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31/05/2024 | FRANCE | N°20/04987

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 31 mai 2024, 20/04987


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 31 Mai 2024



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04987 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFY2



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 16/02361





APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M. [G] [X] e

n vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Elie GERSTNER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substitué par Me Charles LAPIERRE, avocat a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04987 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFY2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 16/02361

APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par M. [G] [X] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Elie GERSTNER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substitué par Me Charles LAPIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carinne TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel interjeté par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (ci-après désignée « Urssaf ») d'un jugement rendu le 19 juin 2020 par le tribunal judicaire de Paris dans un litige l'opposant à la [5] (ci-après désignée « société [5] »).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à l'occasion d'un contrôle qui s'est achevé le 30 juillet 2015, l'Urssaf d'Ile-de-France a procédé à la vérification de l'assiette des cotisations sociales de la société [5] pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ; que le 30 juillet 2015, les inspecteurs du recouvrement ont adressé à la société une lettre d'observations dans laquelle ils ont conclu à une insuffisance de versement de 20.658 euros ; que le 17 septembre 2015, la société a répondu à cette lettre d'observations ; que le 12 novembre 2015, les inspecteurs du recouvrement ont répondu à la société et ont maintenu les observations préalablement notifiées ; que le 28 décembre 2015, une mise en demeure a été adressée à la société ; que le 27 janvier 2016, la société [5] a contesté la mise en demeure et saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf ; que le 26 avril 2016, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de contester la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable ; que le 29 novembre 2016, la société [5] a également contesté la décision expresse de la commission de recours amiable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris par un nouveau recours.

Par jugement du 19 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré la société [5] recevable en son recours ;

- déclaré la société [5] partiellement fondée en sa demande ;

- déclaré régulière la procédure de contrôle dont a fait l'objet la société [5] ;

- déclaré régulière la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception par l'Urssaf Ile de France à la société [5] le 28 décembre 2015 ;

- annule le chef de redressement n°4 (pénalité due par les entreprises non couvertes par un accord ou un plan en faveur de l'emploi des salariés âgés) ;

- condamné l'Urssaf Ile de France à rembourser à ce titre à la société [5] la somme de 6.352,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 ;

- annulé le chef de redressement n°5 (attribution de billets gratuits ou à tarif préférentiel aux salariés) ;

- condamné l'Urssaf Ile de France à rembourser à ce titre à la société [5] la somme de 12.234,00 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 ;

- débouté la société [5] de sa réclamation formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de l'Urssaf Ile de France.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 30 juin 2020 à l'Urssaf Ile de France qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 20 juillet 2020.

Par conclusions écrites et visées par le greffe le 18 mars 2024, la société [5] demande à la Cour de :

- In limine litis :

° constater la nullité de la déclaration d'appel ;

° constater la péremption de l'instance.

- En conséquence :

° déclarer l'appel irrégulier et irrecevable ;

° déclarer l'instance éteinte.

Sur le fond,

- A titre principal,

° infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

~ déclaré régulière la procédure de contrôle dont a fait l'objet la société [5] ;

~ déclaré régulière la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception par l'Urssaf d'Ile de France à la société [5] le 28 décembre 2015 ;

° annuler le contrôle mené par l'Urssaf Ile de France ;

° annuler la mise en demeure datée du 28 décembre 2015 ;

- et statuant à nouveau :

° annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf Ile de France consécutive au silence gardé pendant plus de deux mois sur le recours de la société [5] du 27 janvier 2016 complété par sa lettre du 18 mars 2016, ainsi que la décision expresse de la commission de recours amiable de l'Urssaf Ile de France du 19 septembre 2016 refusant de faire droit aux demandes de la société [5] ;

° condamner l'Urssaf Ile de France à rembourser à la société [5] la somme de 20.658 euros, majorée des intérêts légaux à compter de la saisine de la Commission de recours amiable effectuée le 27 janvier 2016 ;

° ordonner que les intérêts échus, dus pour une année entière, produisent intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

- A titre subsidiaire,

° confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°5 ;

- et statuant à nouveau :

° condamner l'Urssaf d'Ile de France à rembourser à la société [5] la somme de 12.234 euros de cotisations et contributions sociales, ainsi que les majorations de retard afférentes réglées à titre conservatoire dans l'attente de l'issue du recours ;

° condamner l'Urssaf Ile de France à régler les intérêts légaux, calculés à partir de la saisine de la commission de recours amiable effectuée le 27 janvier 2016, sur les sommes qu'elle sera condamnée à rembourser ;

° ordonner que les intérêts échus, dus pour une année entière, produisent intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil.

- En tout état de cause,

° condamner l'Urssaf Ile de France à payer à la société [5] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

° condamner l'Urssaf Ile de France aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et visées par le greffe le 18 mars 2024, l'Urssaf demande à la Cour de :

- confirmer la validité de la déclaration d'appel de l'Urssaf ;

- rejeter la péremption d'instance soulevée par la partie adverse ;

- rejeter le moyen lié à l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 19 juin 2020 en ce qu'il a :

° déclaré régulière la procédure de contrôle dont fait l'objet la société [5] ;

° déclaré régulière la mise en demeure adressée le 28 décembre 2015 à la société [5].

- annuler le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 19 juin 2020 en ce qu'il a :

° annulé le chef de redressement n°5 (attribution de billets gratuits ou à tarif préférentiel aux salariés) ;

° condamné l'Urssaf à rembourser à ce titre à la société [5] la somme de 12 234 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016.

Et statuant à nouveau :

- confirmer le bien-fondé du redressement prononcé par l'Urssaf à l'encontre de la société [5] au titre du chef de redressement n°5 ci-avant exposé ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable rendue en sa séance du 19 septembre 2016.

En tout état de cause :

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société à payer à l'Urssaf la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA COUR

I. Sur l'irrégularité de la déclaration d'appel

a) Sur les mentions prescrites à l'article 57 du code de procédure civile

La société [5] soutient que la déclaration d'appel du 20 juillet 2020 est entachée d'un vice étant donné qu'elle ne remplit pas toutes les conditions de forme qu'énoncent le code de procédure civile en son article 57 ; que l'Urssaf a inscrit une mauvaise dénomination de la société « [5] » au lieu de « [5] » ; que cette erreur lui a nécessairement causé un grief dès lors que cela a créé une confusion sur la partie intimée.

L'Urssaf réplique qu'effectivement, la dénomination sociale de la société apparait que de manière incomplète ; qu'elle indique toutefois d'autres informations permettant d'identifier clairement la société [5] sur la déclaration d'appel, tels que l'adresse du siège social, le numéro SIRET ou bien les références de la décision dont il était fait appel.

Sur ce,

Les alinéas 2 et 3 de l'article 57 du code de procédure civile disposent que :

Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social (...).

L'article 114 du même code poursuit

Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

L'identité de l'intimée, personne morale, qui est affectée d'une erreur sur sa désignation exacte, peut encourir la nullité de la déclaration d'appel à la condition pour l'intimé de prouver un grief.

En effet, l'Urssaf mentionne dans la déclaration d'appel qu'elle a effectuée le 20 juillet 2020 « [5] » au lieu de « [5] ». La dénomination sociale de la société était alors imparfaite.

Néanmoins, il est énuméré dans la déclaration d'appel d'autres informations permettant d'identifier la société [5]. Par exemple, numéro SIRET ou bien les références de la décision dont il était fait appel suffisaient largement pour reconnaitre la société [5].

Dès lors que la société [5] a été effectivement convoquée par le greffe de la cour d'appel, c'est à la société de préciser quel est le grief que cette irrégularité lui a causé.

La société [5] estime que cette irrégularité lui a nécessairement causé un grief dès lors qu'elle a rencontré des difficultés dans l'identification de la société jusqu'à réception des conclusions d'appelant.

Dès lors que la société [5] pouvait être effectivement identifiée, la déclaration d'appel ne saurait être annulée.

Il s'ensuit que la déclaration d'appel de l'Urssaf est recevable.

b) Sur les chefs de jugement critiqués

La société [5] soutient que la déclaration d'appel réalisée par l'Urssaf le 20 juillet 2020 est irrecevable car elle ne précise pas les chefs de jugement critiqués par l'appelant ; que la mention selon laquelle le tribunal aurait « condamné l'Urssaf Ile de France à rembourser à ce titre la fondation » n'est pas un chef de jugement ; que la déclaration d'appel ne précise donc pas de chef de jugement contesté ; que cette omission a nécessairement causé un grief à la société [5] dans la mesure où celle-ci n'a pas été en mesure de déterminer de manière précise les chefs de jugement critiqués par l'appelant ; que par conséquent, la déclaration d'appel est nulle et l'appel est irrégulier et irrecevable.

L'Urssaf rétorque que les exigences formelles contenues des articles 563 et 933 du code de procédure civile ne s'applique pas aux procédures sans représentation obligatoire ; que l'effet dévolutif s'opère alors sur l'ensemble des chefs du jugement dont il est fait appel.

Sur ce,

L'article 933 du code de procédure civile dispose que :

La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.

A la différence de l'article 901 du code de procédure civile, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933 du même code, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

Conformément aux dispositions des articles L. 142-9 et R. 142-11 du code de la sécurité sociale, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire et y compris en cause d'appel.

Il se déduit de l'article 562, alinéa 1, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n 18-22.528, Bull. 2020, II). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n 19-16.954, Bull. 2020, II).

Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.

Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

Le fait de ne pas mentionner dans l'acte d'appel les chefs du jugement critiqués est de ne pas mentionner expressément que l'appel tend à l'infirmation du jugement n'ont pas pour effet d'écarter son effet dévolutif (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, 20-13.674, 20-13.697, 20-13.675, 20-13.698, 20-13.676, 20-13.699, 20-13.678, 20-13.701, 20-13.681, 20-13.682, 20-13.683, 20-13.684, 20-13.662, 20-13.685, 20-13.686, 20-13.664, 20-13.687, 20-13.665, 20-13.688, 20-13.667, 20-13.668, 20-13.669, 20-13.670, 20-13.671, 20-13.672). Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement (2e Civ., 29 septembre 2022, pourvoi n° 21-23.456).

Ainsi, même si l'acte d'appel est incomplet en ne mentionnant pas qu'il tend à la réformation ou à l'annulation du jugement, il n'encourt pas le grief articulé par l'intimé.

En l'espèce, la déclaration d'appel réalisée le 20 juillet 2020 par l'Urssaf ne remplissait pas parfaitement les conditions des articles 562 et 933 du code de procédure civile dès lors qu'elle ne précisait pas le chef de jugement qu'elle souhaitait critiquer.

Cependant, la déclaration d'appel précise expressément le jugement dont il est fait appel, soit le « jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19/06/2020 notifié le 30/06/2020 ». De plus, ledit jugement a été annexé à la déclaration d'appel.

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l'effet dévolutif s'opère même en l'absence de précision des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel, dès lors que la procédure est sans représentation obligatoire.

La procédure devant cette Cour étant une procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel n'est pas entachée de nullité. Dès lors, elle sera déclarée recevable.

II. Sur la péremption de l'instance

La société [5] expose que l'Urssaf a interjeté appel par courrier du 20 juillet 2020 ; qu'elle n'a accompli aucune diligence avant de communiquer des conclusions le 12 juillet 2023, soit près de trois ans après.

L'Urssaf réplique que le point de départ de l'instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu'il est nécessaire que le juge soit saisi de l'instance en cause), date qui peut donc varier ; que devant la cour d'appel, la procédure en matière sociale reste soumise aux dispositions de l'article 386 du code de procédure civile depuis le 1er janvier 2019 ; qu'il commence à courir à partir de la première audience.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile et R.142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale , ce dernier texte dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2119 du 30 décembre 2011, abrogé à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d'appel commencées à partir du 1er janvier 2019 qu'à celles en cours à cette date et que lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas au regard de l'article 386 du code de procédure civile d'autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l'affaire (Cass., 2e civ., 17 novembre 1993, n° 92-12.807 ; Cass., 2e civ., 6 décembre 2018, n° 17-26.202).

La convocation de l'adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l'accélérer (Cass., 2e civ., 15 novembre 2012, n° 11-25.499). Il en résulte que le délai de péremption de l'instance n'a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

La première audience ayant eu lieu le 18 mars 2024, date de la plaidoirie, le délai de péremption n'a commencé à courir qu'à cette date.

Par conséquent, le délai de deux ans ne s'étant pas écoulé, le moyen de procédure sera donc rejeté.

III. Sur la procédure de contrôle

La société [5] expose que la Charte du cotisant contrôlé prévoit expressément que l'avis de contrôle doit notamment informer le cotisant du nom des inspecteurs qui se présenteront pour le contrôle ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'à chaque étape du contrôle, différentes personnes apparaissaient en tant que responsables du suivi de cette affaire au sein de l'Urssaf ; qu'aucune n'était mentionnée sur l'avis de contrôle ; que la procédure de contrôle est de ce seul fait irrégulière ; que l'obligation faite par l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale de renvoyer dans l'avis de contrôle à la Charte du cotisant contrôlé n'aurait aucun sens si les mentions de celle-ci ne liaient pas l'organisme et si les manquements à cette charte n'étaient pas sanctionnés comme des manquements aux prescriptions de l'article R. 243-59 lui-même.

L'Urssaf réplique que tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur par lettre recommandé avec accusé de réception ; que les inspecteurs du recouvrement sont tenus d'informer le cotisant de la date et de l'heure de la première visite de l'inspecteur du recouvrement afin d'assurer le respect du contradictoire, à peine de nullité du redressement subséquent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; que la 2e chambre civile, dans un arrêt du 4 février 2010 (pourvoi n° 08-21.034), a rappelé que « l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce ne pose aucune exigence particulière en ce qui concerne les mentions que doit contenir l'avis de contrôle » ; qu'ainsi, si la Charte du cotisant contrôlé préconise que le nom des inspecteurs du recouvrement en charge du contrôle figure sur l'avis de contrôle, cette dernière n'a aucune valeur normative que cette omission ne saurait donc entraîner la nullité de la procédure ; que l'avis de contrôle était parfaitement régulier et comportait toutes les mentions exigées par l'article R. 243-59 du code de la sécurité social; qu'aucun texte n'exige que l'avis soit signé par les inspecteurs du recouvrement ou le directeur général de l'Urssaf.

Sur ce,

L'article R. 243-59 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 applicable au litige, dispose que :

Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Cet avis fait état de l'existence d'un document intitulé "Charte du cotisant contrôlé" présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable, et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande.

Il résulte de cet article que l'organisme de recouvrement doit, à peine de nullité des opérations de contrôle, mettre à même l'employeur ou le travailleur indépendant d'accéder à la charte du cotisant contrôlé avant l'ouverture de celles-ci. Toutefois, la sanction édictée par le texte, d'interprétation stricte, et qui ne vise que la violation des droits « tels qu'ils sont définis par le présent code », ne s'étend pas au non-respect des dispositions de la charte relative à la notification de l'identité des inspecteurs du recouvrement, le code étant muet sur ce point précis.

En la présente espèce, l'avis de contrôle a été adressé à l'adresse de la société [5] et précise qu'il porte sur l'application des législations sociales sur la période triennale non prescrite à compter du 1er janvier 2012 en visant les textes du code de la sécurité sociale qui s'y appliquent. Il établit la liste des pièces qui seront consultées et renvoie à la charte du cotisant dont elle indique l'adresse internet de consultation et la possibilité de l'adresser. Cette lettre, signée du directeur adjoint mentionne l'identité et les coordonnées de la personne en charge du suivi du dossier.

Dès lors, l'Urssaf a satisfait à ses obligations. L'avis de contrôle est donc régulier et le jugement sera confirmé sur ce point.

IV. Sur la mise en demeure

La société [5] soutient que la mise en demeure du 28 décembre 2015 ne comporte pas toutes les précisions requises ; que la Cour de cassation a précisé qu'à peine de nullité de la mise en demeure, le détail du calcul doit également y figurer ; que le simple renvoi aux textes du code de la sécurité sociale n'est pas suffisant ; que l'Urssaf fait état de majorations initiales de 5% et de majorations complémentaires de 0,4%, sans qu'aucun montant correspondant à chacune de ces catégories n'est indiqué ; que la réglementation de la sécurité sociale et plus particulièrement celle relative aux majorations de retard étant changeante, l'Urssaf devait éclaircir son mode de calcul au sein de la mise en demeure.

L'Urssaf réplique que la mise en demeure doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; que le contenu de la mise en demeure doit être précis et motivé ; qu'il n'est pas nécessaire que soient détaillées dans la mise en demeure les chefs de redressement dès lors que la procédure contradictoire a été respectée et que l'employeur a été averti de manière explicite des redressements envisagés ; que la référence à la lettre d'observations est suffisante en ce qu'elle permet à l'employeur de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation ; que la mise en demeure est alors régulière dès lors qu'elle précise le montant des sommes réclamées, la période à laquelle elles se rapportent et qu'elle renvoie à des documents annexés qui permettent à l'employeur de connaître les bases et modalités de calcul des sommes visées.

Sur ce,

Il résulte des dispositions des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de sécurité sociale que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée d'un avertissement ou d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée qui précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. La mise en demeure peut procéder par référence à la lettre d'observations.

En l'espèce, la mise en demeure du 28 décembre 2015 fait référence à la lettre d'observations du 30 juillet 2015 et précise la nature des sommes réclamées, le montant des cotisations, des majorations de redressement et des majorations de retard réclamées ainsi que les périodes auxquelles elles se rapportent et qui a permis à la société d'avoir connaissance de la nature et de l'étendue de son obligation. Les règles de calcul de cotisations et des majorations de retard n'ont pas à y figurer.

La mise en demeure est donc régulière.

Par conséquent, le moyen sera rejeté.

V. Sur le chef de redressement n°5

La société [5] expose que le chef de redressement n°5 relatif à l'application d'une tolérance sur l'avantage en nature résultant de l'attribution gratuite aux salariés de places de matchs se heurte au principe d'égalité qui doit s'appliquer entre les salariés des différentes entités de l'union économique et sociale ; que la société [5] assurant essentiellement l'exploitation du Parc des Princes, ses salariés sont directement associés à l'organisation des matchs dont ils assurent le bon déroulement ; que la notion de club n'est pas une notion juridique ; que par conséquent, la tolérance qu'applique l'Urssaf aux salariés des clubs est arbitrairement limitée par elle aux salariés de la société [5].

L'Urssaf rétorque que la société [5] a pour activité « l'organisation et la réalisation de manifestations et spectacles sportifs et culturels » ; que la tolérance instaurée par le courrier de l'Acoss du 11 mars 2010 étant d'interprétation stricte, seuls les salariés du club peuvent bénéficier de cette dérogation ; que l'existence d'une unité économique et sociale commune ne permet pas de profiter de ladite tolérance ; qu'ainsi, une remise tarifaire accordée au salarié par une société qui n'est pas son employeur constitue un avantage en nature dont la valeur doit être soumise dès le 1er euros à cotisations et contributions sociales.

Sur ce,

L'article L. 242-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, seul applicable au litige, dans ses rédactions en vigueur lors de la période contrôlée, disposait que :

Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Il résulte de ce texte que les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l'occasion du travail sont compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.À cet égard, si une unité économique et sociale constitue un ensemble de personne débouchant sur une entreprise unique au moins pour les besoins de la représentation institutionnelle, il n'en reste pas moins que cette unité est dépourvue de la personnalité juridique et elle ne peut se substituer aux entités juridiques qui la composent, et lui conférer la qualité d'employeur des salariés (Soc., 18 décembre 2008, n° 07-43.875, Bull V n° 255).

Ainsi, la tolérance administrative instituée par la circulaire n°2003/07 du 7 janvier 2003 dérogatoire au principe légal selon lequel les avantages en nature sont soumis à cotisations, est nécessairement d'interprétation stricte et ne saurait inclure les biens et services produits ou commercialisés par d'autres sociétés que celle qui emploie le salarié, quand bien même ces dernières appartiennent au même groupe ou de la même unité économique et sociale (2e Civ., 5 novembre 2015, n° 14-25.294 ; 2e Civ., 24 novembre 2016, n° 15-25.608).

L'article L. 121-3 du code du sport définit l'association sportive comme celles :

« qui promeuvent et organisent des activités physiques et sportives à l'intention des personnes handicapées peuvent bénéficier, sous réserve de l'agrément mentionné à l'article L. 121-4, d'aides des pouvoirs publics, notamment en matière de pratique sportive, d'accès aux équipements sportifs, d'organisation des compétitions, de formation des éducateurs sportifs et d'adaptation des transports ».

L'article L. 122-1 du même code énonce que :

« Toute association sportive affiliée à une fédération sportive, qui participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives payantes qui lui procurent des recettes d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret en Conseil d'Etat, constitue pour la gestion de ces activités une société commerciale soumise au code de commerce.

« Une association sportive dont le montant des recettes et le montant des rémunérations mentionnées au premier alinéa sont inférieurs aux seuils visés au même alinéa peut également constituer une société sportive pour la gestion de ses activités payantes, dans les conditions prévues à la présente section.

Le club est donc nécessairement défini comme l'association sportive et la société employant directement des joueurs. Toute autre société n'est pas partie du club au sens strict du terme.

La lettre Acoss du 11 mars 2010 invoquée par la société [5] précise que concernant l'attribution de billets gratuits aux salariés, la tolérance accordée par l'Urssaf est de « deux places par match et par salarié du club ».

En l'espèce, les salariés de la société ont bénéficié soit de billets gratuits, soit de billets à des prix préférentiels. Or, la tolérance instaurée par la circulaire précitée n'est pas applicable à la société qui, n'employant aucun joueur licencié, ne fait pas partie du club, au sens des textes précités.

L'existence d'une union économique et sociale n'est en outre pas de nature à permettre une extension de cet avantage aux salariés des entités autres celle employant les salariés du club.

Les billets représentent donc des avantages en nature qui doivent être intégrés dans l'assiette des cotisations.

Les inspecteurs du recouvrement de l'Urssaf ont retenu la valeur pratiquée par l'entreprise pour l'évaluation de l'avantage en nature billet, soit 62 euros le billet. Il a ainsi été opéré un redressement d'un montant de 12 234 euros au titre du chef de jugement n°5.

Il s'ensuit que ce chef de redressement est justifié et sera être validé pour un montant ramené à 12 234 euros.

VI. Sur le remboursement des cotisations

La société [5] soutient qu'elle avait régulièrement réglé les cotisations relatives aux redressements le 27 janvier 2016 ; qu'elle a également réglé les majorations de retard provisoires à cette même date ; que la société [5] avait expressément indiqué à l'Urssaf que ledit règlement était effectué à titre conservatoire ; que ces restitutions d'indus doivent être majorées des intérêts légaux à compter de la saisine de la commission de recours amiable le 27 janvier 2016, avec capitalisation des intérêts.

L'Urssaf n'a pas répliqué sur ce point.

Sur ce,

Le redressement de l'Urssaf opéré à la société [5] étant validé par la présente Cour, la demande de remboursement des cotisations est devenue sans objet.

Par conséquent, le demande de la société [5] sera également rejetée.

VII. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société [5] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de l'Urssaf Île-de-France ;

REJETTE le moyen tiré de la péremption d'instance ;

CONFIRME le jugement rendu le 19 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a déclaré régulière la procédure de contrôle dont a fait l'objet la société d'exploitation sports et évènements ;

L'INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la [5] de l'ensemble de ses demandes ;

VALIDE les chefs de redressement notifiés dans la lettre d'observations en date du 30 juillet 2015 ;

CONDAMNE la [5] à payer à l'Urssaf Île-de-France la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la [5] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04987
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;20.04987 ?
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