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05/06/2024 | FRANCE | N°19/20145

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 05 juin 2024, 19/20145


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 5 JUIN 2024



(n° /2024, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20145 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5CQ



Décision déférée à la Cour : jugement du 10 septembre 2019 -tribunal de grande instance de Paris RG n° 16/15795





APPELANTES



S.A.S. PRO-FOND prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualit

é audit siège

[Adresse 5]

[Localité 13]



Représentée par Me Serge BRIAND de la SELEURL BRIAND AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0208



S.A.S. ITB 77 prise en la person...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 5 JUIN 2024

(n° /2024, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20145 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5CQ

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 septembre 2019 -tribunal de grande instance de Paris RG n° 16/15795

APPELANTES

S.A.S. PRO-FOND prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par Me Serge BRIAND de la SELEURL BRIAND AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0208

S.A.S. ITB 77 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ordonnance de désistement d'appel le 6 décembre 2022

[Adresse 23]

[Localité 17]

Représentée par Me Gérald LAGIER de la SELARL ARIES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A310

INTIMEES

S.A.S. GEOEXPERTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 20]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean-Marc ZANATI de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

S.A.S. LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE [Localité 21] en sa qualité d'assureur de la société GEOEXPERTS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DOCEUL, substitué à l'audience par Me Yann DURMARQUE, avocats au barreau de Paris

S.A.S. SOCOTEC CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 12]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume RODIER, substitué à l'audience par Me Françoise LUC JOHNS, avocats au barreau de Paris

S.A.S. SAFEGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 22]

[Localité 18]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Stella BEN-ZENOU, avocat au barreau de Paris

S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE devenue XLICSE, en sa qualité d'assureur de la société SAFEGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Stella BEN-ZENOU, avocat au barreau de Paris

S.A.R.L. WINDSOR INGENIERIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

S.A.R.L. ACP prise en la personne de ses représentants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Localité 7]

N'a pas constitué avocat - signification de la déclaration d'appel le 24 janvier 2020 remise à étude

PARTIE INTERVENANTE :

Société LLOYD'S INSURANCE COMPANY SA, en sa qualité d'assureur de la société GEOEXPERTS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DOCEUL, substitué à l'audience par Me Yann DURMARQUE, avocats au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Ludovic Jariel dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- par défaut.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic Jariel, président et par Alexandre Darj, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Windsor [Localité 19] a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, la construction, sur un terrain sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 19] (92), d'un bâtiment collectif de 42 logements et 5 commerces destiné à être vendu, sous la forme de lots de copropriété, en l'état futur d'achèvement.

Le 21 octobre 2011, le permis de construire a été délivré.

Sont notamment intervenues aux opérations de construction :

- la société ACP, en tant que maître d''uvre de conception avec phase DCE ;

- la société Windsor Ingénierie, en tant que maître d''uvre d'exécution ;

- la société Géoexperts, en tant que bureau d'étude des sols chargé de plusieurs études géotechniques de faisabilité des ouvrages (mission G12), d'investigation géotechnique, de conception en phase projet (mission G2 pro) et de supervision d'exécution (mission G4), assurée auprès des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] ;

- la société Archambault conseil (la société Archambault), chargée d'une étude hydrologique sur les débits d'exhaure en fond de fouille, assurée auprès de la société Axa corporate solutions ;

- la société Fondetud, chargée d'une mission d'étude géotechnique G2 pro-partielle concernant le dimensionnement " mécanique " de la paroi moulée ;

- la société Gaufor, sous-traitante de la société Géoexperts, en charge de deux sondages et de huit tests de perméabilité ;

- la société Socotec France, en tant que contrôleur technique ;

- la société ITB 77, chargée des travaux de gros 'uvre en superstructure ;

- la société Pro-fond, chargée des fondations et des travaux de terrassement, qui a fait appel, en tant que sous-traitant, à la société SMTP.

En novembre 2014, les travaux de terrassement ont commencé.

Le 4 juin 2015, alors que les travaux de terrassement étaient en cours, d'importantes venues d'eau sont apparues dans le fond de la fouille, entraînant l'arrêt du chantier.

La société Windsor [Localité 19] a assigné, en référé d'heure à heure, les sociétés Géoexperts, Socotec France et Archambault aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 9 juin 2015, le juge des référés a désigné M. [R] en qualité d'expert.

Celui-ci a donné son accord pour que les travaux réparatoires soient réalisés par la société Geofi.

Le 23 mars 2016, ces travaux ont pris fin et, le 31 mars de la même année, le chantier a pu reprendre.

Le 28 juin 2016, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

Par actes des 9, 10 et 22 août 2016, la société Windsor [Localité 19] a assigné les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] et les sociétés Géoexperts, Socotec France, Archambault, Axa corporate solutions, Pro-fond et ITB 77 en condamnation des cinq premières à l'indemniser du coût des travaux de reprise ainsi que de ses préjudices financiers et en déclaration de jugement commun aux deux dernières.

Par actes des 10, 11 et 12 janvier 2017, la société Géoexperts a assigné, en garantie, son sous-traitant, la société Gaufor, ainsi que les sociétés Fondetud, ACP et Windsor Ingénierie.

Les deux instances ont été jointes.

Les sociétés Pro-fond et ITB 77 ont formé des demandes reconventionnelles en indemnisation de leurs préjudices financiers dus au retard pris par le chantier.

Par ordonnance du 16 janvier 2018, le juge de la mise en état a rejeté la demande de complément d'expertise.

Par jugement du 10 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Rejette la demande de contre-expertise comme étant non fondée ;

Dit que la responsabilité des sociétés Archambault, Géoexperts et Socotec France est engagée au titre des désordres générés par la sous-estimation du débit d'exhaure ;

Dit que la société Axa corporate solutions et les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] doivent leur garantie respectivement aux sociétés Archambault et Géoexperts ;

Dit que les garanties des assureurs s'appliqueront dans les termes et limites des polices souscrites ;

Condamne in solidum la société Archambault et son assureur, la société Axa corporate solutions, la société Géoexperts et son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et la société Socotec à payer à la société Windsor [Localité 19] la somme de 521 968,43 euros HT au titre des travaux de réparation ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera comme suit :

- la société Archambault : 45 %,

- la société Géoexperts : 45 %,

- la société Socotec France : 10 %,

Dit que dans leurs recours entre eux, la société Archambault et son assureur, la société Axa corporate solutions, la société Géoexperts et son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et la société Socotec, dans les limites contractuelles des polices souscrites, seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité sus-mentionné ;

Condamne in solidum la société Archambault et son assureur, la société Axa corporate solutions, la société Géoexperts et son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et la société Socotec aux dépens, comprenant les frais d'expertise ;

Condamne in solidum la société Archambault et son assureur, la société Axa corporate solutions, la société Géoexperts et son assureur, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et la société Socotec à payer à la société Windsor [Localité 19] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité de procédure seront réparties entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, dans les limites contractuelles des polices respectives ;

Condamne la société Géoexperts à payer à la société Windsor Ingénierie la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Géoexperts à payer à la société Fondetud la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes des sociétés ITB 77 et Pro-Fond comme étant non fondées ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Par déclaration en date du 29 octobre 2019, la société ITB 77 a interjeté appel du jugement sous le n° RG 19/20145, intimant devant la cour :

- la société Géoexperts,

- les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21],

- la société Socotec France,

- la société Safege, venue aux droits de la société Archambault,

- la société Axa corporate solutions.

Par déclaration en date du 7 novembre 2019, la société Pro-fond a interjeté appel du jugement, sous le n° RG 19/20671, intimant devant la cour :

- la société Archambault,

- la société Géoexperts,

- la société Socotec France,

- la société Axa corporate solutions,

- la société ACP,

- la société Windsor ingénierie,

- les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21].

Par actes des 11 et 13 mai 2020, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] ont, dans l'instance enregistrée sous le n° RG 19/20671, assigné aux fins d'appel provoqué les sociétés Windsor ingénierie et ACP.

Par acte du 9 juin 2020, la société Socotec France, devenue la société Socotec construction, a, dans l'instance enregistrée sous le n° RG 19/20671, assigné la société ACP aux fins d'appel provoqué et a formulé des appels en garantie à l'encontre des sociétés ACP et Windsor ingénierie.

Par ordonnance du 3 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté le caractère non-avenu du désistement d'instance et d'action de la société Pro-fond à l'égard des sociétés Windsor ingénierie et ACP.

Par ordonnance du 22 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux appels interjetés par les sociétés Pro-fond et ITB 77, la procédure se poursuivant sous le seul numéro de RG 19/20145.

Le 6 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la société ITB 77 et n'a pas ordonné la disjonction des affaires.

La société Lloyd's insurance company (la société LIC), venue aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de la société Géoexperts.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, la société Pro-fond demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Pro-fond dans la survenance des désordres ;

Réformer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formulée par la société Pro-fond comme étant non fondée ;

Et, statuant à nouveau :

Condamner solidairement et, à défaut in solidum, les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction, ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue, à payer à la société Pro-fond la somme de 201 364,05 euros HT, en réparation du préjudice financier qu'elle a subi au cours de ce chantier, avec intérêts à compter du 15 février 2016 ;

A titre subsidiaire :

Réformer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande formulée par la société Pro-fond comme étant non fondée ;

Et, statuant à nouveau :

Condamner solidairement et, à défaut in solidum, les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction, ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyds de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue, à payer à la société Pro-fond la somme de 163 191,88 euros HT, en réparation du préjudice financier qu'elle a subi au cours de ce chantier, avec intérêts à compter du 15 février 2016 ;

Et par ailleurs :

Rejeter tout appel en garantie dirigé contre Pro-fond ou toute demande dirigée contre Pro-fond ou tendant à revenir sur les responsabilités et le partage de responsabilité retenus en première instance, comme irrecevables et/ou mal fondés ;

A titre plus subsidiaire, sur la recevabilité et le bien-fondé de la réclamation de la société Pro-fond, pour la part correspondant aux prestations réalisées ou sollicitées par la société SMTP :

Réformer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formulée par la société Pro-fond comme étant non fondée ;

Et, statuant à nouveau :

Condamner solidairement et à défaut in solidum les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyds de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue à payer à la société Pro-fond, à titre principal la somme de 201 364,05 euros HT (somme réclamée) et à titre subsidiaire la somme de 163 191,88 euros HT (somme retenue par le rapport) ;

Si par impossible et extraordinaire la part de préjudice correspondant aux demandes SMTP était rejetée par la cour :

Réformer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formulée par la société Pro-fond comme étant non fondée ;

Et, statuant à nouveau :

Condamner à tout le moins solidairement et, à défaut in solidum, les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction, ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue, à payer à la société Pro-fond la somme de 129 804 euros HT voire subsidiairement, par référence aux conclusions de l'expert, la somme de 97 023 euros HT en réparation du préjudice financier qu'elle a subi au cours de ce chantier, avec intérêts à compter du 15 février 2016.

De manière générale encore :

Rejeter toutes demandes des intimés en ce qu'elles seraient contraires aux demandes présentées par Pro-fond.

En tout état de cause :

Condamner solidairement et à défaut, in solidum, les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction, ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue, à payer à la société Pro-fond la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement et à défaut, in solidum, les sociétés Géoexperts, Safege et Socotec construction, ainsi que leurs assureurs respectifs, les Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21] et XL insurance ou toutes autres parties que la cour estimerait devoir être tenue, à payer à la société Pro-fond aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Briand.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société Safege, venue aux droits de la société Archambault, et la société XL insurance company, venue aux droits de la société Axa corporate solutions, son assureur, demandent à la cour de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par Pro-fond mais le déclarer mal fondé,

Confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pro-fond,

Les déclarer en effet irrecevables pour ce qui concerne les travaux réglés à SMTP et en tout état de cause dépourvues de tout fondement,

Condamner la société Pro-fond à verser à la société Safege, venant aux droits de la société Archambault conseil, et à XL insurance company une indemnité de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Très subsidiairement,

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Archambault conseil aux droits de qui vient la société Safege,

Dire et juger que cette dernière n'a commis aucune faute qui puisse engager sa responsabilité,

Rejeter purement et simplement toute demande à son encontre, et à l'encontre de son assureur, la société XL insurance company qui vient aux droits de la société Axa corporate solutions,

Dire et juger que sont engagées les responsabilités non seulement de la société Géoexperts mais aussi de Windsor ingénierie et de société Pro-fond elle-même,

Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas admis la responsabilité de ces deux intervenants

En déduire que société Pro-fond devra conserver à sa charge une part non négligeable de son propre préjudice et qu'elle et Windsor ingénierie devront relever et garantir la société Safege et XL insurance company des condamnations prononcées contre eux à hauteur de la part de responsabilité que la cour leur imputerait ;

Déclarer mal fondés les appels incidents de la société Géoexperts et des Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21] en ce qu'ils tendent à obtenir l'exonération totale de responsabilité de la société Géoexperts ou à tout le moins la réduction de sa part de responsabilité, et les rejeter purement et simplement ;

Rejeter toute demande, moyens et fins contraires, notamment celle de la société Géoexperts et de son assureur, les Souscripteurs des Lloyd's de [Localité 21], qui seront au contraire condamnés, avec la société Socotec construction, à relever et garantir la société Safege et XL insurance company de toute condamnation ;

Condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Fromentin, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2024, la société Géoexperts demande à la cour de :

Dire mal fondée la société Pro-fond en son appel et la débouter de toutes ses demandes ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de paris du 10 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pro-fond ;

A titre subsidiaire,

Infirmer le jugement du 10 septembre 2019 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Géoexperts ;

Juger que la société Géoexperts n'a aucune responsabilité en relation avec les prétendus allongements de chantier et préjudices allégués par la société Pro-fond ;

Prononcer la mise hors de cause de la société Géoexperts ;

Encore plus subsidiairement,

Juger responsables les sociétés Safege venant aux droits de la société Archambault conseil, Socotec construction, Windsor ingénierie, la société ACP architecture, la société Pro-fond ;

Juger que la quote-part de responsabilité de la société Pro-fond viendra en diminution du montant de sa réclamation dans l'hypothèse où la cour devait en admettre le principe.

Juger en tout état de cause que la société Pro-fond ne justifie pas d'un quelconque accord transactionnel ou d'une subrogation dans les droits de sons sous-traitant SMTP dont la réclamation n'a pas été examinée et ne saurait être opposable aux autres parties ;

Condamner in solidum la société Safege, venant aux droits de la société Archambault conseil et son assureur la société XL insurance company venant aux droits de la société Axa corporate solutions ainsi que la société Socotec construction, la société Windsor ingénierie, la société ACP architecture et la société Pro-fond, à relever et garantir la société Géoexperts de toute éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires,

Juger que les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] devront garantir la société Géoexperts dans les limites de la police souscrite ;

En tout état de cause,

Condamner la société Pro-fond à payer à la société Géoexperts une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner tous succombants aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Zanati, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2024, la société LIC et les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] en qualité d'assureur de la société Géoexperts demandent à la cour de :

La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Juger irrecevables et en tout état de cause mal fondées, toutes demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre la société Géoexperts, et/ou la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts ;

Confirmer le jugement en date du 10 septembre 2019 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pro-fond ;

Infirmer le jugement en date du 10 septembre 2019 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a retenu la société Géoexperts dans les liens de la responsabilité ;

Et statuant de nouveau

À titre liminaire, sur l'intervention volontaire de la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21]

Prendre acte de l'intervention volontaire de la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, sous les plus expresses réserves de responsabilité et/ou de garantie ;

Prononcer la mise hors de cause pure et simple des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchés en qualité d'assureurs " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts ;

À titre principal, sur l'absence de faute de la société Géoexperts ;

Prononcer la mise hors de cause de la société Géoexperts et le rejet de toute demande de garantie formée à l'encontre de la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts ;

À titre subsidiaire, sur la faute de la société Pro-fond, cause exonératoire de la responsabilité de la société Géoexperts et de la mobilisation de la garantie de la société LIC

Juger que la société Pro-fond a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;

Juger que les fautes de la société Pro-fond constituent des causes exonératoires de la responsabilité de la société Géoexperts ;

Débouter en conséquence la société Pro-fond de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Géoexperts et de la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts ;

À titre plus subsidiaire, sur les appels en garantie

Condamner solidairement et à défaut, in solidum, la société Safege, venant aux droits de la société Archambault conseil et son assureur, XL insurance company venant aux droits de la société Axa corporate solutions, la société Socotec construction, la société ACP, la société Windsor ingénierie, et la société Pro-fond à relever indemne et garantir la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, de toutes sommes susceptibles d'être mises à sa charge, tant en principal, intérêts, frais et accessoires à raison des condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la société Géoexperts ;

À titre infiniment subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour d'appel de Paris mobiliserait la garantie de la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, sur les limitations de garantie

Juger qu'il sera fait application des termes de la police souscrite par la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, dans la limite des garanties applicables, sachant que :

D'une part, les seules activités garanties par la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, concernent les prestations intellectuelles de géologie et de géotechnique, à l'exclusion des travaux de sondage et des essais ;

D'autre part, et en tout état de cause, la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, ne saurait voir sa garantie mobilisée au-delà des plafonds et sous-plafond de garantie prévus au contrat d'assurance et déterminés comme ci-après

Le plafond de garantie est fixé tous postes de préjudices confondus à la somme de 304 898 euros ;

Le plafond de garantie à hauteur de 304 898 euros inclut un sous-plafonnement de la garantie des dommages immatériels à hauteur de 150 000 euros ;

De ces plafonds et sous-plafond de garantie, devront être déduites toutes sommes réglées à la date de l'arrêt à intervenir, par application des garanties complémentaires dissociables du contrat d'assurance, que ce soit dans le cadre du présent litige ou d'autres ressortissant de la même année de garantie ;

Juger que les limites et les plafonds et sous-plafond de garantie contractuelle sont opposables à la société Géoexperts et aux tiers ;

Ordonner que la société Géoexperts conservera à sa charge le montant de la franchise contractuelle, cette dernière étant actualisée conformément à l'indice BT01 ;

En tout état de cause :

Condamner toute(s) partie(s) succombante(s) à payer à la société LIC, venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], et recherchée en qualité d'assureur " responsabilité civile professionnelle " de la société Géoexperts, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner toute(s) partie(s) succombante(s) aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de la société Grappotte Benetrerau, avocat au Barreau de Paris et aux offres de droit, qui en assurera le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société Windsor ingénierie demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pro-fond

Juger que l'expert judicaire retient la responsabilité des sociétés Géoexperts, Archambault conseil et Socotec dans la survenance du sinistre ;

Juger que l'expert judiciaire exclut expressément la responsabilité de la société Windsor ingénierie dans la survenance du sinistre ;

En conséquence

Prononcer la mise hors de cause de la société Windsor ingénierie ;

A titre subsidiaire :

Faire droit aux appels en garantie de la société Windsor ingénierie

Condamner in solidum la société Géoexperts, la société Safege venant aux droits de la société Archambault conseil, la société Socotec, la société XL insurance company venant aux droits de la société Axa corporate solutions, les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], société Pro-fond, la société Gaufor, la société ACP architecture à relever et garantir la société Windsor ingénierie de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Rejeter toute autre demande, fin et conclusions,

En tout état de cause :

Condamner tout succombant à payer à la société Windsor ingénierie une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Kong Thong en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2020, la société Socotec construction demande à la cour de :

Recevoir Socotec construction, venant aux droits de Socotec France, en ses conclusions d'appel et l'y déclarer bien fondée,

A titre principal,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pro-fond,

Débouter la société Pro-fond de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Juger que la société Pro-fond ne rapporte pas la preuve d'un lien entre les préjudices qu'elle allègue et un éventuel manquement de Socotec construction,

Ordonner en conséquence la mise hors de cause de Socotec construction,

Débouter la société Safege et son assureur XL insurance company, la société Géoexperts et son assureur les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], mais également la société Windsor ingénierie de leurs appels incidents.

A titre infiniment subsidiaire,

Condamner in solidum les sociétés Géoexperts, Safege, venant aux droits de Archambault conseil, ACP architecture, Windsor ingénierie, la société Pro-fond ainsi que XL insurance, venant aux droits de Axa corporate solutions et les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] à garantir la société Socotec construction en principal, intérêts et frais de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

Juger que la solidarité ne se présume pas,

Rejeter toute demande de condamnation in solidum dirigée contre la société Socotec construction,

Condamner tout succombant à verser à la société Socotec construction une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société ACP, qui a reçu le 24 janvier 2020 signification par remise à l'étude de la déclaration d'appel de la société Pro-fond, n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 mars 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour donnera acte à la société LIC, venue aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], de son intervention volontaire en qualité d'assureur de la société Géoexperts.

Toujours à titre liminaire, la cour observe que si, dans le dispositif de ses conclusions, la société LIC sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Géoexperts, une telle demande, formulée, dans la partie discussion des conclusions, subsidiairement à la demande principale de rejet des prétentions de la société Pro-fond, ne se conçoit, en l'absence de la société Windsor [Localité 19], qu'en réponse à l'accueil des prétentions de la société Pro-fond, de sorte qu'elle ne sera examinée que dans cette hypothèse.

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire de la société Pro-fond au titre du préjudice subi par la société SMTP

Moyens des parties

La société Safege et la société XL insurance soutiennent que la société Pro-fond est irrecevable à solliciter la réparation du préjudice subi par son sous-traitant, la société SMTP, dès lors que nul ne plaide par procureur.

Elles relèvent que le règlement, en septembre 2023, de la somme de 65 000 euros par la société Pro-fond à la société SMTP ne remplit ni les conditions de la subrogation conventionnelle ni celle de la subrogation légale, s'agissant de l'acquittement d'une dette personnelle à laquelle elle n'était pas tenue avec d'autres ou pour d'autres.

Elles ajoutent, qu'en tout état de cause, une telle subrogation aurait été inefficace dès lors que, du fait de l'acquisition de la prescription extinctive, la société SMTP n'avait plus de droit à transmettre à la société Pro-fond.

La société LIC et les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] font valoir, d'une part, que la société Pro-fond n'a pas subi personnellement le préjudice dont elle se prévaut, d'autre part, ne peut se prévaloir d'avoir été subrogée dans les droits de la société SMTP, ceux-ci étant prescrits.

La société Géoexperts souligne que les conditions de la subrogation conventionnelle ne sont pas réunies en raison, d'une part, du décalage temporel entre le paiement et le décompte, d'autre part, de l'absence de consentement exprès à celle-ci de la part de la société SMTP.

En réponse, la société Pro-fond soutient que le préjudice tenant à la réclamation adressée à elle par son sous-traitant revêt un caractère certain, directe et personnel et que, l'ayant indemnisé à hauteur de 65 000 euros HT dans le cadre d'un accord transactionnel, elle se trouve subrogée dans les droits de celui-ci en vertu des dispositions de l'article 1346 du code civil.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

A cet égard, il est un principe général de procédure civile selon lequel nul ne peut plaider par procureur.

En application de l'article 32 de ce code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Au cas d'espèce, la société Pro-fond n'est donc recevable à agir que si elle a un intérêt direct et personnel pour ce faire.

Le préjudice financier de la société SMTP du fait de la sous-estimation du débit d'exhaure étant distinct du sien, elle n'a pas d'intérêt légitime à en solliciter la réparation sauf à ce que l'action de la première lui ait été transmise.

A cet égard, aux termes de 1346 du code civil, la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.

Il est établi, d'une part, que le fait qu'un codébiteur ait conclu un accord avec un créancier aux termes duquel il s'engage à payer l'intégralité de la somme due par les autres codébiteurs ne le prive pas de la subrogation légale, auquel il n'a pas renoncé (2e Civ., 2 décembre 2010, pourvoi n° 09-17.194, Bull. 2010, II, n° 198), d'autre part, que celui qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun ceux sur qui doit peser la charge définitive de la dette (1re Civ., 27 mars 2001, pourvoi n° 98-16.723, Bull. 2001, I, n° 90).

Au cas présent, la société Pro-fond justifie avoir, le 21 septembre 2023, réglé à la société SMTP la somme de 60 360,88 euros au titre d'un décompte général définitif mentionnant en valeurs la somme de 65 000 euros comme correspondant à la " réclamation SMTP : sinistre objet des opérations d'expertise de Monsieur [R] ".

Par suite, peu important l'allégation du caractère personnel de la dette ainsi acquittée, la société Pro-fond a, par ce paiement, libéré les autres responsables du sinistre en cause, de sorte qu'elle a été subrogée, au 21 septembre 2023, dans les droits et actions de la société SMTP à hauteur du montant versé.

Néanmoins, il est établi que le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer audit créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense, dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire (1re Civ., 4 avril 1984, pourvoi n° 82-16.683, Bulletin 1984 I n° 131), de sorte que peut lui être opposé la prescription de l'action du créancier originaire (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bulletin civil 2003, I, n° 30).

A cet égard, aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'occurrence, la société Pro-fond produit aux débats une lettre de la société SMTP en date du 8 juin 2015 listant les dépenses supplémentaires auxquelles elle aurait été confrontée ensuite des résurgences d'eau et en sollicitant l'indemnisation à hauteur de 93 326,41 euros.

Partant, le dommage s'étant manifesté à cette date, la société SMTP avait, à celle-ci, connaissance des faits lui permettant d'exercer son action en indemnisation, de sorte, qu'au jour de la subrogation, elle était prescrite par expiration du délai quinquennal.

Par suite, la société Pro-fond est irrecevable à agir en indemnisation du préjudice subi par la société SMTP.

Le jugement qui a débouté la société Pro-fond de ses demandes sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice propre de la société Pro-fond

Moyens des parties

La société Pro-fond soutient que les résurgences d'eau survenues en fond de fouille ont fortement perturbé la suite du déroulement du chantier puisque celui-ci a dû être interrompu ; ce qui a conduit à un décalage de neuf mois de la fin de ses travaux et à la réalisation en urgence de prestations supplémentaires à la demande du maître de l'ouvrage, comme le démontre, sans qu'il y ait besoin de produire les factures correspondantes, l'accord du maître d''uvre d'exécution sur ces postes de dépense, et lui donne droit à la perception, au titre des travaux sous-traités, à des frais de mandataire à hauteur de 12 %.

Elle relève, à ce titre, que n'étant pas liée contractuellement avec les constructeurs, elle est bien fondée à se prévaloir de leurs manquements contractuels afin d'obtenir réparation de ces fautes sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.

En réponse, la société Géoexperts souligne que la demande en réparation, que la société Pro-fond a fait porter, dans le cadre des opérations d'expertise par le maître de l'ouvrage, n'est justifiée ni en son principe ni en son quantum dès lors, d'une part, que la résurgence d'eau n'était pas imprévisible et par suite nécessairement prise en compte dans la durée du chantier dont la société Pro-fond ne produit d'ailleurs pas le calendrier détaillé d'exécution, d'autre part, qu'alors qu'elle ne produit aucune pièce justificative, l'expert s'est contenté d'avaliser l'analyse du maître d''uvre d'exécution.

Les sociétés Safege et XL insurance soutiennent, outre l'adoption des motifs du jugement, que la demande de la société Pro-fond n'est pas fondée dès lors que, en l'absence de pièces justificatives, elle ne repose que sur la lettre adressée par elle au maître de l'ouvrage et sur sa validation partielle par le maître d''uvre d'exécution, que l'expert a fait sienne sans autre explication.

La société LIC et les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21] font valoir que la société Pro-fond ne produit aux débats aucune pièce qui serait de nature à infirmer la position des premiers juges.

Elles soulignent qu'elle est ainsi défaillante tant dans l'administration de la preuve de l'absence de prise en compte de l'imprévu dans la durée initiale du chantier que dans celle de la réalité et du quantum des préjudices allégués.

A cet égard, se constituant une preuve à elle-même, elle se contente de produire une lettre émanant de ses propres services, de sorte que l'ensemble des coûts allégués, des durées d'immobilisation, de personnel ou de grue, de nombre d'allers-retours ne sont étayés par aucune pièce probante.

Elles ajoutent, qu'alors qu'elle était partie aux opérations d'expertise, elle a fait porter ses réclamations par la maîtrise d'ouvrage et l'expert s'est contenté, sans même répondre aux critiques pertinentes de l'économiste de la construction missionné par la société Géoexperts, d'approuver leur validation partielle par la maîtrise d''uvre d'exécution.

La société Socotec construction s'approprie les motifs du jugement et, outre ceux-ci, souligne que la société Pro-fond, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit aucune pièce comptable, aucun élément probant qui serait de nature à constituer un commencement de preuve de ses prétentions.

Quant à la société Windsor ingénierie, elle s'est appropriée les motifs du jugement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au cas d'espèce, la cour observe, à titre liminaire, que, dans le cadre des opérations d'expertise, la société Pro-fond a adressé au maître de l'ouvrage l'ensemble de ses réclamations au titre du retard du chantier et des prestations supplémentaires qu'elle a dû effectuer et que la maîtrise d''uvre d'exécution en a, après les avoir analysées, validé une partie ; validation qui sera reprise à son compte par l'expert judiciaire.

Partant, les prestations supplémentaires, dont la société Pro-fond soutient qu'elles ont été réalisées à la demande du maître de l'ouvrage, et les immobilisations que la maîtrise d''uvre d'exécution a validées, ne constituent pas, pour cette société, un préjudice mais une créance sur son cocontractant qu'il lui appartient de recouvrer.

De même, ne constitue pas un préjudice pour la société Pro-fond les frais de mandataire à hauteur de 12 % sur les travaux sous-traités qui ne peuvent donner droit à paiement que dans le cadre d'une action de nature contractuelle.

Par ailleurs, s'agissant de la preuve des préjudices allégués, la société Pro-fond ne produit pas le calendrier détaillé d'exécution prévisionnel dont l'article 8 de son marché prévoit pourtant l'annexion à celui-ci, de sorte que l'existence d'un retard dans la réalisation du chantier n'est, comme l'ont relevé les premiers juges, pas établie.

De même, la seule production du tableau des incidences financières établi par elle et de son analyse par la maîtrise d''uvre d'exécution est insuffisante, en l'absence de production notamment de factures, de comptes rendus de chantier, de bulletins de paie, de conventions de location du matériel en cause, à établir la preuve des préjudices allégués.

Par suite, la demande en indemnisation de son propre préjudice par la société Pro-fond sera rejetée en l'absence de preuve de l'existence de celui-ci.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

En cause d'appel, la société Pro-fond, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés Safege et XL insurance company la somme globale de 5 000 euros, à la société Géoexperts la somme de 5 000 euros, à la société LIC la somme de 5 000 euros, à la société Windsor ingénierie la somme de 3 000 euros et à la société Socotec construction la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Donne acte à la société Lloyd's insurance company, venue aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 21], de son intervention volontaire à l'instance en qualité d'assureur de la société Géoexperts ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il déboute la société Pro-fond de sa demande en indemnisation du préjudice subi par la société SMTP,

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Pro-fond irrecevable à agir en indemnisation du préjudice subi par la société SMTP ;

Condamne la société Pro-fond aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pro-fond à payer aux sociétés Safege et XL insurance company la somme globale de 5 000 euros, à la société Géoexperts la somme de 5 000 euros, à la société Lloyd's insurance company la somme de 5 000 euros, à la société Windsor ingénierie la somme de 3 000 euros et à la société Socotec construction la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/20145
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;19.20145 ?
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