La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°23/18467

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 juin 2024, 23/18467


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 JUIN 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18467 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIRDP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Octobre 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY - RG n° 23/00564





APPELANT



M. [W] [T]

Domicilié : [Adresse 1]<

br>
[Adresse 1]

[Localité 5]



Représenté par Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0178





INTIMÉES



Mme [C] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18467 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIRDP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Octobre 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'EVRY - RG n° 23/00564

APPELANT

M. [W] [T]

Domicilié : [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0178

INTIMÉES

Mme [C] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Ayant pour avocat plaidant Me Hakima AMEZIANE, avocat au barreau de l'ESSONNE

S.A.S. L'HOPITAL PRIVE [7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 6]

[Localité 4]

Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 18.12.2023 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2024, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [E] expose que :

- elle a été prise en charge au sein de l'hôpital privé [7] du 5 au 9 janvier 2021 pour des douleurs thoraciques.

- le 6 janvier 2021, une coronarographie était réalisée par le docteur [W] [T], cardiologue dont le résultat ne révélait rien d'anormal mais les suites de l'examen ont été marquées par de la gêne et un hématome au poignet, au point d'injection de la coronographie puis par un déficit au niveau des doigts et du poignet.

- le 19 janvier 2021, elle regagnait son domicile ; les douleurs continuant de persister, elle a consulté son médecin généraliste qui a préconisé un échodoppler. Cet examen révélait une thrombose pour laquelle la patiente aurait été mise sous traitement anticoagulant entraînant des effets secondaires.

- le 6 avril 2021, elle a consulté un cardiologue, le Docteur [F], exerçant au sein de l'hôpital privé [7], qui a préconisé l'arrêt du traitement anticoagulant.

Mme [E] a saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux d'Île-de-France (CCI) d'une demande d'indemnisation pour des manquements commis dans le cadre de la réalisation et du suivi de la coronarographie.

Par avis du 4 mars 2022, la CCI se déclarait incompétente estimant que les préjudices évoqués n'atteignaient pas les seuils de gravité fondant sa compétence.

Par actes de commissaire de justice délivrés le 23 mai 2023, Mme [C] [E] a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire d'Evry, la société l'hôpital privé [7] et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

Par acte de commissaire de justice délivré le 1er août 2023, elle a fait citer en intervention forcée, M. [W] [T] aux mêmes fins.

Par ordonnance contradictoire du 27 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry, a :

ordonné la jonction des deux instances ;

ordonné une expertise et désigné pour y procéder: M. [J] [L], expert judiciaire, avec pour missions de :

se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droits, tous documents utiles à sa mission,

fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation,

entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel),

recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime),

à partir des déclarations de la partie demanderesse imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci,

décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la partie demanderesse, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité,

recueillir les doléances de la partie demanderesse en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences,

décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la partie demanderesse et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles.

Dans cette hypothèse :

* au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable,

* au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir,

procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la partie demanderesse,

analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre les faits dommageables, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

- la réalité des lésions initiales,

- la réalité de l'état séquellaire,

- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur ;

déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec le fait dommageable, la partie demanderesse a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles,

Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux,

fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation,

fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation,

chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable au fait dommageable, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la partie demanderesse mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation,

lorsque la partie demanderesse allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les activités professionnelles rendues plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d'emploi apparaît lié aux séquelles,

décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés,

donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit,

lorsque la partie demanderesse allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,

dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

Indiquer, le cas échéant :

- Si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle, spécialisée ou non est, ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne),

- Si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir (préciser le cas échéant la périodicité du renouvellement des appareils et des fournitures),

Le cas échéant, donner un avis sur l'aptitude à mener un projet de vie autonome,

Si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l'expert établira un pré rapport décrivant l'état provisoire de la partie demanderesse et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée,

fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

dit que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

dit que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenu directement de tiers concernant la partie demanderesse qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de celui-ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet.

(')

fixé à la somme de 2.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par Mme [C] [E] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire d'Evry dans le délai du six semaines à compter de la délivrance de la présente ordonnance par le greffe aux parties, sans autre avis ;

dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

déclaré la présente ordonnance commune et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Essonne ;

condamné Mme [C] [E] aux entiers dépens ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 16 novembre 2023, M. [T] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 avril 2024, il demande à la cour, au visa des articles 145, 700 et 789 du code procédure civile, L1110-4 et R4127-4 du code de la santé publique, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de :

infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés d'Evry le 27 octobre 2023, sous le numéro RG 23/00564, en ce qu'elle prévoit dans sa mission d'expertise que l'Expert devra :

« se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission » ;

Statuant à nouveau,

modifier le premier point de la mission d'expertise ne le remplaçant par :

« se faire communiquer par la patiente ou son représentant légal tous éléments médicaux relatifs aux actes critiqués, et se faire communiquer par tous tiers détenteurs de l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de la patiente » ;

débouter Mme [E] [C] de sa demande de condamnation à l'encontre de M. [W] [T] aux dépens de l'instance.

Il soutient que si le secret médical revêt une portée générale et absolue en matière pénale, sa portée est toutefois relative en matière civile et n'empêche pas le professionnel de santé de verser les informations médicales indispensables à sa propre défense lorsque sa responsabilité professionnelle est mise en cause. Il cite des jurisprudences judiciaires et administratives sur ce point.

Il fait valoir que la mission qui accorde une telle primauté au secret professionnel au détriment des droits de la défense et au droit au procès équitable empêche nécessairement les parties de s'exprimer librement lors des opérations d'expertise, ce qui pourrait s'avérer préjudiciable pour lui.

Il estime que le demandeur qui initie une procédure médicale pour connaître les causes et l'ampleur de ses préjudices accepte nécessairement que son état de santé soit discuté par les parties et leurs représentants devant l'expert.

Il considère que c'est en parfaite méconnaissance des principes constitutionnels et en violation des traités internationaux que l'ordonnance déférée a subordonné l'exercice de ses droits à l'accord préalable de Mme [E].

Dans ses dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2024, Mme [E] demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour d'appel quant à la demande du M. [T] [W] et de condamner M. [T] aux entiers dépens.

Elle souligne que la présente procédure n'ayant pour objet de remettre en cause le bien-fondé de l'expertise, elle s'en rapporte à la présente décision.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2024, la société Hôpital privé [7] demande à la cour, de :

Infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés d'Evry le 27 octobre 2023, sous le numéro RG 23/00564, en ce qu'elle prévoit dans sa mission d'expertise que l'Expert devra : « Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission ; »

Statuant à nouveau,

Remplacer le premier point de la mission d'expertise par : « Se faire communiquer par la patiente ou son représentant légal tous éléments médicaux relatifs aux actes critiqués, et se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de la patiente ».

Elle fait valoir que le juge des référés a subordonné la communication contradictoire des documents médicaux par la partie défenderesse à l'expert et aux parties à l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droits ; que ces modalités ne peuvent être admises dans un litige dont l'objet est d'établir l'éventuelle responsabilité du professionnel de santé défendeur à l'instance ; que le libellé litigieux de la mission contient l'autorisation explicite de la partie demanderesse de pouvoir s'opposer, si elle le décide, à la communication par le défendeur de documents médicaux dont le juge estime par ailleurs qu'ils seraient indispensables au bon déroulement des opérations d'expertise.

Bien que la déclaration d'appel et l'avis de fixation lui aient été signifiés le 18 décembre 2023, la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne n'a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture de l'instruction de l'affaire est intervenue le 30 avril 2024.

SUR CE,

Sur les conditions de remise des documents

L'article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que « toute personne prise en charge par un professionnel de santé (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (...). Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (...) La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (...) ».

Aux termes de l'article R.4127-4 du même code : « le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».

Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments indispensables pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

En l'espèce, en soumettant la production de pièces médicales par les défendeurs, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'accord de l'autre partie au litige, et dès lors, à la volonté discrétionnaire de cette dernière alors que ces pièces sont indispensables à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense de l'appelant.

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige peut être empêchée, par l'autre, de produire spontanément les pièces nécessaires au bout déroulement de l'expertise et à sa défense.

Mme [E] s'en rapporte sur ce point, de sorte qu'elle n'a pas formulé de manière expresse un accord pour cette communication.

Il y a lieu d'infirmer la décision de ce chef en précisant que le secret médical ne pourra plus être opposé aux parties pendant les opérations d'expertise s'agissant de la production de pièces.

Sur les autres demandes

Les dispositions au titre des dépens de l'ordonnance déférée ne sont pas critiquées.

A hauteur d'appel, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que l'expert aura pour mission de se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droits, tous documents utiles à sa mission ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que l'expert aura pour mission de se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers, tous documents utiles à sa mission y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sans que puisse lui être opposé le secret médical ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Rejette le surplus des demandes ;

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/18467
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.18467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award