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31/05/2024 | FRANCE | N°19/09135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 31 mai 2024, 19/09135


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 31 Mai 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09135 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARA6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/05092





APPELANTE

SARL [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Elodie ORY,

avocat au barreau de PARIS





INTIMEES

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par M. [L] [W] en vertu d'un pouvoir général



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09135 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARA6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/05092

APPELANTE

SARL [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Elodie ORY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par M. [L] [W] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [6] d'un jugement rendu le 26 juillet 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à l'Urssaf.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle concernant l'application de la législation de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France (ci-après désignée 'l'Urssaf' ou 'l'organisme') a adressé à la S.A.R.L [6] (ci-après désignée 'la Société'), pour son établissement situé au [Adresse 3], une lettre d'observations en date du 10 avril 2017 portant sur quatre points à savoir :

- chef de redressement n°1 : rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations pour un montant de 2 103 euros,

- chef de redressement n°2 : réduction générale des cotisations : règles générales pour un montant de 678 euros,

- chef de redressement n°3 : rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises a cotisations (primes de Noël) pour un montant de 3 205 euros,

- chef de redressement n°4 : assujettissement des formateurs occasionnels et assiette forfaitaire pour un montant de 23 805 euros,

représentant un montant total de 32 616 euros.

Dans le cadre de la procédure contradictoire, la Société a contesté le quatrième chef de redressement faisant valoir, essentiellement, que l'assiette forfaitaire pour les rémunération des formateurs occasionnels ne devait pas être limitée aux organismes ou aux entreprises de formation professionnelle continue ou aux établissements d'enseignement publics ou privés.

Par courrier en réponse du 24 mai 2017, l'inspecteur du recouvrement a indiqué à la Société maintenir le motif de redressement pour son entier montant.

La Société a alors saisi la commission de recours amiable puis, à défaut de décision explicite, a formé un recours contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Entre temps, le 7 juillet 2017, l'Urssaf a établi une mise en demeure à l'encontre de la Société lui réclamant paiement de la somme de 32 617 euros correspondant aux cotisations dues au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et de 5 747 euros correspondant aux majorations de retard.

Finalement, le 12 mars 2018, la CRA rendait sa décision déboutant explicitement la Société de son recours et confirmant le bien fondé du redressement tant sur le principe que sur le montant. Cette décision a été notifiée à la Société le 19 mars suivant.

En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal a :

- constaté la régularité de la procédure de contrôle,

- débouté la S.A.R.L [6] de sa demande tendant à obtenir l'annulation du motif de redressement contesté,

- accueilli la demande reconventionnelle de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de- France tendant à obtenir la confirmation du motif de redressement contesté,

- condamné la S.A.R.L [6] au paiement de la somme de 28 000 euros au titre des cotisations et majorations de retard dues pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, soit la somme de 23 805 euros due au titre des cotisations et la somme de 4 195 euros due au titre des majorations de retard,

- débouté l'Urssaf d'Île-de-France de sa demande tendant à prononcer la jonction des recours,

- débouté la S.A.R.L [6] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

- mis les dépens de la présente instance à la charge de la S.A.R.L [6].

Le jugement a été notifié aux parties le 6 août 2019 et la Société en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par voie électronique le 6 septembre 2019.

Après plusieurs renvois faute pour les parties d'être en état, l'affaire a finalement été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 20 mars 2024 lors de laquelle elles étaient représentées et ont plaidé.

La Société, au visa de ses conclusions n°2, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris sur les chefs critiqués ;

- dire le redressement prononcé par l'Urssaf Île-de-France au titre de l'application de l'assiette forfaitaire des cotisations sociales dues pour les formateurs occasionnels mal fondé et injustifié et, en conséquence,

- prononcer l'annulation du redressement notifié par l'Urssaf Île-de-France à hauteur de 38 364 euros ,

- ordonner le remboursement par l'Urssaf Île-de-France de la somme de 121 999 euros au titre des cotisations sociales indûment versées par elle,

- condamner l'Urssaf Île-de-France à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Urssaf, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- déclarer la SARL [6] recevable mais mal fondée en son appel,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le Pôle social du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 juillet 2019,

- juger que les opérations de contrôle sont parfaites notamment la lettre de réponse de l'inspecteur du recouvrement en date du 18 mai 2017,

- juger que les dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1987 portant fixation de l'assiette forfaitaire des cotisations dues pour les formateurs occasionnels ne sont pas applicables à la SARL [6]

- confirmer la décision de la Commission de Recours Amiable rendue en sa séance du 12 mars 2018,

- confirmer la condamnation de la SARL [6] à lui payer la somme de 23 805 euros de cotisations et 4 195 euros de majorations de retard provisoires,

- juger irrecevables comme nouvelles, les demandes de la SARL [6] tendant à revenir sur le principe de l'assujettissement au régime général des formateurs occasionnels et à demander, en conséquence, le remboursement des cotisations acquittées, à titre subsidiaire, les déclarer infondées,

- condamner la SARL [6] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la SARL [6] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 31 mai 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur l'absence de fondement du redressement opéré par l'Urssaf en raison de la non-application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale

La Société expose que l'application de l'arrêté du 28 décembre 1987, aux formateurs qui exercent leurs missions dans le cadre du régime général de la sécurité sociale, présuppose la qualité de salarié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, elle indique que les horaires de leurs interventions sont fixés par la mairie de [Localité 7] et que seuls les formateurs disponibles, en fonction de leurs autres activités, se proposent sur les créneaux horaires concernés. Ils ont alors la liberté de refuser les écoles proposées et il n'existe aucune période d'essai. La Société expose que le thème de l'activité est précisé dans le cahier des charges élaboré par la mairie de [Localité 7], le formateur étant totalement libre dans l'élaboration du contenu de son intervention. Chaque formateur est totalement indépendant et autonome s'agissant des méthodes pédagogiques qu'il choisit d'utiliser et sur lesquelles elle n'exerce aucun contrôle, se limitant à rappeler à chaque intervenant son rôle pédagogique ainsi que sa responsabilité dans le cadre des ateliers éducatifs qu'il met en place. Elle n'exerce aucun contrôle sur l'activité du formateur et n'a même pas accès aux lieux où elle se déroule, seuls les formateurs pouvant pénétrer dans les écoles. Elle n'a pas davantage de pouvoir de sanction, qui relève du responsable éducatif de la ville lequel peut exiger le remplacement de tel ou tel formateur et dispose du pouvoir d'apprécier leur comportement, de déterminer le degré de gravité des fautes éventuellement commises, de réaliser les enquêtes nécessaires le cas échéant et de décider de la sanction appropriée. Selon les termes du « Cahiers des clauses administratives - acte d'engagement », l'activité de la Société se limite à assurer le recrutement des formateurs, à veiller à leur présence, d'assumer leur rémunération et mettre librement à leur disposition du matériel.

L'Urssaf soulève tout d'abord l'irrecevabilité de ces demandes en ce qu'elles sont des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel. Subsidiairement, elle estime que l'assujettissement et, par extension, le statut de formateur occasionnel ne saurait faire débats. Le formateur occasionnel est une personne qui dispense des cours au titre de la formation professionnelle continue ou dans des établissements d'enseignement, à raison d'un maximum de 30 jours civils par année et par organisme de formation ou d'enseignement. Son activité peut s'exercer, soit en tant que travailleur indépendant, soit en tant que salarié, s'il existe notamment un lien de subordination entre l'employeur et les intervenants en formation. Les formateurs, intervenants, conférenciers (...) qui exercent leur activité dans les conditions générales de l'article L. 311-2 en contrepartie d'une rémunération, quelle que soit la nature ou la forme de celle-ci, et ne supportent aucune forme de risque économique, doivent être considérés comme salariés. Le fait qu'ils exercent par ailleurs une activité principale, salariée ou non salariée, n'interfère pas dans l'analyse de la relation contractuelle vis-à-vis de l'organisme de formation ou l'établissement d'enseignement. Ainsi, dès lors que les conditions d'assujettissement au régime général sont réunies, la présomption de non-salariat ne saurait s'appliquer. Pour conclure à l'absence supposée de lien de subordination, la SARL [6] procède par simples affirmations, sans fournir aucune preuve de cette inexistence. En tout état de cause, la Société ayant conclu avec les formateurs un contrat de travail, elle admettait le principe du salariat et de la subordination.

Plus subsidiairement, la requalification du statut social des formateurs occasionnels ne peut être envisagé sans leur présence dans la cause dès lors qu'il devient un litige d'assujettissement.

Enfin, la SARL [6] ne peut revenir sur sa décision d'assujettissement au régime général, les salariés pour lesquels elle a acquitté des cotisations réduites ont néanmoins eu des droits ouverts à l'assurance maladie, à l'assurance vieillesse et potentiellement à pôle emploi. Rembourser la SARL [6] des sommes acquittées reviendraient à avoir ouvert des droits gratuitement à ses formateurs occasionnels. La demande de remboursement présentée à hauteur de Cour est donc particulièrement infondée.

Réponse de la cour

Aux termes de l' articles 565 «Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » l'article 566 du même code poursuivant « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

En l'espèce, si, comme le relève l'Urssaf, la Société n'avait jamais remis en cause la nature de la relation contractuelle la liant aux formateurs, il n'en demeure pas moins que ce nouveau moyen vient au soutient de sa demande principale d'annulation du redressement.

Ce faisant, la cour constate que le litige posant la question de la nature des relations de travail entre la Société contrôlée et les formateurs dont le nombre demeure inconnu, mais dont l'assujettissement au régime général est posé, nécessite qu'il soit ordonné leur intervention forcée.

Il y a donc lieu d'ordonner la réouverture des débats et d'enjoindre à la Société de donner toutes les indications nécessaires sur les coordonnées des personnes concernées, dans les conditions précisées au dispositif de l'arrêt.

Par ailleurs, la cour entend que les parties fassent valoir leurs observations s'agissant de l'application du principe de l'estoppel, la Société semblant avoir adopté un comportement contradictoire au détriment de l'Urssaf. Ainsi, la Société nie désormais, en cause d'appel, être liée par un contrat de travail avec ses formateurs alors que non seulement, elle n'avait jamais remis en cause ce lien ni lors du contrôle, ni devant la commission de recours amiable ni encore devant le tribunal mais surtout qu'elle le revendiquait encore à l'appui de sa demande principale.

Il sursis à statuer sur les demandes des parties et les dépens seront réservés jusqu'à ce qu'il soit statué au fond.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la société [6] recevable,

ORDONNE la réouverture des débats à l'audience de la chambre 6.13 du :

mercredi 4 décembre 2024 à 09H00

salle Huot-Fortin, 1H09,

escalier H, secteur pôle social, 1er étage

pour mise en état et fixation d'une date de plaidoirie

INVITE les parties à formuler leurs observations sur le principe de l'estoppel ;

ENJOINT à la société [6] de produire à cette audience les coordonnées des formateurs occasionnels concernés par le chef de redressement n°4, et à défaut à l'Urssaf d'Île-de-France de délivrer les informations nécessaires aux fins de leur mise en cause et de leur citation par la Société ;

DIT qu'à cette audience, en regard de l'état du dossier, une date d'audience pour plaidoirie sera fixée ;

DIT qu'à défaut de diligences de la Société, l'affaire sera susceptible d'être radiée ;

RÉSERVE toutes les demandes ;

DIT que la notification de l'arrêt vaut convocation des parties à se présenter à l'audience ou à s'y faire représenter.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/09135
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;19.09135 ?
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