciaire, qu'il a chargé de donner un avis sur les dysfonctionnements allégués du matériel.

M. [H] a rendu son rapport d'expertise, le 13 mars 2021.

Le 12 juillet 2021, la société Cegelease a engagé une procédure une saisie conservatoire sur les comptes de la société Objectif PDA, ayant permis d'appréhender la somme de 7.254,81 €.

Par jugement en date du 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit la société Objectif PDA irrecevable en sa demande au titre de la prescription,

- Prononcé la résolution du contrat liant la société Pharmacie Letort et la société Cegelease à effet de sa conclusion,

- Débouté la société Cegelease de ses demandes reconventionnelles formulées en principal,

- Condamné la société Cegelease à verser à la société Pharmacie Letort la somme de 72.812,99 € à titre de restitutions de loyers indus,

- Condamné in solidum la société Cegelease et la société Objectif PDA à verser à la société Pharmacie Letort la somme de 2.599,66 € de dommages et intérêts à titre de préjudice économique et a débouté la société Pharmacie Letort du surplus de sa demande,

- Débouté la société Pharmacie Letort de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 14.000 € pour résistance abusive,

- Débouté la société Pharmacie Letort de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15.000 € pour perte de chance,

- Condamné la société Objectif PDA à verser à la société Cegelease la somme de 101.843,99 € TTC, somme de laquelle serait déduite la somme obtenue par la société Cegelease lors de sa saisie attribution en date du 12 juillet 2021, soit 7.254,81 €,

- Condamné la société Cegelease à procéder à l'enlèvement du matériel PDA dans les locaux de la société Pharmacie Letort, à ses frais, dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement,

- Débouté la société Cegelease de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10.184,40 € au titre de la marge brute perdue sur le contrat,

- Débouté la société Cegelease de sa demande d'être relevée et garantie par la société Objectif PDA de toutes condamnations qui concernerait la présente procédure,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- Condamné in solidum la société Cegelease et la société Objectif PDA à verser à la société Pharmacie Letort la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné in solidum la société Cegelease et la société Objectif PDA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 288,78 € dont 47,49 € de TVA.

La société Objectif PDA a formé appel du jugement, par déclaration du 11 mars 2022.

 

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 21 juin 2022, la société Pharmacie Letort a indiqué interjeter un appel incident.

Par conclusions transmises selon le même réseau, le 9 septembre 2022, la société Cegelease a elle-même interjeté un appel incident.

 

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 21 septembre 2022, la SARL Objectif PDA demande à la Cour, au visa des articles 1219 et suivants et 2141 et suivants du code civil, de :

« CONFIRMER le Jugement attaqué en ce qu'il a :

Débouté CEGELEASE de ses demandes reconventionnelles formulées en principal ;

Débouté PHARMARCIE LETORT de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 14.000€ pour résistance abusive ;

Débouté PHARMARCIE LETORT de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15.000€ pour perte de chance ;

Débouté CEGELEASE de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10.184,40€ au titre de la marge brute ;

Débouté CEGELEASE de sa demande d'être relevée et garantie par OBJECTIF PDA de toutes condamnations qui concernerait la présente procédure ;

LE REFORMER pour le reste ;

Et, statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que la société OBJECTIF PDA n'a pas failli à ses obligations contractuelles ;

Par conséquent

A titre principal :

DECLARER irrecevables les prétentions de la société PHARMACIE LETORT au titre de la garantie des vices cachés ;

DEBOUTER la société PHARMACIE LETORT de l'intégralité de ses prétentions ;

DEBOUTER la société CEGELEASE de ses prétentions dirigées à l'encontre de la société OBJECTIF PDA ;

A titre subsidiaire :

ORDONNER la reprise du contrat litigieux à compter de la date de l'arrêt à intervenir, toutes conséquences attachées ;

En tout état de cause :

DEBOUTER la société PHARMACIE LETORT de l'intégralité de ses prétentions ;

CONDAMNER la société PHARMACIE LETORT à verser la somme de 10.000€ à la société OBJECTIF PDA ;

CONDAMNER la société CEGELEASE à restituer à la société OBJECTIF PDA la somme de 101.843,99€ ;

CONDAMNER la société PHARMACIE LETORT aux entiers dépens, incluant ceux de l'expertise judiciaire. » 

 

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 6 février 2024, la SELAS Pharmacie Letort demande à la Cour, sur le fondement des articles 1184 et 1147 ancien et 1719 et suivants du code civil, de :

 

« Confirmer le jugement du 24 janvier 2022 en ce qu'il a :

Dit OBJECTIF PDA irrecevable en sa demande au titre de la prescription ;

Prononcé la résolution du contrat liant PHARMACIE LETORT et CEGELEASE à effet de sa conclusion ;

Débouté CEGELEASE de ses demandes reconventionnelles formulées en principal ;

Condamné CEGELEASE à verser à PHARMACIE LETORT la somme de 72 812,99€ à titre restitutions de loyers indus ;

Condamné in solidum CEGELEASE et OBJECTIF PDA à verser à PHARMACIE LETORT la somme de 2 599,66€ de dommages intérêts à titre de préjudice économique ;

Condamné CEGELEASE à procéder à l'enlèvement de la machine PDA dans les locaux de PHARMACIE LETORT, à ses frais, dans un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;

Condamné in solidum CEGELEASE et OBJECTIF PDA à verser à PHARMACIE LETORT la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamné in solidum CEGELEASE et OBJECTIF PDA aux dépens.

Recevoir la société PHARMACIE LETORT en son appel incident, et infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation formulées par PHARMACIE LETORT,

Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 840,00 € TTC au titre du préjudice économique pour les travaux effectués sur la machine,

Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 20 000 € de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive ainsi que la somme de 14 000 € à titre d'indemnité d'occupation.

Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 15 000 € de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de s'équiper d'un autre robot.

Dire mal fondées et rejeter les prétentions de CEGELEASE qui a manqué à ses obligations à l'égard de PHARMACIE LETORT,

Condamner la société OBJECTIF PDA à payer à la PHARMACIE LETORT la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens. »

 

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 19 février 2024, la SAS Cegelease demande à la Cour, au visa des articles 1184 et 1147 anciens, 1641 et 1645 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

« A titre principal,

Déclarer irrecevable l'appel incident formé par la PHARMACIE LETORT ;

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 24 janvier 2022 en ce qu'il a :

Débouté PHARMACIE LETORT de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 14.000 euros pour résistance abusive ;

Débouté PHARMACIE LETORT de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 15.000 euros pour perte de chance.

LE REFORMER pour le reste ;

Et, statuant à nouveau :

Ordonner la résiliation du contrat de location n°81522432/00 aux torts exclusifs de la PHARMACIE LETORT, du fait de l'arrêt du règlement des loyers sur un matériel choisi par la PHARMACIE LETORT,

Condamner la PHARMACIE LETORT à payer à CEGELEASE :

le solde des loyers contractuellement dus, soit 30 loyers mensuels de 1.373,83 euros (1.144,86 € HT), pour un total de 41.214,90 euros,

l'indemnité de résiliation contractuelle de 10 % prévue à l'article 15.3 de son contrat, d'un montant de 4.121,49 euros.

A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que le matériel choisi par la PHARMACIE LETORT, fourni par OBJECTIF PDA et loué par CEGELEASE à la PHARMACIE LETORT est affecté d'un vice caché le rendant impropre à son usage, CEGELEASE serait fondée à solliciter de la Cour qu'elle :

Confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 24 janvier 2022 et condamne OBJECTIF PDA à restituer à CEGELEASE le prix qu'elle a reçu de la vente du matériel d'un montant de 101.843,99 euros TTC,

Condamne OBJECTIF PDA à garantir et relever CEGELEASE de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de la présente instance,

Condamne OBJECTIF PDA à indemniser CEGELEASE à lui verser la somme de 10.184,40 euros au titre de la marge brute perdue sur ce contrat.

En toute hypothèse,

Condamner OBJECTIF PDA à verser la somme de 6.960,00 à CEGELEASE au titre du coût de récupération du matériel.

Condamner OBJECTIF PDA et la PHARMACIE LETORT à verser à CEGELEASE une somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter OBJECTIF PDA et PHARMACIE LETORT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et les dire mal fondées,

Condamner OBJECTIF PDA et la PHARMACIE LETORT aux entiers frais et dépens de l'instance. »

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2024.

Par message RPVA du 14 mai 2024, la Cour a invité les parties à répondre, dans le cadre d'une note en cours de délibéré, au moyen soulevé d'office selon lequel les dysfonctionnements du matériel étaient susceptibles d'entraîner la résolution du contrat de fourniture conclu entre la société Pharmacie Letort et la société Objectif PDA et, partant, la caducité du contrat de location financière conclu entre la société Pharmacie Letort et la société Cegelease.

Les parties ont chacune adressé une note en cours de délibéré, reçue respectivement le 22 mai 2024, pour la société Pharmacie Letort, le 27 mai 2024 dans l'intérêt de la société Cegelease et, le 28 mai 2024 pour le compte de la société Objectif PDA.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur l'appel incident de la société Pharmacie Letort

 

Enoncé des moyens

La société Cegelease fait valoir que l'appel incident de la société Pharmacie Letort, interjeté selon conclusions transmises par RPVA, le 21 juin 2022, est irrecevable, faute pour celle-ci d'avoir sollicité l'infirmation ou l'annulation du jugement dans le dispositif de ses écritures. Elle ajoute que la saisine de la Cour d'une demande d'infirmation, présentée pour la première fois, dans ses conclusions du 6 février 2024, est elle-même irrecevable, dès lors qu'elle a été formalisée après l'expiration du délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile, et qu'en tout état de cause, la société Pharmacie Letort a omis d'indiquer les chefs du jugement critiqués aussi bien dans sa déclaration d'appel que dans ses conclusions.

La société Pharmacie Letort ne formule aucune observation.

 

Réponse de la Cour

Il résulte des articles 542 et 594 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni son annulation, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel.

L'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile, le respect des diligences imparties, en termes de délais, par les articles 909 et 910 dudit code, est nécessairement apprécié en considération de cet article 954.

En l'occurrence, la société Objectif PDA a, par déclaration du 11 mars 2022, interjeté un appel principal limité aux chefs du jugement l'ayant déclarée irrecevable en sa demande au titre de la prescription, prononcé la résolution du contrat liant la société Pharmacie Letort et la société Cegelease, condamné la société Cegelease à restituer les loyers indus et procéder à l'enlèvement du matériel, ainsi que des chefs de condamnations prononcées à son encontre.

La société Objectif PDA a transmis ses premières conclusions d'appelante, le 10 juin 2022.

Par conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats, le 9 septembre 2022, la société Cegelease a interjeté un appel incident portant sur l'ensemble des chefs du jugement, sauf en ce que les premiers juges avaient débouté la société Pharmacie Letort de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et perte de chance.

En application de l'article 910 du code de procédure civile, la société Pharmacie Letort disposait ainsi d'un délai de trois mois à compter de la notification de l'appel incident de la société Cegelease, pour régulariser un nouvel appel incident, soit jusqu'au 9 décembre 2022.

La société Pharmacie Letort a transmis, par voie électronique, des conclusions le 21 juin 2022, portant en-tête mention d'un appel incident. Le dispositif de ces écritures ne comporte, cependant, aucune demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminant l'objet de l'appel, mais uniquement une demande visant à la recevoir en son appel incident suivie d'un récapitulatif de différentes demandes de condamnation. Elle a, ensuite, communiqué, des conclusions le 14 octobre 2022, dont le dispositif était rédigé de façon identique.

Il y a donc lieu de dire que ces premières conclusions, n'ont pas saisi valablement la Cour d'un appel incident.

La société Pharmacie Letort a ensuite communiqué, dans les mêmes formes, des « conclusions en réplique d'intimée » le 6 février 2024, contenant dans leur dispositif, des demandes visant à « Recevoir la société PHARMACIE LETORT en son appel incident, et infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation formulées par PHARMACIE LETORT ».

Ces dernières conclusions, bien qu'elles tendent à voir infirmer une partie du jugement, ont, pour autant, été transmises plus de trois mois après la notification de l'appel incident de la société Cegelease, autrement dit au-delà du délai imparti par l'article 910 du code de procédure civile.

Il en résulte que la Cour n'est saisie d'aucun appel incident de la société Pharmacie Letort et qu'elle n'a pas à statuer sur les demandes visant à :

« Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 840,00 € TTC au titre du préjudice économique pour les travaux effectués sur la machine,

Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 20 000 € de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive ainsi que la somme de 14 000 € à titre d'indemnité d'occupation.

Condamner OBJECTIF PDA et CEGELEASE à verser à la PHARMACIE LETORT la somme de 15 000 € de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de s'équiper d'un autre robot. »

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés

Enoncé des moyens

La société Objectif PDA prétend que l'action en garantie des vices cachés, à laquelle le jugement fait référence pour motiver la résolution du contrat litigieux fondée sur une exception d'inexécution, se heurte à la prescription.

La société Pharmacie Letort réplique que le tribunal a estimé que l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société Objectif PDA était suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat, sans faire référence à l'action en garantie des vices cachés.

 

Réponse de la Cour

Selon l'article 1648, alinéa 1er du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il résulte de la lecture du jugement querellé que le tribunal a écarté le moyen tiré de la prescription de l'action de la société Pharmacie Letort, au motif que celle-ci sollicitait, dans ses dernières conclusions, « la résolution du contrat au visa de l'exception d'inexécution », et qu'elle ne prétendait plus agir sur le fondement de l'action en garantie des vices cachés, qu'elle invoquait initialement dans l'assignation.

Dans le dernier état de ses prétentions, à l'audience du 7 décembre 2021, telles qu'elles sont retranscrites dans le jugement, la société Pharmacie Letort demandait, néanmoins, au tribunal de « Dire recevable l'action en garantie des vices cachés engagée par PHARMACIE LETORT à l'encontre de la société OBJECTIF PDA », de sorte que c'est à tort que le tribunal a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Objectif PDA.

En cause d'appel, dans le dispositif de ses conclusions, la société Pharmacie Letort fonde ses prétentions sur les articles 1184 et 1147 anciens du code civil. Elle se prévaut, néanmoins, dans les motifs, du caractère impropre de la machine à son usage, ce qui se rapporte au fondement de l'action en garantie des vices cachés, dont la juste qualification doit être restituée par la Cour.

Le jugement sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Objectif PDA.

Pour soutenir que l'action serait prescrite, la société Objectif PDA n'invoque, pour autant, aucun argumentaire juridique. Elle n'explique ainsi nullement la raison qui justifierait, selon elle, que l'action la société Pharmacie Letort aurait introduite après l'expiration du délai de prescription prévu par l'article 1648 du code civil, mais se borne, dans ses écritures, à demander à la Cour de juger « bien-fondée la demande de la société OBJECTIF PDA visant à faire établir l'extinction du droit d'agir de la société PHARMACIE LETORT du chef des dispositions de l'article 1641 du Code civil ».

En tout état de cause, il résulte des explications de l'expert judiciaire que la machine, mise en service le 8 avril 2016, n'a pas été utilisée avant le remplacement d'un logiciel, intervenu au mois de septembre 2016, le procès-verbal de réception ayant été signé le 18 septembre 2016, et qu'elle n'a fonctionné ensuite que très occasionnellement, pour faire des essais, jusqu'au 6 décembre 2017, date à partir de laquelle elle a été utilisée en production de série. La découverte du défaut affectant le matériel par la société Pharmacie Letort n'a pu ainsi intervenir avant le 6 décembre 2017. Il s'est donc écoulé un délai de moins de deux ans, entre cette découverte et la délivrance des assignations, les 15 et 16 octobre 2018, ce dont il s'ensuit que l'action ne se heurte pas à la prescription.

Les demandes de la société Pharmacie Letort seront ainsi déclarées recevables.

Sur la résolution du contrat de fourniture du matériel et la caducité du contrat de location financière

Enoncé des moyens

La société Objectif PDA explique la société Pharmacie Letort devait jouer le rôle de pharmacie pilote dans l'utilisation du matériel, qui présentait un caractère inédit, ce qui lui a permis de bénéficier de conditions tarifaires plus avantageuses. Elle indique qu'elle a fourni un devis, qui a été accepté par la société Pharmacie Letort, sur la base duquel celle-ci a conclu un contrat de location financière avec la société Cegelease, à laquelle le matériel a été vendu. Elle précise que la société Pharmacie Letort a décliné sa proposition de souscrire un contrat de maintenance du matériel, postérieurement au terme de la garantie. Elle soutient qu'elle a pleinement respecté ses obligations contractuelles, en procédant notamment à la livraison et à l'installation de la machine et en délivrant plusieurs formations au personnel de la société Pharmacie Letort, l'absence d'usage du robot étant liée, non pas à des dysfonctionnements, mais au manque de clientèle suffisante des maisons de retraite de l'intimée. Elle ajoute que la motivation retenue par le tribunal est contestable, en soulignant que l'exception d'inexécution, fût-elle fondée, ne permettait pas de rompre le contrat mais seulement d'en suspendre l'exécution, et que la société Cegelease a bénéficié d'un enrichissement sans cause en obtenant à la fois d'être indemnisée du prix de vente et de pouvoir reprendre possession de la machine litigieuse. En réponse au moyen soulevé d'office par la Cour, elle réplique que la demande en garantie émise à son encontre par la société Cegelease, dans le cadre de sa note en délibéré, qui ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions, est manifestement irrecevable.

La société Pharmacie Letort invoque le rapport de l'expert judiciaire ayant permis de démontrer que la machine donnée en location était impropre à sa destination depuis son installation. Elle prétend que l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société Objectif PDA présentait ainsi un caractère suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat. Elle soutient que la société Cegelease n'a pas respecté non plus ses engagements contractuels, en soulignant que celle-ci a refusé de communiquer le bon de commande du matériel. Elle prétend, plus précisément, qu'elle n'aurait pas donné suite au projet si elle avait eu connaissance des réserves émises par la société Cegelease concernant le fournisseur, qui n'avait pu être agréé. Selon elle, la société Cegelease n'a pas uniquement financé la machine, mais a joué un rôle actif dans la vente qu'elle a orchestrée avec la société Objectif DTA, ce dont témoigne le caractère non conforme des documents contractuels ; elle fait valoir, à cet égard, que le matériel n'est pas décrit, que l'avenant ne précise pas de quel contrat il s'agit et que les règlements d'acompte ne correspondent pas aux engagements prévus. Dans sa note rendue en cours de délibéré, elle ajoute que la circonstance que la machine n'ait jamais fonctionné a justifié le prononcé de la résolution du contrat de vente aux torts de la société Objectif PDA à effet au jour de sa conclusion, ce qui entraîne la caducité du contrat de location financière qu'elle a conclu avec la société Cegelease et l'obligation pour cette dernière de lui rembourser le montant des loyers versés ; elle souligne que les premiers juges ont prononcé la résolution du contrat entre la société Cegelease et la société Objectif PDA à effet de sa conclusion, de sorte que la totalité des loyers payés doit lui être remboursés.

La société Cegelease réplique qu'elle a rempli ses obligations, en rachetant l'automate, en procédant au paiement des acomptes et en s'assurant de sa livraison. Elle rappelle, à cet égard, que la société Pharmacie Letort a pris l'initiative de la solliciter pour financer le matériel qu'elle avait choisi. Elle prétend que l'absence de communication de l'acte d'achat ne lui a pas causé de préjudice, que le versement d'acomptes a été rendu nécessaire en raison de la spécificité du matériel et que les avenants au contrat ont permis de satisfaire à la demande de sa cliente qui avait renégocié le prix avec le fournisseur. Elle explique que, devant l'insistance de la société Pharmacie Letort, elle a été contrainte de procéder à une dérogation exceptionnelle auprès de son comité afin d'agréer le fournisseur. Elle estime inversement que la société Pharmacie Letort a commis une faute lourde, en cessant de régler les loyers à compter du mois de décembre 2020, de nature à justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait que le matériel serait affecté d'un vice caché, elle estime que la société Objectif PDA devrait être condamnée à lui restituer le prix de vente du matériel. Enfin, en réponse au moyen soulevé d'office, invoquant les dispositions de l'article 1186 du code civil, elle réplique que les conditions de la caducité du contrat de location financière ne sont pas réunies ; elle fait valoir, à cet égard, qu'il n'existe aucun contrat conclu entre la société Pharmacie Letort et la société Objectif PDA ; elle souligne qu'elle a ainsi procédé à l'acquisition du matériel directement auprès de la société Objectif PDA, avant de le mettre à la disposition de la société Pharmacie Letort, qui l'avait choisi, tout en rappelant que le tribunal a prononcé la résolution, non pas du contrat de vente qu'elle a conclu avec la société Objectif PDA, mais la résolution du contrat de location financière. Elle ajoute qu'elle n'avait pas connaissance, en tout état de cause, d'une quelconque opération d'ensemble. Pour le cas où la caducité du contrat de location financière serait, malgré tout, prononcée, elle fait valoir qu'elle serait fondée à solliciter la condamnation de la société Objectif PDA à lui restituer le prix de vente du matériel.

 

Réponse de la Cour

La Cour souligne, à titre liminaire, que les pièces versées aux débats ne sont pas complètes et que la date, qui figure en lettres manuscrites, sur certaines d'entre elles est en tout ou partie illisible, de sorte qu'il ne peut être rendu compte de la chronologie exacte des actes conclus entre les parties.

Néanmoins, il résulte indiscutablement de l'examen de ces pièces que :

- le 3 août 2015, la société Objectif PDA a établi un devis à l'attention de la société Pharmacie Letort, portant sur l'acquisition d'un « Automat ATPrx ' Modèle Carousel 350 canisters », de services et d'accessoires, pour le prix de 94.180 € HT ;

- une convention de « gestion d'acompte », conclue entre la société Pharmacie Letort et la société Pharmalease, au mois d'août 2015, datée vraisemblablement du 30 du mois, dans laquelle il est indiqué que le bailleur financier n'a pu faire agréer le fournisseur pour la Gestion d'acompte et qu'il a sollicité, en conséquence, une dérogation exceptionnelle auprès de son Comité ;

- un avenant au contrat de location financière, établi le 4 septembre 2015, entre la société Pharmacie Letort et la société Cegelease marque Pharmalease, rappelant les conditions de la « Gestion d'acompte », à hauteur de 50 %, qui précise que le montant de la commande du « robot PDA » à la société IV2M, s'élève à 94.180 € HT et que le locataire devra s'acquitter de quatre-vingt-quatre loyers de 1.270,45 € HT;

- une demande de financement de la société Pharmacie Letort, signée le 18 septembre 2015, portant le cachet de la société IV2M, adressée à la société Pharmalease, prévoyant le règlement de quatre-vingt-quatre loyers de 1.270,45 € HT, sur une durée de sept ans, sans désignation du matériel financé ;

- un contrat de location conclu entre la société Pharmalease et la société Pharmacie Letort, dont la date de signature est illisible, qui stipule que le locataire s'engage à prendre en location le matériel « Automat ATPRX », en contrepartie du paiement de quatre-vingt-quatre loyers de 1144,86 € HT par mois.

- un procès-verbal de réception et de conformité, signé à une date ignorée, par la société Pharmacie Letort et la société IV2M ;

- l'accord de la société Pharmacie Letort, donné à la société Pharmalease, après réception d'un courrier du 6 octobre 2015, afin que celle-ci règle une seconde facture d'acompte de la société Objectif PDA, d'un montant de 32.963,33 € HT ;

- un courrier de la société Pharmalease adressé à la société Pharmacie Letort, le 12 avril 2016, confirmant avoir réceptionné la facture définitive de la société Objectif PDA, pour le solde de 14.126, 67 € HT, ainsi que la mise en place du contrat d'agencement, qui précise que le montant financé est de 94.180 € HT, moyennant le paiement de quatre-vingt-quatre loyers de 1.270,45 € HT, avec un loyer intermédiaire de 719 € HT entre le 12 et le 30 avril 2016, le contrat prenant effet à compter du 1er mai 2016 avec arrêt simultané de la gestion d'acompte ;

- un courrier daté du 8 juin 2016 de la société Pharmalease à l'attention de la société Pharmacie Letort, dans lequel le bailleur indique avoir reçu la facture de solde de la société Objectif PDA d'un montant de 4.816,66 € HT correspondant au nouveau montant de 84.869,99 € HT, nouveau prix validé entre sa cliente et son fournisseur, et que le contrat débutera le 1er juillet 2016, avec arrêt simultané de la gestion d'acompte, le montant des loyers étant fixé, sur une durée de financement de quatre-vingt-quatre mois, à hauteur de 1.144,86 €, avec un loyer intermédiaire de 660 € HT entre les 8 et 30 juin 2016.

Il n'est pas discuté que la société Pharmacie Letort n'avait pas souscrit de contrat de maintenance du matériel auprès de la société Objectif PDA.

Aucun bon de commande édité par la société Objectif PDA n'a été produit. Néanmoins, la société Objectif PDA et la société Pharmacie Letort s'accordent à expliquer qu'elles ont engagé directement des négociations portant sur la fourniture d'un nouveau prototype de machine, le vendeur expliquant que la société Pharmacie Letort devait jouer le rôle de pharmacie « pilote ». Force est effectivement de constater que la société Objectif PDA a établi un devis à l'attention de la société Pharmacie Letort, et que la société Cegelease reconnaît, dans ses dernières conclusions, que le locataire a sélectionné lui-même le fournisseur.

La société Cegelease souligne, pour autant, à juste titre, que le contrat de vente du matériel a été conclu exclusivement entre celle-ci et la société Objectif PDA, le prix de vente ayant été réglé à cette dernière par le bailleur financier.

Il s'ensuit que les dysfonctionnements de l'appareil, à les supposer avérés, sont susceptibles d'entraîner, le cas échéant, la résolution du contrat de vente conclu entre la société Objectif PDA et la société Cegelease, et partant la caducité du contrat de location financière.

- Sur la résolution du contrat de vente

L'article 1641 du code civil dispose : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »

Selon l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'article 1644 dudit code ajoute : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

Il résulte des explications de M. [H], qui figurent dans les comptes-rendus de réunion d'expertise, que la machine, destinée à produire des sachets de médicaments correspondant aux prises de chaque patient selon les prescriptions médicales, a été installée et mise en service au mois d'avril 2016, et que la date du procès-verbal de réception et de conformité du matériel, après un test d'écriture, doit être fixée au 18 septembre 2016. Il précise que la machine fonctionnait en étant connectée à internet, via un logiciel, ce qui supposait que l'utilisateur saisisse préalablement les ordonnances des malades.

Lors de sa première intervention, l'expert a constaté qu'il était impossible de faire démarrer la machine. Il explique que la panne, survenue à la fin du mois de juillet 2018, était due à un court-circuit, qui a conduit à la destruction des résistances de chauffage des barres de soudure, et que ce court-circuit a été causé par un défaut de montage de l'une des résistances, indépendant de l'utilisation ou de l'entretien de la machine.

L'appareil ayant pu être remis en marche, il a été procédé à des essais. M. [H] a alors constaté quatre défauts de distribution et de comptage des médicaments qu'il impute à des défaillances de la machine ; il s'agit probablement, selon lui, de problèmes de fonctionnement, de fabrication voire de conception, ces défauts étant indépendants de son utilisation. Il précise que la résolution de ces problèmes, en lien avec les adhésifs et les capteurs, permettrait d'améliorer le fonctionnement de l'appareil, mais qu'il n'est pas certain qu'ils en soient uniquement les causes. Il en conclut que l'appareil ne présente pas une fiabilité suffisante pour assurer une production régulière, ce qui le rend, en l'état, impropre à l'usage pour lequel il a été vendu.

Bien que M. [H] ait interrompu ultérieurement ses opérations d'expertise, ce qui l'a amené à déposer son rapport en l'état, ce dernier a, néanmoins, mené des investigations suffisamment approfondies, pour lui permettre de déterminer, selon une analyse circonstanciée, que l'appareil fourni par la société Objectif PDA était impropre à sa destination depuis son installation, à défaut d'assurer une distribution fiable des médicaments.

Il s'infère des explications de l'expert que les dysfonctionnements constatés, imputables à des défauts de fabrication voire de conception, étaient antérieurs à la fourniture de l'appareil, date à laquelle ils ne pouvaient être décelés par la société Pharmacie Letort.

Aussi, c'est en vain que la société Objectif PDA reproche à la société Pharmacie Letort d'avoir omis de souscrire un contrat de maintenance et qu'elle se prévaut de la délivrance d'une formation du personnel, aussi bien que de l'absence de clientèle suffisante de la pharmacie.

Au vu de ces éléments, il convient de prononcer la résolution du contrat de vente de la machine conclu entre la société Objectif PDA et la société Cegelease, au jour du 3 août 2015, date à laquelle le vendeur a établi un devis.

- Sur la caducité du contrat de location financière

En application de l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur avant le 1er octobre 2016, applicable aux faits de la cause, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, et l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres.

Il est de principe que, du fait de l'interdépendance des contrats dits de partenariat et de location financière en cause, sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance, telles les clauses dites « de non-recours » stipulées dans le contrat de location, dès lors que le locataire a la faculté de demander, par voie d'action comme par voie d'exception, en défense à une assignation du bailleur, la résiliation préalable du contrat de fourniture ou de prestation, à condition d'avoir mis en cause le fournisseur ou le prestataire, ou leur liquidateur, puis la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, peu important que le bailleur ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire stipulée dans ce dernier contrat (par ex., Ch. mixte., 17 mai 2013, n° 11-22.768, publié au Bulletin ; Com., 13 décembre 2017, n° 16-21.362, inédit).

Dans le cas présent, le contrat de vente et le contrat de location financière procèdent d'une opération financière unique. Le bailleur, qui a accepté de financer l'appareil fourni par la société Objectif PDA, en s'acquittant directement de ses factures, avait nécessairement connaissance de l'existence de cette opération d'ensemble.

Il convient ainsi de constater la caducité du contrat de location souscrit auprès de la société Cegelease à compter du 4 septembre 2015, correspondant à la première date certaine de signature de la convention, par suite de la résolution du contrat de vente, prononcée à la date du 3 août 2015.

Le jugement sera corrélativement infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat liant la société Pharmacie Letort et la société Cegelease.

La société Cegelease sera, en conséquence, déboutée de ses demandes au titre du paiement des loyers et de l'indemnité contractuelle de résiliation, le jugement devant être confirmé sur ce point.

Le contrat de location financière étant caduc, la société Cegelease reste, en outre, tenue de restituer les loyers indûment réglés par le locataire. Il y a lieu, par conséquent, de confirmer le chef du jugement l'ayant condamnée à payer, à ce titre, à la société Pharmacie Letort la somme de 72.812,99 €.

La société Objectif PDA sera corrélativement déboutée de sa demande subsidiaire visant à voir ordonner la reprise du contrat à compter de la date de l'arrêt rendu par la Cour.

Sur la restitution du matériel

La société Cegelease justifie, au vu d'une facture établie par la société E Santé Robotik, datée du 5 septembre 2022, qu'elle a fait procéder à l'enlèvement du matériel dans les locaux de la société Pharmacie Letort, de sorte que cette demande est désormais sans objet. Le jugement sera, dès lors, infirmé du chef de la condamnation de la société Cegelease prononcée à ce titre.

Sur les demandes d'indemnisation de la société Pharmacie Letort

 

La société Pharmacie Letort établit, au vu de deux factures, qu'elle a dû supporter des coûts de transport et de fixation d'une plaque métallique, pour l'installation de la machine, dont la nécessité n'est pas contestée par la société Objectif PDA. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné celle-ci à indemniser la société Pharmacie Letort à hauteur de 2.599,66 € au titre de son préjudice économique. Il sera inversement infirmé du chef de condamnation prononcé à l'encontre de la société Cegelease, qui n'est intervenue que dans l'opération de financement.

Pour le reste, il sera rappelé que la Cour n'a pas été saisie d'un appel incident portant sur les chefs de rejet des autres demandes d'indemnisation de la société Pharmacie Letort, sur lesquels il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur les demandes de la société Cegelease à l'encontre de la société Objectif PDA

Contrairement à ce que prétend la société Objectif PDA, dans sa note adressée en cours de délibéré, la demande de la société Cegelease portant sur la restitution du prix de vente figurait déjà dans ses conclusions communiquées le 19 février 2024, si bien que cette prétention est recevable.

Par suite de la résolution du contrat de vente du matériel, la société Objectif PDA sera condamnée à restituer à la société Cegelease le prix de vente réglé par le bailleur financier. Sur ce point, il y a lieu de souligner que la société Objectif PDA, qui reste propriétaire de la machine, ne sollicite pas sa restitution. Elle ne saurait ainsi légitimement opposer à la société Cegelease un quelconque enrichissement sans cause, par suite de la reprise du matériel à laquelle celle-ci avait été condamnée en première instance, le bailleur financier indiquant tenir, en tout état de cause, le matériel à sa disposition.

 

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société Objectif PDA à verser à la société Cegelease la somme de 101.843,99 € TTC, somme de laquelle sera déduite la somme obtenue par la société Cegelease lors de sa saisie attribution en date du 12 juillet 2021, soit 7.254,81 €.

 

La société Objectif PDA devra également indemniser la société Cegelease du coût de la récupération du matériel à hauteur de 6.960 € correspondant au montant de la facture de la société E Santé Robotik.

L'ensemble contractuel ayant été anéanti, la société Cegelease n'est pas fondée à solliciter une quelconque indemnisation au titre d'une perte de marge brute,

Pour le reste, la société Cegelease n'allègue aucun fondement juridique au soutien de sa demande visant à être relevée et garantie par la société Objectif PDA des condamnations prononcées à son encontre, étant souligné que le vendeur a été condamné, en tout état de cause, à lui restituer le prix de vente, ce que le tribunal de commerce a relevé à juste titre.

Le jugement sera inversement confirmé sur ces deux derniers chefs de rejet

Sur les autres demandes de la société Objectif PDA

Par suite des développements qui précèdent, la demande de la société Objectif PDA visant à voir condamner la société Cegelease à lui rembourser le prix de vente sera rejetée.

Sur les autres demandes des parties

Les sociétés Objectif PDA et Cegelease succombant essentiellement au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

 

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour les condamnera aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, et condamnera la société Objectif PDA à payer à la société Pharmacie Letort une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

 

CONSTATE que la Cour n'est saisie d'aucun appel incident de la SELAS Pharmacie Letort portant sur les chefs du jugement l'ayant déboutée de ses demandes indemnitaires,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la SAS Cegelease de ses demandes au titre du paiement des loyers et de l'indemnité contractuelle de résiliation,

- Condamné la SAS Cegelease à verser à la SELAS Pharmacie Letort la somme de 72.812,99 € à titre de restitutions de loyers indus,

- Condamné la société Objectif PDA à verser à la SAS Cegelease la somme de 101.843,99 € TTC, somme de laquelle sera déduite la somme obtenue par la société Cegelease lors de sa saisie attribution en date du 12 juillet 2021 soit 7.254,81 €.

- Débouté la SAS Cegelease de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10.184,40 € au titre de la marge brute perdue sur le contrat,

- Débouté la SAS Cegelease de sa demande être visant à être relevée et garantie par la SARL Objectif PDA de toutes condamnations qui concernerait la présente procédure,

- Condamné in solidum la SAS Cegelease et la SARL Objectif PDA à verser à la SELAS Pharmacie Letort la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum la SAS Cegelease et la SARL Objectif PDA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 288,78 € dont 47,49 € de TVA.

L'INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la Cour,

 

STATUANT A NOUVEAU,

DECLARE recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachées soulevée par la SARL Objectif PDA,

REJETTE la fin de non-recevoir,

DECLARE, en conséquence, les demandes de la SELAS Pharmacie Letort recevables,

PRONONCE la résolution du contrat de vente entre la SARL Objectif PDA et la SAS Cegelease, à la date du 3 août 2015,

CONSTATE la caducité du contrat de location conclu entre la SELAS Pharmacie Letort et la SAS Cegelease au jour du 4 septembre 2015,

CONDAMNE la SARL Objectif PDA à payer à la SELAS Pharmacie Letort la somme de 2.599,66 € au titre de son préjudice économique,

CONSTATE que la demande de la SELAS Pharmacie Letort relative à l'enlèvement du matériel est devenue sans objet,

CONDAMNE la SARL Objectif PDA à payer à la SAS Cegelease la somme de 6.960 € au titre du coût de la récupération du matériel,

REJETTE les autres demandes des parties,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SARL Objectif PDA et la SAS Cegelease aux dépens d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire,

 

Condamne la SARL Objectif PDA à payer à la SELAS Pharmacie Letort une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                            LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/05405
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.05405 ?
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