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07/06/2024 | FRANCE | N°19/08274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juin 2024, 19/08274


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juin 2024



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08274 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMUO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/00110



APPELANTE

CPAM 83 - VAR

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Amy TABOURE, avo

cat au barreau de PARIS



INTIMEE

SA [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Alix ABEHSERA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08274 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAMUO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/00110

APPELANTE

CPAM 83 - VAR

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Alix ABEHSERA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) d'un jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la SA [4] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la SA [4] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l'encontre de la décision implicite de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var de rejet de sa demande de déclaration d'inopposabilité de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée le 3 août 2016 par M. [T] [U] au titre d'une « épicondylite droite ».

Par jugement en date du 21 mai 2019, le tribunal a :

constaté que la Caisse primaire d'assurance maladie du Var ne justifie pas que la condition liée au délai de prise en charge de la maladie déclarée par M. [T] [U] est remplie ;

déclaré la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie professionnelle (épicondylite du coude droit) déclarée par M. [T] [U] le 1er août 2016 menée par la Caisse primaire d'assurance maladie du Var inopposable à la SA [4] ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

dit que les dépens sont supportés par la Caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Le tribunal a retenu qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir que M.[T] [U] avait été arrêté du 3 juin 2016 en raison de son affection du coude droit et que cet arrêt de travail correspond à la première constatation médicale de l'affection. Il a retenu que les mentions figurant sur la fiche du colloque médico administratif n'avaient en elles-mêmes aucune valeur probatoire et que la lésion était occultée dans l'arrêt de travail produit. Il a jugé que le premier constat certain de la pathologie dont justifiait la caisse était datée du 1er août 2016 et correspondait au certificat médical initial, la date de première constatation médicale du 3 juin 2016 retenu au titre de l'épicondylite n'étant pas démontrée.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 15 juillet 2019 à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 23 juillet 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse primaire d'assurance maladie du Var demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu, le 21 mai 2019, par le tribunal de grande instance de Paris ;

confirmer l'opposabilité à l'encontre de la SA [4] de la décision de prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de la maladie n° 57B du 1er août 2016 (110 160801130) dont est atteint M. [T] [U] ainsi que de l'ensemble des conséquences y afférentes.

La Caisse primaire d'assurance maladie du Var expose que concernant la désignation de la maladie, le Docteur [L] [Z], médecin-conseil de l'Assurance Maladie, répond par un avis ; que selon ce dernier, l'examen clinique du médecin-conseil et le compte rendu d'une échographie du coude droit étaient en faveur d'une épicondylite médiale (=épitrochléite) ; que le tableau 57 dans sa désignation de l'affection n'exige pas que l'affection soit confirmée par un examen explicite ou implicite ; qu'il ne peut donc pas être exigé par la partie adverse ; que la nomenclature anatomique a été révisée ; qu'une épicondylite peut être latérale ou médiale ; que l'épicondylite médiale correspond à une épitrochélite (ancienne nomenclature) ; que le colloque médico-administratif fait référence à la maladie ; que le médecin-conseil a donné un avis favorable à la prise en charge ; que la date de première constatation médicale et la date du certificat médical initial sont des dates différentes, à dissocier ; qu'en effet, la date de première constatation médicale de la maladie permet de vérifier les conditions relatives au délai de prise en charge et à la durée de l'exposition au risque ; qu'il y a lieu de rappeler à cet égard que si la mention de la lésion ou de la pathologie est occultée sur ce certificat, c'est parce que cette information est couverte par le secret médical, s'agissant d'un certificat médical d'arrêt de travail établi hors législation professionnelle ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 315-l du code de la sécurité sociale, seul le médecin-conseil de l'Assurance Maladie a accès à cette mention médicale et les services administratifs de la Caisse n'ont pas à en connaître ; que le secret médical protège les « informations relatives à la santé » au sens de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ; qu'en conséquence, les informations couvertes par le secret médical ne peuvent être communiquées à un tiers sans que soit constaté l'accord de la victime ou son absence d'opposition à la levée de ce secret (Ch. Civ. 2, 19 Février 2009) ; que l'employeur a parfaitement été informé, au cours de l'instruction, de la date de première constatation médicale de la maladie et du document qui a permis au médecin-conseil de la déterminer ; que concernant une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens, le délai de prise en charge est de quatorze jours ; que l'assuré a cessé d'être exposé au risque le jour-même de la première constatation médicale de la maladie.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la SA [4] demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions.

La SA [4] expose que la maladie que la caisse a instruit ne correspond pas à la pathologie décrite par le médecin traitant sur le certificat médical initial, qui mentionne simplement « épicondylite droite » ; que la caisse ne justifie d'aucun élément lui ayant permis de requalifier la pathologie « épicondylite » en « épitrochléite » dès l'ouverture de son instruction ; que le médecin de la caisse se réfère à une épitrochléite au titre du « libellé complet du syndrome », alors qu'il donne son accord sur le « diagnostic figurant sur le certificat médical initial », c'est-à-dire une épicondylite, selon le certificat transmis à l'employeur ; qu'il existe donc une imprécision sur la nature exacte de la pathologie présentée par l'assuré, d'autant plus que l'employeur ignore quelle est la maladie constatée par l'arrêt de travail du 3 juin 2016, que le colloque considère comme fixant la première constatation médicale, alors que le certificat médical initial en sa possession mentionne une première constatation médicale au 1er août 2016 et qu'il constate une épicondylite ; que cette maladie ne correspond pas à la pathologie telle que prise en charge et désignée par le tableau, à savoir une « tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens » ; que l'arrêt de travail du 3 juin 2016 n'éclaire pas à ce sujet, puisque la pathologie qui en est la cause n'est pas connue ; que le délai de prise en charge prévu par le tableau 57B est de 14 jours pour une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens ou des muscles épicondyliens ; que lorsque la caisse retient une date de première constatation médicale différente de celle du certificat médical initial, elle doit permettre à l'employeur de vérifier ce que recouvre cette date ; que la victime a cessé d'être exposée au risque le 3 juin 2016, date à compter de laquelle elle s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie simple ; que le certificat médical initial retient comme date de première constatation médicale le 1er août 2016, date à laquelle le délai de prise en charge était dépassé ; que rien ne permet d'établir que le certificat visé a été établi au titre de la pathologie telle que prise en charge, à savoir une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens, puisqu'il n'est pas descriptif des lésions ; qu'en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de distinguer selon les différents certificats médicaux ; qu'en l'absence de production d'un document médical établi à l'intérieur du délai de prise en charge et constatant la maladie telle que prise en charge, la caisse échoue à démontrer le respect de la condition tenant au délai de prise en charge ;

SUR CE

Les articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale organisent le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance d'une maladie professionnelle. A cet égard, l'article R. 441-11 alinéa 1er, dans sa version applicable au litige précise l'obligation pour la caisse, hors cas de décision implicite, d'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief. En application de ce texte, il a été précisé que la caisse devait informer l'employeur de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision. Le délai imparti doit être suffisant pour permettre la consultation du dossier et la présentation d'observation sur les éléments faisant grief.

Ainsi, le dossier doit inclure toutes les pièces permettant à l'employeur de vérifier les éléments nécessaires à la réunion des conditions du tableau visé des maladies professionnelles et qui échappent dès lors au secret médical. L'exercice effectif du droit de consultation est sans incidence sur la solution dégagée.

Il résulte de la combinaison des articles L. 461-1 et L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.

La pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à disposition de la victime ou de ses ayants-droits ou de l'employeur en application de l'article R. 441-13.

En application de ces principes, la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil peut correspondre à une date indiquée dans une pièce non communiquée à l'employeur car couverte par le secret médical, mais que les colloques médico-administratifs qui ont été communiqués à ce dernier mentionnent avec la nature de l'événement ayant permis de la retenir.

La cour ne saurait en outre s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial. Il lui appartient de rechercher si l'affection déclarée par l'assuré était au nombre des pathologies désignées au tableau n 57 des maladies professionnelles (2e Civ., 9 mars 2017, pourvoi n 16-10.017)

En l'espèce, l'assuré a adressé le 3 août 2016 une déclaration de maladie professionnelle en joignant un certificat médical initial du 1er août 2016 indiquant la présence d'une épicondylite droite. La caisse a instruit cette maladie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles. Le colloque médico administratif mentionne une date de première constatation médicale au 3 juin 2016 en se rapportant à un arrêt de travail en maladie et décrit la maladie en indiquant le code syndrome 057 AB 0770 et mentionnant une épitrochléite du coude droit.

Le tableau n° 57 B des maladies professionnelles mentionne la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée au nom à syndrome du tunnel radial. Il vise en outre une autre pathologie, une tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens.

Pour préciser le changement de dénomination de la maladie, la caisse produit en pièce n° 11 un argumentaire non signé et non daté qui émanerait d'un médecin conseil, le docteur [Z]. Si la société a demandé ce que cette pièce soit écartée des débats en raison d'une communication tardive, l'oralité des débats, en l'absence de tout calendrier de procédure, lui imposait de demander le renvoi si elle entendait discuter la pièce, aucune disposition n'imposant à la caisse un délai précis pour la communiquer. Elle ne sera donc pas écartée des débats, la société ayant accepté de plaider le dossier à l'audience.

Le caractère probant de cette pièce ne saurait pour autant être écarté dès lors que ce document est établi à la suite de l'étude du dossier médical détenu par la caisse et ne peut l'avoir été que par un médecin conseil seul habilité à le consulter. Pour établir le diagnostic de l'épitrochléite, le praticien rappelle que la tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens est communément appelée épitrochléite ou épicondylite médiale, constituant en une inflammation du tendon d'insertion des muscles de l'avant-bras sur la face interne du coude. En l'espèce, le médecin conseil prend en considération une échographie du coude droit outre examen clinique réalisé lors d'un contrôle du suivi d'arrêt de travail.

Ces éléments extrinsèques qui n'ont pas à être communiqués justifient donc le diagnostic posé.

La société ne dépose aucun élément d'ordre médical pour le contester.

S'agissant de la date de première constatation, la caisse s'appuie sur un avis d'arrêt de travail en date du 3 juin 2016 dont la mention médicale est occultée. Ce document médical est un élément objectif extrinsèque qui n'a pas à être communiqué dans le cadre de l'instruction du dossier.

L'absence de mention par le médecin conseil de l'identité de pathologie entre celle déclarée au titre des maladies professionnelles et celle ayant donné lieu à l'arrêt de travail initial pour maladie est sans emport dès lors que le médecin conseil a vérifié la cause médicale du certificat médical du 3 juin 2016 et que le certificat médical initial établi pour la maladie professionnelle ne mentionne aucune autre pathologie, ce dont il ne résultait aucun doute sur la date d'apparition des premiers symptômes.

En conséquence, le délai de prise en charge de 14 jours prévu par le tableau n° 57 B des maladies professionnelles a été respecté.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [T] [U] sera déclarée opposable à la SA [4].

La SA [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var ;

INFIRME le jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour,

STATUANT À NOUVEAU :

DÉCLARE opposable à la SA [4] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Var de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée le 3 août 2016 par M. [T] [U] ;

CONDAMNE la SA [4] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/08274
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;19.08274 ?
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