REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 JUIN 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07611 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQOU
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Février 2023 - Tribunal judiciaire de Bobigny RG n° 22/03661
APPELANT
Monsieur [B] [Y] (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023/008338 du 14/04/2023 accordée par le BAJ de PARIS)
né le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représenté et assisté à l'audience par Me Nathalie ALLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0271
INTIMÉS
Monsieur [C] [D]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 7] (ALGERIE)
[Adresse 4]
[Localité 6]
Défaillant, régulièrement avisé le 15 mai 2023 par procès verbal de remise à personne présente au domicile
Madame [P] [D]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (ALGERIE)
[Adresse 4]
[Localité 6]
Défaillante, régulièrement avisée le 15 mai 2023 par procès verbal de remise à personne présente au domicile
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été appelée le 02 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRÊT :
- par defaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Selon reconnaissance de dette du 27 février 2013, enregistrée au service des impôts le 7 mars 2013, Monsieur et Madame [C] [D], ont reconnu avoir reçu, à titre de prêt consenti par Monsieur [B] [Y], la somme de 21.000 euros.
Dans ce même acte, ils se sont engagés à rembourser cette somme au plus tard le 31 janvier 2014, par chèque tiré sur leur compte ouvert dans les livres de la Banque Postale, remis le même jour au prêteur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception distribué le 30 janvier 2021, Monsieur [Y] a mis en demeure Monsieur et Madame [D] de lui rembourser la somme prêtée.
Par acte d'huissier du 28 mars 2022, Monsieur [Y] a fait assigner Monsieur et Madame [D] en paiement de la somme de 16.760 euros devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Par conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2022, Monsieur et Madame [D] ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de Monsieur [Y].
Par ordonnance du 2 février 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bobigny a :
- Déclaré être incompétent pour statuer sur la demande au fond en paiement de Monsieur [Y] à l'encontre de Monsieur et Madame [D] ;
- Déclaré Monsieur [Y] irrecevable en ses demandes formées contre Monsieur et Madame [D] au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2013, enregistrée au service des impôts le 7 mars 2013 ;
- Débouté Monsieur et Madame [D] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [Y] aux dépens ;
- Débouté Monsieur et Madame [D] de leur demande de recouvrement direct des dépens.
Par déclaration du 21 avril 2023, Monsieur [Y] a interjeté appel de cette ordonnance.
L'affaire a fait l'objet d'un avis de fixation à bref délai.
Par conclusions d'incident en date du 25 mai 2023, Monsieur [Y] a demandé la nomination d'un expert en vérification d'écriture avec pour mission de
1. Procéder à une vérification d'écriture des signatures apposées sur la reconnaissance de dette du 27 février 2013 et sur la mention manuscrite du 9 mars 2017 ;
2. Dire si la signature apposée sous la mention manuscrite du 9 mars 2017 a été apposée par Monsieur [D].
Par ordonnance en date du 15 novembre 2023, le président de chambre s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par Monsieur [Y] qui relevait de la cour et non de la compétence du président de la chambre.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 mai 2023, Monsieur [Y] demande à la cour de :
Vu l'article 43 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
Vu l'article 795 du code de procédure civile ;
Vu les articles 905 et suivants du code de procédure civile,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 2224, 2231 et 2240 du code civil
Infirmer l'ordonnance du 2 février 2023 en ce qu'elle a déclaré Monsieur [B] [Y] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [C] [D] et Madame [P] [D] au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2013.
Statuant à nouveau,
Dire que l'action en paiement de Monsieur [Y] n'est pas prescrite.
Renvoyer l'affaire devant le tribunal judicaire de Bobigny pour poursuite de l'instance au fond.
A défaut, évoquer l'affaire au fond et
Condamner Monsieur [C] [D] et Madame [P] [D] à payer à Monsieur [B] [Y] la somme de 16.760 euros au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2021, date de la mise en demeure.
A titre subsidiaire,
Ordonner une expertise graphologique de la mention manuscrite et de la signature apposée sur la mention de paiement partiel du 9 mars 2017 par Monsieur [C] [D].
Monsieur [Y] fait valoir que le paiement partiel intervenu le 9 mars 2017, avant l'expiration du délai de prescription, l'interrompt.
Il ajoute qu'il a, pendant le délai de prescription, déposé une demande d'aide juridictionnelle aux fins d'assigner les époux [D] en paiement le 27 mai 2021 ce qui suspend la prescription conformément aux dispositions de l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.
À titre subsidiaire, il demande à la cour d'ordonner une expertise graphologique de la mention manuscrite et de la signature apposée sur la mention de paiement partiel du 9 mars 2017 par Monsieur [C] [D].
Monsieur et Madame [D] n'ont pas constitué avocat. La présente décision sera rendue par défaut, la déclaration d'appel ne leur ayant pas été remise à personne.
En cours de délibéré, Maître [F] a adressé à la cour une pièce qu'elle indique être l'original de sa pièce 2, exposant qu'elle avait indiqué par erreur à l'audience que l'original était dans le dossier déjà adressé à la cour.
MOTIFS
Sur la prescription :
Le premier juge a considéré que la demande en paiement de Monsieur [B] [Y], selon assignation délivrée le 28 mars 2022, était prescrite depuis le 28 février 2018, que la demande d'aide juridictionnelle postérieure n'a pu avoir aucun effet suspensif et que la preuve du paiement partiel invoqué n'est pas rapportée et ne constitue pas une cause d'interruption.
Sur ce,
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ·
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Aux termes de l'article 2231 du code civil, l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.
En application de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Il résulte de l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles en vigueur depuis le 1er janvier 2021 que sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du dit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :
1° De la notification de la décision d'admission provisoire ;
2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;
4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.
Selon reconnaissance de dette manuscrite du 27 février 2013, enregistrée au service des impôts le 7 mars 2013, Monsieur et Madame [D] ont reconnu avoir reçu, à titre de prêt consenti par Monsieur [Y], la somme de 21.000 euros.
Dans ce même acte, ils se sont engagés à rembourser cette somme au plus tard le 31 janvier 2014.
Aux termes de l'article 2233 du code civil :
"La prescription ne court pas :
(...)
3° A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé."
Le premier juge a, à juste titre, fixé le point de départ de la prescription au 31 janvier 2014, date du terme convenu entre les parties.
Au soutien de son argument d'une interruption de la prescription suite à un paiement partiel en application des dispositions de l'article 2240 du code civil, Monsieur [Y] a produit en cours de délibéré une copie de la reconnaissance de dette au dos de laquelle figure la seule mention manuscrite 'le 09/03/2017 versé 4240 euros' suivie d'une signature partiellement illisible.
Cette mention a, dans un premier temps, été produite, en pièce 2, sur une page distincte et l'authenticité du document communiqué en cours de délibéré est incertaine, un montage à l'aide d'une photocopieuse afin que la mention apparaisse comme ayant été portée au dos d'une copie de la reconnaissance de dette ne pouvant être exclu.
En l'absence de tout autre élément, cette mention est en tout état de cause insuffisante pour rapporter la preuve que cette somme a effectivement été versée à Monsieur [Y] par Monsieur et Madame [D]. Il n'est également pas établi que le versement aurait été effectué en remboursement du prêt de 21.000 euros qu'il leur a consenti.
Dès lors la prescription de l'action en paiement est acquise cinq années après le 31 janvier 2014 soit depuis le 1er février 2019 (et non depuis le 28 février 2018 comme retenu par erreur par le premier juge), la demande d'aide juridictionnelle, non produite, qui aurait été déposée par Monsieur [Y] le 27 mai 2021, postérieurement à cette date, ne pouvant pas interrompre un délai déjà expiré.
Il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise graphologique qui ne doit pas suppléer la carence de preuve des parties et ne permettrait en tout état de cause pas de rapporter la preuve que la mention d'un versement de 4240 euros se rapporte au prêt de 21.000 euros et qu'il n'y a pas eu un montage.
Il sera ajouté à l'ordonnance dont il a été interjeté appel que Monsieur [Y] est débouté de cette demande.
La décision déférée qui a déclaré Monsieur [Y] irrecevable en ses demandes formées par assignation en date du 28 mars 2022 à l'encontre de Monsieur et Madame [D] au titre de la reconnaissance de dette du 27 février 2013 est confirmée.
Sur les dépens :
Les dépens de première instance exposés par les époux [D] sont laissés à la charge de Monsieur [Y].
Compte tenu de l'aide juridictionnelle totale dont Monsieur [Y] bénéficie, les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'Etat.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [B] [Y] de sa demande d'expertise graphologique,
Dit que les dépens d'appel sont laissés à la charge de l'Etat,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,