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05/06/2024 | FRANCE | N°20/07533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 05 juin 2024, 20/07533


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 05 JUIN 2024



(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07533 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUEV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 19/01139



APPELANT



Monsieur [I] [N]

[Adresse 1]

[Loca

lité 6]

Représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136



INTIMEES



Me [T] [A] [U] (SELARL FIDES) - Liquidateur de S.A.R.L. MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

[...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 05 JUIN 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07533 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUEV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 19/01139

APPELANT

Monsieur [I] [N]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEES

Me [T] [A] [U] (SELARL FIDES) - Liquidateur de S.A.R.L. MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Me [Y] [L] [X] - Adiministrateur judiciaire de S.A.R.L. MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

[Adresse 7]

[Localité 4]

S.A.R.L. MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Benoît ROBINET, avocat au barreau de PARIS, toque : P236

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [I] [N] a été engagé en qualité d'ouvrier polyvalent par la société [G] SARL par contrat à durée indéterminée du 2 juillet 2012.

La relation de travail était régie par la convention collective du bâtiment.

Le fonds de commerce de la société [G] SARL a été racheté par la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et le contrat transféré.

Par lettre du 4 mars 2019, Monsieur [N] a été convoqué pour le 11 mars 2019 à un entretien préalable à son licenciement et a été mis à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 28 mars 2019 suivant pour faute grave, caractérisée par un vol de matériel et une insubordination répétée.

Le 5 aout 2019, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil et formé des demandes afférentes à un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 25 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens et a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais de procédure.

A l'encontre de ce jugement notifié le 12 octobre 2020, Monsieur [N] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 6 novembre 2020.

Par jugement du 16 mars 2022 le tribunal de commerce de Créteil a prononcé le redressement judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

Par actes du 28 novembre 2022, le conseil de Monsieur [N] a mis en cause l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. ainsi que l'AGS CGEA Ile de France.

Par jugement du 22 août 2023, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et désigné la SELARL FIDES prise en la personne de Maître [U] [H] en qualité de liquidateur.

Par acte du 17 octobre 2023, le conseil de Monsieur [N] a mis en cause le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 octobre 2023, Monsieur [N] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré,

- Annuler le licenciement,

- Fixer au passif de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y les créances suivantes au bénéfice de Monsieur [N] :

- dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse : 56.496 €,

- indemnité compensatrice de préavis : 5.136 €,

- congés payés afférents : 513 €,

- indemnité de licenciement : 4.440 €,

- dommages et intérêts pour retrait illégal d'un avantage en nature : 10.000 €,

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2.568 €,

- congés payés afférents : 256 €,

- dommages et intérêts pour abus de droit : 5.000 €,

- dommages et intérêts pour non-respect de la procédure : 2.568 €,

- frais de procédure : 3.500 €,

- dépens

- Ordonner la remise sous astreinte de 200 € par jour du certificat destiné à la caisse des congés payés du bâtiment,

- Assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil s'agissant des créances salariales et de l'indemnité légale de licenciement.

Par acte du 17 octobre 2023, Monsieur [N] a assigné en intervention forcée le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et lui a transmis ses dernières écritures.

Le liquidateur judiciaire ne s'est toutefois pas constitué dans le cadre de la procédure d'appel.

L'AGS CGEA Ile de France ne s'est pas non plus constituée.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Sur la demande principale de nullité du licenciement

Monsieur [N] fait valoir que l'un des griefs fondant son licenciement, à savoir l'insubordination caractérisée et comportement nuisant à l'image de marque de la société, constitue en réalité une sanction de l'exercice non abusif de sa liberté d'expression. Il estime qu'à ce titre, le licenciement est nul.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré. Le jugement retient qu'en application de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, et que Monsieur [N] qui n'était qu'un des salariés de l'entreprise ne pouvait en entraver la bonne marche et la gestion, qui relèvent de l'employeur, même si elles n'étaient pas de son goût.

Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Le licenciement prononcé, même en partie, par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul .

En l'espèce, la lettre de notification du licenciement pour faute grave du 28 mars 2019 fait état des griefs suivants :

- insubordination caractérisée et comportement nuisant à l'image de marque de la société,

- vol de matériel appartenant à l'entreprise.

S'agissant de l'insubordination, il est précisé que le salarié manifeste régulièrement un mépris inacceptable pour les consignes adressées par l'employeur, soit directement, soit par le biais de son assistante. Ainsi :

- il ne répond pas aux interrogations de son assistante s'agissant de l'avancée des chantiers ou n'exécute pas les consignes transmises ;

- il a refusé d'exécuter des tâches lui incombant malgré des consignes claires ;

- il a refusé de porter son équipement de protection personnel malgré des rappels à l'ordre ;

- il s'est opposé de façon régulière et violemment au prestataire de la société, Monsieur [G], sur les chantiers, et ce en présence de clients, ce qui a nuit gravement à l'image de professionnalisme de la société, et a persisté malgré des rappels à l'ordre oraux ;

-il a à plusieurs reprises remis en cause l'autorité de l'employeur y compris devant les autres salariés, malgré des rappels à l'ordre oraux.

Les reproches relatifs au refus d'exécuter des consignes, des tâches, de rendre compte de son activité ou de refuser de porter son équipement de protection ne relèvent à l'évidence pas de l'exercice de la liberté d'expression.

En ce qui concerne l'opposition au prestataire et à son employeur, le salarié expose qu'il n'a fait qu'émettre des avis techniques de façon respectueuse et n'a pas outrepassé les limites de sa liberté d'expression. Toutefois, le fait d'émettre dans le cadre de l'exercice de sa profession un avis technique sur un chantier ne relève pas de l'exercice de la liberté fondamentale d'expression, protégée par la nullité du licenciement.

Dès lors que le salarié ne justifie pas que l'un des griefs opposés par l'employeur relevait de l'exercice non abusif de sa liberté d'expression, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de sa demande de nullité du licenciement et d'indemnité au titre de la nullité du licenciement.

Sur la demande subsidiaire tendant à constater le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 28 mars 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, fait état des griefs suivants :

- insubordination caractérisée et comportement nuisant à l'image de marque de la société,

- vol de matériel appartenant à l'entreprise.

Sur le grief de vol de matériel appartenant à l'entreprise :

Le salarié soutient qu'il s'agit de son matériel, qu'il a donc repris et non volé.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré. Le jugement retient que le salarié n'a perçu aucune prime d'outillage pour utilisation de son matériel propre, conformément à la convention collective, et qu'il a reconnu avoir revendu les outils, ce qui prouve son larcin.

La cour relève toutefois que lors du rachat du fonds de commerce de la société [G] SARL par la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. le 16 janvier 2018, il était mentionné que celle-ci rachetait l'outillage, mais aucune liste des outils n'a été dressée, qui viendrait démontrer que le matériel pris par Monsieur [N] était effectivement la propriété de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. Par ailleurs, l'ancien employeur de Monsieur [N], Monsieur [G], atteste que celui-ci travaillait sur les chantiers avec son propre outillage qu'il mettait donc à disposition de l'entreprise. Le seul fait qu'une prime d'outillage ne lui ait pas été versée ne peut donc suffire à démontrer l'existence d'un vol, l'employeur ne démontrant pas sa propriété sur les outils concernés.

Ce grief n'est donc pas établi.

Sur le grief d'insubordination et de comportement nuisant à l'image de marque de la société :

En ce qui concerne l'opposition au prestataire et à son employeur, le salarié expose qu'il n'a fait qu'émettre des avis techniques de façon respectueuse et n'a pas outrepassé les limites imposées par le cadre professionnel. Il produit en ce sens une attestation de Monsieur [G], prestataire de la société, qui vient contredire la version de l'employeur.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré. Le jugement n'a pas développé ce grief dans la mesure où il a retenu que le vol constituait une faute grave.

Par ailleurs, le liquidateur de la société n'ayant pas constitué avocat, aucune pièce n'est produite pour démontrer la réalité du grief, qui est contestée par le salarié.

En considération de ces éléments, le grief n'est pas établi.

En conséquence, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Au moment de son licenciement, Monsieur [N] avait une ancienneté de 6 ans et 9 mois.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 2.568 €.

En application des dispositions de l'article L. 1332-3 du code du travail, en l'absence de faute grave, la mise à pied à titre conservatoire n'était pas justifiée et Monsieur [N] est donc fondé à percevoir le salaire correspondant, soit la somme de 2.568 €, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 256 €.

A la date de la rupture, Monsieur [N] avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 5.136 €, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 513 €.

Monsieur [N] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 4.440 €.

L'entreprise employait habituellement plus de 10 salariés.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Monsieur [N] est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 7 mois de salaire, soit entre 7.704 € et 17.976 €.

Au moment de la rupture, il était âgé de 54 ans et il justifie de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en 2022.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 15.000 €.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses différentes demandes en conséquence de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau, de fixer au passif de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y les créances suivantes au bénéfice de Monsieur [N] :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.000 €,

- indemnité compensatrice de préavis : 5.136 €,

- congés payés afférents : 513 €,

- indemnité de licenciement : 4.440 €,

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2.568 €,

- congés payés afférents : 256 €.

Sur la demande de dommages et intérêts pour retrait illégal d'un avantage en nature

Le salarié fait valoir qu'il disposait d'un avantage en nature qui lui était conféré depuis plusieurs années, à savoir la possibilité d'utiliser son véhicule de fonction pour les trajets domicile-travail et à titre personnel le soir et le week-end, depuis sept ans. Il expose que cet avantage lui a été brutalement retiré lors de sa mise à pied, ce qui a eu pour conséquence d'alourdir ses charges, et demande réparation de son préjudice à ce titre.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré. Le jugement a débouté le salarié de sa demande au motif qu'en application de l'article 8 de son contrat de travail, tout matériel ou document que l'entreprise pourrait être amenée à lui confier dans le cadre de sa fonction devait lui être restitué sur simple demande.

La cour observe que pour prouver l'existence de l'avantage en nature qu'il revendique, lequel ne figure pas à son contrat de travail, et n'a pas été mentionné sur ses fiches de paye, le salarié produit uniquement une attestation de Monsieur [G], propriétaire du fonds racheté par la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y., aux termes de laquelle Monsieur [N] pouvait utiliser son véhicule utilitaire à des fins personnelles le soir et le week-end. Toutefois, cette seule attestation ne précisant ni la durée de l'utilisation ni qu'il s'agissait en tant que tel d'un avantage en nature acquis ne suffit pas à démontrer que le salarié pouvait revendiquer un tel droit, en l'absence de toute mention sur son bulletin de paie ou sur tout autre document.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de droit et circonstances vexatoires du licenciement

Le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Monsieur [N] expose que la procédure de licenciement a été vexatoire, car il a été accusé de vol de ses propres outils prêtés pendant de nombreuses années à l'entreprise, il a été mis à pied à titre conservatoire pour ces mêmes motifs avec un retrait brutal de son véhicule, et n'a pas été en mesure de saluer ses collègues.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, le liquidateur judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. et l'AGS CGEA Ile de France sont réputés s'approprier les motifs du jugement déféré. Le jugement a débouté le salarié de sa demande au motif que l'abus de droit et les circonstances vexatoires n'étaient pas démontrés.

La cour relève que les circonstances vexatoires exposées par le salarié tiennent en réalité aux motifs du licenciement plutôt qu'à ses circonstances, et que le préjudice causé par le licenciement a été réparé par l'attribution d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ne démontre pas le préjudice invoqué s'agissant de l'impossibilité de saluer ses collègues. Quant au retrait du véhicule, il n'est pas démontré qu'il bénéficiait d'un avantage en nature acquis, ainsi que précédemment jugé. L'abus de droit n'est pas non plus établi.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-2 dernier alinéa du code du travail qu'en cas d'inobservation de la procédure de licenciement et lorsque le licenciement comporte une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l'espèce, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu de faire application de ce texte. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié à ce titre.

Sur la demande de remise du certificat destiné à la caisse des congés payés du bâtiment

Il convient de faire droit à la demande du salarié, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les intérêts

En vertu de l'article L621-48 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux.

En conséquence, les condamnations indemnitaires ne porteront pas intérêts au taux légal, et les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et le 16 mars 2022, date du jugement d'ouverture du jugement de redressement judiciaire de la société.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

En l'espèce, la liquidation de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y. succombe, ce qui justifie qu'elle supporte la charge des dépens de première instance et d'appel, et une somme de 2.000 € au titre des frais de procédure de première instance et d'appel.

Ces créances de dépens et frais de procédure ne répondant pas aux conditions de l'article L.622-17 du code de commerce, elles seront fixées au passif de la liquidation.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- débouté le salarié de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté le salarié de sa demande de communication du certificat destiné à la caisse de congés payés,

- débouté le salarié de sa demande au titre des frais de procédure,

- condamné le salarié aux dépens,

Statuant de nouveau,

DIT le licenciement de Monsieur [N] sans cause réelle et sérieuse,

FIXE au passif de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y les créances suivantes au bénéfice de Monsieur [N] :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.000 €,

- indemnité compensatrice de préavis : 5.136 €,

- congés payés afférents : 513 €,

- indemnité de licenciement : 4.440 €,

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2.568 €,

- congés payés afférents : 256 €.

- frais de procédure de première instance et d'appel : 2.000 €,

- dépens de première instance et d'appel,

ORDONNE la remise du certificat destiné à la caisse des congés payés du bâtiment, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire,

DIT que les condamnations indemnitaires ne porteront pas intérêts au taux légal, et les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et le 16 mars 2022, date du jugement d'ouverture du jugement de redressement judiciaire de la société MAXIMILIEN PRIGNON J.Y,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

DIT que l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 20/07533
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.07533 ?
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