La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°22/02267

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 05 juin 2024, 22/02267


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 05 JUIN 2024



(n° 2024/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02267 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGUX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 19/01401





APPELANTE



Madame [W] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 18 J

anvier 1978 à [Localité 6]



Représentée par Me Ronald VARDAGUER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1222



INTIMEE



Association APRIA R.S.A [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 05 JUIN 2024

(n° 2024/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02267 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGUX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 19/01401

APPELANTE

Madame [W] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 18 Janvier 1978 à [Localité 6]

Représentée par Me Ronald VARDAGUER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1222

INTIMEE

Association APRIA R.S.A [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 775 691 892

Représentée par Me Laura JOUSSELIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Stéphane MEYER,

M. Fabrice MORILLO, Conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 novembre 2010 puis contrat à durée indéterminée à compter du 15 février 2011, Mme [W] [G] a été engagée par l'association APRIA RSA [Localité 6] en qualité d'organisateur (statut cadre), l'intéressée exerçant en dernier lieu les fonctions de chargée d'études contrôle interne et qualité (avenant au contrat de travail du 11 décembre 2012). L'association APRIA RSA [Localité 6] emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des sociétés d'assurances.

Mme [G] a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie de manière continue au titre de la période courant d'octobre 2016 à avril 2019.

Invoquant l'existence d'agissements de harcèlement moral et sollicitant le paiement de différentes sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail, Mme [G] a saisi la juridiction prud'homale le 29 avril 2019.

Le contrat de travail de Mme [G] a été transféré à la caisse primaire d'assurance maladie de Créteil à compter du 20 janvier 2020 suite à la reprise par celle-ci de l'activité régime obligatoire du RSI.

Par jugement du 19 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant sous la présidence du juge départiteur, a :

- débouté Mme [G] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- débouté Mme [G] de ses demandes de rappel de prime exceptionnelle de juin 2019, de rappel de prime de vacances payée en mai 2019, de rappel de prime d'intéressement 2017 payée en mai 2018, de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les primes d'intéressement 2018 payée en mai 2019 et 2019 payée en décembre 2019, de rattrapage de primes d'intéressement 2017 et 2018, du solde du 13ème mois 2019 payé en décembre 2019, du complément de part variable 2019 payée en janvier 2020 et du solde de la prime de vacances payée en janvier 2020,

- débouté Mme [G] de sa demande consistant à ordonner le maintien de son ancienneté telle que découlant de sa date d'embauche, sans prendre en compte la durée de suspension de son contrat de travail,

- débouté Mme [G] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires,

- condamné l'association APRIA RSA [Localité 6] à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

- 650 euros au titre du rappel de part variable 2016 et 65 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 615,49 euros à titre de rappel de salaire pour violation du principe d'égalité de traitement et 561,55 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus,

- dit que l'association APRIA RSA [Localité 6] devra transmettre à Mme [G] dans le délai d`un mois suivant la notification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif,

- débouté les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire,

- condamné l'association APRIA RSA [Localité 6] au paiement de la somme de l 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association APRIA RSA [Localité 6] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 14 février 2022, Mme [G] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 25 janvier 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 février 2024, Mme [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association APRIA RSA [Localité 6] à lui payer les sommes de 650 euros au titre du rappel de part variable 2016 et 65 euros au titre des congés payés afférents, 5 615,49 euros à titre de rappel de salaire pour violation du principe d'égalité de traitement et 561,55 euros au titre des congés payés y afférents, en ce qu'il a dit que l'association APRIA RSA [Localité 6] devra lui transmettre dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision un bulletin de salaire récapitulatif et en ce qu'il a condamné l'association APRIA RSA [Localité 6] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

- condamner l'association APRIA RSA [Localité 6] à lui payer les sommes suivantes :

- dommages-intérêts pour harcèlement moral : 44 000 euros,

- compensation financière pour perte de salaire durant les arrêts maladie : 8 500 euros,

- rappel de salaire sur heures supplémentaires : 1 136 euros outre 113,60 euros au titre des congés payés y afférents,

- solde de la prime exceptionnelle de juin 2019 : 1 676 euros outre 167 euros au titre des congés payés y afférents,

- solde de la prime de vacances payée en mai 2019 : 2 801,44 euros outre 280,14 euros au titre des congés payés y afférents,

- prime d'intéressement 2017 payée en mai 2018 : 832 euros outre 83,20 euros au titre des congés payés y afférents,

- dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les primes d'intéressement 2018 payée en mai 2019 et 2019 payée en décembre 2019 : 1 500 euros,

- rattrapage primes d'intéressement 2017 et 2018 : 1 020,19 euros outre 102,01 euros au titre des congés payés y afférents,

- solde 13ème mois 2019 payé en décembre 2019 : 1 400,52 euros outre 140,05 euros au titre des congés payés y afférents,

- complément part variable 2019 payée en janvier 2020 : 882,87 euros outre 88,28 euros au titre des congés payés y afférents,

- solde de la prime de vacances payée en janvier 2020 : 1 511,55 euros outre 151,15 euros au titre des congés payés y afférents,

- article 700 du code de procédure civile pour l'appel : 3 600 euros,

- ordonner à l'association APRIA RSA [Localité 6] de lui remettre un bulletin de salaire conforme à l'arrêt à intervenir,

- ordonner à l'association APRIA RSA [Localité 6] de maintenir son ancienneté telle qu'elle découle de sa date d'embauche (2/11/2010), sans prendre en compte les mois de suspension de son contrat de travail,

- prononcer les condamnations avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts,

- condamner l'association APRIA RSA [Localité 6] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 janvier 2024, l'association APRIA RSA [Localité 6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer les sommes de 650 euros au titre du rappel de part variable 2016 et 65 euros au titre des congés payés afférents, 5 615,49 euros à titre de rappel de salaires pour violation du principe d'égalité de traitement et 561,55 euros au titre des congés payés afférents et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens et, statuant à nouveau,

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes au titre du harcèlement moral,

- débouter Mme [G] de ses demandes au titre de la convention de forfait en jours et des heures supplémentaires et, subsidiairement, constater la prescription des demandes pour la période antérieure au 29 avril 2016,

- débouter Mme [G] de sa demande de rappel de rémunération variable,

- débouter Mme [G] de sa demande au titre de l'inégalité de traitement,

- débouter Mme [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'instruction a été clôturée le 13 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 février 2024.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

L'appelante fait valoir qu'à compter de la fin de l'année 2015, elle a subi de véritables faits de harcèlement moral de la part de ses deux supérieures hiérarchiques directes, l'impact de ce harcèlement sur sa santé étant indéniable.

L'association intimée réplique qu'aucune des allégations de l'appelante n'est fondée ni ne saurait laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l'espèce, indiquant avoir subi une surcharge de travail et un sous-effectif chronique du service, une ambiance délétère générée par les responsables du service ainsi qu'avoir fait l'objet d'une privation d'autonomie sur des projets qu'elle gérait auparavant seule, d'un accompagnement très limité, voire inexistant, sur les autres projets lui étant confiés alors qu'elle ne les maîtrisait pas encore, d'un véritable « flicage » de son travail alors qu'elle était pourtant cadre autonome, d'une pression insupportable accompagnée de reproches récurrents et de demandes injustifiées ainsi que d'une absence de toute réaction de l'employeur en dépit des alertes reçues, l'employeur ayant en outre reconnu de manière implicite l'existence de faits de harcèlement, lesdits faits ayant eu des répercussions sur sa santé, la salariée produit les éléments suivants :

- différents échanges de mails avec Mme [L] (responsable du domaine qualité et contrôle Interne et N+1) et Mme [J] (responsable du département qualité et maîtrise des risques et N+2) ainsi qu'avec d'autres salariés de l'association, dont M. [E] (responsable du département prestations), au cours de la période litigieuse,

- son courrier de dénonciation de faits de harcèlement moral du 9 octobre 2017 et le courrier en réponse de l'employeur du 18 octobre 2017,

- son courrier du 17 septembre 2018 faisant état de manière détaillée des faits de harcèlement moral dénoncés, les courriers en réponse de l'employeur des 26 septembre et 30 octobre 2018 ainsi que son courrier en réplique du 25 février 2019,

- des échanges de messages Linkedin avec un ancien collègue de travail (M. [X]),

- des attestations établies par d'anciens collègues de travail (Mme [D] et M. [A]),

- un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 4 mai 2022 reprenant les échanges de messages SMS avec une salariée membre du CHSCT (Mme [S] [O]) et une collègue de travail exerçant les fonctions de chargée d'études au sein du même service (Mme [V] [F]),

- des comptes rendus de réunion technique DFC/DQR,

- les procès-verbaux de réunion du CHSCT des 26 septembre 2017 et 4 décembre 2018,

- le courrier de l'employeur du 1er avril 2019, valant avenant au contrat de travail, l'informant du fait qu'elle occupera, à compter du 1er avril 2019, les fonctions d'organisateur au sein du domaine organisation,

- ses comptes rendus d'entretien annuel d'évaluation,

- différents exemplaires de compte rendu d'activité hebdomadaire (CRAH),

- différents justificatifs d'arrêts de travail pour maladie, des ordonnances et certificats médicaux ainsi que des extraits de son dossier de médecine du travail et du dossier du médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie, faisant notamment état d'un suivi spécialisé depuis le 11 octobre 2016 pour syndrome dépressif dans un contexte de souffrance au travail ainsi que d'un traitement par antidépresseurs.

Concernant les affirmations de la salariée afférentes à la reconnaissance implicite des faits de harcèlement moral par l'employeur, il apparaît que celles-ci ne résultent que des seules allégations de l'appelante qui, soit ne produit pas d'éléments pour les corroborer, soit produit des éléments étant sans rapport avec ses allégations, de sorte que lesdits agissements ne sont ainsi pas établis dans leur matérialité.

S'agissant des autres agissements invoqués précités, il apparaît que la salariée présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement, lesdits éléments faisant état de la mise en 'uvre par la hiérarchie de l'appelante de pratiques managériales génératrices d'humiliation, d'anxiété et de perte de confiance se manifestant par :

- une situation de surcharge de travail compte tenu de la situation de sous-effectif du service au cours des années 2015 et 2016,

- une réduction de ses responsabilités ainsi qu'une mise à l'écart concernant certains projets qu'elle gérait auparavant en autonomie (enquêtes de satisfaction) pour la cantonner à de simples tâches subalternes de ce chef,

- le fait de lui confier des projets qu'elle ne maîtrisait pas totalement (contrôle interne), sans formation suffisante ni accompagnement, et ce alors qu'elle était dans le même temps confrontée à un outil de contrôle interne (Bwise) dépourvu de fiabilité suffisante, avec un fort risque que les données extraites soient erronées, ainsi qu'à un manque de réactivité de ses collègues de travail d'autres services ne répondant pas à ses sollicitations pour lui fournir les données nécessaires à l'accomplissement de ses taches, la contraignant à de multiples relances et reports, et engendrant des critiques de la part de sa propre supérieure hiérarchique,

- une surveillance dénigrante de son activité par sa hiérarchie se traduisant notamment par l'obligation de remplir un compte rendu d'activité hebdomadaire (CRAH) extrêmement détaillé, avec mention de la charge de travail prévisionnelle et de celle réalisée, des prochaines échéances/suivi de livrables ainsi qu'un tableau récapitulatif de synthèse mensuel,

- une pression constante de la part de sa supérieure hiérarchique directe avec des demandes de modifications urgentes à la dernière minute et intensification de la charge de travail dans un temps imparti, aboutissant à des situations d'échec, un épuisement professionnel et des critiques sur la qualité du travail et le manque de professionnalisme et d'implication,

- lesdits agissements ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d'altérer la santé physique et mentale de la salariée ainsi que cela résulte des nombreux éléments médicaux concordants versés aux débats.

L'association intimée se limitant principalement en réplique à citer in extenso la motivation des premiers juges, à contester les affirmations de la salariée et à critiquer les pièces produites par cette dernière, en soutenant notamment, sans en justifier au vu des seuls éléments produits, que la situation s'est dégradée à compter de l'année 2016 lorsque l'appelante a progressivement adopté un comportement de défiance vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie, dont elle critiquait ouvertement les consignes et les méthodes de travail, cette dernière ne tenant pas les délais fixés, mettant régulièrement en difficulté sa hiérarchie et la contraignant à reprendre son travail à la dernière minute, la cour retient que l'employeur ne démontre pas, mises à part ses seules affirmations de principe et en l'absence de production en réplique d'éléments de preuve suffisants de nature à les corroborer, que les agissements litigieux ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que les différentes décisions précitées étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il sera ainsi notamment relevé, s'agissant du grief de surcharge de travail et de sous-effectif du service, que, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, l'entretien professionnel 2016 effectué le 30 septembre 2016 n'avait pas pour objet de vérifier la charge de travail de la salariée, aucune rubrique n'y étant d'ailleurs prévue à cet effet, l'entretien annuel d'évaluation des objectifs 2017 (portant sur la période litigieuse du 1er janvier au 31 décembre 2016) n'ayant pas pu évaluer la charge de travail de l'intéressée en ce qu'il a été réalisé par sa seule hiérarchie le 22 mars 2017 alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie depuis le mois d'octobre 2016.

Il sera par ailleurs observé, s'agissant des trois collaborateurs mis en avant par l'employeur pour avoir souligné la qualité du management et de l'ambiance de travail, que l'association intimée se limite à produire de simples comptes rendus d'entretien de sortie de MM. [K] et [R], non signés par les intéressés, ainsi que les entretiens annuels d'évaluation des objectifs de Mme [N] [U], laquelle n'exerçait pas ses fonctions à [Localité 3] mais au sein de l'établissement de [Localité 5], de sorte que les comptes rendus litigieux apparaissent manifestement dénués de force probante suffisante pour remettre en cause les éléments précis, circonstanciés et concordants versés aux débats par la salariée.

Il en va de même s'agissant de l'attestation établie par Mme [F], chargée d'études qui travaillait dans le même service que l'appelante, en ce qu'elle a été absente pour maladie une partie de l'année en 2015 et n'a ensuite repris que dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, de sorte qu'elle n'était pas présente en permanence au sein du service durant la période litigieuse, les affirmations mentionnées dans l'attestation (« encadrement disponible, humain et bienveillant ») étant de surcroît pour le moins contradictoires et incompatibles avec le contenu des messages SMS échangés avec l'appelante concernant l'attitude et le comportement de leur supérieure hiérarchique directe (« une fois de plus, [C] a fait le plan de charge de façon unilatérale, conclusion : déséquilibre entre elle et moi », « elle est loin d'être débordée mais c'est ce qu'elle veut faire croire, comme d'hab », « c'est un boulet, elle est juste lamentable en management », « tjs se faire mousser et montrer une bonne image... elle est tellement parfaite »), étant enfin observé que le fait qu'elle n'ait elle-même pas fait l'objet, à titre personnel, d'agissements de harcèlement moral, n'est en lui-même pas de nature à remettre en cause l'existence de tels agissements concernant ses autres collègues de travail du même service.

S'agissant des enquêtes de satisfaction, si l'appelante s'est effectivement plainte, sur un ton vif, des difficultés qu'elle rencontrait pour réaliser les enquêtes de satisfaction, outre qu'il s'agit d'un mail envoyé le 23 avril 2013, soit à une date largement antérieure à la période litigieuse, il sera également relevé qu'elle n'a en toute hypothèse jamais demandé à être déchargée de cette mission, ni même à ne plus l'effectuer qu'en simple collaboration dans le cadre d'un accompagnement.

Concernant par ailleurs les échanges de mails avec Mme [I] au cours du mois de février 2016, si l'appelante a fait preuve de maladresse et d'une certaine impulsivité en sollicitant des corrections de forme et en mentionnant ses remarques en rouge sur un document préparé par un autre service, outre qu'elle a reconnu dans son mail en réponse qu'elle avait été excessive et que ses remarques pouvaient effectivement apparaître comme trop sévères et contraignantes, il n'en demeure pas moins que ce seul mail ne peut, à lui-seul, permettre de retenir, comme le soutient à tort l'intimée, qu'elle aurait adopté de manière générale un comportement de défiance à l'égard de ses collègues ainsi que de sa hiérarchie.

S'agissant des missions de contrôle interne, la cour relève que les 5 jours de formation effectués en mai et juin 2013 (« S'initier à la maîtrise des activités et au contrôle interne » et « Réaliser une cartographie des risques ») ne peuvent aucunement s'analyser comme un accompagnement adéquat s'agissant d'un nouveau domaine d'intervention pour l'appelante, aucun justificatif, émanant de l'employeur lui-même, n'étant par ailleurs produit pour démontrer la réalité d'une intervention d'un prestataire spécialisé de ce chef ainsi que l'indique Mme [F] dans le cadre de son attestation.

Concernant les comptes rendus d'activité hebdomadaire (CRAH) exigés par la hiérarchie de l'appelante, outre que les agissements litigieux excédaient manifestement le simple exercice légitime par l'employeur de son pouvoir de direction et d'organisation ou la seule recherche d'exigence et de qualité concernant le travail effectué, il sera de surcroît relevé que les seuls éléments produits par l'association intimée ne permettent pas d'établir que cette pratique était effectivement généralisée au sein du service ainsi qu'au sein des autres départements, étant en outre constaté à la lecture des exemplaires respectifs de CRAH de l'appelante et de Mme [F], que ceux-ci présentent des différences manifestes concernant notamment les mentions relatives à la charge de travail prévisionnelle et à celle réalisée ainsi que concernant les prochaines échéances et le suivi des livrables, seule l'appelante apparaissant avoir été soumise à une telle exigence de précision et de détail.

Il sera également relevé, s'agissant des mesures de prévention et de traitement de la situation de harcèlement moral dénoncée, que l'association intimée ne rapporte pas la preuve, mises à part ses propres affirmations de principe, du fait qu'elle aurait effectivement procédé à une enquête interne suite au dernier courrier de l'appelante de ce chef en date du 17 septembre 2018, le simple courrier de réponse lui ayant été adressé par la directrice des ressources humaines le 30 octobre 2018 ne pouvant aucunement s'analyser comme un compte rendu d'enquête interne, en ce que la rédactrice dudit courrier se limite uniquement à reprendre à son compte ce que les deux supérieures hiérarchiques de l'appelante lui ont indiqué avant d'affirmer de manière péremptoire que les faits relatés et les éléments fournis par la hiérarchie « ne nous permettent pas de caractériser les faits mentionnés de harcèlement moral », et ce alors qu'il ne revient pas à l'employeur, dans une telle hypothèse, de caractériser lui-même les faits de harcèlement moral.

Si l'employeur met enfin en avant le fait que l'appelante, qui était en arrêt de travail pour maladie depuis octobre 2016, n'a indiqué pour la première fois que le 9 octobre 2017 qu'elle considérait avoir subi des agissements de harcèlement moral, puis, que suite au courrier en réponse du 18 octobre 2017 lui demandant des précisions, elle n'y a finalement répondu que près d'un an plus tard, soit le 17 septembre 2018, la cour retient cependant que ce seul décalage dans la dénonciation des faits de harcèlement moral, et ce alors que l'état de santé de la salariée s'était fortement dégradé et avait nécessité la mise en place d'un suivi psychiatrique ainsi que d'un traitement médicamenteux, n'est, en lui-même, pas de nature à remettre en cause la réalité desdits agissements ou à permettre à l'employeur de s'affranchir de ses obligations en la matière. Il en va de même s'agissant du fait que la salariée a, à nouveau, attendu plusieurs mois avant d'apporter les précisions sollicitées quant aux faits signalés.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, les faits litigieux s'analysant effectivement comme des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altéré sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel, la salariée justifiant en outre d'un préjudice spécifique résultant des agissements de harcèlement moral dont elle a fait l'objet de la part de son employeur durant plusieurs mois, et ce eu égard notamment à l'importance des répercussions sur son état de santé telles qu'elles ressortent des éléments médicaux concordants et non contestables versés aux débats, la cour lui accorde une somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et ce par infirmation du jugement.

Par ailleurs, si l'appelante soutient que dès l'instant où ce sont les seules fautes de l'employeur qui ont provoqué son arrêt maladie, il serait injuste que cela lui cause le moindre préjudice financier, la cour relève cependant que la salariée n'a fait l'objet que d'arrêts de travail pour maladie simple et n'a jamais sollicité la reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, de sorte que ses périodes d'absences ne peuvent aucunement être considérées, même partiellement, comme du temps de travail effectif, le fait que l'existence d'agissements de harcèlement moral ait été reconnue par la cour étant inopérant à cet égard, l'appelante ayant en toute hypothèse bénéficié de l'application des dispositions légales et conventionnelles en matière de maintien de salaire durant les périodes d'arrêt de travail pour maladie ainsi que de la prise en charge de ses arrêts par la caisse primaire d'assurance maladie.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses différentes demandes de compensation financière pour perte de salaire durant les arrêts maladie, de maintien de l'ancienneté sans prise en compte des mois de suspension du contrat de travail, de paiement d'un solde de prime exceptionnelle de juin 2019, d'un solde de prime de vacances payée en mai 2019, d'un rappel de prime d'intéressement 2017 payée en mai 2018, de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les primes d'intéressement 2018 payée en mai 2019 et 2019 payée en décembre 2019, de rattrapage de primes d'intéressement 2017 et 2018, de solde de 13ème mois 2019 payé en décembre 2019, de complément de part variable 2019 payée en janvier 2020 et de solde de prime de vacances payée en janvier 2020.

Sur la convention de forfait en jours sur l'année et les heures supplémentaires

L'appelante fait valoir que la convention de forfait en jours est sans effet en l'absence de réelle prise en compte de sa charge de travail et qu'elle est dès lors en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées.

L'association intimée réplique que la convention de forfait en jours sur l'année est valide, que l'appelante ne démontre pas qu'elle effectuait des heures supplémentaires demandées par sa hiérarchie et que ses demandes sont en toute hypothèse partiellement prescrites pour la période antérieure au 29 avril 2016.

Il résulte du contrat de travail liant les parties que la salariée était effectivement soumise à une convention de forfait en jours sur l'année compte tenu de sa position de cadre et des fonctions exercées, et ce sur une base de 209 jours.

En application des dispositions des articles L. 3121-43 et suivants du code du travail, dans leur version en vigueur à la date de conclusion du contrat, puis de celles des articles L. 3121-58 et suivants du code du travail dans leur rédaction issue de la loi du 8 août 2016, ainsi que de celles de la convention collective nationale des sociétés d'assurances et de l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail du 28 janvier 2016, étant rappelé que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et qu'il incombe par ailleurs à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les dispositions légales et conventionnelles destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours, la cour relève en l'espèce, s'agissant de la mise en oeuvre concrète et effective des mesures précitées, qu'il n'est pas établi par l'association intimée que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours litigieuse, l'appelante a bien été soumise à des mesures de décompte, de suivi et de contrôle de la charge de travail et qu'elle a effectivement bénéficié d'un entretien annuel individuel spécifique portant sur sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur sa rémunération.

Il sera ainsi notamment observé que l'unique rubrique « appréciation du collaborateur sur sa charge de travail et l'organisation de son unité de travail », insérée dans le cadre du compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation des objectifs, est manifestement insuffisante de ce chef.

Il apparaît ainsi que les seuls éléments produits par l'employeur sont insuffisants pour lui permettre de démontrer que les différents contrôles et entretiens prévus par les dispositions légales et conventionnelles ont bien été effectués au titre de chaque exercice pour l'intégralité de la période litigieuse et que ceux-ci ont effectivement porté sur les différents points de contrôle précités en conformité avec les dispositions susvisées.

Dès lors, l'association intimée ne démontrant pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de sa salariée, la convention de forfait en jours litigieuse étant en conséquence privée d'effet et dès lors inopposable à la salariée, il apparaît que cette dernière est fondée à revendiquer le décompte de son temps de travail selon le droit commun et à réclamer, le cas échéant, le paiement d'heures supplémentaires.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, au vu des pièces communiquées par la salariée et notamment du décompte précis et détaillé de ses jours et de son temps de travail, des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires réclamées au titre de la période litigieuse, de ses relevés de badgeage ainsi que de l'attestation circonstanciée établie par une ancienne collègue de travail (Mme [D]) ayant été directement et personnellement témoin des conditions et des horaires de travail de la salariée et dont aucun élément produit en réplique ne permet de remettre en cause la force probante, il apparaît que l'intéressée présente à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle indique avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur se limitant en réponse à contester les demandes formées par la salariée et à critiquer les pièces produites par cette dernière en affirmant notamment que l'intéressée ne démontre pas qu'elle effectuait des heures supplémentaires et qu'elle ne justifie pas que sa hiérarchie lui aurait demandé d'effectuer des heures supplémentaires, la cour relève que l'association intimée ne fournit pas d'éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par sa salariée, les seuls éléments produits en réplique étant manifestement insuffisants et inopérants de ce chef et n'étant pas de nature à remettre en cause, dans leur principe, les éléments circonstanciés et concordants produits par la salariée, étant rappelé qu'un salarié peut en toute hypothèse prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, compte tenu de la prescription partielle des demandes de l'appelante pour la période antérieure au 29 avril 2016 compte tenu d'une saisine de la juridiction prud'homale intervenue le 29 avril 2019, la cour retient la réalisation d'heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées à la salariée et lui accorde la somme totale de 625,88 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 62,58 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par infirmation du jugement.

Sur la rémunération variable 2016

L'appelante sollicite la confirmation du jugement de ce chef compte tenu de l'évaluation effectuée de manière unilatérale, et donc arbitraire, de ses objectifs pour l'année 2016 et de la parfaite réalisation de ses objectifs.

L'association intimée réplique que l'appelante n'a pas atteint les objectifs pourtant parfaitement raisonnables qui lui avaient été fixés par sa hiérarchie au titre de l'année 2016, en soulignant que, compte tenu du fait qu'elle se trouvait en arrêt maladie depuis près de 2 ans à compter du 11 octobre 2016, ses supérieures hiérarchiques n'ont eu d'autre choix que de procéder à son évaluation en son absence et de lui en communiquer les résultats.

Il résulte du contrat de travail liant les parties que la salariée bénéficiait d'une part variable de rémunération correspondant en dernier lieu à 4 % de sa rémunération fixe annuelle brute déterminée en fonction de l'atteinte d'objectifs individuels annuels.

Étant rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article 1315, devenu 1353, du code civil que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire, le salarié devant pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, il sera relevé en l'espèce que l'entretien annuel d'évaluation des objectifs cadre 2017, relatif à la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2016, a été réalisé par les seules supérieures hiérarchiques de la salariée le 22 mars 2017 alors que cette dernière était en arrêt de travail pour maladie depuis le mois d'octobre 2016, de sorte que les taux d'atteinte des différents objectifs (respectivement chiffrés à hauteur de 70 %, 80 %, 70 % et 25 %, soit un taux global d'atteinte des objectifs de 61,25 %) apparaissent avoir été fixés par l'association intimée de manière purement unilatérale au seul motif, de surcroît non justifié ainsi que cela résulte des développements précédents, que « [W] ne s'est pas complètement impliquée sur les sujets confiés en 2016 et a fait preuve d'un comportement rendant difficile le fonctionnement du domaine », les taux d'atteinte des objectifs effectivement retenus étant en toute hypothèse invérifiables pour la salariée au regard des seuls éléments produits, de sorte qu'ils lui sont inopposables.

Dès lors, l'appelante étant en droit de bénéficier de la totalité de sa part variable, la cour confirme le jugement en ce qu'il lui a accordé la somme de 650 euros à titre de rappel de part variable de rémunération 2016 outre 65 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'égalité de traitement

L'appelante fait valoir que l'intimée a violé le principe « à travail égal, salaire égal » en ce qu'elle bénéficiait d'une rémunération moindre que sa collègue [V] [F], alors même qu'elles effectuaient toutes deux le même travail.

L'association intimée réplique que les salaires à la grille des intéressées sont strictement identiques en ce qu'elles relèvent du même coefficient de la convention collective mais que les montants de l'avantage personnel et du point niveau étaient différents, dès lors qu'ils ne sont pas fixés en fonction de l'ancienneté du collaborateur mais négociés lors de l'embauche puis décidés par les managers lors de la campagne d'augmentation à la suite des entretiens annuels. Elle souligne que cette différence de traitement était parfaitement justifiée dès lors qu'elles ne se trouvaient pas dans des situations identiques, Mme [F] atteignant chaque année 100 % de ses objectifs, contrairement à l'appelante, ce qui justifie qu'elle ait bénéficié d'un avantage personnel et d'un point niveau (et donc d'un salaire global) supérieur. Elle ajoute qu'elles disposaient du même niveau d'étude mais que Mme [F] bénéficiait, lors de son embauche, d'une expérience continue de plus de 6 ans en qualité de chef de projet qualité chez un même employeur alors que l'appelante n'avait acquis que des expériences d'un an tout au plus chez chacun de ses différents employeurs, de telle sorte que Mme [F] avait nécessairement acquis une autonomie et une compétence plus importantes.

En application du principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique, et il lui appartient, le cas échéant, de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, étant rappelé que c'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à ceux auxquels il se compare en établissant qu'il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles des salariés concernés.

Au vu des différents éléments justificatifs versés aux débats par l'appelante, il apparaît que les deux salariées effectuaient un travail identique en qualité de chargée d'études contrôle interne et qualité au sein du domaine qualité et contrôle interne de l'association et bénéficiaient dès lors effectivement d'un salaire à la grille identique.

S'agissant des éléments de différence portant sur le montant de l'avantage personnel et du point niveau, il sera tout d'abord relevé que l'appelante avait une ancienneté au sein de l'association intimée supérieure à celle de Mme [F] (embauche le 2 novembre 2010 contre une embauche le 2 avril 2012) et qu'elle bénéficiait, contrairement aux affirmations de l'intimée, d'un niveau de formation supérieur (master II pour l'une et maîtrise pour l'autre).

Il apparaît également que l'employeur ne peut utilement alléguer de l'existence d'une raison objective de traitement différencié au regard des expériences antérieures des intéressées avant leur embauche, celles-ci étant similaires (5 années pour l'appelante en 2010 et 6 années pour Mme [F] en 2012), le seul fait que Mme [F] soit restée une longue période chez le même employeur et que l'appelante ait, quant à elle, travaillé pour le compte de différents employeurs étant sans incidence à cet égard et ne pouvant s'analyser comme un critère objectif et pertinent de différence, étant de surcroît observé, ainsi que cela est justement souligné par l'appelante, qu'une plus grande diversité d'expériences dans différentes structures pourrait à l'inverse être également mise en avant aux fins de garantir une meilleure autonomie et une plus grande adaptabilité du collaborateur.

S'agissant du dernier critère allégué par l'intimée relatif aux évaluations annuelles, s'il apparaît que Mme [F] a effectivement atteint 100 % de ses objectifs au titre des années 2015 et 2016, outre le fait que l'intéressée s'est vue octroyer une atteinte à hauteur de 100 % de ses objectifs alors qu'elle avait été absente pour maladie durant 6 mois au cours de l'année 2015, et ce contrairement au traitement qui a été réservé à l'appelante au titre de son absence à compter du seul mois d'octobre 2016 ainsi que cela résulte des développements précédents afférents à la question de la rémunération variable, il sera en toute hypothèse relevé que l'appelante avait également atteint 100 % de ses objectifs au titre de l'année 2014, puis 92,50 % au titre de l'année 2015, la cour ayant enfin reconnu le caractère injustifié et inopposable du pourcentage retenu au titre de l'année 2016 pour lui accorder un rappel de part variable de rémunération, de sorte que ce critère ne peut s'analyser comme une raison objective et pertinente de nature à justifier une différence de traitement.

Dès lors, au vu de l'ensemble des développements précédents, la cour retient que l'association intimée a méconnu le principe d'égalité de traitement.

Par conséquent, au vu des bulletins de paie des salariées concernées (soit un salaire mensuel moyen de référence pour un temps plein de 2 967,56 euros pour l'appelante et de 3 101,26 euros pour Mme [F], soit une différence de 1 871,83 euros sur 14 mois (13ème mois et prime de vacances), il convient d''accorder à l'appelante, au titre de la seule période triennale non prescrite, la somme totale de 5 615,49 euros à titre de rappel de rémunération outre 561,55 euros au titre des congés payés y afférents, et ce par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision.

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, la somme accordée en première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE l'association APRIA RSA [Localité 6] à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

- 25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 625,88 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 62,58 euros au titre des congés payés y afférents ;

RAPPELLE que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'association APRIA RSA [Localité 6] de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et, pour les créances indemnitaires, à compter du jugement pour les montants confirmés et du présent arrêt pour le surplus ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à l'association APRIA RSA [Localité 6] de remettre à Mme [G] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision ;

CONDAMNE l'association APRIA RSA [Localité 6] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE l'association APRIA RSA [Localité 6] à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE Mme [G] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE l'association APRIA RSA [Localité 6] du surplus de ses demandes reconventionnelles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/02267
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;22.02267 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award