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05/06/2024 | FRANCE | N°20/05645

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 juin 2024, 20/05645


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05645 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJDI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 17/00420





APPELANTE



S.A.S.U. A.R.C1 prise en la personne de la SELARL [F

] ET ASSOCIES, elle-même prise en la personne de Maître [H] [F], ès qualité de mandataire liquidateur de la société A.R.C1, sise [Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Rep...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05645 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJDI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 17/00420

APPELANTE

S.A.S.U. A.R.C1 prise en la personne de la SELARL [F] ET ASSOCIES, elle-même prise en la personne de Maître [H] [F], ès qualité de mandataire liquidateur de la société A.R.C1, sise [Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Anne LEPARGNEUR, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 71

INTIMEES

Madame [W] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543

Association DELEGATION UNEDIC AGS DE [Localité 4]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI de la SELARL FELICI - COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société A.R.C1 a comme activité l'assistance aéroportuaire : accueil enregistrement, embarquement et débarquement de passagers pour le compte de compagnies aériennes.

Mme [W] [S] a été embauchée le 1er décembre 2014 en qualité d'agent de passage.

La convention collective applicable est celle du personnel au sol du transport aérien.

Par requête en date du 15 février 2017, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir constater l'absence de temps de pause et la société A.R.C1 ainsi condamnée à lui verser diverses indemnités.

Par jugement en date du 30 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation paritaire, a :

- constaté les manquements de la société A.R.C1,

- constaté l'absence de temps de pause ainsi que sa matérialisation,

- ordonné l'effectivité et la matérialisation du temps de pause,

- condamné la société A.R.C1 au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à une somme équivalente à deux mois de salaire brut de base référence année 2018,

- condamné la société A.R.C1 à payer à Mme [S] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société A.R.C1 aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 25 août 2020, la société A.R.C1 a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par jugement du 21 décembre 2021, le tribunal de commerce de [Localité 4] a prononcé la liquidation judiciaire de la société A.R.C1 et désigné la SELARL [F] et associés, prise en la personne de Maître [H] [F], en qualité de mandataire liquidateur.

Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 19 mai 2022, la SELARL [F] et associés, prise en la personne de Maître [H] [F] ès qualité, demande à la cour de :

-Infirmer le jugement du 30/06/2020 en ce qu'il a :

constaté les manquements de la société ARC1,

constaté l'absence de temps de pause ainsi que sa matérialisation,

ordonné l'effectivité et la matérialisation de la pause,

condamné la société ARC1 à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à une somme équivalent à 2 mois de salaire brut de base référence 2018,

condamné la société ARC1 à 800 euros d'article 700,

Et statuant à nouveau,

-débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes, dont celles comprises dans son appel incident (demande de dommages et intérêts de 10.000,00€ au titre du non-respect du temps de pause et de 20.000,00€ sur le quantum des dommages et intérêts octroyés pour exécution déloyale et harcèlement);

A titre subsidiaire,

Réduire le montant des dommages et intérêts octroyés au titre de l'exécution déloyale du contrat à de plus justes proportions

En tout état de cause

si la Cour devait :

Confirmer la condamnation de la société ARC1, prise en la personne de son Mandataire

Liquidateur, à 4605,15€ de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

Ordonner que le point de départ des intérêts soit fixé à compter de la date de

notification du jugement du Conseil de Prud'hommes

-infirmer l'absence de condamnations sur des dommages et intérêts pour non-respect du

temps de pause, ordonner que le point de départ des intérêts soit fixé à compter de

la notification de l'arrêt de la Cour;

-condamner Mme [S] au paiement à la société ARC1 de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 15 janvier 2024, Mme [S] demande à la cour de :

-Réformer une partie du jugement querellé des demandes et montants non obtenus et confirmer le jugement du 30 juin 2020 en ce que le Conseil de Prud'hommes a, pour chacun des salariés :

constaté les manquements de la société ARC1,

constaté l'absence de temps de pause ainsi que sa matérialisation,

ordonné l'effectivité et la matérialisation du temps de pause,

condamné la société ARC1 à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à une somme équivalente à 2 mois de salaire brut de base référence 2018,

condamné la société ARC1 à 800 euros d'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties du surplus des demandes,

condamné la société ARC1 aux dépens,

Par suite et statuant à nouveau,

-juger que Mme [S] est victime de harcèlement moral ;

-juger les manquements de la Société ARC1 ;

-juger l'absence de temps de pause ainsi que sa matérialisation ;

- juger que la demande de l'effectivité et la matérialisation du temps de pause était justifiée;

-inscrire au passif de la Société ARC1 à verser à Madame [S] les sommes

suivantes : -

Dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause : 10.000 Euros

Dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail : 20.000 Euros

-débouter la Société ARC 1, prise en la personne de son Mandataire Liquidateur

de ses demandes reconventionnelles ;

-ordonner la remise de bulletins de paie conformes ;

-prononcer l'intérêt au taux légal au jour de la saisine, soit le 20 janvier 2017 ;

-ordonner la capitalisation des intérêts ;

-inscrire au passif de la Société ARC 1 à payer à la somme de 3.000 Euros par

application de l'article 700 CPC ;

-condamner Maître [H] [F] ès qualité de Mandataire liquidateur de la SASU ARC1 aux entiers dépens, subsidiairement, inscrire au passif de la société ARC1 les entiers dépens,

-juger l'arrêt opposable à l'AGS CGEA.

Aux termes de ses conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 17 août 2022, l'AGS demande à la cour de :

- infirmer les jugements en ce qu'ils ont condamné la société A.R.C1 à payer à chacun des salariés les sommes suivantes :

2 mois de salaires brut de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

800 euros d'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer les jugements en ce qu'ils ont débouté les intimés du surplus de leurs demandes,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- dire et juger irrecevables les demandes de condamnation et débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes

A titre subsidiaire,

- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes,

- déclarer inopposables à l'AGS CGEA de [Localité 4] les demandes de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'AGS CGEA de [Localité 4], ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L 3253-21 du nouveau code du travail, et notamment dans la limite du plafond 6,

- constater, vu les termes de l'article L.3253-6 du code du travail, que le paiement d'un article

700 du code de procédure civile n'entre pas dans le champ d'application de la garantie de l'AGS CGEA de [Localité 4],

- constater, vu les dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce, que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective,

- statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS CGEA de [Localité 4].

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux dernières conclusions échangées en appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024.

Par note en délibéré en date du 26 mars 2024 sollicitée lors des débats à l'audience, Me [F] es qualité de mandataire liquidateur a communiqué la situation actuelle des salariés.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé qu'à compter du jugement prononçant l'ouverture d'une procédure collective, l'instance prud'homale conduit uniquement à la fixation de la créance du salarié. La demande tendant à la condamnation de l'employeur sont irrecevables en application du principe de l'arrêt des poursuites individuelles.

En l'espèce, alors que la salariée sollicite expressément la fixation de créances au passif de la procédure collective de l'employeur, il convient de juger ses demandes recevables.

Sur le temps de pause

La salariée fait valoir qu'elle devait bénéficier d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes pour un temps de travail de six heures, conformément à l'article L 3121-33 du code du travail, ce qui n'a jamais été le cas dans la mesure où elle devait rester à disposition de l'employeur pour répondre aux vacations et aux exigences du service, s'agissant d'une activité qui se pratique en flux continu et qui exclut qu'elle ait pu vaquer librement à ses occupations personnelles. Les temps d'inaction ne s'accompagnant pas d'une interruption totale et clairement définie de l'activité du salarié ne peuvent être exclus du temps de travail effectif.

Le mandataire liquidateur es qualité soutient que la société ARC1 a toujours respecté les temps de pauses, de surcroît rémunérés, et en sus les salariés bénéficiaient de temps d'inaction, c'est à dire des plages horaires où aucun vol n'arrivait ni ne partait les laissant sans aucune activité quelconque. Durant ces temps d'inaction rémunérés, les salariés vaquent à leur occupation et peuvent quitter leur lieu de travail. Si par exception, la pause ne pouvait être prise, celle-ci était comptabilisée en heure supplémentaire. Enfin, les salariés bénéficiaient de départ anticipé appelé 'délestage' en fin de vacation, également rémunéré et qu'aucune réclamation n'a été formulée quant à un manquement au regard des temps de pause.

Il sera rappelé que constitue du temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester à la disposition de l'employeur, afin de répondre à toute nécessité d'intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. La période de pause s'analyse comme un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité, pendant lequel le salarié ne se trouve plus, en principe, à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à ses occupations personnelles.

Il résulte de l'article L.3121-33 du code du travail qu'après six heures de travail effectif, le salarié doit bénéficier d'une pause d'au moins vingt minutes. Toutefois, il est admis que certains secteurs d'activité peuvent déroger aux règles relatives au temps de pause et ce pour permettre d'assurer la continuité du service.

L'obligation qui pèse sur l'employeur en matière de santé et de sécurité conduit à mettre à sa charge la preuve de l'organisation conforme des temps de pause. Il lui incombe donc de démontrer qu'il a permis au salarié de prendre les pauses prévues par la loi ou la convention collective.

En l'espèce, pour justifier qu'il respectait les temps de pause, l'employeur verse aux débats :

- les avenants au contrat de travail;

- le calendrier des absences de 2014 à 2018 de la salariée,

- le listing des heures de 'délestage' ;

- la liste des émargements pour des journées en juin 2016;

- des tableaux dits ' compteurs horaires';

- des exemples de plannings prévisionnels dont il ressort des périodes d'interruption au cours desquelles les salariés pouvaient prendre leurs pauses.

Sont versés également les bulletins de salaire de l'intéressée, le règlement intérieur de l'entreprise, des fiches réalisées avec mention des pauses réalisées en novembre 2017 et février 2018, des photographies des lieux de repos et des attestations de trois encadrants dont il ressort que les salariés bénéficiaient de 30 minutes de pause, temps formalisé par la planification, sous réserve des aléas d'exploitation.

Mais, alors que l'employeur doit rapporter la preuve du temps de pause, qui doit être identifié, qui doit être nettement déterminé et ne pas dépendre uniquement des faits relatifs au service, force est de constater qu'aucun planning prévoyant des temps de pause ou des remplacements entre salariés pour assurer l'effectivité d'une pause ne permet de les identifier clairement. Il est produit un tableau comptabilisant le temps de délestage pour la salariée, lequel fait apparaître avec le 'compteur horaire' que ce temps n'était pas systématiquement prévu chaque jour de travail. Ainsi que le souligne la salariée, le temps de délestage est attribué si l'exploitation le permet mais aussi et surtout dès lors que l'agent a accompli correctement l'ensemble de ses tâches.

Les tableaux compteurs horaires - en partie illisibles- ne mettent en évidence ni les temps de pause ni le temps dit de ' délestage' à de nombreuses reprises alors que le temps de travail pouvait dépasser 6 heures sans la matérialisation d'une pause ou 7 heures. Par ailleurs, l'employeur ne démontre pas le caractère éventuel, ni exceptionnel des interventions de la salariée à l'occasion des pauses pouvant justifier que l'agent soit considéré comme ayant tout de même bénéficié de son droit à sa pause quotidienne obligatoire.

Les temps de pause, certes rémunérés, ne sont donc pas démontrés comme effectifs.

Les différentes prescriptions énoncées en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, étant rappelé que le litige est relatif à l'exécution du contrat de travail et n'a pas trait à un rappel de salaire.

En l'état des répercussions sur le repos et la santé de la salariée, et eu égard aux durées de collaboration à prendre en compte respectivement (et en ce compris les périodes d'absence) et de la rémunération en l'espèce des temps de pause qui ne sont pas du temps de travail effectif, il y a lieu d'accueillir la demande d'indemnisation à hauteur de 2000 euros à fixer au passif de la société en considération du préjudice résultant du non-respect du temps de pause.

Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [S] ne justifie pas que les manquements commis par l'employeur au titre des temps de pause lui ont causé un préjudice distinct que les dommages et intérêts accordés au titrer du non-respect des temps de pause ne suffiraient pas à réparer.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Par ailleurs, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée indique avoir subi les méthodes de gestion de son employeur qui malgré ses alertes a manqué à son obligation de sécurité à son égard. Elle ne vise pas spécialement les griefs qu'elle peut reprocher à son employeur, renvoyant la cour aux pièces versées sans aucune démonstration.

Mme [S] présente:

- le compte-rendu d'entretien du 26 janvier 2016 préalable au licenciement ainsi que sa contestation adressée le 27 janvier 2016 suite à des reproches de l'employeur (retard au briefing, bagage inactif, problème de prise en charge d'un passager, attitude envers un responsable de la compagnie sri lankaise, sortie du check sans autorisation..);

- la notification d'un rappel à l'ordre par l'employeur le 25 février 2016 pour retards, absence de prise en charge d'un passager de la compagnie sri lankaise;

- un rapport de vacation du vol AT 789 sur les circonstances de 'l'altercation ' avec un superviseur;

- le courriel adressé à l'employeur par M. [O], représentant syndical, le 9 juin 2016, dénonçant les faits de harcèlement sexuel que Mme [S] subirait de la part du chef d'escale de la compagnie sri-lankaise, des faits de harcèlement moral, du refus de modification de son planning, du refus de bon de sortie malgré son état de santé le 3 mai 2016;

- une main courante déposée par Mme [S] le 9 juillet 2017 relatant les circonstances de son altercation avec le ' superviseur' le 12 juin 2016 et les insultes et menaces de celui-ci;

- le rapport fait de cette altercation durant la vacation du 12 juin 2016 par ses collègues, Mme [L] (confirmé par attestation) et M. [B];

- les attestations de Mesdames [Z] et [D] relatant également le comportement de ce superviseur à son égard.

Sont ainsi établis la notification d'un rappel à l'ordre le 25 février 2016 et les insultes et menaces d'un collègue le 12 juin 2016, les autres faits ne reposant que sur les seules déclarations de la salariée reprises par le représentant syndical ou ses courriers reprenant sa version des faits.

La salariée présente ainsi des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement ayant contribué à une dégradation de ses conditions de travail.

Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A ce titre, l'employeur établit qu'aucun courrier de dénonciation de harcèlement n'a été porté à sa connaissance avant l'entretien préalable. Il indique avoir proposé à la salariée un entretien avec le service des ressources humaines dès qu'il a été informé de la situation de harcèlement évoquée par la salariée provenant d'un représentant d'une compagnie étrangère, entretien qui a eu lieu le 10 février 2016 ainsi qu'il est noté dans le compte-rendu d'entretien versé aux débats. Il produit à cet égard l'échange de sms entre la salariée et la responsable santé et conditions de travail vérifiant le déroulement de ses missions lors de l'enregistrement avec cette compagnie.

Par ailleurs, Mme [S] a fait l'objet d'un avertissement notifié le 8 août 2016 pour plusieurs retards matérialisés sur les extraits du logiciel Planet et en août 2016 pour ne pas avoir vérifié les documents de voyage d'une passagère qui était démunie de visa. Ces sanctions faisaient suite à plusieurs rappels à l'ordre (en 2014 et 2016) en raison des retards répétés de la salariée. L'employeur produit également ' les rapports de performance' alertant sur l'attitude de la salariée à l'égard des représentants de la compagnie sri lankaise lors de l'enregistrement du vol du 28 novembre 2015, son refus de suivre les consignes données pour l'accueil d'un passager pour un vol du 29 novembre 2015; son arrivée en retard et son départ alors que des passagers attendaient encore lors d'un départ d'un vol le 19 décembre 2015 ainsi qu'un mail du chef d'escale en date du 19 décembre 2015 demandant que Mme [S] ne soit pas 'planifiée' sur les vols de cette compagnie car celle-ci s'en plaint.

S'agissant du fait lié aux propos de son superviseur lors d'une altercation en date du 12 juin 2016, l'employeur n'apporte pas d'explication convaincante.

Il s'ensuit qu'à l'exception du fait unique et isolé- toutefois impropre à caractériser une situation de harcèlement moral- tenant à l'attitude le 12 juin 2016 du superviseur à l'égard de la salariée , la société apporte la preuve que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Mme [S] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur les bulletins de salaire

Eu égard à l'issue du litige, il n'y a pas lieu à remise d'un bulletin de salaire.

Sur les intérêts

Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Il sera également relevé que la société a été placée en liquidation judiciaire le 21 décembre 2021. Or, le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations pour les créances nées antérieurement.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront mis à la charge de la procédure collective.

Eu égard à l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Le jugement sera en revanche confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE les demandes formées par Mme [W] [S] recevables,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société ARC1 aux dépens et à verser à Mme [W] [S] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE la créance de Mme [W] [S] sur le passif de la liquidation judiciaire de la société ARC1 à la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;

DIT que le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations pour les créances nées antérieurement

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail,

MET les dépens à la charge de la procédure collective de la société ARC1;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05645
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;20.05645 ?
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