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06/06/2024 | FRANCE | N°22/17413

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 06 juin 2024, 22/17413


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 06 JUIN 2024



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17413 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQY5



Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 07 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS - RG 19/12975

Jugement du 1er juillet 2022 - tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/12975





APP

ELANTE



S.A. LA POSTE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493



INTIMEES



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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 06 JUIN 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17413 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQY5

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 07 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS - RG 19/12975

Jugement du 1er juillet 2022 - tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/12975

APPELANTE

S.A. LA POSTE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMEES

Madame [U] [L]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 7] (MAROC)

Représentée par Me Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0420

CPAM DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 18 janvier 2017, Mme [U] [L], née le [Date naissance 3] 1945, a chuté après avoir trébuché sur un présentoir du bureau de poste de [Localité 9] (93) exploité par la société La Poste.

Saisi par Mme [L], le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, a, par une ordonnance du 20 décembre 2018, désigné en qualité d'expert le Docteur [C] qui a établi son rapport définitif le 4 novembre 2020.

Par actes d'huissier des 30 octobre 2019 et 7 novembre 2019, Mme [L] a fait assigner la société La Poste et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 7 octobre 2021, cette juridiction a :

- déclaré La Banque Postale [en réalité la société La Poste] responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 janvier 2017,

- condamné La Banque Postale [la société La Poste] à indemniser Mme [L] des conséquences imputables à cet accident,

- condamné La Banque Postale [la société La Poste] à rembourser à la CPAM les dépenses engagées pour Mme [L] imputables à cet accident,

Avant dire droit sur la liquidation des préjudices de Mme [L] et sur les demandes de la CPAM, renvoyé à la mise en état du pôle contrat, de la responsabilité et de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal 19ème chambre civile, pour conclusions récapitulatives des parties exclusivement sur la liquidation,

- ordonné la suppression de l'affaire du rôle de la 4ème chambre 2ème section et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige,

- réservé les dépens et demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 10 octobre 2022, la société La Poste a interjeté appel du jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il l'a déclaré responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 janvier 2017 et l'a condamnée à indemniser Mme [L] des conséquences imputables à cet accident et à rembourser à la CPAM les dépenses engagées pour Mme [L] imputables à cet accident.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société La Poste, notifiées le 6 juin 2023, aux termes desquelles, elle demande à la cour, au visa de l'article 1242 du code civil, de :

- infirmer le jugement en date du 7 octobre 2021, en ce qu'il a :

- déclaré « La Banque Postale » responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 janvier 2018,

- condamné « La Banque Postale » à indemniser Mme [L] des conséquences imputables à cet accident,

- condamné « La Banque Postale » à rembourser à la CPAM les dépenses engagées par Mme [L] imputables à cet accident,

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner la demanderesse au règlement de la somme de 3 500 euros à la société La Poste au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Maître Nicolas Duval, avocat à la cour, selon les formes de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions « sur le volet responsabilité » de Mme [L], notifiées le 6 janvier 2023, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il a déclaré « La Banque Postale » responsable des conséquences de l'accident survenu le 18 janvier 2017 et condamné « La Banque Postale » à indemniser Mme [L] des conséquences imputables à cet accident,

- débouter la société La Poste de son appel,

- la condamner à verser à Mme [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la CPAM, notifiées le 18 janvier 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- recevoir la CPAM en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

- dire et juger que l'appel de la société La Poste est mal fondé,

- confirmer purement et simplement le jugement du 7 octobre 2021 en ce qu'il a déclaré la société La Poste entièrement responsable de l'accident dont Mme [L] a été victime,

- condamner la société La Poste à verser à la CPAM la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner également la même aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Bossu & associés, avocats, et ce, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la société La Poste

Le tribunal a considéré que le présentoir, instrument du dommage subi par Mme [L], placé au centre de l'espace et composé d'un support au ras du sol qui dépasse des produits qu'il supporte présente un caractère dangereux, de sorte qu'est engagée la responsabilité de la société La Poste en sa qualité de gardienne de ce présentoir.

La société La poste conclut à l'infirmation du jugement.

Elle fait valoir que Mme [L], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le positionnement anormal du présentoir sur lequel elle a trébuché alors qu'il était placé dans un endroit éclairé, au centre de l'espace, et était de couleur différente du sol le rendant ainsi parfaitement visible.

Elle expose qu'elle ne démontre également pas le caractère anomal de ce présentoir dont le support ne dépassait pas des produits exposés.

Elle en déduit que le présentoir, qui ne constituait également pas un obstacle imprévisible au sein d'un bureau de poste, n'a joué qu'un rôle passif dans la chute de Mme [L] qui n'est due qu'à sa propre inattention.

Mme [L] conclut à la confirmation du jugement.

Elle expose que la société La Poste est garante de la sécurité des usagers des bureaux de poste.

Elle se prévaut également à la responsabilité de la société La Poste en tant que gardienne du présentoir sur lequel elle a chuté. Elle fait ainsi valoir que ce présentoir situé au ras du sol présentait un obstacle inattendu particulièrement pour les personnes âgées et était situé à l'endroit où les personnes font la queue.

Elle précise que la photographie produite aux débats par la société La Poste représente un présentoir, dont le support situé au ras du sol dépasse des produits qu'il supporte, qui est placé au centre de l'espace dans une zone de circulation du public hors du champs visuel des personnes qui se meuvent aux alentours pour faire la queue ou se présenter aux automates de différents comptoirs, caractérisant ainsi une position anormale et un caractère dangereux engageant la responsabilité de son gardien dans sa chute.

La CPAM conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce, l'article L. 221-1, alinéa 1, devenu l'article L. 421-3 du code de la consommation, énonce que « Les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ».

Ce texte ne soumet pas l'exploitant d'un magasin, d'une entreprise ou d'un établissement dont l'entrée est libre, à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle.

Par ailleurs, lorsque, comme en l'espèce, il est allégué que l'accident subi par la cliente d'un bureau de poste dont l'accès est libre, a pour origine une chose inerte, la responsabilité de l'exploitant ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1, du code civil.

Aux termes de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, 'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde'.

Ce texte institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, dont ce dernier ne peut s'exonérer totalement qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure.

Lorsque la chose est par nature inerte, sa simple intervention matérielle dans la réalisation du dommage ne suffit pas à engager la responsabilité de son gardien, la victime devant établir le rôle actif de la chose dans la survenance du dommage en ce que malgré son inertie, elle a eu un rôle causal et a été l'instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa solidité, sa position ou sa dangerosité.

En l'espèce, la matérialité de la chute de Mme [L], le 18 janvier 2017, à 14 heures 30, dans l'enceinte du bureau de poste de [Localité 9] exploité par la société La Poste résulte tant du rapport d'intervention de la brigade des sapeurs pompiers de [Localité 8], que de l'attestation du directeur de ce bureau de poste, en date du 15 mars 2017, qui en certifie la survenance.

En outre, il n'est pas contesté par les parties que Mme [L] a chuté en heurtant un présentoir dont il lui incombe, d'établir qu'il a été l'instrument de son dommage en raison de son mauvais état, de sa défectuosité, de son défaut d'entretien ou de sa position anormale.

La société La Poste et Mme [L] versent chacune au débat une photographie différente, non datée et en noir et blanc, d'un présentoir. Si les présentoirs figurant sur chacune de ces photographies présentent une forme similaire, ils ne sont pas identiques.

Or dans son attestation, Mme [V] [N], cliente de la poste sans lien avec la victime et seul témoin des faits, a estimé nécessaire, après avoir décrit, par écrit, les circonstances de la chute de Mme [L], le 18 janvier 2017, de réaliser un croquis afin d'indiquer le point exact où le pied de la victime a heurté la base du présentoir. Pour ce faire, elle a schématisé l'emplacement des pieds de Mme [L] sur l'angle gauche de la tablette d'un présentoir en forme de « L » composé d'un élément vertical et d'une base horizontale.

Ce schéma concorde avec le présentoir représenté sur la photographie produite par Mme [L] (pièce n° 11) en ce que la tablette horizontale est vide.

En outre, si la société la Poste se prévaut du fait que sur la photographie qu'elle produit, la tablette horizontale est couverte de deux rangées de boîtes « colissimo » accessibles en libre service, il convient de relever que cette photographie a été adressée par le directeur de secteur de la poste en pièce jointe d'un message électronique du 6 mars 2018 dans lequel il précise que « vous trouverez une photo de la gondole qui est aujourd'hui achalandée de colissimo » de sorte que ce cliché ne représente pas le présentoir tel qu'il était le jour de la chute de Mme [L].

Il s'évince ainsi de ces éléments, un faisceau d'indices concordants permettant d'établir que le présentoir sur lequel Mme [L] a chuté était vide, ce qui rendait sa base située au ras du sol difficilement visible.

En outre, il résulte du témoignage écrit de Mme [V] [N] qu' « en se dirigeant vers la file d'attente [Mme [L]] a trébuché sur le bas du présentoir qui se trouve à l'endroit où les personnes faisaient la queue, cette dame est tombée (...) » et que « cette plaque n'était pas visible dû au monde qui faisait la queue ».

D'ailleurs, sur la photographie produite par la victime, le présentoir de teinte clair est placé dans un espace de circulation.

Il est ainsi établi qu'en raison de sa position, à proximité de la queue permettant d'accéder aux services de la poste, le présentoir sur lequel Mme [L] a chuté, présentait un danger pour des usagers de la poste normalement vigilants.

Il en résulte que le présentoir installé au sein de la poste de [Localité 9] est l'instrument du dommage subi par Mme [L] de sorte que la société La Poste, qui a engagé sa responsabilité en sa qualité de gardienne de cette installation, devra indemniser ses préjudices.

Le jugement doit dès lors être confirmé, sauf à rectifier l'erreur matérielle qui l'affecte concernant l'identité du responsable qui est la société La Poste et non la Banque Postale.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société La Poste qui succombe supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [L] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter les demandes de la société La Poste et de la CPAM formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en l'ensemble de ses dispositions, sauf à rectifier l'erreur matérielle qui l'affecte concernant l'identité du responsable qui est la société La Poste et non la Banque Postale,

Y ajoutant,

- Condamne la société La Poste aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Condamne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société La Poste à payer à Mme [U] [L] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Déboute la société La Poste et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/17413
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.17413 ?
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