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06/06/2024 | FRANCE | N°23/03090

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 06 juin 2024, 23/03090


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 06 JUIN 2024



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03090 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHD2H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2022022721





APPELANTE



S.A.S. AON FRANCE agissant par son président en exercice dom

icilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 414 572 248



représentée par Me Matt...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03090 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHD2H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2022022721

APPELANTE

S.A.S. AON FRANCE agissant par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 414 572 248

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistée de Me Yves SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque : R145 et Me Martin DONATO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0564

INTIMEE

S.A.S.U. INES CAPITAL agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 5]

[Localité 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 523 823 300

représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,

assistée de Me Laurent LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie MOLLAT, présidente

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère

Mme Constance LACHEZE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Sophie MOLLAT, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

********

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Aon France est la filiale française du groupe américain Aon, coté au Nasdaq, leader mondial du courtage en assurance, des services et du conseil aux entreprises en matière de gestion des risques, de retraite et de santé.

La SAS Inès Capital est une société dirigée par M. [L] [N] et a pour activité principale la détention de participations (holding).

M. [L] [N] est également le fondateur de la société Ovatio Courtage (créée en 2008) dont il était, jusqu'en 2019, le dirigeant.

La société Ovatio Courtage exerçait une activité de courtage d'assurance dans les industries culturelles et créatives.

À compter de l'année 2015, le capital d'Ovatio Courtage était détenu majoritairement par Inès Capital, à hauteur de 86% et le solde était détenu par deux actionnaires minoritaires, à hauteur de 9% par la société Assurance et Audit et de 5% par la société Financière Mistigri.

En 2018, la société Ovatio Courtage a racheté l'intégralité des parts sociales des sociétés La Baume Linares Assurances et Septier Assurances, sociétés de courtage évoluant respectivement dans le secteur de l'événementiel et de l'art. Ainsi, jusqu'au mois de juillet 2019, ce groupe de sociétés formait le groupe Ovatio.

Au cours de l'année 2018, la société Aon France a identifié le groupe Ovatio comme offrant une opportunité de croissance et de développement de ses activités de courtage d'assurance dans le secteur du conseil aux industries de la culture, des médias et du spectacle vivant (concerts, festivals, spectacles, manifestations sportives et culturelles, etc).

La société Aon France s'est ainsi rapprochée de M. [N], lequel était alors à l'écoute d'offres de potentiels repreneurs, afin de discuter des termes d'un éventuel rachat du groupe Ovatio.

Un accord de confidentialité a été signé le 19 novembre 2018 et les premiers échanges intervenus ont confirmé l'intérêt de la société Aon, qui a réfléchi à formaliser une offre d'acquisition de l'intégralité du capital social de la société Ovatio auprès de ses associés. Au mois de mars 2019, ont eu lieu des négociations entre les parties sur la rédaction d'une lettre d'intention et des discussions internes au sein du groupe Aon.

La société Aon France a, le 2 avril 2019, adressé à M. [L] [N] une lettre d'intention non engageante aux termes de laquelle la société Aon France proposait à la société Inès Capital, et aux autres actionnaires du groupe Ovatio, d'acquérir l'intégralité du capital du groupe Ovatio, moyennant le paiement d'un prix initial de 15,5 millions d'euros éventuellement augmenté d'un earn-out pouvant aller jusqu'à 6 millions d'euros et qui serait fonction du chiffre d'affaires du groupe Ovatio réalisé sur l'exercice 2021.

En parallèle, les parties ont signé la side-letter relative notamment au « package » personnel de M. [N], à ses conditions d'emploi au sein de la société Aon France, et qui prévoyait en outre une réduction d'effectif du groupe Ovatio.

Ainsi, le 12 juillet 2019, un contrat de cession de l'intégralité des actions d'Ovatio Courtage, rédigé en anglais sur la base d'une trame proposée par le conseil de la société Aon, a été conclu entre Inès Capital, Assurance et Audit, Financière Mistigri et M. [N] (les vendeurs), et la société Aon France.

Le contrat signé sous forme de « reliure notariée » est rédigé en anglais et selon une structure contractuelle anglo-saxonne, étant précisé que la société Inès Capital a fait réaliser une traduction assermentée du contrat par un expert-traducteur.

Le 31 juillet 2019, la société Inès Capital a, en exécution du contrat de cession, signé un ordre de mouvement d'actions ordinaires transférant à la société Aon France la propriété de toutes ses actions d'Ovatio Courtage.

Le contrat prévoit, en contrepartie de la cession de ces actions d'Ovatio Courtage, le paiement d'un prix total compris entre 15 500 000 et 21 500 000 euros dont le versement doit intervenir de la manière suivante :

Un prix de base de 15 500 000 euros, réparti à proportion du pourcentage de détention des actions d'Ovatio Courtage par les cédants au jour de la cession ;

Un complément de prix dont le montant, payable à terme et variable ' jusqu'à 6 000 000 euros à répartir entre les vendeurs ' est calculé au regard des revenus générés par l'activité du groupe Ovatio (les revenus ajustés) sur une période courant du 31 juillet 2019, date de l'exécution, au 31 décembre 2021.

Selon la société Inès Capital, le point de départ du calcul des « revenus ajustés » par le groupe Ovatio est la « date de l'exécution » soit le 31 juillet 2019 et, selon la société Aon France, les « revenus ajustés » sont ceux de l'exercice 2021.

A la fin de l'année 2019, les sociétés composant le groupe Ovatio ont été dissoutes et leur patrimoine respectif transmis à la société Aon France.

M. [N] a été engagé à compter du 1er août 2019 par la société Aon France en qualité de directeur salarié de la branche Aon Risk Solutions (statut cadre).

Par lettre du 14 juin 2021, sur demande de M. [N], la société Aon France a communiqué les rapports trimestriels sur l'activité du groupe Ovatio prévus au contrat, ainsi que les chiffres 2019, 2020 et ceux du 1er trimestre 2021 à la société Inès Capital.

Par lettre de son conseil du 1er juillet 2021, la société Inès Capital a indiqué à la société Aon France que les objectifs s'apprécient sur une période du 31 juillet 2019 au 31 décembre 2021.

Par lettre du 13 septembre 2021, la société Aon France lui a communiqué les mêmes chiffres, ceux du 2ème trimestre 2021 et les projections pour le 3ème et le 4ème trimestres 2021, chiffres qui selon la société Inès Capital confirmaient que les objectifs contractuels de « revenu ajusté » permettant de déclencher le paiement du seuil maximum de complément de prix de cession seraient atteints, alors que, selon la société Aon France, aucun complément de prix ne serait dû.

Par lettre de son conseil des 20 et 21 septembre 2021, la société Inès Capital a fait part à la société Aon France de son désaccord. Par lettre du 23 septembre 2021, la société Aon France lui a confirmé sa position.

Par acte du 18 novembre 2021, M. [N] a saisi en référé, par l'intermédiaire de sa société holding Inès Capital, le président du tribunal de commerce de Paris pour demander l'exécution du contrat en sollicitant la communication par la société Aon France de documents estimant le revenu ajusté sur la base de ceux générés par le groupe Ovatio sur la période du 31 juillet 2019 au 31 décembre 2021, et sous astreinte au plus tard le 11 mars 2022, le document de synthèse provisoire du complément de prix de cession fondé sur les « revenus ajustés » générés par le groupe Ovatio sur cette période (entre le 31 juillet 2019 et le 31 décembre 2021, et non sur la seule année civile 2021).

Par ordonnance du 23 février 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a dit ne pas y avoir lieu à référé en raison de contestations sérieuses. Il a en effet estimé que les points de désaccord exprimés par la société Inès Capital et la société Aon France établissaient l'existence d'une contestation sérieuse sur l'interprétation des clauses du contrat qui exclut les pouvoirs du juge des référés.

Le 25 février 2022, la société Aon France a communiqué à la société Inès Capital les comptes provisoires du complément de prix de cession retenant uniquement le résultat 2021 et, le 11 mars 2022, le document de synthèse provisoire de complément de prix de cession indiquant qu'aucun complément de prix ne serait payé.

Par acte du 27 avril 2022, la société Inès Capital a fait assigner la société Aon France devant le tribunal de commerce de Paris afin de solliciter la condamnation de la société Aon France au paiement de la part du complément de prix de cession qu'elle considère lui revenir au titre du contrat.

Par jugement du 31 janvier 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la SAS Aon France à payer à la SAS Inès Capital la somme de 5 160 000 euros au titre du complément de prix de cession ;

Condamné la SAS Aon France à payer à la SAS Inès Capital la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la SAS Aon France aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe de la cour du 6 février 2023, la société Aon France a interjeté appel de ce jugement et a saisi, en parallèle, le premier président de la cour d'appel aux fins d'être autorisée à consigner les sommes mises à sa charge au terme du jugement.

Confrontée au refus manifeste de la société Aon France d'exécuter spontanément, la société Inès Capital a, le 17 février 2023, a fait procéder à une série de saisies-attributions sur les comptes bancaires de la société Aon France, identifiés grâce à une requête FICOBA et ouverts au sein des banques suivantes : BNP Paribas, BRED Banque Populaire, Crédit Lyonnais, Société Générale, HSBC et Crédit du Nord. L'ensemble des mesures a été dénoncé à la société Aon France le 21 février 2023. La société Inès Capital a ensuite fait procéder à la mainlevée de 5 des 6 saisies, à l'exception de celle réalisée entre les mains de la BRED Banque Populaire.

Le 20 mars 2023, la société Aon France a sollicité du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris de prononcer la mainlevée de la saisie-attribution diligentée auprès de la BRED Banque Populaire ainsi que la condamnation de la société Inès Capital à lui verser la somme de 35 000 euros au titre d'un prétendu abus dans la mise en 'uvre de ladite saisie.

Par ordonnance du 16 mai 2023, le premier président de la cour d'appel de Paris a autorisé la société Aon France à consigner entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 5 160 000 euros, objet de la condamnation à titre principal.

Par jugement du 6 juin 2023, le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Paris a cantonné la saisie-attribution pratiquée le 17 février 2023 entre les mains de la BRED Banque Populaire à la somme en principal de 50 000 euros, aux frais et aux intérêts recalculés sur cette somme par le commissaire de justice et a ordonné la mainlevée partielle de cette mesure pour le surplus, soit la somme en principal de 5 160 000 euros et les intérêts afférents.

La société Inès Capital a relevé appel de la décision du juge de l'exécution par déclaration du 8 juin 2023 et a saisi le premier Président de la cour d'appel de Paris d'une demande de sursis à exécution. Par ordonnance du 18 octobre 2023, le premier président a confirmé que la société Inès Capital justifiait d'un moyen sérieux de réformation de la décision du juge de l'exécution, a débouté la société Aon France de sa demande de condamnation de la société Inès Capital à une amende civile et a ordonné le sursis à exécution du jugement rendu le 6 juin 2023 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie pour la somme en principal de 5 160 000 euros et les intérêts afférents.

Enfin, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin qu'il constate que les manquements de la société Aon justifient la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs. Dans un jugement rendu le 26 septembre 2023, le conseil de prud'hommes a débouté M. [N] de ses demandes et requalifié sa prise d'acte en démission. M. [N] a saisi, en référé, le conseil de prud'hommes de Paris et, à la date des présentes, cette procédure est toujours en cours.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2023, la société Aon France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1188 et suivants du code civil, de :

La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2023 en ce qu'il :

Condamne la SAS Aon France à payer à la SAS Inès Capital la somme de 5 160 000 euros au titre au titre du complément de prix de cession ;

Condamne la SAS Aon France à payer à la SAS Inès Capital la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu'il déboute la société Aon France de ses demandes ;

Condamne la SAS Aon France aux dépens de l'instance ;

Et statuant à nouveau,

Débouter la société Inès Capital de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

Condamner la société Inès Capital à payer à la société Aon France la somme de 100 000 euros par application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Inès Capital aux entiers dépens de l'instance qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2024, la société Inès Capital demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1191, 1192, 1217, 1304-3, et 1304-5 du code civil, de :

Recevoir la société Inès Capital en ses demandes et ce faisant, la dire bien fondée.

À titre principal, sur le manquement à l'obligation de paiement du complément de prix de cession,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une infirmation, sur le manquement à l'obligation de loyauté,

Juger que la société Aon France a manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions ;

Juger que la condition suspensive stipulée au contrat est réputée accomplie ;

En conséquence,

Condamner la société Aon France à verser à la société Inès Capital la somme de 5 160 000 euros au titre du complément de prix de cession ;

À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse d'une infirmation, sur la perte de chance de percevoir le complément de prix de cession,

Juger que la société Aon France a manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi des conventions ;

En conséquence,

Condamner la société Aon France à verser à la société Inès Capital la somme de 5 160 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir le complément de prix de cession ;

En tout état de cause,

Débouter la société Aon France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société Aon France à verser à la société Inès Capital la somme de 90 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Aon France aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi en application de l'article 699 du code de procédure civile.

*****

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la clause de complément de prix de cession

La société Aon France, poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, soutient que le contrat, dénué de clarté, ne peut être appliqué sans interprétation, en application de l'article 1188 du code civil, notamment en ce qu'il est lacunaire s'agissant de certaines clauses (définitions à l'article 1.1 du contrat) qui font référence à une « Period » sans que le terme soit préalablement défini, alors qu'il l'était dans les précédentes versions, de sorte que les obligations prévues par ces clauses sont indéterminées, ce qui révèle que le contrat contient une contradiction interne formelle à travers ses définitions incomplètes ; et en ce qu'il est ambigu s'agissant de la notion d' « Adjusted Revenue » (article 1.1 de l'annexe 4) telle que retenue par le tribunal (chiffre d'affaires réalisé sur 29 mois du 31 juillet 2019 au 31 décembre 2021) qui est inconciliable avec l'engagement pris à l'article 1.4 de l'annexe 4 de communiquer ledit Adjusted Revenue chaque trimestre.

Elle réfute s'être engagée à communiquer chaque trimestre depuis le 31 juillet 2019 une estimation du chiffre d'affaires ajusté futur sur les mois restant à courir jusqu'au 31 décembre 2021 (29 mois au 31 juillet 2019), car si tel avait été le cas, le contrat aurait prévu qu'elle communique non pas le chiffre d'affaires ajusté sur une base trimestrielle mais le chiffre d'affaires ajusté proratisé sur la période du 31 juillet au 31 décembre 2019, ce qui n'est nullement envisagé et le chiffre d'affaires cumulé pour tous les trimestres écoulés, ce qui n'est pas non plus prévu. Elle ajoute qu'elle n'a pas fourni d'estimation du chiffre d'affaires futur pendant deux ans et demi, sans que la société Inès Capital la lui réclame. Elle estime par ailleurs qu'elle n'aurait pas pu faire en 2019 une telle estimation, qui ne se confond pas avec une prévision budgétaire en début d'exercice en fonction des renouvellements de contrats, et des objectifs de chiffre d'affaires tirés d'une projection d'un taux de croissance moyen sur 5 ans).

Elle conteste par ailleurs la note du Pr. [K] [R] qui interprète le contrat pour conclure à tort à l'interdiction de l'interpréter, avant de donner un avis sur la commune intention des parties qui reprend les contre-sens volontaires de la société Inès Capital, sans aucune analyse des pièces du dossier. Elle fait au contraire valoir la nécessité d'interpréter le contrat.

Elle ajoute que l'examen de la volonté commune des parties conduit à interpréter le contrat de manière différente de celle retenue par le tribunal. A cet égard, elle expose que le critère de déclenchement de l'earn-out est le chiffre d'affaires (ajusté) de l'exercice 2021 (dont les seuils correspondent à des objectifs de croissance du chiffre d'affaires fixés par rapport au dernier exercice précédant la cession, au « CAGR 2018-2021 » du chiffre d'affaires), comme les pièces l'établissent. Ainsi, les pourparlers ayant précédé la signature du contrat sont univoques, de la première discussion entre les parties (octobre 2018) à la signature de la lettre d'intention négociée (avril 2019), s'agissant du critère de déclenchement de l'earn-out qui est le chiffre d'affaires qui sera réalisé au cours des 12 mois de l'exercice 2021, à comparer au chiffre d'affaires du dernier exercice précédant la cession, qui est l'exercice 2018, pour mesurer la croissance du chiffre d'affaires à travers un taux de croissance annuel moyen. Il en va de même, selon elle, des échanges relatifs à la rédaction du contrat qui sont également univoques, la société Inès Capital ne pouvant affirmer que le critère de déclenchement de l'earn-out aurait été renégocié entre la signature de la lettre d'intention (4 avril 2019) et la signature du contrat (12 juillet 2019). Elle conclut que la thèse de la société Inès Capital alléguant une prétendue renégociation dudit critère en contrepartie d'autres points de discussions constituent une grossière man'uvre d'évitement.

Elle soutient que seule son interprétation est de nature à donner une cohérence au contrat. A ce titre, elle explique que l'expression « Adjusted Revenue » (chiffre d'affaires ajusté) est une notion générique définie à l'article 1 de l'annexe 4 du contrat de cession, laquelle traite du complément de prix, qui a pour objet de donner le sens (« Meaning ») des ajustements à opérer sur le chiffre d'affaires afin que le chiffre d'affaires de l'exercice 2021 ' post intégration de la société Ovatio ' ait une structure comparable à celle de l'exercice 2018, dernier exercice connu à la date de la signature du contrat. Elle ajoute que l'objet de l'article 1 de l'annexe 4 n'est pas de fixer le critère de déclenchement de l'earn-out, mais de lister l'ensemble des composantes du chiffre d'affaires à inclure ou exclure, des ajustements à opérer afin que le chiffre d'affaires 2021 qui permet de définir le seuil de déclenchement de l'earn-out, soit cohérent avec le chiffre d'affaires 2018 qui a servi de point de départ au calcul du taux de croissance annuel du chiffre d'affaires, le CAGR 2018-2021, et que c'est ce taux de croissance annuel du chiffre d'affaires qui a permis de fixer les valeurs absolues de chiffres d'affaires de l'exercice 2021 à atteindre, conformément à ce dont étaient convenues les parties dès la lettre d'intention. Elle expose au surplus que par l'expression « as at the Earn-Out Calculation Date », les parties se réfèrent nécessairement au chiffre d'affaires annuel, l'article 2 de l'annexe 4 se référant au chiffre d'affaires annuel 2018 par la même expression. Elle prétend enfin que le contrat prévoit expressément des comptes de l'earn-out suivant les méthodes comptables appliquées aux comptes de référence, ceux de l'exercice 2018, ces méthodes comptables étant utilisées pour l'établissement de comptes annuels, et qu'aucune clause du contrat ne stipule un cumul des chiffres d'affaires mensuels du 1er août 2019 au 31 décembre 2021, ou bien de 2019, 2020 et 2021.

A l'appui de son interprétation du contrat, elle énonce que le comportement postérieur de M. [N] et des autres vendeurs est révélateur de l'intention commune des parties, en ce que M. [N] sait bien que le seuil de déclenchement n'a pas été atteint, les autres vendeurs ne s'associant pas à la nouvelle interprétation de M. [N] pour avoir été partis au contrat et avoir pris part aux pourparlers.

Elle ajoute que la commune intention des parties est au surplus la seule interprétation raisonnable sur le plan économique et financier, dès lors qu'il n'est pas vraisemblable que les parties aient voulu accorder un complément de prix ' encore moins la veille de la signature à rebours de toutes les négociations ' aux vendeurs dans un cas où la société sous-performerait lourdement. Elle conteste ainsi l'interprétation de l'intimée selon laquelle, pour atteindre 6,761M€ de chiffre d'affaires en 29 mois, le groupe Ovatio devait réaliser un chiffre d'affaires annuel moyen de 2,8M€ soit plus de 50% inférieur au chiffre d'affaires de l'exercice 2018 de référence (6.171 K€). Elle conclut donc que seule la prise en compte d'un chiffre d'affaires annuel en 2021 est intellectuellement et logiquement raisonnable pour mesurer une performance par comparaison avec l'exercice 2018 qui demeure l'exercice de référence et qui est un exercice de 12 mois. Elle ajoute que l'ampleur de la contre-performance de la société Ovatio, en partie liée au COVID, était d'ailleurs imprévisible et qu'il est manifeste que l'objectif de chiffre d'affaires au titre de l'exercice 2021 fixé par les parties pour déclencher un complément de prix n'a pas été atteint, même pour son premier palier.

Elle conclut que la commune intention des parties a toujours été que le critère de déclenchement de l'earn-out soit un seuil de chiffre d'affaires (ajusté) à atteindre sur les douze mois de l'exercice 2021, lequel seuil est lui-même déterminé à partir d'un taux de croissance annuel moyen appliqué à l'exercice de référence 2018 précédant la cession, et qu'elle ne fait que résulter d'une maladresse rédactionnelle involontaire.

La société Inès Capital conteste la position de la société Aon qui prétend que la période sur laquelle s'agrège le chiffre d'affaires déclenchant le paiement de l'earn-out serait demeurée inchangée depuis l'origine de cette opération, à savoir le seul exercice 2021, et qu'il faudrait désormais interpréter le contrat et lui faire dire ce qu'il ne dit pas. Elle soutient que, ce faisant, la société Aon demanderait à la cour d'interpréter le contrat mais aussi de le réécrire en remplaçant la seule période de référence de 29 mois (allant de la date de réalisation de l'opération à la date de calcul de l'earn-out), pourtant clairement et sans ambiguïté stipulée aux articles 1.1 et 1.4 de l'annexe 4 du contrat, par une période de 12 mois, devant prétendument correspondre au seul exercice 2021, qui n'est pourtant jamais visée ni dans le contrat ni dans ses annexes. Elle précise à ce titre que l'absence de définition du terme « Period » ne pose aucune difficulté dès lors que la période de référence est définie à l'article 1.1 de l'annexe 4. Elle ajoute que l'article 1188 du code civil sur lequel se fonde la société Aon ne s'applique que de manière supplétive lorsque les clauses ne sont pas claires et précises, alors qu'on ne peut interpréter des clauses claires et précises en vertu de l'article 1192 du même code sous peine d'en dénaturer le sens et la portée.

Elle se fonde notamment sur une note du Pr. [K] [R], consulté pour la présente instance, qui confirme que le mécanisme d'earn-out visé aux articles 1.1, 1.4 et 3.1 de l'annexe 4 du contrat « ne saurait être tenu pour ambigu et échappe de ce fait à une recherche d'interprétation de la part du juge sauf à en dénaturer les termes », ajoutant que la clause d'intégralité, dite clause des « quatre coins », figurant à l'article 18 du contrat « est de nature à renforcer son application, interdisant de plus fort de procéder à des interprétations, en se fondant sur des documents précontractuels ». Elle soutient que cette note a été établie par le Pr. [K] [R] connaissance prise de l'ensemble des pièces du dossier, et que son contenu ne se contredit pas malgré une rédaction prudente en ce qu'elle ne constitue qu'un avis juridique.

Elle relève, en tout état de cause, que cette période de référence pour le paiement de l'earn-out a fait, avant la version finale du contrat, l'objet de plusieurs rédactions intermédiaires allant d'une période 24 mois à une période de 12 mois pour finalement s'arrêter sur une période 29 mois et que, sans qu'il soit besoin de rechercher l'intention des parties, cette période de référence pour le paiement de l'earn-out étant claire et sans ambiguïté, ces différentes rédactions intermédiaires attestent néanmoins de négociations intervenues entre les parties sur ce point en contrepartie de la modification substantielle d'autres clauses du contrat, et notamment de l'article 3.7.2 relatif au respect du périmètre d'activités du groupe Ovatio et de l'article 6 relatif au montant des garanties qu'elle a finalement octroyées à la société Aon. Elle exclut en tout état de cause l'examen de la lettre d'intention en ce qu'elle était expressément non engageante. Elle ajoute que l'earn-out restait bien un sujet de discussion entre les parties jusque dans les tous derniers jours ayant précédé la signature de la version finale du contrat.

Elle énonce que, postérieurement à la signature du contrat par les parties, la société Aon lui a bien transmis les rapports financiers d'estimation du chiffre d'affaires pour les années 2019, 2020 et 2021 prévus à l'article 1.4 de l'annexe 4 du contrat, et que les objectifs fixés par la société Aon à l'ancien dirigeant du groupe Ovatio, devenu salarié de la société Aon en charge du développement de l'activité cédée, correspondaient également à la projection du chiffre d'affaires déclenchant le paiement de l'earn-out sur une période de 29 mois, conformément à l'article 1.1 de l'annexe 4, et non au seul exercice 2021.

Elle expose que le comportement ultérieur des parties et les documents établis postérieurement au contrat de cession démontrent que la commune intention des parties était bien de prévoir une période de 29 mois pour mesurer l'atteinte des objectifs de 8,828M€ devant déclencher le paiement du complément de prix, étant précisé que l'objectif personnel de chiffre d'affaires de 3,700M€ à réaliser par M. [N] pour la seule année 2021 est compatible avec cet objectif rapporté à une période de 29 mois.

Elle considère dès lors que l'interprétation du contrat de cession par la société Aon conduit à sa dénaturation.

S'agissant de la cohérence du contrat et la logique économique du complément de prix, elle soutient que la stipulation d'un tel mécanisme de Complément de prix de cession avait pour ambition de fidéliser M. [N] sur les quelques années nécessaires à la transmission sereine de l'activité cédée et que la société Aon a bénéficié d'un délai substantiel de deux ans et demi avant d'être tenue de régler la totalité du prix de cession, étant précisé que celui-ci a toujours été valorisé à hauteur de 21,5 millions d'euros. Elle ajoute que le Complément de prix de cession constitue un simple mécanisme d'échelonnement du paiement du prix de cession - et non un bonus pour une surperformance - conclu dans l'intérêt de la société Aon.

Enfin, si la cour devait interpréter le contrat, elle estime qu'un earn-out s'appréciant sur la base d'un exercice unique, décalé dans le temps d'un an et demi et en appliquant un taux de croissance mathématique pour l'intervalle est suffisamment exceptionnel pour que les parties le stipulent de manière expresse et particulièrement claire au contrat ; qu'à défaut, c'est donc la norme de marché qui s'applique, à savoir une période démarrant immédiatement à compter de la date de signature du contrat et s'étalant sur plusieurs mois, 29 en l'espèce. Elle réfute à ce titre toute erreur de rédaction qui aurait pu se glisser dans une version intermédiaire.

Elle conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions, soulignant la résistance fallacieuse de la société Aon au versement à son bénéfice de l'earn-out, manquant ainsi à ses obligations contractuelles.

Sur ce,

Selon l'article 1103 du code civil, Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1188 du code civil dispose que Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

L'article 1189 prévoit que Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

Lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci.

L'article 1190 poursuit en ce sens : Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur.

Enfin, en application de l'article 1192 du code civil, On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Il résulte de ces dispositions que dès lors que les clauses d'un contrat sont claires et précises, il n'y a pas lieu de l'interpréter de sorte que l'article 1188 précité ne s'applique que de manière supplétive lorsque le juge du fond considère préalablement que les clauses qui lui sont soumises ne sont pas claires et précises.

A défaut, le juge du fond qui interpréterait les clauses claires et précises d'un contrat le modifierait et, partant, en dénaturerait le sens et la portée. Seules l'obscurité et l'imprécision rendant le contrat ambigu ou douteux autorisent le juge à expliciter le sens de la convention.

Enfin, si la ligne de partage entre la clarté et l'ambiguïté peut être ténue, l'interprétation n'est permise que lorsque la convention est susceptible de plusieurs sens ou présente une difficulté de compréhension. Il en va ainsi de deux clauses apparemment claires, mais qui se contredisent, de deux actes qui ne peuvent être lus l'un sans l'autre et doivent se compléter, dans un sens différent d'une première approche, ou encore d'un acte apparemment clair, mais entaché d'erreurs matérielles.

En l'espèce, le contrat de cession a été rédigé en langue anglaise, soumis au droit français, mais a fait l'objet d'une traduction en français par un traducteur assermenté qui n'est pas utilement contestée. La cour se fondera dès lors sur la traduction française.

L'article 3.7 du contrat de cession « Complément de prix de cession » stipule au 3.7.1 : « Le Complément de prix de cession sera calculé et acquitté conformément à l'Annexe 4 »,

L'article 3 « Complément de prix de cession » de cette annexe 4 stipule au 3.1 : « Le Complément de prix de cession sera basé sur la réalisation par les sociétés du groupe d'un certain niveau de Revenus Ajustés (tels que définis plus haut) à la Date de calcul du Complément de prix de cession, le dit niveau étant indiqué dans le tableau du paragraphe 3.3 ci-dessous (« Revenus Ajustés cibles ») ».

L'article 1 « Signification du terme Revenus Ajustés » de cette annexe 4 stipule au 1.1 : « Les Revenus ajustés correspondront aux revenus pour la période démarrant à la Date de l'Exécution et prenant fin à la Date de calcul du Complément du prix de cession après réalisation des Ajustements visant à tenir compte de ce qui suit (conjointement désignés « Ajustements ») ».

Les « Revenus » sont, eux, définis à l'article 1.1 du contrat de la manière suivante : « « Revenus » désigne le montant total, sans double comptabilité, lié à tous revenus sur les commissions, les frais et le courtage relativement à la Clientèle jusqu'à la Date de calcul du Complément de prix de cession. »

Ainsi, il ressort de l'examen de l'article 1.1 du contrat et de l'annexe 4 du contrat que l'objectif déclenchant le paiement du Complément de prix de cession est le montant total des Revenus réalisés auprès de la clientèle du groupe Ovatio sur une période déterminée démarrant à la Date de l'Exécution et prenant fin à la Date de calcul du Complément de prix de cession minorés de certains ajustements comptables.

Or, il ressort de l'article 4.1.1 du contrat que la Date de l'Exécution visée est le 31 juillet 2019 : « L'Exécution aura lieu dans les bureaux de DLA Piper situés [Adresse 1] (France) (ou tout autre endroit qui pourra être convenu par écrit entre l'Acquéreur et les Représentants des Vendeurs), le 31 juillet 2019 ou à tout autre date qui pourra être convenue par écrit entre les Représentants des Vendeurs et l'Acquéreur, étant entendu que les Parties s'efforceront dans la mesure du possible de faire en sorte que l'Exécution ait lieu au plus tard le 31 août 2019. La date à laquelle l'Exécution aura lieu conformément à l'article 4.1 est désignée dans les présentes « Date de l'Exécution ».

Enfin, l' « Exécution » est quant à elle définie à l'article 1.1 du Contrat : « « L'Exécution» désigne l'exécution de la vente et de l'achat des Actions conformément au présent Accord. »

Il s'ensuit que la Date de l'Exécution est la date du transfert de propriété, au profit de la société Aon, des actions de la société Ovatio Courtage par l'émission de l'ordre de mouvement correspondant.

La « Date de calcul du Complément de prix de cession » est quant à elle définie à l'article 1.1 en ces termes : « Date de calcul du Complément de prix de cession désigne le 31 décembre 2021. »

Il en résulte que la période de référence ressortant du contrat de cession, qui comprend son annexe, est la période de référence de 29 mois comprise entre la Date d'Exécution (le 31 juillet 2019) et la Date de calcul du Complément de prix de cession (le 31 décembre 2021).

Cette lecture des dispositions précitées est conforme à l'article 1.4 de l'annexe 4 du contrat qui permet, par la communication de rapports trimestriels, de suivre la progression du chiffre d'affaires pour le calcul de l'earn-out et stipule que : « Les Parties conviennent qu'un rapport sur le montant estimé des Revenus Ajustés sera établi chaque trimestre par l'Acquéreur et communiqué aux représentants des Vendeurs, à compter de la date de l'Exécution jusqu'à la Date de calcul du Complément de prix de cession ».

La période contractuelle de 29 mois devant être prise en compte pour déterminer les Revenus Ajustés est donc rappelée à l'annexe 4 dans trois articles : l'article 1.1, l'article 1.4 et, par renvoi, l'article 3.1, étant observé qu'aucune autre période pour procéder au calcul de l'earn-out - notamment la période de 12 mois invoquée par la société Aon - n'est mentionnée.

Si les parties ont recouru à un système de renvois d'un article à l'autre et de combinaisons entre eux, comme il est d'usage dans les contrats complexes, et si les dates calendaires ne sont mentionnées qu'aux termes de ces renvois, ce procédé ne constitue pas pour autant une source d'ambiguïté.

En outre, la clause d'intégralité selon laquelle les parties sont convenues de ce que leur accord se trouve entièrement contenu dans l'écrit définitif qu'elles ont conclu, sans qu'il soit permis de se référer à la période de négociation et aux échanges qu'elles ont eus, en l'espèce en annulant tous les accords intermédiaires pris par les parties jusqu'à la signature du 12 juillet 2019, mais aussi les déclarations faites lors des pourparlers, permet de mesurer la portée exacte de leurs engagements et d'assurer leur sécurité contractuelle.

Enfin, il n'est relevé aucune erreur matérielle ni maladresse rédactionnelle, d'autant que le mode de calcul est précis et que les deux dates - non contestées par la société Aon - sont exactes. En outre, la circonstance opposée par la société Aon selon laquelle le contrat de cession serait lacunaire est sans incidence sur l'appréciation des critères légaux de clarté et de précision.

La cour, constatant que ces dispositions, prises ensemble comme séparément, sont claires, suffisamment précises et dénuées d'ambigüité ou de contradiction au sens de l'article 1192 du code civil précité, considère par conséquent qu'il y a lieu de les appliquer, sans qu'il soit nécessaire de se livrer à une interprétation pour en comprendre le sens et la portée.

Ainsi, c'est par une exacte appréciation des faits et une juste application du droit que le tribunal a dit que la période de référence clairement stipulée dans le contrat pour le calcul du Complément de prix est la période de 29 mois allant du 31 juillet 2019 au 31 décembre 2021, sans qu'il y ait lieu à une quelconque interprétation pour déterminer le critère de déclenchement du versement du Complément de prix.

Il s'ensuit que la cour n'examinera pas la commune intention des parties au-delà du sens littéral des termes du contrat de cession, ni ne l'interprètera selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation, que ce soit au regard de l'économie générale du contrat, de sa cohérence au plan financier, de la sous-performance alléguée, des attentes légitimes des parties, des pourparlers, des avant-contrats, des versions intermédiaires, des autres engagements (letter of intent, side letter) et de l'ensemble des échanges précontractuels sur la rédaction de diverses clauses, intervenus préalablement à la signature dudit contrat.

La cour n'examinera pas non plus la question du terme « Period » non repris dans les définitions, dès lors que cette absence ne fait naître aucune ambiguïté sur le sens des clauses relatives au Complément de prix et que la période de référence est précisément définie à l'article 1.1 de l'annexe 4.

Enfin, la cour n'analysera pas l'attitude des parties, y compris celle des autres vendeurs, dans l'exécution du contrat de cession postérieurement à sa signature, notamment au regard des rapports trimestriels sur les revenus ajustés que la société Aon devait transmettre (reports performed on a quaterly basis), s'agissant du premier rapport jamais réclamé par M. [N] devant proratiser cinq mois de chiffre d'affaires et des deux rapports subséquents, ou s'agissant de l'estimation du chiffre d'affaires cumulé sur deux ans et demi, pas plus qu'elle n'analysera les échanges survenus en janvier 2021 sur le chiffre d'affaires à atteindre entre la société Aon et M. [N].

Dès lors, la demande de la société Aon tendant à voir interpréter les clauses du contrat litigieux pour faire prévaloir la commune intention des parties, en vue de retenir, comme critère de déclenchement de l'earn-out, le chiffre d'affaires annuel (ajusté) atteint sur les douze mois de l'exercice 2021 à comparer au chiffre d'affaires du dernier exercice précédant la cession, soit l'exercice 2018, pour mesurer la croissance du chiffre d'affaires à travers un taux de croissance annuel moyen, sera rejetée.

Ainsi, dès lors qu'il est attesté par les chiffres des « Revenus ajustés » communiqués par la société Aon et non contestés que, sur cette période de référence de 29 mois, lesdits « Revenus ajustés » de la société Ovatio sont supérieurs au seuil de 8 828 000 euros déclenchant le paiement du complément de prix maximum de 6 000 000 euros, comme stipulé à l'article 3 « Complément de prix de cession » de l'annexe 4 du contrat, la part du complément de prix revenant à la société Inès Capital en qualité de cessionnaire, correspondant au prorata du pourcentage de détention des actions dans le capital de la société Ovatio de 86%, est de 5 160 000 euros

Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Aon à payer à la société Inès Capital la somme de 5 160 000 euros.

Il résulte de ce qui précède que les demandes formées à titre subsidiaire par la société Inès Capital n'ont pas lieu d'être examinées.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Aon, partie succombante, doit être condamnée aux dépens d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 précité au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Condamne la société Aon France aux dépens d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 23/03090
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.03090 ?
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