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31/05/2024 | FRANCE | N°19/10968

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 31 mai 2024, 19/10968


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 31 Mai 2024



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10968 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4M6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n°





APPELANTES

SAS [8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me

Laurent KASPEREIT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque: 1701



INTIMEES

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 4])

[Adresse 2]

SERVICE CONTENTIEUX

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10968 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4M6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n°

APPELANTES

SAS [8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent KASPEREIT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque: 1701

INTIMEES

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 4])

[Adresse 2]

SERVICE CONTENTIEUX

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carinne TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SAS [8] (la société) d'un jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le 16 novembre 2015, la SAS [8] a formé un recours contre la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis en date du 14 octobre 2015 prenant en charge la maladie déclarée par M. [R] [Y] (la victime) au titre de la législation professionnelle ; que par ordonnance du 16 novembre 2017 le tribunal a ordonné la jonction des recours n° 16-02064 et 16-05592 et, avant dire droit, a saisi pour avis le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Normandie.

Par jugement en date du 3 octobre 2019, le tribunal a :

débouté la SAS [8] de l'ensemble de ses demandes ;

dit que la maladie de M. [R] [Y] est d'origine professionnelle ;

dit que la décision de prise charge de la maladie déclarée par M. [R] [Y]au litre de la législation professionnelle est opposable à la SAS [8] ;

condamné la SAS [8] aux dépens.

Le tribunal a jugé que la procédure avait été régulière ; qu'ainsi, par courrier du 6 mars 2015, la caisse avait informé la société de la clôture de l'instruction et de la possibilité pour celle-ci de venir consulter le dossierjusqu'au 26 mars 2015 avant sa transmisstoa au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, précisant que sa décision serait liée par l'avis recueilli ; que la société avait bénéficié d'un délai suffisant lui permettant de se rapprocher de la caisse pour consulter le dossier ; que si son conseil fait état de son déplacement à cette fin, il ne saurait faire grief à la caisse de lui avoir apposé l'absence de prise de rendez vous préalable, le délai octroyé étant suffisant pour assurer la prise d"un rendez vous et la consultation sur place ; que, selon la demandequi lui en a été faite le 12 mars 2015, la caisse a délivré par courrier à la société les pièces constitutives du dossier de la victime ; que la société a pu formuler des observations et considérant que la synthèse des propos tenus par les représentants de la société rédigée par la caisse n'était pas satisfaisante, elle a adressé une version modifiée par courtier recommandé du 26 mars 2015 ; que si, néanmoins, elle prétend que des attestations produites par le salarié ne lui ont pas été communiquées, elle ne précise pas lesquelles, reconnaissant, au demeurant. que lui ont bien été fournies les attestations sur lesquelles la caisse a fondé sa décision ; que l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est suffisamment motivé indiquant qu'à l'analyse des pièces du dossier, il était mis en évidence à partir de 2011 une dégradation des relations, de l'organisation et des conditions de travail au sein de la structure employant la victime et une chronologie concordante entre l'évolution de sa situation de travail et la dégradation de son état de santé. Le comité a ajouté que ces éléments étaient susceptibles d'être à l'origine de la pathologie déclarée. Le comité a ajouté qu'il n'avait pas relevé d'éléments extra-professionnels avec la pathologie déclarée et activité professionnelle de la victime.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 7 octobre 2019 à la SAS [8] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 30 octobre 2019 et déclaration formée par voie électronique le 30 octobre 2019. Les deux dossiers ont été joints par ordonnance.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la SAS [8] demande à la cour de :

sur le fond et à titre principal :

dire et juger qu'aucun lien direct et essentiel entre l'activité professionnelle de M. [R] [Y]et la maladie qu'il a déclarée n'est démontré et qu'en conséquence la maladie déclarée par M. [R] [Y] ne relève pas de la législation professionnelle ;

infirmer en conséquence le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

annuler en conséquence la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denisdu 15 octobre 2015 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de M. [R] [Y], ou, à tout le moins, qu'elle la déclare inopposable à la SAS [8] ;

annuler en conséquence la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis du 21 septembre 2016, ou, à tout le moins, qu'elle la déclare inopposable à la SAS [8] ;

en tout état de cause

condamner la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de :

confirmer le jugement du 3 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

débouter la SAS [8] de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la SAS [8] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 18 mars 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur la motivation de la décision de la caisse :

Moyens des parties :

La SAS [8] expose qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, la décision par laquelle la caisse décide la prise en charge - au titre de la législation professionnelle - d'un accident ou d'une maladie doit être motivée et adressée à l'employeur ; qu'une telle exigence de motivation est particulièrement nécessaire, dès lors que les articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale visent à permettre à l'ensemble des parties de faire valoir leurs observations au cours de l'instruction et à l'employeur de faire valoir ses observations en cas de décision de prise en charge de la maladie par la caisse ; que l'exigence de motivation est rappelée par la loi du 11 juillet 1979 ; que la décision rendue ne contient aucune motivation en fait et en droit ; qu'elle s'est limitée à indiquer les dispositions législatives applicables, le nom de l'assuré, la date de la maladie, l'objet de la décision, à savoir la prise en charge d'une maladie professionnelle ; que ces éléments sont insuffisants alors qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du dossier.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis réplique que la décision de prise en charge était parfaitement motivée conformément aux dispositions de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ; que tant la Cour de cassation, que la Cour d'Appel de céans jugent de manière constante que la seule conséquence du défaut de motivation d'une décision réside dans la possibilité pour son destinataire de la contester sans que l'on puisse lui opposer une condition de délai ; qu'en aucun cas, l'éventuel défaut de motivation d'une décision de prise en charge n'est susceptible d'en entraîner l'inopposabilité au bénéfice de l'employeur qui la conteste.

Réponse de la Cour :

Selon l'article R.414-14 du code de la sécurité sociale dans a version issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 200, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire ;

Le caractère stéréotypé de la notification de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai.

En l'espèce, M. [R] [Y] a déclaré le 6 octobre 2014 une maladie professionnelle constatée par certificat médical initial du 6 octobre 2014 mentionnant un syndrome anxiodépressif sévère après harcèlement moral au travail (mise au placard). Après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris Île-de-France en date du 23 septembre 2015, la caisse a notifié le 15 octobre 2015 la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée sur la motivation suivante : « Je viens de prendre connaissance de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui reconnaît la maladie déclarée, d'origine professionnelle. Cet avis s'impose à la caisse, en application de l'article L. 461-1, cinquième alinéa du code de la sécurité sociale.

En conséquence, je vous informe de la prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels ».

Si la motivation peut apparaître insuffisant en fait ayants droit pour justifier de la prise en charge de la maladie déclarée, dès lors qu'elle est conforme à un modèle type lié à la consultation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, il n'en demeure pas moins que la décision n'en est pas nulle, la société pouvant sans délai la contester.

La sanction de l'inopposabilité ne sera donc pas prononcée sur ce moyen.

- sur la régularité de la procédure :

Moyens des parties :

La SAS [8] expose que que la décision par laquelle la caisse décide la prise en charge - au titre de la législation professionnelle d'un accident ou d'une maladie doit être motivée et adressée à l'employeur ; que tel n'est pas le cas de l'espèce ; que la caisse ne lui a jamais communiqué les éléments du dossier avant de prendre sa décision, pas plus qu'elle ne l'a autorisée, en pratique, à les consulter sur place, contrairement aux faits d'espèce de l'arrêt sur lequel la caisse croit bon se fonder dans ses écritures ; qu'elle n'a pas été mise en mesure par la caisse de prendre connaissance du dossier établi par celle-ci à l'attention du CRRMP préalablement à sa transmission ; qu'en effet, par courrier en date du 6 mars 2015, reçu le 11 mars 2015, la caisse l'a informée de la transmission du dossier de au CRMPP en lui précisant qu'elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier jusqu'au 26 mars 2015 et formuler des observations ; que parallèlement, la caisse lui renvoyait un courrier lui demandant de bien vouloir compléter le rapport employeur, alors même qu'elle avait déjà répondu à ce même courrier le 20 novembre 2014 ; qu'elle a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à la caisse aux fins de lui demander de bien vouloir transmettre à son conseil la copie des pièces constitutives de ce dossier pour faire part de ses éventuelles observations ; qu'aucune réponse n'a été apportée à ce courrier dans ce délai, ni même postérieurement ; qu'en fin de semaine, le vendredi 20 mars 2015, son conseil a pris l'initiative de se rendre dans les locaux de la caisse ; qu'il lui a alors été indiqué que les consultations des dossiers ne se faisaient que sur rendez-vous et à certains jours fixes de la semaine, ce qui n'était nullement mentionné dans le courrier du 6 mars 2015, ce que le courrier ne précisait pas ; que c'est donc uniquement en raison des agissements de la caisse qu'elle n'a pu ni consulter le dossier ni en prendre copie, mais a seulement été en mesure de consulter une liste des pièces apparaissant dans le dossier ; qu'elle n'a reçu le dossier que le 25 mars 2015 ; qu'elle n'a donc valablement disposé que d'un seul jour pour prendre connaissance du rapport, et formuler des observations à son sujet, en contradiction totale avec la jurisprudence ; que ce n'est que le 31 mars 2015, donc après expiration du délai qui lui était laissé pour faire part de ses observations, qu'elle a reçu copie de l'ensemble des pièces constitutives du dossier ; qu'elle n'a de la même manière jamais été destinataire du rapport établi par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lequel a pourtant conduit à la décision de la caisse du 15 octobre 2015.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis réplique que l'employeur a été destinataire, par courrier du 6 mars 2015, dont il a accusé réception le 11 mars 2015, d'une lettre l'invitant à consulter les pièces du dossier avant sa transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'elle a bien respecté l'obligation mise à sa charge au titre du contradictoire, l'employeur ayant été mis en mesure de venir consulter les pièces du dossier ; qu'il était, en outre, précisé que l'employeur avait jusqu'au 26 mars 2015 pour venir consulter les pièces ; que l'employeur ayant reçu le courrier de la caisse le 11 mars 2015, celui-ci a bénéficié d'un délai de 14 jours francs si on ne tient exclut la date de réception du courrier, soit plus que le délai de 10 jours francs exigé par l'article R. 441-14 du code, dans sa version applicable au litige ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elle a parfaitement respecté les obligations mises à sa charge au titre du principe du contradictoire ; que l'employeur a pris connaissance des éléments du dossier dans le délai susmentionné ; qu'il ressort en effet des pièces versées aux débats par l'appelante que cette dernière a pris connaissance des pièces du dossier dans les locaux de la caisse, le 20 mars 2015, par l'intermédiaire de son conseil.

Réponse de la Cour :

L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n 2009-938 du 29 juillet 2009 dispose que :

' Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

« En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

« La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

« Le médecin traitant est informé de cette décision '.

En application de ces dispositions, la caisse n'a aucune obligation de communiquer à l'employeur les éléments du dossier susceptibles de faire grief, l'envoi postal de ces pièces, sur demande de l'employeur, étant une simple faculté. Elle a rempli ses obligations dès lors qu'elle a adressé à ce dernier la lettre d'information comportant l'ensemble des mentions imposées par le texte. L'envoi ultérieur des pièces du dossier n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de dix jours (2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n 16-28.333, 17-10.640, Bull. 2018, II, n 56). En l'absence de nécessité de prise de rendez-vous par écrit, l'employeur ne saurait faire grief à une caisse d'avoir tardé à le fixer (2e Civ., 25 janvier 2018, pourvoi n 17-11.475).

En l'espèce, la caisse a notifié le 6 mars 2015 lettre notifiant la fin de la mesure d'instruction en indiquant que la société pouvait venir consulter les pièces constitutives du dossier jusqu'au 26 mars 2015 avant que le dossier ne soit transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la maladie déclarée n'étant pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles. En réponse à ce courrier, le conseil de la société a sollicité le pouvoir recevoir les pièces constitutives du dossier par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 12 mars 2015. Le 26 mars 2015, le même conseil écrit à la caisse pour se plaindre de ne pas avoir pu consulter les pièces du dossier le 20 mars 2015 lors de son déplacement, ni en prendre copie. Cependant, ce même conseil produit un rapport de consultation des pièces du dossier à l'accueil précisant que les documents ont été rapidement consultés mais non remis, ce qui contredit ses assertions. Ce document indique l'attente de la réception des documents en version papier.

La caisse a donc satisfait aux obligations qui lui incombaient dès lors qu'elle a avisé la société de la date de fin d'information, lui a laissé un délai de plus de 10 jours pour venir le consulter, les doléances relatives à l'envoi des pièces n'ayant pas pour effet de reporter ce délai.

Ce moyen d'inopposabilité sera donc rejeté.

- sur l'absence de transmission de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles :

La SAS [8] expose n'avoir de la même manière jamais été destinataire du rapport établi par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lequel a pourtant conduit à la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis du 15 octobre 2015 ; que ceci est irrégulier dès lors que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a considéré qu'il existait un lien direct et essentiel entre les conditions de travail habituelles de M. [R] [Y] et la maladie qu'il a déclarée ; qu'en application des dispositions combinées des articles D. 461-30 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale, cette pièce devait intégrer le dossier ; que c'est par un seul et même courrier, daté du 15 octobre 2015, que la caisse l'a informée de la nature de l'avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de ce qu'elle prenait en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [R] [Y], ce qui constitue une entorse très sérieuse au principe du contradictoire ;

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis réplique qu'aucune inopposabilité ne saurait être prononcée pour ce motif ; qu'en la matière, la Cour de cassation juge constamment que l'avis du Comité s'impose à la Caisse en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que celle-ci a pour seule obligation de notifier immédiatement sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie et n'est pas tenue de notifier l'avis du comité avant de prendre sa décision.

Réponse de la Cour :

Dès lors que l'avis du comité s'impose à la caisse en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et qu'en application de l'article D. 461-30, celle-ci a pour seule obligation de notifier immédiatement sa décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie, elle n'est pas tenue d'inviter l'employeur à consulter le dossier avant de prendre sa décision (2e Civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-26.725)

En l'espèce, la caisse qui a reçu l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris Île-de-France émit le 7 avril 2015 n'avait donc que pour seule obligation de notifier sa décision de prise en charge, dès lors que liée par l'avis dudit comité qui s'imposait à elle, elle n'avait aucune appréciation à porter sur celui-ci.

Le moyen d'inopposabilité sera donc rejeté.

- sur la maladie professionnelle :

Moyens des parties :

La SAS [8] expose que la motivation du second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi est dubitative ; qu'en tout état de cause, la juridiction n'est pas liée par les conclusions émises ; qu'en l'espèce, le travail habituel de l'assuré ne saurait être considéré comme ayant directement et essentiellement causé une dégradation de son état de santé, dès lors qu'elle a, à l'inverse, tout mis en 'uvre pour rassurer ce collaborateur sur son évolution au sein de la structure et lui proposer des postes correspondant à ses aspirations ; qu'il n'y a eu aucune mise à l'écart ; qu'il a mal vécu le fait de ne pas avoir été choisi pour occuper un poste dans l'entreprise ; qu'il n'existait pas de graves tensions en raison de sa candidature au CHSCT ; qu'elle n'a jamais contesté la candidature de l'assuré, alors même que, celle-ci est intervenue au mois de mars 2013, concomitamment au lancement d'une procédure de consultation du Comité d'entreprise sur le projet de réorganisation de la DCF induisant la suppression de 28 postes ; que compte tenu de la place de l'intéressé dans la hiérarchie, de sa participation au Comité de direction et de l'absence, en près de 30 ans de carrière, de tout intérêt manifeste pour les relations sociales, la question aurait pu légitimement être posée de la validité d'une telle candidature ; que tel n'a pas été son choix puisqu'elle n'a fait qu'interroger l'inspection du travail sur la compatibilité de l'exercice du mandat avec les hautes responsabilités exercées par l'assuré ; qu'elle n'a jamais bloqué les demandes de coaching formées par l'assuré ; que, comme le reconnaissait l'assuré lui-même, dans un courriel du 17 novembre 2013, sa mission de coaching ne peut être assurée que pour autant que les managers lui adressent des demandes en ce sens ; que malgré les initiatives prises tant par l'assuré que par sa hiérarchie pour faire connaître à l'ensemble des responsables son rôle de coach, ce dernier n'a pas été sollicité, les directeurs n'ayant pas perçu les bénéfices qu'ils pourraient retirer d'un tel accompagnement et certains collaborateurs n'ayant pas été satisfaits par les prestations réalisées et ayant préféré mettre un terme à cette mission ; que l'assuré lui-même, après avoir exercé des missions de développement commercial sans remettre en cause le fait qu'elles correspondaient bien au périmètre de ses missions contractuelles, a progressivement et volontairement délaissé cet aspect de son poste ; que les certificats médicaux d'arrêt de travail et le certificat médical initial ne font que refléter les déclarations de l'assuré ; que le conseil des prud'hommes de Schiltigheim a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat hauteur de la société ; que cela demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur, le tribunal de grande instance de Bobigny n'a pas reconnu le caractère professionnel de la maladie.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis réplique que , tant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles Ile de France, que celui de [Localité 7]-Normandie ont confirmé l'existence du lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée par l'assuré et son activité professionnelle ; que le rejet des demandes formées par l'assuré sur le fondement des dispositions du code du travail n'est donc pas susceptible de remettre en cause le caractère professionnel de son affection, s'agissant de deux éléments bien distincts ; que l'employeur ne saurait, par ailleurs, se prévaloir de la décision rendue le 27 septembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny, qui a rejeté la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de M. [R] [Y] au motif que ce dernier ne prouvait pas le caractère professionnel de son affection : que la décision rendue par le tribunal, dans le cadre de la faute inexcusable, n'a absolument aucune autorité de la chose jugée s'agissant de l'existence du caractère professionnel de la pathologie de l'assuré, dans les relations entre la caisse et l'employeur ; que la reconnaissance des maladies professionnelles repose sur un principe de responsabilité sans faute ; qu'à défaut pour l'employeur de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, ce dernier ne pourra être que débouté de sa demande d'inopposabilité.

Réponse de la Cour :

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose :

' (')

« Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

« Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret.[...] ».

En l'espèce, il est constant que la maladie déclarée par l'assuré ne figure pas dans un tableau des maladies professionnelles. Il appartient donc à la caisse de démontrer le lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de l'assuré.

Le premier avis donné par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Paris Île-de-France vise le certificat médical du médecin traitant, l'avis motivé du médecin du travail, le rapport circonstancié de l'employeur, les enquêtes réalisées par l'organisme gestionnaire, le rapport de contrôle médical de l'organisme gestionnaire et conclut à l'existence de maladie professionnelle au regard de l'ensemble des éléments du dossier médical transmis, la chronologie d'apparition des symptômes et leur nature ainsi que l'analyse des conditions de travail telles qu'elles ressortent de l'ensemble des pièces du dossier permettant de retenir un lien direct et essentiel entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 6 octobre 2014.

Le second avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] Normandie au visa des mêmes pièces mentionne que l'analyse des pièces produites permet de mettre en évidence, à partir de 2011, avec une dégradation des relations, de l'organisation et des conditions de travail au sein de la structure employant M. [R] [Y], et une chronologie concordante entre l'évolution de sa situation de travail et la dégradation de son état de santé. Il ajoute que ces éléments sont susceptibles d'être à l'origine de la pathologie déclarée. Il précise enfin qu'il n'est pas mentionné dans le dossier d'éléments extra- professionnels pouvant interférer avec la pathologie déclarée et l'activité professionnelle de l'assuré.

Selon l'enquête administrative, l'assuré a été recruté en 1983 au sein de la société [10], rachetée par l'appelante, puis est devenu directeur des grands comptes de 2001 à 2007 avant d'être nommé directeur régional Île-de-France et des ventes grands comptes France de 2007 à 2011. Dans le cadre de la réorganisation de la société, l'assuré, gardant son poste, est positionné sur un poste d'études et d'optimisation du modèle de distribution et d'organisation sur la région Île-de-France, une part de ses anciennes responsabilités étant confiée à d'autres salariés, notamment la gestion des grands comptes. La nouvelle organisation est annoncée par un mail du 25 mars 2011 émanant de la société.

En réponse à un courriel du 3 mai 2012 lui notifiant ses objectifs pour l'année, l'assuré répond qu'il lui est demandé une croissance de 18, 84 % au titre de la contribution nette sur la DR. Par ailleurs, l'intéressé indique que la réflexion organisationnelle menée sur la région a été confiée à un groupe extérieur à la direction régionale et précise que la direction régionale se trouve à devoir gérer les équipes à court terme tout en précisant que ces éléments ne lui permettraient pas forcément d'atteindre les objectifs fixés. Il se plaint en outre que le mode de calcul de la PAO soit calculé de telle sorte qu'il ne perçoit aucun bonus s'il est à moins de 20 % de ses objectifs et que pour obtenir le bonus maximum, il doit obtenir un chiffre de 40 % supérieur à l'objectif déterminé.

L'enquêteur de la caisse indique constater qu'aux mêmes dates, l'état de santé de l'assuré se dégrade.

Le 22 juin 2012, le directeur général de la société écrite à l'assuré pour lui indiquer les raisons pour lesquelles le poste de directeur général de [9] ne lui a pas été confiée, lui expliquant qu'il manquait d'expérience en termes de gestion financière d'une entreprise indépendante, de suivi de bilan et de compte de résultats et de suivi d'activité complexe de vente de produits et de services. Il lui indique envisager une nouvelle fonction managériale.

Le 26 juin 2022, le directeur général lui indique que l'évolution de son poste ne constitue pas une suppression de ce dernier, en réponse à un courriel du 25 juin notifiant son supérieur son sentiment de mise à l'écart de toutes les réflexions organisationnelles impactant son périmètre et alors que dans les discussions antérieures, la suppression du poste n'était pas envisagée. L'assuré lui fait part de son choc émotionnel.

L'agent assermenté précise que l'assuré a déposé un arrêt maladie du 26 juillet 2012 au 2 septembre 2012.

Le 5 septembre 2012, l'assuré signe poste de directeur [5] avec une baisse de la prime d'atteinte des objectifs. Le poste défini comme un poste de définition de la stratégie organisationnelle et de l'activité de distribution directe en France. Il est positionné comme partenaire aux côtés des agents opérationnels.

Le 15 mars 2013, l'assuré écrit son directeur général qui avait fait part à un de ses collaborateurs de sa réaction à sa candidature en tant que représentant au CHSCT. Il indique qu'il lui a été rapporté que cette candidature était jugée incompatible avec la position qu'il occupait au sein du comité de direction et que, s'il devait être élu, il devrait en être exclu. Il demande un rendez-vous à ce sujet en rappelant qu'un autre membre du comité de direction avait été représentant du CHSCT. Il maintient sa position suite à l'entretien du 22 mars 2013. Le 12 avril 2013, le directeur général lui écrit pour indiquer l'incompatibilité des deux missions en raison d'un risque de conflit d'intérêts et forme une demande écrite du respect scrupuleux de la confidentialité des informations dont l'assuré aurait connaissance dans le cadre de sa participation au comité de direction France. Il demande aussi de s'engager par écrit à démissionner en cas de constat de la difficulté à cumuler les deux fonctions. Le 23 avril 2013, l'assuré est relancé à deux reprises pour qu'il confirme son engagement écrit, ce qui est réalisé par mail du 24 avril 2013. Pour autant, le 13 mai 2013, la direction de la société saisit l'inspection du travail sur la compatibilité du cumul des deux fonctions. Elle informe le salarié de sa démarche. À la suite de la réponse de l'inspection du travail, la société réplique le 9 juillet 2013 du fait qu'elle n'avait pas l'intention de dénier la qualité d'élu de l'assuré tout en maintenant ses inquiétudes sur l'existence d'un conflit d'intérêts.

S'agissant des objectifs de la rémunération variable pour le second semestre 2013, l'assuré se plaint de n'avoir eu connaissance des objectifs que le 13 mai pour le premier semestre, qui ont été fixé unilatéralement sans aucune discussion préalable, contrairement au contrat de travail.

Durant le mois de septembre 2013, de nombreux échanges ont lieu sur le compte rendu d'activité du premier semestre, conduisant la direction à confier à l'assuré une mission d'accompagnement des équipes et des hommes dans le changement en lien avec la direction des ressources humaines. Le 20 septembre 2013, l'assuré demande la mise en place d'un calendrier des actions de coaching. Le 26 septembre 2013, le directeur général précise la mission de coaching mais demande à l'assuré de mettre en place des actions commerciales, ce qui n'est pas prévu dans la fiche de poste. Le 6 octobre, le directeur général estime que la mission de déploiement commercial s'est transformée en mission de train coaching et de formation, sans objectifs chiffrés et sur un calendrier de développement trop long. Il apparaît donc de ce courrier que la garantie d'accompagnement des hommes et des équipes commerciales afin de leur permettre d'augmenter leurs performances d'atteindre leurs objectifs est passée au second plan et que la contribution à la définition des aspects stratégiques de la distribution directe en France a été transformée en omission de supervision commerciale avec objectifs chiffrés. Ce fait est confirmé par le mail du 18 octobre 2013 par lequel l'assuré explique que le directeur des ressources humaines lui a précisé que l'accompagnement des hommes et des équipes n'était pas une priorité et qu'il n'aurait aucun rôle à jouer dans ce domaine, contrairement à la fiche de poste correspondant à son contrat.

Le 24 octobre 2013, le salarié se plaint de la souffrance psychologique liée à la méconnaissance de son poste et à la mise en place d'une surveillance hebdomadaires de son activité. Il insiste sur les pressions psychologiques subies lors de sa candidature au CHSCT et fait part de son sentiment que son poste n'est qu'une coquille vide. Le compte rendu d'entretien du 25 octobre 2013 réalisé par un délégué du personnel fait part du fait que la direction entend les remontées du terrain selon lesquelles le personnel ne voulait pas que l'assuré exerce des missions de coaching, ce qui est contesté au regard de certains contacts directs avec des managers. L'assuré fait part de son malaise grandissant depuis la réorganisation de son poste et au regard du positionnement de la société par rapport à ses fonctions d'élu, malgré les réponses de l'inspection du travail. S'agissant de la définition du poste occupé, il apparaît une divergence entre la direction et l'assuré relativement à la mission de coaching commercial, la direction estimant qu'il s'agit d'un poste d'expert commercial, ce à quoi il a répondu que cela ne correspondait pas à la fiche de poste. Il apparaît en outre une divergence sur la fonction de coaching, la direction opposant qu'elle souhaitait du coaching appliqué et non du coaching fondamental, alors que la charte déontologique de la Société [6] indique l'inverse. Le compte rendu fait part du désaccord sur la question des comptes-rendus hebdomadaires. L'assuré précise que la direction le positionne mal au regard des fonctions qu'il exerce et ne le valorise pas.

Les échanges postérieurs durant le mois de janvier 2014 rappellent la frustration de l'assuré de ne pas avoir de mission de coaching et le fait qu'il n'y avait pas eu d'accord pour réaliser un business plan commercial. La direction répond qu'elle estime que les propositions faites par l'assuré ne sont pas suffisantes faute d'informations détaillées sur le contenu des actions. Le 13 janvier 2014, l'assuré écrit la direction pour indiquer qu'il est affecté par la situation, notamment la critique de sa présentation de ses actions le 18 novembre 2013 alors qu'il n'avait reçu aucun commentaire sur les « slides » qu'il avait communiqués.

Le même jour, il dépose un arrêt de travail que la direction a égaré.

Les échanges de mails de janvier et février 2014 indiquent le décalage entre ce que la direction attend précisément de l'assuré et ce qu'il en ressent.

Le 7 mars 2014, une fin de non recevoir est adressée par des responsables régionaux au regard de la proposition faite par l'assuré confrontée aux besoins exprimés par la direction.

Les comptes-rendus d'activité des semaines suivantes mentionnent une baisse notable de celle-ci.

Le 24 mars 2014, l'assuré prend acte qu'il lui est proposé une nouvelle orientation professionnelle mais conteste toute perturbation des équipes de par ses agissements.

Le 14 avril 2014, l'assuré conteste son évaluation professionnelle pour l'année.

L'assuré se trouve en arrêt de travail du 14 avril jusqu'au mois de juin 2014.

L'assuré saisit le conseil des prud'hommes de Schiltigheim en février 2014.

Entre-temps, le 17 avril 2014, l'assuré refuse la proposition de poste de la direction. Il indique dans un courriel du 19 juin 2014 faire le lien entre la saisine du conseil des prud'hommes et cette proposition de poste qu'il estime vide de sens dès lors qu'on ne lui demande pas de coacher le personnel en France dont le nombre est supérieur à celui des personnes concernées par le nouveau poste.

Le médecin traitant de l'assuré écrit le 29 octobre 2013 pour indiquer le suivre depuis le 26 juin 2012 pour une dépression et l'avoir reçu à de nombreuses reprises pour les mêmes raisons en 2012 2013. Il indique que le patient lui racontait être psychologiquement atteint par sa situation professionnelle.

Le rapprochement des différents échanges démontre une transformation progressive du poste de l'assuré vers des fonctions de coaching qui ont été vidées de leur substance par le refus des directeurs régionaux de solliciter ce dernier et alors que la direction est en désaccord sur le contenu précis de la mission de coaching, trouvant les interventions trop imprécises, et souhaite transformer le poste pour la réalisation d'objectifs commerciaux alors que l'assurée précise qu'il s'agit de l'accompagnement des équipes pour la définition de nouvelles stratégies commerciales. À cet égard, les échanges démontrent un désaccord profond entre l'assuré et sa direction sur les stratégies mises en place, la direction reprochant le caractère imprécis des orientations proposées par son salarié. Corrélativement, les arrêts de travail produits par le salarié démontrent qu'à chaque évolution du poste et à chaque critique portée sur son activité, son état de santé s'est dégradé, les symptômes dépressifs étant datés de la remise en cause de son poste initial de directeur régional commercial Île-de-France.

La société ne dépose aucun élément permettant de justifier que les causes de la dépression ne soient pas imputables au travail. Si elle discute de l'absence de toute faute sur son comportement au regard de la situation de l'assuré, elle reconnaît que la situation existante a pu créer un ressenti de mise à l'écart quand elle estime ne pas être à l'origine.

Or, l'assuré a fait part à de nombreuses reprises de son sentiment d'être dévalorisé dans ses fonctions et mis à l'écart alors même que les échanges démontrent la réalité d'une transformation de ses missions, la mise en cause de son action, l'absence d'activité corrélative et le reproche d'un moindre engagement au profit de la société qui se traduit par des évaluations professionnelles contestées.

Ces éléments expliquent l'apparition progressive de la dépression sur les années 2012 2013 et caractérise le lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de l'assuré, sans qu'aucune autre cause justifiant de l'apparition de cette maladie ne soit exposée.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

La SAS [8], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la SAS [8] ;

CONFIRME le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE la SAS [8] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/10968
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;19.10968 ?
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