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31/05/2024 | FRANCE | N°18/11054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 31 mai 2024, 18/11054


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 31 Mai 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11054 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PPR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18/00655





APPELANTE

CPAM 40 - LANDES

[Adresse 1]

[Localité 2]

repr

ésentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

SA [5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Bru...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11054 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PPR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18/00655

APPELANTE

CPAM 40 - LANDES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA [5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes d'un jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (18-00655/B) dans un litige l'opposant à la société [5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Madame [I] [X] était salariée de la société [5] (ci-après désignée 'la Société') depuis le 18 juin 2001 en qualité d'hôtesse navigant commercial lorsque, le 13 août 2017, elle a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (ci-après désignée 'la Caisse') le 20 octobre suivant en ces termes « la salariée préparait le service. Notre salariée déclare s'être cognée fortement le coude gauche dans le coin de l'office ; siège des lésions : coude gauche ; nature des lésions / douleur ». Dans la partie dédiée aux éventuelles réserves motivées, la Société ne portait aucune observation.

Le certificat médical initial, établi le 20 octobre 2017 par le docteur [G], faisait mention d'une « douleur coude avec fourmillements (illisible) cubital  » et prescrivait des soins jusqu'au 31 décembre 2017.

Ce certificat a été retourné à Mme [X] le 2 novembre 2017 compte tenu de l'absence d'élément porté sur le descriptif des lésions, la nature et le siège exact des lésions.

Mme [X] retournait alors à la Caisse, le 15 novembre 2017, le certificat médical complété par le docteur [G], daté du 20 octobre 2017, faisant mention d'un « trauma coude gauche avec irradiations poignet, fourmillement des doigts, épicondylite, fissuration, troubles neurogènes ».

La Caisse a alors initié une instruction et a interrogé son service médical sur l'imputabilité des lésions à l'accident du travail. Le 17 novembre 2017, le médecin-conseil donnait un avis favorable à une prise en charge.

Par courrier du 11 décembre 2017, la Caisse a informé la Société qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire afin qu'elle puisse se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident.

Puis, courrier du 13 décembre 2017, la Caisse a informé l'employeur de la fin de la procédure d'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier préalablement à sa prise de décision devant intervenir le 2 janvier 2018. La Société en accusait réception le 14 décembre suivant.

A la demande de la Société, faite par courrier du 15 décembre 2017, la Caisse lui adressait, le 19 décembre suivant, la déclaration d'accident du travail, le certificat médical initial du 20 octobre 2017 et l'avis du service médical. La Société en accusait réception le 28 décembre 2017 et lui retournait le bordereau de retour listant les pièces réceptionnées.

Finalement, le 2 janvier 2018, la Caisse notifiait à la Société sa décision de prendre en charge, au titre du risque professionnel, l'accident survenu au préjudice de

Mme [X] le 13 août 2017. La Société en accusait réception le 3 janvier 2018.

La Société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis, à défaut de décision explicite, a formé un recours contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Seine-Saint-Denis.

Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable le recours formé par la société [5] et l'a dit bien fondé ;

- déclaré inopposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l'accident de travail dont a été victime Mme [I] [X] le 13 août 2017 ;

- dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les autres moyens de fond soulevés par les parties;

- rappelé que la procédure est gratuite et sans frais.

Le jugement a été notifié aux parties le 24 septembre 2018 et la Caisse en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 1er octobre 2018.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 15 décembre 2021puis, faute pour les parties d'être en état, renvoyée respectivement aux audiences des

12 septembre 2022, 16 mai 2022, 10 janvier 2023 et finalement à celle du 20 mars 2024 pour être plaidée.

La Caisse, représentée par son Conseil, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions n°2, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 18 septembre 2018,

- dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a pris en charge l'accident du 13 août 2017 au titre de la législation professionnelle,

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et, en conséquence.

La Société, développant oralement ses conclusions récapitulatives, demande à la cour de:

- la recevoir en ses demandes et les dire bien fondées,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions par substitution de motif,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 20 mars 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 31 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure d'instruction

Au soutien de ce moyen, la Société fait valoir que si la Caisse a mis à sa disposition le dossier de Mme [X], il ne comprenait que le certificat médical initial alors même que l'intéressée a bénéficié de prolongations d'arrêt de travail ultérieurement. Elle estime que ces éléments étaient pourtant de nature à lui faire grief ou qu'à tout le moins ils lui auraient permis de mieux appréhender le dossier puisque ces certificats étaient susceptibles de contenir des descriptions plus précises des lésions, ainsi que des éléments relatifs à un état pathologique antérieur ou étranger. En tout état de cause, elle indique qu'il n'appartient pas à la Caisse de faire un tri entre les éléments qu'elle estime devoir transmettre à la Société. L'absence des certificats médicaux de prolongation ne lui a donc pas permis de présenter des observations utiles sur le caractère professionnel de l'accident ni ne lui a permis de vérifier et de s'assurer de la continuité des symptômes et des soins prescrits à son salarié.

La Caisse rétorque que l'enquête a été menée conformément aux dispositions des articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale puisque l'employeur a participé à l'enquête en retournant son questionnaire, qu'il a été informé du recours au délai complémentaire d'instruction et qu'au terme de celle-ci, il a été avisé de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ainsi constitué et faire ses observations. La décision de prise en charge a été rendue dans les délais et régulièrement notifiée à l'employeur. Elle rappelle que le délai de 10 jours laissé à l'employeur est un délai préfix qui débute à la date d'envoi du courrier et non à la réception de celui-ci ou des pièces qui lui auraient été adressées. Quant à ces pièces, la Caisse rappelle qu'elle n'est tenue d'aucune obligation de les transmettre à l'employeur et qu'elle n'est tenue de mettre à disposition que les éléments médico-administratifs qui ont déterminé sa décision de prise en charge et qui, par suite, font griefs à l'employeur. Il s'agit en l'espèce de la déclaration d'accident du travail, du certificat médical initial et des questionnaires complétés par les intéressés. Les certificats médicaux de prolongation n'en font pas partie puisqu'ils n'ont pas de lien avec la décision de reconnaissance de l'accident du travail. En conséquence, la décision de prise en charge est opposable à l'employeur.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article R. 441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

L'organisme social qui instruit la demande de prise en charge d'une maladie professionnelle doit donc informer l'employeur des éléments susceptibles de lui faire grief.

Pour sa part, l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale précise

Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.

Ces dispositions énumèrent ainsi les documents devant figurer au dossier, notamment les certificats médicaux.

Le non respect par la Caisse de son obligation d'information au cours de la procédure est sanctionné, si celle-ci aboutit à une prise en charge de l'accident ou de la pathologie, par l'inopposabilité de la décision de reconnaissance à l'égard de l'employeur.

Il est constant, au regard des pièces produites, que l'employeur a été informé :

- de l'ouverture d'une instruction à la suite de la réception d'une déclaration d'accident du travail,

- du recours au délai complémentaire d'instruction par courrier du 11 décembre 2017 dont il a accusé réception le 12 décembre suivant,

- de la fin de la procédure d'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de la date fixée au 2 janvier 2018 pour la prise de décision par courrier de la Caisse du 13 décembre 2017, dont il a accusé réception le14 décembre suivant,

- de la décision de prise en charge par courrier du 2 janvier 2018 dont il a accusé réception le 3 janvier 2018.

Ce faisant, si l'article R. 441-13 précité prévoit que le dossier que l'employeur peut consulter comporte « les divers certificats médicaux détenus par la caisse » sans distinction entre le certificat médical initial et les certificats médicaux de prolongation, il ne peut s'agir, s'agissant d'une procédure de reconnaissance d'un accident du travail, que des certificats établissant la réalité et la nature des lésions et non les certificats médicaux de prolongation qui ne font grief à la Société que dans le cadre d'une contestation de l'imputabilité des lésions à un accident ou une maladie déjà prise en charge au titre du risque professionnel. D'ailleurs, contrairement à l'interprétation qu'elle donne des arrêts de la cour de cassation, la Caisse n'est sanctionnée que lorsqu'elle ne met pas à disposition de l'employeur « un dossier qui comprend l'ensemble des éléments du dossier au vu desquels elle envisage de prendre sa décision et susceptibles de faire grief  ». Il s'agit alors d'instruction concernant les reconnaissances de maladies professionnelles pour lesquelles l'employeur doit pouvoir consulter l'ensemble des pièces médicales permettant de connaître la nature de la pathologie et son évolution ou sur lesquelles la Caisse entend fonder sa décision. A l'évidence, ce n'est pas au regard des certificats médicaux de prolongation que la Caisse décide de reconnaître la matérialité d'un accident du travail ou l'imputation de la lésion initiale à celui-ci. Seul le certificat médical initial peut participer à l'objectivation de l'accident, les certificats médicaux suivants n'étant pas de nature à influer sur la caractérisation de l'accident, mais sur les conséquences de celui-ci.

La Caisse a donc satisfait à son obligation d'information.

La Société ne contestant pas par ailleurs le caractère professionnel de l'accident, la cour infirmera le jugement de ce chef et jugera opposable à la Société la décision rendue par la Caisse le 2 janvier 2018 prenant en charge l'accident au titre du risque professionnel.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la Société succombant, supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes recevable,

INFIRME le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (18-00655/B) en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

JUGE régulière la procédure d'instruction menée par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes à l'occasion de la déclaration d'accident du travail de

Mme [X];

JUGE opposable à la société [5] la décision rendue le 2 janvier 2018 par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes reconnaissant le caractère professionnel de l'accident dont a été victime Mme [X] le 13 août 2017 ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11054
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;18.11054 ?
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