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07/06/2024 | FRANCE | N°20/04085

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juin 2024, 20/04085


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04085 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB765



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2020 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 18/00641



APPELANTE

Madame [L] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie FLANDREA

U, avocat au barreau de PARIS, toque : C0821





INTIMEE

L'URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P002...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04085 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB765

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2020 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 18/00641

APPELANTE

Madame [L] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie FLANDREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0821

INTIMEE

L'URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe LECAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [L] [S] (la cotisante) d'un jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Évry sous la référence de dossier n° 18/00641 dans un litige l'opposant à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (la CIPAV)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par recours du 29 mai 2018, Mme [L] [S] a fait opposition à une contrainte portant sur l'année 2014 d'un montant de 14 694, 30 euros

(8 897,66 euros de cotisations, 5 796,64 euros de majorations de retard) devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale.

Par jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal a :

débouté Mme [L] [S] de son recours et de ses demandes ;

validé la contrainte décernée à Mme [L] [S] au titre des sommes dues en 2014, contrainte signifiée le 16 mai 2018 pour un montant de

14 694,30 euros (8 897,66 euros de cotisations et 5 796,64 euros de majorations de retard) ;

condamné Mme [L] [S] aux frais de signification et de recouvrement de la contrainte ;

rejeté la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile telle que formulée par la CIPAV à l'encontre de

Mme [L] [S] ;

dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépens ;

rappelé que, conformément aux dispositions de l'article R. 133-3, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le tribunal a jugé que la contrainte interprétée avec la mise en demeure permet au cotisant, normalement informé par ailleurs du régime de protection sociale obligatoire dont il bénéficie, de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation de paiement. Il a ajouté qu'il n'avait pas compétence pour accorder des délais de paiement. Il a enfin rappelé qu'il n'appartient pas au requérant de calculer le montant des cotisations appelées dans l'année N en fonction des revenus définitifs de cette année, la régularisation des cotisations au titre d'une année N se faisant en N + 2 et n'étant pas prévue lorsque le cotisant a cessé son activité.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 3 juillet 2020 à Mme [L] [S] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 8 juillet 2020.

Par conclusions écrites visées, complétées et développées oralement à l'audience par son avocat, Mme [L] [S] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

débouter l'URSSAF Île-de-France venant aux droits de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse de toutes ses demandes, fins, conclusions ;

dire la contrainte nulle pour reposer sur une mise en demeure nulle pour ne pas avoir été délivrée au bon destinataire ;

dire et juger que la contrainte dont opposition n'est ni correctement motivée, ni motivée de façon autonome et constater de ce fait qu'elle n'a pas permis au cotisant d'avoir une connaissance exacte de la nature et la cause de son obligation ;

dire et juger que la contrainte est nulle pour défaut de motivation suffisante ;

condamner reconventionnellement la CIPAV à répéter entre les mains de Mme [L] [S] l'indu perçu, soit 1 241,34 euros ;

subsidiairement et si la contrainte n'était pas annulée :

enjoindre à l'URSSAF Île-de-France venant aux droits de la CIPAV de recalculer les majorations de retard sur la somme de 8 436,82 euros ;

réduire la contrainte après compensation avec les acomptes versés à la somme de 8 436,82 euros ;

en tout état de cause

constater la lenteur de la CIPAV à corriger ses erreurs et constater que l'URSSAF IDF venant aux droits de la CIPAV les reprend à son compte ;

constater la gestion déplorable du dossier de Mme [L] [S] et dire qu'elle est constitutive d'une faute ouvrant à Mme [L] [S] un droit à réparation ;

condamner l'URSSAF IDF venant aux droits de la CIPAV à verser à

Mme [L] [S] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

condamner l'URSSAF IDF venant aux droits de la CIPAV à verser à

Mme [L] [S] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code civil (sic) ;

condamner l'URSSAF IDF venant aux droits de la CIPAV en tous les dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, l'URSSAF Île-de-France venant aux droits de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse demande à la cour de :

déclarer l'opposition mal fondée ;

valider la contrainte du 16 avril 2018 en son montant réduit, délivrée à

Mme [L] [S] pour la période du 01 janvier 2014 au

31 décembre 2014 à hauteur de 14 591 euros représentant les cotisations

(8 794, 36 €) et les majorations de retard (5796.64 €) ;

débouter Mme [L] [S] de son opposition ;

en tant que de besoin dire et juger que la contrainte produira tous ses effets exécutoires ;

condamner Mme [L] [S] à lui verser la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager ;

condamner Mme [L] [S] au paiement des frais de recouvrement conformément aux articles R 133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996 ;

à titre subsidiaire :

valider la contrainte du 16 avril 2018 en son montant réduit, délivrée à Mme [L] [S] pour la période du 01 janvier 2014 au 31 décembre 2014 à hauteur de 9 800 euros représentant les cotisations (4 003, 36 €) et les majorations de retard (5796.64 €).

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 2 avril 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur la nullité de la contrainte :

Moyens des parties :

Mme [L] [S] expose que depuis 2011 et jusqu'en 2020, les travailleurs indépendants, c'est-à-dire les entrepreneurs individuels et les dirigeants non-salariés de société, étaient tenus d'effectuer une télédéclaration afin de déclarer les revenus perçus auprès de toutes les caisses d'assurance dont ils dépendent ; que ce document qui se télédéclarait à l'époque des revenus concernés, soit en 2015 pour les revenus 2014, auprès du RSI alors existant, était tout à la fois nécessaire mais aussi suffisant pour valoir déclaration auprès de toutes les caisses puisque par un système interne, la DSI se trouvait transmise du RSI à l'URSSAF et à la caisse de retraite du travailleur indépendant, soit, dans son cas, la CIPAV ; que si depuis 2020, le système a changé, les revenus se trouvant désormais déclarés, pour les travailleurs indépendants, dans une ligne spéciale de la déclaration d'impôts personnelle, soit la 2042 C, telles étaient bien les modalités de télédéclarations pour l'année concernée par le présent litige, soit l'année 2014 ; qu'au regard des dispositions de l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale, la DSI valait bien pendant la période où le revenu des professions libérales devait être transmis aux caisses en télédéclarant ce document, « déclaration de revenus de l'année » à toutes les caisses concernées ; que dans ces conditions, en feignant de ne pas connaître le revenu 2014 de Mme [L] [S] et en décernant puis en signifiant une contrainte sur un montant erroné et de près du double de la somme qui pourrait être due, la CIPAV a commis une faute que l'URSSAF IDF qui vient à ses droits reprend à son compte en continuant de demander des sommes excessives à Mme [L] [S] ; que la lettre de contrainte mentionne qu'elle serait débitrice d'une somme globale de 14 694,30 euros pour l'année 2014, dont des majorations ; qu'elle comporte un tableau assez incompréhensible portant des colonnes au titre de « révisions », « acomptes » et « régularisation » dont on ne sait pas bien à quoi elles correspondent ; que la motivation de la mise en demeure adressée au cotisant qui n'a pas été délivrée au bon destinataire, ne dispense pas l'organisme social de motiver la contrainte qu'il décerne ensuite pour le recouvrement des cotisations mentionnées dans la mise en demeure ; que la contrainte doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; que dans la contrainte, les cotisations doivent donc être ventilées selon le type de cotisations (cotisations au régime de base, cotisation au régime complémentaire et cotisation invalidité-décès) ; que pour les cotisations au régime de base, doit figurer la précision qu'il s'agit d'une cotisation provisionnelle ou d'une cotisation régularisée ; que la contrainte doit préciser les années auxquelles ces cotisations se rapportent ; la contrainte du 14 avril 2018 présente un tableau incompréhensible pour la cotisante ; qu'elle ne peut savoir à quels types de cotisations la somme globale, au demeurant très importante, de 14 901,78 euros demandée, est affectée ; que l'acte de signification en date du 16 mai 2018, quant à lui, et bien que très proche en date de la contrainte (un mois), présente des montants de majoration discordants avec ceux figurant dans la contrainte ; que ni la contrainte ni l'acte de signification ne précisent si les cotisations au régime de base sont des cotisations provisionnelles ou régularisées ; qu'il est impossible de savoir si la réclamation comporte d'autres postes de cotisations comme les cotisations de retraite complémentaire et invalidité-décès et encore moins quelle est la ventilation de la réclamation pour chacun de ces postes de cotisation.

L'URSSAF Île-de-France expose que la contrainte litigieuse fait expressément référence à la mise en demeure adressé le 17/05/2016, et comporte la mention de la période concernée par la contrainte, la nature (cotisations ou majorations de retard) et le montant des cotisations et majorations de retard ; qu'elle est donc régulière.

Réponse de la Cour :

La contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au redevable d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité , la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. La référence dans la contrainte à une mise en demeure préalable permet au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. (2e Civ.,

24 septembre 2020, pourvoi n 19-17.805)

L'indication de références de dossiers distinctes est sans incidences ( 2e Civ.,

23 janvier 2020, pourvoi n 18-24.797).

Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations et contributions par les organismes du régime social des indépendants par les articles L. 133-6-4, I et L. 612-12 du même code, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Le fait de mentionner dans la mise en demeure que les cotisations étaient appelées au titre du régime général et incluaient la contribution à l'assurance-chômage et les cotisations AGS, en précisant la période en cause est suffisant pour permettre à la société de connaître la nature des cotisations mises à sa charge (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n 20-12.264).

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale que le défaut de réception par son destinataire d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'affecte ni la validité de celle-ci ni la validité des actes de poursuite subséquents (2e Civ., 27 janvier 2022, pourvoi n 20-21.538)

Relativement à la présentation des cotisations appelées et des régularisations, l'article

L 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable aux cotisations 2014 énonce que :

« Les cotisations sont dues annuellement.

« Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

« Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation.

« Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l'année en cours. Lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d'application de cette majoration sont fixés par décret.

« Lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n'ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l'article L. 242-12-1 »

Aux termes de cet article, les cotisations sont calculées à titre provisionnel sur la base des revenus de l'année N-2. Elles sont ensuite définitivement régularisées durant l'année N lors de la connaissance des revenus perçus au titre de l'année N-1.

L'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi

n° 2014-626 du 18 juin 2014 dispose .

« (Les cotisations) sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d'un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés.

« Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.

« Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation sur la base de ce revenu ».

Aux termes de cet article, les cotisations sont calculées à titre provisionnel sur la base des revenus de l'année N-2 puis recalculées sur les revenus de l'année N-1, donnant lieu à une première régularisation à titre provisionnel. Elles sont ensuite définitivement régularisées durant l'année N lors de la connaissance des revenus perçus au titre de l'année N-1.

En la présente espèce, la contrainte litigieuse a été délivrée le 16 avril 2018 pour

78, 66 euros de cotisations de tranche 1, 355 deux 65 euros de majorations de retard sur ses cotisations, 435 euros de cotisations de tranche 2, 164, 65 euros de majorations de retard y afférente, 8384 euros de cotisations de retraite complémentaire outre

5228, 84 euros de majorations de retard y afférent et 47,50 euros de majorations de retard pour l'assurance invalidité décès, soit un total de 14 694, 30 euros.

Elle fait suite à une mise en demeure en date du 17 mai 2016 adressé en lettre recommandée demande d'accusé de réception distribuée le 24 mai 2016. Le fait que la cotisante n'en soit pas la signataire ne rend pas invalide la mise en demeure.

Celle-ci précise le montant des cotisations provisionnelles pour l'année 2014 au titre des tranches 1 et 2 des cotisations du régime de base soit 1244 euros de cotisations de la tranche 1, 354,65 euros de majorations de retard, 435 euros de cotisations provisionnelles sur la tranche 2 outre 97, 45 euros de majorations de retard y afférente pour l'année 2014, un euro de majorations de retard pour les régularisations de l'année 2012 sur la tranche 1 et 67, 20 euros de majorations de retard sur la régularisation pour l'année 2012 pour la tranche deux du régime de base. S'agissant de la retraite complémentaire, la cotisation appelée à titre provisionnel pour les 2014 évalue à

8384 euros outre 5228,84 euros de majorations de retard et 76 euros de cotisations au titre de l'invalidité- décès et 47, 50 euros au titre des majorations de retard.

Les différences entre les deux montants s'expliquent par le montant des acomptes versés soit la somme de 1 165, 34 euros imputée sur la tranche 1 des cotisations du régime de base outre la somme de 76 euros relative aux cotisations invalidité-décès. Les paiements et leurs imputations figurent dans la contrainte de telle sorte que la cotisante était à même de connaître le respect des règles d'imputation des paiements.

La mise en demeure mentionne la nature des cotisations appelées, la période concernée, l'année d'exigibilité et la nature provisionnelle ou de régularisation de telle sorte que la cotisante était en mesure de connaître la nature, la cause et l'étendue des obligations mises à sa charge. La contrainte y faisant référence mentionne de manière détaillée les cotisations appelées par nature et par montant, leur caractère provisionnel ou de régularisation, l'année d'exigibilité, et détaille les majorations de retard selon les périodes. Le motif est l'absence ou l'insuffisance de versement.

Elle permet donc à la cotisante de connaître la nature, la cause et l'étendue des obligations mises à sa charge.

Il sera ajouté que les montants retenus dans la signification de la contrainte sont conformes dès lors qu'il reprenne l'ensemble des causes de la créance et y ajoute le coût de l'acte de signification ainsi que le droit de l'article A. 444-31 du code de commerce relatif aux tarifs des huissiers devenus commissaires de justice.

Les moyens soulevés seront donc rejetés.

- sur l'affiliation de Mme [L] [S] :

Moyens des parties :

L'URSSAF Île-de-France expose que la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse assurait, pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, en application des dispositions des articles L. 642-1 et L. 642-5 du code de la sécurité sociale, la gestion des trois régimes obligatoires des professions libérales mentionnées à l'article 1.3 de ses statuts, l'assurance vieillesse de base, la retraite complémentaire et l'assurance invalidité-décès ; qu'à ce titre, elle était notamment habilitée à recouvrer les cotisations de ce régime, à émettre des contraintes, et à liquider les pensions ; que Mme [L] [S] a été affiliée à la CIPAV à compter du 01 janvier 2009 jusqu'au 30 juin 2017 du fait de son activité libérale de conseil conformément aux articles R. 641-1, 11° du code de la sécurité sociale et 1.3 des statuts de la CIPAV.

Mme [L] [S] ne discute pas son obligation d'affiliation.

Réponse de la Cour :

La cour n'est pas saisie d'un refus de reconnaissance d'affiliation. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

- sur la validation de la contrainte :

Moyens des parties :

Mme [L] [S] expose que les cotisations de retraite complémentaire calculées à titre provisionnel doivent être régularisées par la caisse, une fois le revenu professionnel définitivement connu ; que ses revenus non-salariés sont, bien entendu, définitivement connus pour l'année 2014, objet de la contrainte ; que dès lors, la cotisation au régime de base de chaque année sera calculée sur le fondement des revenus de l'année considérée ; qu'elle doit au maximum à l'URSSAF venant aux droits de la CIPAV une somme de 8 436,82 euros pour l'année de cotisations 2014, soit près de la moitié de la somme demandée au travers de la contrainte.

L'URSSAF Île-de-France expose les modalités d'appel et de calcul des cotisations et indique avoir respecté les barèmes du régime de base ; que, s'agissant des retraites complémentaires, il résulte de l'article 3-12 des statuts de la CIPAV que la cotisation peut, sur demande expresse de l'adhérent, être réduite de 25, 50 ou 75 % en fonction du revenu d'activité non salarié de l'année précédente ; que la demande de réduction doit être formulée à peine de forclusion dans les délais impartis par les articles 3-12 et 3-7 des statuts, soit avant le 31 décembre de l'année concernée ; que l'article 4'1 des statuts énonce que le régime d'assurance invalidité institué par le décret n° 79-262 du

21 mars 1979 conformément à l'article L. 644-2 du code de la sécurité sociale s'applique à titre obligatoire à toutes les personnes affiliées à la CIPAV ; que la cotisation due au titre de ce régime s'ajoute à celles du régime d'assurance vieillesse de base et de retraite complémentaire ; que ce régime comporte trois classes de cotisation (A, B, C). (article 4-3 des statuts) ; que le montant de la cotisation en classe A est fixé chaque année par décret du ministre chargé de la sécurité sociale sur proposition du conseil d'administration de la CIPAV ; que les montants des cotisations en classe B et C sont respectivement égaux à trois ou cinq fois le montant de la cotisation en classe A ; que l'adhérent opte pour la classe de son choix quels que soient ses revenus ; qu'à défaut de demande des adhérents, la cotisation est appelée en classe minimale A ; que les cotisations ont été calculées conformément aux revenus déclarés ; que la régularisation de la cotisation de retraite complémentaire n'a pas fait l'objet d'une régularisation, conformément aux statuts ; que si la régularisation devant être ordonnée, elle a procédé au chiffrage ; qu'une régularisation des cotisations en cours de procédure n'est pas un motif d'annulation de la contrainte mais de validation en son nouveau montant régularisé.

Réponse de la Cour :

Selon l'article L 131-6-2 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi

n 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable au litige,

' Les cotisations sont dues annuellement.

« Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés.

« Lorsque le revenu d'activité est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation '.

L'article L 642-2 du même code, dans sa version applicable au litige, énonce que :

« Les cotisations prévues à l'article L. 642-1 sont assises sur le revenu d'activité et calculées dans les conditions définies aux articles L. 131-6, L. 131-6-1 et L. 131-6-2. Elles ne peuvent être inférieures à un montant fixé par décret '.

Ces articles sont rendus applicables par l'article 3 du décret n 79-262 du 21 mars 1979 modifié aux cotisations dues au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils.

Aux termes de ces textes, les cotisations au régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou des revenus forfaitaires, et font l'objet, lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, d'une régularisation.

Selon l'article 3.12 des statuts de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse approuvés sur ce point par l'arrêté du 3 octobre 2006, ces cotisations peuvent, sur demande expresse de l'assuré, être réduites de 25, 50 ou 75%, en fonction du revenu d'activité non salariale de l'année précédente.

Il en résulte que la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse, dès les revenus définitifs connus, devait automatiquement procéder à la régularisation des cotisations de retraite complémentaires, sans attendre une demande de son assurée. Toutefois, si cette dernière souhaitait demander une réduction des cotisations en dessous du barème prévu par les statuts, elle devait former expressément la demande dans les trois mois suivant l'exigibilité de la cotisation sous peine de forclusion.

L'assurée ne démontre pas avoir demandé à bénéficier du régime de réduction spécifique des cotisations dans le délai et ne formule d'ailleurs aucune demande à cet égard.

En la présente espèce, le revenu définitif de la cotisante pour l'année 2014 s'est élevé à la somme de 55 188 euros, chacune des parties s'accordant sur ce montant.

Les cotisations de tranche 1 et de tranche 2 se sont donc élevées à la somme de : (31 916 € x 10 ,10 %) et [(55 188 ' 31 916) x 1,87 €)] = 3 224 € et 435 €.

S'agissant des cotisations de retraite complémentaire, il n'est pas contesté que la CIPAV a appelé les cotisations en classe E en se référant aux revenus de 2012, soit la somme de 79 310 euros. La cotisation doit donc être régularisée en classe C selon le barème applicable pour l'année 2014 à la somme de 3 593 euros.

La cotisante cotisant sur la classe minimum au régime d'invalidité-décès, aucune régularisation n'est due.

S'agissant de la régularisation de l'exercice 2012, le revenu définitif s'est élevé à la somme de 79 310 euros. La cotisante n'en demande pas un calcul à nouveau.

Il en résulte que l'URSSAF est créancière de la somme de 4003, 36 euros. La contrainte sera donc validée pour ce montant en principal et le jugement déféré infirmé.

- sur les majorations de retard :

Mme [L] [S] expose que l'URSSAF IDF venant aux droits de la CIPAV doit recalculer les majorations qui sont, en tout état de cause, toujours rémissibles après apurement du principal, sur la somme de 8 436,82 euros et non comme elle l'a fait dans la contrainte sur la somme de 14 901,78 euros.

L'URSSAF Île-de-France expose que le défaut de paiement dans les délais fixés sur l'appel de cotisation entraîne l'application automatique de majorations de retard ; qu'après paiement de la contrainte et des frais, le défendeur pourra former une demande de remise des majorations de retard accompagnée des pièces justificatives, et ce, conformément aux articles R. 243-20 du code de la sécurité sociale, 3.9 et 4.8 des statuts de la CIPAV ; que selon une jurisprudence constante, le tribunal des affaires de sécurité sociale ne saurait, à l'occasion d'une opposition à contrainte, statuer directement sur une demande de remise de majorations de retard ; qu'en effet, une telle demande doit être soumise préalablement, après paiement des cotisations, à la commission de recours amiable de l'organisme dont relève le débiteur (Cass soc, 12 oct. 1988, n° 86-12.358 ; Cass soc, 17 déc. 1998, n° 97-14.061) ; que, sans ces conditions, la Cour devra condamner la cotisante au paiement de la somme de 5796.64 euros correspondant aux majorations de retard ; que la Cour pourra cependant lui rappeler, que sur demande motivée auprès de commission de recours amiable les majorations de retard peuvent faire l'objet d'une remise exceptionnelle.

Réponse de la Cour :

Si l'article 3 du décret n 79-292, dans sa version applicable au litige disposait que ' La cotisation du régime d'assurance vieillesse complémentaire est obligatoirement due en sus de la cotisation du régime de base des professions libérales prévu au livre VIII, titre Ier, du code de la sécurité sociale. Elle est versée à la section professionnelle mentionnée à l'article 1er dans les mêmes formes et conditions que la cotisation dudit régime de base ', le texte ne précise pas que les majorations de retard soient calculées au même taux que les cotisations de l'assurance vieillesse de base, le texte renvoyant à la période de référence des cotisations provisionnelles, à leur régularisation et aux modalités de paiement à l'échéance. En outre, les dispositions de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale citées sont relatives au régime des majorations de retard du régime général, renvoyant ainsi aux dispositions statutaires pour le majorations de retard des cotisations de retraite complémentaires.

Les majorations de retard étant calculées sur les cotisations provisionnelles, en application de l'article R. 243-16 du code de la sécurité sociale, et l'URSSAF n'ayant pas à calculer les majorations de retard en tenant compte de la régularisation créditrice ultérieure, l'organisme justifie de leur montant pour la somme de 5 796,64 euros.

La contrainte sera donc validée pour la somme de 9 800 euros.

- sur la demande de dommages et intérêts :

Mme [L] [S] expose que certaines juridictions ont estimé que la lenteur de la CIPAV à corriger ses erreurs constituait un préjudice pour le cotisant ; que le laps de temps entre le moment où la CIPAV commet des erreurs et le moment où celle-ci les corrige, souvent quelques jours avant l'audience, voire la veille aux termes de conclusions communiquées à la dernière minute, est à même de placer le cotisant pendant des mois, voire des années, dans une situation d'incompréhension, situation qui est généralement un facteur de stress important, permettant, dès lors, de caractériser un préjudice moral ; que la présente cour a jugé (Cour d'appel de Paris - Pôle 6 ch. 12 - 13 novembre 2020 - n° 17/11693) que « la réticence de la CIPAV a' procéder a' la régularisation des cotisations dues au titre du régime de retraite complémentaire, rappelée par la jurisprudence, constitue une faute » ; qu'il y a lieu de l'indemniser un préjudice moral pour Madame [S] qui s'est trouvée tracassée par des actes d'huissiers et une procédure judiciaire y compris en appel alors que le montant demandé par la caisse est de près du double du montant maximum qu'elle pourrait devoir ; que la responsabilité d'un organisme de sécurité sociale, en tant que chargé de la gestion d'un service public, même en l'absence de faute de sa part, peut être mis en cause, en cas de préjudice anormal causé à l'assuré ; que l'URSSAF venant aux droits de la CIPAV reprend les fautes de cette dernière à son compte en maintenant les procédures et en continuant à demander en justice des sommes excessives.

La réticence de la CIPAV à procéder à la régularisation des cotisations dues au titre du régime de retraite complémentaire, rappelée par la jurisprudence, constitue une faute. Cependant, Mme [L] [S] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice dès lors qu'elle-même n'a pas réglé les cotisations régulièrement dues, son compte étant toujours débiteur. Il ne sera donc pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts.

Mme [L] [S], qui succombe, sera condamnée aux dépens. La demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de Mme [L] [S] ;

INFIRME le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Evry ;

STATUANT à nouveau :

VALIDE la contrainte décernée à Mme [L] [S] au titre des sommes dues en 2014, contrainte signifiée le 16 mai 2018 pour un montant de 9 800 euros (4 003,36 euros de cotisations et 5 796,64 euros de majorations de retard) ;

DÉBOUTE Mme [L] [S] de sa demande de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE l'URSSAF Île-de-France de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [L] [S] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04085
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;20.04085 ?
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