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06/06/2024 | FRANCE | N°24/00295

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 06 juin 2024, 24/00295


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 06 JUIN 2024



(n°295, 5 pages)







N° du répertoire général : N° RG 24/00295 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJN2F



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2024 -Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/1474



L'audience a étÃ

© prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 06 Juin 2024



COMPOSITION



Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cou...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 06 JUIN 2024

(n°295, 5 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00295 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJN2F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2024 -Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/1474

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 06 Juin 2024

COMPOSITION

Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté d'Anaïs DECEBAL, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANTE

Madame [B] [C] (Personne faisant l'objet de soins)

née le 17 janvier 1994 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 2]

Actuellement hospitalisée à l'hôpital [6]

comparante/ assitée de Me Rosa BARROSO, avocat commis d'office au barreau de Paris,

CURATEUR

GHU [Localité 7] représenté par Mme [J] [O]

demeurant [Adresse 3]

non comparant, non représenté,

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [6]

[Adresse 4]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Laure DE CHOISEUL, avocate générale,

Comparante,

Exposé des faits et de la procédure

Par décision du 15 mai 2024, le directeur de l'hôpital [6] a prononcé la réadmission en soins psychiatriques de Mme [B] [C] sur le fondement de l'article L 3212-3 du code de la santé publique, à la demande de sa soeur au vu d'un certificat médical ayant constaté l'existence de troubles mentaux exposant la personne malade à un risque grave d'atteinte à l'intégrité de sa personne et nécessitant des soins immédiats sous surveillance constante.

Par requête du 21 mai 2024,le directeur de l'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention d'Evry en poursuite de la mesure dans le cadre du contrôle obligatoire de la mesure prévu à l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 23 mai 2024, le juge des libertés et de la détention d' Evry a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [B] [C].

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 24 mai 2024 à 16h42, Madame [B] [C] a interjeté appel de la dite ordonnance.

Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 29 mai où Mme [C] n'a pu se présenter, puis à l'audience du 6 juin 2024 à 9h30;

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, publiquement.

Le conseil de Mme [B] [C] sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la levée de la mesure. Mme [C] indique qu'elle est d'accord pour rester encore une semaine à l'hôpital pour préparer sa sortie.

Le ministère public a requis oralement la confirmation de l'ordonnance entreprise, au vu du dernier certificat médical de situation et de la nécessité de mettre en place un cadre avant de prévoir une sortie. .

Le directeur de l'hôpital [6], partie intimée, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Le certificat médical de situation du 3 juin 2024 indique que : 'Mme [C] est une patiente née le 17/1/1994, adressée initialement aux urgences gynécologiques pour idées délirantes de grossesse et syndrome dissociatif. Mme est suivie depuis ses 16 ans pour un trouble psychotique, et est suivie sur le secteur du [Localité 1]. Ses parents sont d'origine martiniquaise et Mme [C] est dernière d'une fratrie de trois. Ses parents se sont séparés à sa naissance, elle a été placée en famille d'accueil à l'âge de 3 ans, est retournée vivre chez le père puis a de nouveau été placée. Elle a vécu en appartement thérapeutique, en foyer et en centre d'hébergement. Elle vit actuellement en résidence sociale dans le [Localité 1] depuis mai 2022. Elle a très peu d'étayage familial ou amical et se met en danger dans la rue de façon répétée. A son arrivée dans nos services, la patiente présentait un syndrome dissociatif majeur, des idées délirantes de grossesse, avec hallucinations sensitives intenses, un vol de la pensée était exprimé, Mme rapportait des idées délirantes de persécution centrées sur sa famille. Il persistait un doute sur une note thymique devant son tableau clinique. Il est à souligner des mises en danger avec rapports sexuels multiples dans la rue. Mme précisait que les hommes avec qui elle avait eu des rapports auraient pu lui faire inhaler de la cocaïne. Actuellement, Mme [C] est quelque peu améliorée sur le plan hallucinatoire sensitif, mais les éléments délirants de thématique paranoïaque et mégalomaniaque avec adhésion totale font légion.. Elle peut exprimer tantôt un piège mené par sa famille afin de la sacrifier, que des tentatives de sa famille proche de l'empoisonner. Certes, le discours est plus spontanné, mais il reste assez froid affectivement, parfois encore très incohérent avec des éléments délirants et des projets inadaptés à sa situation. L'humeur est encore très labile et l'on note une désorganisation psycho comportementale encore marquée. Une incurie majeure peine à être dépassée, des rires immotivés, des passages du coq à l'âne dans le discours, confortent l'idée que la patiente n'est pas bien rétablie pour l'heure. Mme [C] n'a pas conscience de ses troubles, et ne voit aucun intérêt à sa prise en charge. Indication au maintien de l'hospitalisation complète et continue en soins sans consentements.'

Le ertificat médical de situation du 4 juin ajoute que : 'Elle a été hospitalisée après s'être présentée aux urgences gynécologiques en étant convaincue de manière délirante d'être enceinte, maintenant sa conviction malgré les examens complémentaires prouvant le contraire, et présentant une agitation psycho-motrice dans le cadre d'une désorganisation psycho-comportementale. Elle a également signalé des mises en danger avec le fait de ne pas tenir son appartement et vivre beaucoup au dehors en errance, multipliant des rencontres peu bienveillantes à son égard, avec lesquelles elle a des rapports sexuels qu'elle dit ensuite non désirés, tout en expliquant attendre un enfant. Elle est donc vulnérable est isolée sur le plan social et familial. Depuis son admission, la patiente s'est partiellement apaisée. L'hygiène se restaure progressivement mais les troubles du sommeil avec réveils nocturnes ne sont pas encore amendés. Elle montre des bizarreries de comportement et des rires immotivés dans l'unité. Elle présente des moments d'agitation, de sthénicité, d'hétéro-agressivité et d'adhésivité dans l'unité en lien avec des angoisses massives et un vécu délirant persécutif paranoïde à l'encontre de son environnement direct dans l'hôpital (équipes soignantes et autres patients) mais aussi indirect à l'encontre de sa famille qu'elle pense malveillante à son endroit et capable de l'empoisonner.

Le discours est spontané mais désorganisé avec de nombreux barrages témoignant de troubles majeurs du cours de la pensée. Elle décrit des phénomènes d'influence et de xénopathie ainsi qu'une tachypsychie qu'elle reconnait comme pénibles mais qu'elle n'identifie pas comme appartenant à une pathologie psychiatrique. L'humeur est discordante. Elle dénie souffrir d'une pathologie mentale et ne s'engage pas réellement dans les soins pour le moment. Elle reste instable, désorganisée et sans projet de soins, ne prenant pas conscience du fait qu'elle va devoir quitter la résidence où elle tentait de vivre jusqu'alors à la fois du fait de la limite d'âge mais également du fait de menaces de mort qu'elle a proféré à l'encontre de membres de l'équipe accompagnante. Son consentement aux soins ne peut pas être recueilli ce jour.'

Motivation

L'office du juge judiciaire implique un contrôle relatif à la fois à la régularité de la décision administrative d'admission en soins psychiatriques sans consentement et au bien-fondé de la mesure, en se fondant sur des certificats médicaux.

Il résulte de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique que l'irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet. Il appartient donc au juge de rechercher, d'abord, si l'irrégularité affectant la procédure est établie, puis, dans un second temps, si de cette irrégularité résulte une atteinte aux droits de l'intéressé.

Sur le contrôle de la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement,

Le maintien de la mesure de soins sans consentement d'une personne suppose la constatation de l'existence de troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et qui nécessitent des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante requérant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière permettant une prise en charge sous forme d'un programme de soins.

Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant rechercher si les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement, cependant, dans l'exercice de son office, le juge ne saurait se substituer au médecin dans l'appréciation de l'état mental du patient et de son consentement aux soins (1re Civ., 27 septembre 2017, n°16-22.544).

L'article L. 3212-3 du code de la santé publique prévoit en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne, que le directeur d'un établissement peut à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers, l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant le cas échéant d'un médecin exerçant dans l'établissement.

Il est rappelé que les conditions d'urgence et de risque d'atteinte à l'intégrité doivent être caractérisées lors de l'admission mais non lors des prolongations des mesures (1re Civ., 20 mars 2024, pourvoi 22-21.919)

En l'espèce, l'ensemble des pièces de la procédure et des certificats médicaux communiqués, nécessaires au contrôle obligatoire de la mesure de soins contraints, répond aux exigences de l'article R. 3211-12 du code de la santé publique.

Il résulte des éléments du dossier que la patiente est en soins depuis le 6 septembre 2022, qu'elle est régulièrement suivie pour un trouble psychatrique chronique et bénéficiait d'un programme de soins. Le certificat de réintégration du 15 mai 2024 du docteur [K] mentionne une décempensation délirante, de l'agressivité physique qui a conduit à l'admission de l'intéressée aux urgences. Le Docteur [K] relève que ces troubles mentaux l'exposent à un risque grave d'atteinte à son intégrité et nécessitent des soins immédiats auxquels elle ne peut consentir en raison de son état mental.

Les conditions d'application de l'article L.'3212-3 sont ainsi réunies.

Sur le bien-fondé de la poursuite de la mesure de soins psychiatriques en hospitalisation complète

Madame [B] [C] se borne dans sa déclaration d'appel à solliciter 'l'arrêt des soins' et la 'fin de sa prise en charge 'et indique à l'audience qu'elle est d'accord pour rester encore une semaine à l'hôpital pour préparer sa sortie.

L'article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose que lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques sans son consentement, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être nécessaires adaptées et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis.

L'ensemble des documents médicaux et des pièces de la procédure démontrent que la prise en charge de Mme [B] [C] est conforme aux dispositions légales et ne suscite aucune critique sur le respect des droits de la patiente. Il est également justifié que le maintien des soins psychiatriques contraints avec hospitalisation complète constitue une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état de la personne malade.

Les pièces du dossier permettent de constater la régularité de la procédure et d'établir que :

-Mme [C] présente un trouble psychique, ainsi que le relève le premier juge. Elle a été hospitalisée après s'être présentée aux urgences gynécologiques en étant convaincue de manière délirante d'être enceinte, maintenant sa conviction malgré les examens complémentaires prouvant le contraire, et présentant une agitation psycho-motrice dans le cadre d'une désorganisation psycho-comportementale. Elle a également signalé des mises en danger avec le fait de ne pas tenir son appartement et vivre beaucoup au dehors en errance, multipliant des rencontres peu bienveillantes à son égard, avec lesquelles elle a des rapports sexuels qu'elle dit ensuite non désirés, tout en expliquant attendre un enfant.

-Il résulte du certificat médical des 72 h que l'intéressée a présenté des troubles du comportement à type d'hétéro-agressivité et que la patiente exprime un vécu délirant paranoide se sentant menacée par le monde extérieur.

-L'avis motivé du 21 mai 2024 confirme les éléments médicaux précités et évoque une recrudescence anxiodélirante majeure, la patiente apparaissant très discordante et envahie par des idées et des vécus délirants (délires identitaires et de filiation).

- Le certificat médical de situation du 4 juin 2024 relève que le discours est spontané mais désorganisé avec de nombreux barrages témoignant de troubles majeurs du cours de la pensée. 'Elle décrit des phénomènes d'influence et de xénopathie ainsi qu'une tachypsychie qu'elle reconnait comme pénibles mais qu'elle n'identifie pas comme appartenant à une pathologie psychiatrique. L'humeur est discordante. Elle dénie souffrir d'une pathologie mentale et ne s'engage pas réellement dans les soins pour le moment. Elle reste instable, désorganisée et sans projet de soins, ne prenant pas conscience du fait qu'elle va devoir quitter la résidence où elle tentait de vivre jusqu'alors à la fois du fait de la limite d'âge mais également du fait de menaces de mort qu'elle a proférées à l'encontre de membres de l'équipe accompagnante. Son consentement aux soins ne peut pas être recueilli ce jour.'

-Il n'existe pas de critique des troubles et des conséquences qu'ils entraînent.

Un suivi dans le cadre ambulatoire s'avère actuellement prématuré au regard des examen médicaux au dossier. La mise en place d'un strict cadre de soins s'impose dès lors que les troubles psychiques décrits rendent l'hospitalisation complète nécessaire pour un ajustement thérapeutique et un contrôle des conditions de sortie.

Il se déduit de ces circonstances que les conditions légales du maintien de la mesure sont réunies et qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, en dernier ressort, par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition,

CONFIRMONS'l'ordonnance attaquée';

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Ordonnance rendue le 06 JUIN 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 6 juin 2024par courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

' avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

' préfet de police

' avocat du préfet

Xtuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00295
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;24.00295 ?
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