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06/06/2024 | FRANCE | N°23/05857

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 06 juin 2024, 23/05857


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05857 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLYX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2023 -Juge de l'exécution de Paris RG n° 22/81897



APPELANT



Monsieur [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, t

oque : B0653

Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie MALAZDRA, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 3]



MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05857 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLYX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2023 -Juge de l'exécution de Paris RG n° 22/81897

APPELANT

Monsieur [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie MALAZDRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 3]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentées par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie Distinguin, conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Suivant un jugement prononcé le 7 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné, avec exécution provisoire, la SCP Bernard Choix, notaires associés, à payer à M. [U] [T] diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

En exécution de cette décision, les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA (ci-après les sociétés MMA), assureurs au titre de la responsabilité civile professionnelle de la SCP Bernard Choix ont désintéressé M. [T].

Par arrêt en date du 28 janvier 2016, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement du 7 novembre 2013 relativement aux condamnations prononcées à l'encontre de la SCP Bernard Choix au profit de M. [T].

Par acte du 29 septembre 2022, les sociétés MMA ont fait pratiquer au préjudice de M. [T], sur le fondement de l'arrêt du 28 janvier 2016, une saisie-attribution auprès de la SCP Venezia et Associés, pour un montant de 81 458,96 euros, dont 21 542,64 euros au titre des intérêts.

Cette saisie a permis d'appréhender une somme de 4000 euros.

Contestant la mesure d'exécution forcée, M. [T] a fait assigner les sociétés MMA devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en vue d'obtenir à titre principal l'annulation de la saisie et à titre subsidiaire sa mainlevée.

Par jugement rendu le 22 mars 2023, le juge de l'exécution a :

- rejeté la contestation formée par M. [T],

- débouté M. [T] de ses autres prétentions,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [T] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a relevé que le procès-verbal de saisie portait bien la mention du titre exécutoire servant de fondement aux poursuites, peu important par ailleurs les erreurs matérielles l'affectant dès lors qu'il était justifié en l'occurrence de la signification à avocat, puis à partie de l'arrêt du 28 janvier 2016.

Il a considéré en outre que les assureurs se trouvaient légalement subrogés dans les droits de leur assurée, et par voie de conséquence d'une créance de restitution consacrée par l'arrêt infirmatif, de sorte que le moyen tiré de ce que les assureurs ne figuraient pas comme parties à cette dernière décision était inopérant.

Le juge a par ailleurs écarté la prescription en rappelant que ladite créance de restitution, qui résultait d'un titre exécutoire, bénéficiait de la prescription décennale de l'article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Il a estimé que la demande de mainlevée partielle tendant à la suppression des intérêts s'avérait sans objet compte tenu du montant saisi.

Par déclaration en date du 30 mars 2023, M. [T] a interjeté appel de la décision.

Par conclusions signifiées le 16 mai 2023, M. [U] [T] demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu le 22 mars 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Et statuant à nouveau,

juger nul le procès-verbal de saisie-attribution du 29 septembre 2022 et nulle et sans objet la saisie-attribution pratiquée le 29 septembre 2022,

Par conséquent,

ordonner la mainlevée totale et sans réserve de la saisie-attribution du 29 septembre 2022 ;

En tout état de cause,

infirmer le jugement rendu le 22 mars 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Et statuant à nouveau

juger l'action de MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD prescrite et par

conséquent,

ordonner la mainlevée totale et sans réserve de la saisie-attribution pratiquée le 29

septembre 2022 à ce titre,

A titre subsidiaire,

infirmer le jugement rendu le 22 mars 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

ordonner la mainlevée partielle de la saisie attribution du 29 septembre 2022 à hauteur de 21.542,64 euros,

lui accorder les plus larges délais de paiement pour le règlement de la somme due,

ordonner que la somme due portera intérêts à un taux réduit à compter du jour de la signification de la décision définitive à intervenir ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,

En tout état de cause,

condamner les MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, solidairement ou à défaut in solidum, au paiement, chacune, d'une somme de 10.000 euros pour procédure abusive, en réparation du préjudice qu'il a subi,

condamner les MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, solidairement ou à défaut in solidum, au paiement chacune d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 14 septembre 2023, le magistrat désigné par le premier président a déclaré irrecevables les conclusions déposées par les MMA le 1er août 2023.

MOTIFS :

Sur les erreurs matérielles affectant le procès-verbal de saisie-attribution du 29 septembre 2022 relatives au titre exécutoire :

L'article R211-1 dispose :

« Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.

Cet acte contient à peine de nullité :

1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ; (') »

Au cas présent , le procès-verbal de saisie contestée du 29 septembre 2022 versé aux débats indique qu'elle est pratiquée en vertu d'un arrêt revêtu de la forme exécutoire, rendu par la cour d'appel de Versailles en date du 28 janvier 2016, signifié à avocat le 8 mars 2016 et précédemment signifié à partie.

Comme M. [T] le souligne à juste titre, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles a été signifié à avocat, non pas le 8 mars 2016 mais le 12 février 2016. Par ailleurs, c'est aussi à la suite d'une erreur matérielle que l'acte énonce que la signification à partie a précédé la signification à avocat. Cependant, ces erreurs matérielles n'affectent en rien la validité de l'acte dès lors que le procès-verbal énonce le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites et que ce titre a été valablement signifié ce qui n'a jamais été contesté, étant rappelé au surplus que le texte applicable rappelé ci-dessus n'exige pas à peine de nullité la mention de la date de signification du titre.

Le procès-verbal de saisie-attribution n'est donc affecté d'aucune irrégularité de nature à entraîner sa nullité.

Sur l'existence d'un titre exécutoire au profit des MMA :

M. [T] observe que les MMA n'étaient pas parties à l'instance devant la cour de sorte que l'arrêt ne leur serait pas opposable. Il soutient que le notaire n'a pas pu transmettre aux MMA des droits inexistants dans le cadre de la subrogation ; selon lui en effet, le paiement effectué par les assureurs en 2014 a eu pour effet de leur transmettre les droits du notaire, de sorte que ce dernier n'avait plus ni qualité ni intérêt à agir devant la cour d'appel de Versailles, seules les sociétés MMA étaient recevables à poursuivre l'action judiciaire du notaire devant la cour, ce qu'elles n'ont pas fait. Il ajoute que les sociétés MMA ne rapportent pas la preuve de l'application de la subrogation légale, soulignant qu'elles ne justifiaient pas des conditions particulières et des conditions générales de la police d'assurance et n'avaient intenté aucune action à l'encontre de M. [T].

L'article L121-12 du code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Au cas présent, le tribunal de grande instance de Nanterre a annulé pour dol la vente immobilière conclue entre M. [T] et M. [K] et ordonné à ce dernier de restituer au premier la somme de 190.000 euros perçue au titre du prix de vente. Il a en outre condamné la « SCP Bernard Choix notaires associé » à restituer à M. [T] les frais de mutation et de vente et à le garantir dans la limite d'un tiers des condamnations de M. [K], le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Il est constant que les MMA n'étant pas partie à l'instance, elles n'ont fait l'objet d'aucune condamnation en garantie ou en qualité de codébiteur de la dette.

Les MMA ont payé à M. [T] l'indemnité mise à la charge du notaire, en leur seule qualité d'assureurs responsabilité civile de la SCP « Bernard Choix, notaires associés », dans le cadre de l'exécution de leur obligation contractuelle vis-à-vis de leur assurée, exclusif à ce stade de tout mécanisme de subrogation légale.

Par arrêt du 28 janvier 2016, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement en ce qu'il avait annulé la vente et l'a infirmé, notamment du chef des condamnations prononcées contre la SCP« Bernard Choix, notaires associés », faisant naître ainsi une créance en répétition de l'indu.

L'article L121-12 du code des assurances rappelé plus avant ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce pour permettre aux MMA de recouvrer les sommes indûment payées puisque le mécanisme de la subrogation légale a pour objectif de permettre à l'assureur d'agir contre le tiers responsable. Or, au cas présent, les MMA n'exercent pas leur recours contre le tiers responsable puisqu'elles sont les assureurs de celui-ci et ont versé l'indemnité à M. [T] à ce titre. Elles agissent en recouvrement d'un paiement indu contre la victime initiale. Elles ne peuvent donc pas se prévaloir du mécanisme de la subrogation légale, pas plus d'ailleurs qu'elles ne pourraient invoquer une éventuelle subrogation conventionnelle dès lors que seul M. [T], en tant que bénéficiaire du paiement, aurait qualité pour les subroger dans ses droits.

Cependant, si l'arrêt infirmatif vaut créance de restitution au bénéfice de la SCP Choix et associés et partant, ouvre des droits aux MMA qui ont payé des sommes pour le compte de la SCP, il ne saurait en revanche constituer un titre exécutoire au profit des MMA. En effet, quand bien même elles ont réglé à M. [T] au mois de mai 2014 les sommes constituant l'indu depuis l'infirmation du jugement, elles ne sont pas partie au jugement, ni à l'arrêt. Il leur appartient en conséquence d'agir à l'encontre de M. [T] en répétition de l'indu aux fins d'obtenir un titre exécutoire reconnaissant leur créance.

Les MMA ne disposant d'aucun titre exécutoire à l'encontre de M. [T], la saisie-attribution qu'elles ont pratiquée le 29 septembre 2022 auprès de la SCP Venezia et Associés, en vertu de l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Versailles, doit être annulée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 29 septembre 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Au cas présent, les MMA ont fait pratiquer une saisie-attribution sans titre exécutoire, se prévalant d'un arrêt infirmatif obtenu en outre plus de six années auparavant et sans qu'aucune mise en demeure préalable n'ait été adressée à M. [T].

La saisie manifestement abusive justifie l'allocation au profit de M. [T] d'une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

L'appelant prospérant en son appel, il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les intimées aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en compensation des frais irrépétibles exposés par M. [T] en première instance et à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

ANNULE la saisie-attribution du 29 septembre 2022 pratiquée entre les mains de la SCP Venezia et Associés,

ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution du 29 septembre 2022,

CONDAMNE les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à payer à M. [U] [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à payer à M. [U] [T] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/05857
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.05857 ?
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