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05/06/2024 | FRANCE | N°21/08646

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 05 juin 2024, 21/08646


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9





ARRET DU 05 JUIN 2024



(n° 2024/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08646 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQMV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 18/05141



APPELANTE



Madame [P] [J]

[Adres

se 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0048



INTIMEE



Association LA MAISON KANGOUROU

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 05 JUIN 2024

(n° 2024/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08646 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQMV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 18/05141

APPELANTE

Madame [P] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0048

INTIMEE

Association LA MAISON KANGOUROU

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1726

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [P] [J] a été engagée par l'association LA MAISON KANGOUROU, pour une durée indéterminée à compter du 25 aout 2014, en qualité d'auxiliaire de puériculture.

Elle exerçait ses fonctions au sein d'une crèche située au [Adresse 2].

La relation de travail est régie par la convention collective des centres sociaux et socioculturels.

Par lettre du 17 avril 2018, Madame [J] a été convoquée pour le 2 mai 2018 à un entretien préalable à son licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié par courrier du 9 mai 2018 suivant pour faute grave, caractérisée par un comportement déplacé et harcelant moralement à l'égard de plusieurs de ses collègues.

Le 9 juillet 2018, Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [J] de ses demandes et a laissé à chacune des parties la charge de ses frais et dépens.

A l'encontre de ce jugement notifié le 15 septembre 2021, Madame [J] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 13 octobre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2022, Madame [J] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Dire le licenciement pour faute grave dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner l'association LA MAISON KANGOUROU à lui verser les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.009,26 € ;

- congés payés sur préavis : 400,93 € ;

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 17 avril au 9 mai 2018 : 1.549,58 € ;

- congés payés y afférents : 154,96 € ;

- indemnité de licenciement : 3.883,39 € ;

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8.018,52 € ;

- dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait du procédé humiliant et des mesures brutales et vexatoires adoptées par l'employeur : 12.027,78 € ;

- frais de procédure : 3.000 € ;

- Condamner l'association LA MAISON KANGOUROU à lui remettre ses documents sociaux conformes (bulletins de salaire faisant mention de l'indemnité de licenciement et du préavis et attestation Pôle emploi rectifiée et conforme) sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte ainsi ordonnée ;

- Débouter l'association LA MAISON KANGOUROU de toutes ses demandes ;

- Condamner l'association LA MAISON KANGOUROU aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 avril 2022, l'association LA MAISON KANGOUROU demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

-Débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes,

-La condamner aux dépens et à verser à l'association la somme de 1000 € au titre des frais de procédure.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 mai 2018, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, énonce les griefs suivants :

- Des salariés de la crèche ont fait état d'un profond mal être et d'un sentiment de harcèlement et de discrimination provoqués par un groupe de collègues dont Madame [J] faisait partie, décrivant précisément les symptômes que cela leur provoquait (état de stress permanent, boule au ventre, pleurs, honte, peur des représailles, repli sur soi) ;

- Madame [J] et le groupe dont elle faisait partie ont imposé aux victimes des comportements changeants, les ignorant parfois toute une journée, des moqueries sur leur physique, leur voix ou les origines antillaises de l'une d'elle ;

- Le groupe de Madame [J] mettait à l'épreuve les nouvelles collègues avant de les accepter, et pouvait exercer une pression sur les autres ;

- Le père d'un enfant était moqué sur son physique.

L'employeur indique dans la lettre de licenciement que ces comportements harcelants ne correspondent pas aux valeurs de bienveillance et de mixité qui animent l'association, et qu'outre l'obligation légale de sécurité qui lui impose de prendre des mesures de protection, il n'était pas possible de maintenir Madame [J] à son poste, la faute grave étant constituée.

A l'appui de ces griefs, l'employeur produit plusieurs témoignages circonstanciés des victimes ou de collègues ayant assisté aux faits, qui sont cités dans le jugement du conseil de prud'hommes, et qui viennent confirmer les termes de la lettre de licenciement.

Outre les victimes et les collègues immédiates de celles-ci et de Madame [J], le témoignage de la directrice de la crèche, qui a recueilli le témoignage des salariés victimes et a pu observer leur comportement lors des entretiens, vient confirmer la fiabilité des témoignages de celles-ci, et l'impact des comportements harcelants sur les victimes.

Madame [J] conteste les faits et soutient que ce recueil de témoignages serait de pure circonstance car l'association avait pour objectif de se débarrasser de plusieurs salariés à moindre frais afin de renouveler l'équipe de l'établissement par des contrats précaires moins onéreux, pour des motifs économiques.

La cour relève toutefois que les faits de harcèlement ont été révélés lors d'une journée pédagogique organisée par un prestataire extérieur, au cours de laquelle les salariés ont été invités à formuler de façon anonyme leur ressenti. C'est uniquement à la suite de cet évènement qui a révélé le grand malaise de certaines salariées que celles-ci ont été invitées à s'exprimer, et qu'elles ont révélé les faits qu'elles subissaient depuis plusieurs mois. Les circonstances de ces révélations viennent contredire les allégations de Madame [J] s'agissant d'un licenciement provoqué pour raisons économiques.

Par ailleurs, les déclarations des victimes présentent un caractère particulièrement précis, et au regard des faits, elles ont été orientées vers la médecine du travail.

Compte tenu de ces éléments, la faute grave est caractérisée, et le licenciement justifié, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes dont il convient de confirmer la décision sur ce point, et sur le débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande d'indemnisation au titre des circonstances vexatoires du licenciement

Même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Madame [J] expose qu'elle a été écartée dans des conditions particulièrement difficiles, mensongères et humiliantes de l'association du jour au lendemain, ce qui lui a causé un préjudice, puisqu'elle a dû être suivie pour un trouble axio-dépressif consécutif à son licenciement.

Toutefois, la salariée a été écartée avec mise à pied au regard de la faute grave qui lui était reprochée avec raison, et elle ne caractérise pas d'autres circonstances du licenciement qui auraient été vexatoires dès lors que le grief de harcèlement est retenu à son encontre.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnisation au titre des circonstances vexatoires du licenciement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner Madame [J] aux dépens de l'appel.

L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elles seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes au titre des documents sociaux et des intérêts

Le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes d'indemnisation, il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes dont elle sera également déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [J] aux dépens de l'appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Madame [J] de ses demandes au titre de la remise des documents sociaux et des intérêts.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/08646
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;21.08646 ?
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