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31/05/2024 | FRANCE | N°17/06555

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 31 mai 2024, 17/06555


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/06555 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IMG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15-00742



APPELANTE

CPAM 91 - ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Florence KATO, a

vocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIME

Monsieur [E] [G]

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 31 Mai 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/06555 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IMG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15-00742

APPELANTE

CPAM 91 - ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIME

Monsieur [E] [G]

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargés du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Philippe BLONDEAU, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRÊT :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme CarineTASMADJIAN, présidente de chambre et Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne d'un jugement rendu le 28 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Essonne dans un litige l'opposant à M. [G].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [E] [G] a été victime, le 12 juillet 2013, d'un accident pris en charge le 5 septembre 2013 par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (ci-après désigné 'la Caisse') au titre de la législation sur les risques professionnels. Il avait auparavant subi deux autres accidents du travail, les 1er juillet 2008 et 28 juin 2012. Il percerait une rente arrêt de travail au regard de ces trois accidents.

A la suite de signalements émanant des services fiscaux et de la gendarmerie de [Localité 8] laissant apparaître que M. [G] poursuivrait son activité professionnelle, la Caisse a, par trois courriers des 08 novembre 2012, 06 mars 2013 et 13 janvier 2014, informé ce dernier de l'engagement d'une enquête administrative dans le cadre des articles L. 114-10 et L. 114-19 du code de la sécurité et lui a demandé de bien vouloir produire un certain nombre de documents.

A l'issue de l'enquête, la Caisse a informé M. [G] le 15 novembre 2014, de la suspension du paiement des indemnités journalières à compter du 22 octobre 2013 et de la suppression de la rente d'accident du travail à compter du 19 septembre 2014.

Saisi en référé à la demande de M. [G] pour statuer sur la conformité de la suspension des indemnités journalières le tribunal des affaires de sécurité sociale a, par jugement du 10 avril 2014, confirmé le bien fondé de la décision de la Caisse relevant qu'il « existe à l'évidence une contestation sérieuse puisque les auditions de témoins et le procès-verbal d'investigations révèlent l'existence d'indices corroborés d'une activité salariée de Monsieur [E] [G] pendant l'arrêt de travail en cause, alors qu'il percevait des indemnités journalières ; (...) que l'existence d'une telle contestation sérieuse est de nature à permettre aux services de la CPAM de suspendre le versement des indemnités journalières, conformément aux dispositions précitées des articles L 323-6 et L 161-1-4 du code de la sécurité sociale, de telle sorte que l'évidence de l'illicéité alléguée[par M. [G]] n'est pas établie ».

Le 22 janvier 2015, la Caisse a notifié à M. [G] un indu d'un montant de 215 346, 43euros au titre du remboursement des prestations en espèce versées au titre des trois accidents ce que l'intéressé a contesté devant la commission de recours amiable.

Lors de sa séance du 17 avril 2015, la Commission a confirmé le bien fondé de la créance et débouté M. [G] de son recours, lequel a alors porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Par jugement du 28 mars 2017, le tribunal a :

- déclaré M. [E] [G] recevable et mal fondé en sa demande,

- condamné M. [E] [G] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le jugement a été notifié à la Caisse le 20 avril 2017, qui en a relevé appel limité au seul chef de rejet de la demande reconventionnelle en paiement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 26 juin 2020 lors de laquelle la cour, autrement composée, après avoir constaté que dans son dispositif le tribunal n'avait pas statué sur la demande reconventionnelle de la Caisse a posé la question de l'effet dévolutif de l'appel, en application des dispositions des articles 463 et 562 du code de procédure civile, a ordonné une réouverture des débats afin de recueillir les explications des parties sur ce point.

Par arrêt du 23 septembre 2022, la cour a constaté que M. [E] [G] n'avait pas été validement avisé de la tenue de l'audience du 9 juin 2022 et a ouverts à nouveau les débats pour l'audience du 30 mars 2023 afin que la Caisse le fasse citer et lui communique ses écritures par acte d'huissier.

A l'audience du 7 décembre 2023, la cour constatait que la citation faite par l'huissier était incomplète et a renvoyé l'affaire à l'audience du 28 mars 2024, lors de laquelle seule la Caisse était présente, M. [G] ayant été régulièrement cité par voie d'huissier selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel partiel,

- infirmer le dispositif du jugement rendu le 28 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Essonne rejetant sa demande reconventionnelle,

- la dire recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle en paiement et, y faisant droit,

- condamner M. [G] au paiement de la somme de 215 346,43 euros,

- condamner ce dernier à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 31 mai 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur la recevabilité de l'appel de la Caisse

La Caisse rappelle que contrairement aux procédures avec représentation obligatoire dans lesquellesles chefs de jugement critiqués doivent être repris, en matière de représentation non obligatoire ce tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constitue, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, une charge procédurale excessive dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. Dès lors, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée en omettant d'indiquer les chefs de jugement critiqués doit s'entendre comme déférant à connaissance de la cour l'ensemble des chefs de ce jugement. Au cas présent, elle indique qu'elle a formé appel du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande reconventionnelle en paiement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2017

L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

l'article 933 du même code poursuivant

La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.

En l'espèce, par jugement du 28 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté le recours formé par M. [G] et, dans le corps de sa décision, a également débouté la Caisse de sa demande reconventionnelle en paiement retenant qu'en l'absence du requérant aux débats le jour de l'audience, il n'avait pu avoir connaissance des prétentions de l'organisme.

Le dispositif ne reprend pas ce rejet, alors même que le tribunal, en retenant page 8 de son jugement que « par conséquent, la demande reconventionnelle de la Caisse (.. .) sera donc rejeté » a clairement et sans ambiguïté statué de ce chef.

Le Tribunal ayant sans ambiguïté refusé de faire droit à la demande reconventionnelle de la Caisse, qui peut donc parfaitement contester en appel cette disposition.

La déclaration d'appel de la Caisse vise spécifiquement la disposition du jugement n'ayant pas fait droit à sa demande reconventionnelle en paiement.

La cour est donc bien saisie de la demande financière de la Caisse.

Elle constate au demeurant que M. [G], qui avait été régulièrement convoqué à l'audience du tribunal à la suite d'un renvoi contradictoire, disposait, depuis l'audience du 11 octobre 2016, des conclusions de la Caisse faisant état de sa demande reconventionnelle en paiement et dont il avait donc pu prendre connaissance.

Sur l'indu

1°) Sur la justification de l'indu

Moyens des parties

La Caisse fait valoir que l'enquête menée par la gendarmerie ainsi que par un de ses agents a démontré que M. [G] a cumulé son activité professionnelle avec le versement d'indemnités journalières de 2008 à 2013. Il a également produit de faux bulletins de salaire et de fausses attestations dans le but d'obtenir indûment le versement de prestations. Il a ainsi prétendu à l'indemnisation d'un arrêt de travail en mi-temps thérapeutique, alors même qu'il ne percevait aucun salaire. Elle souligne que ces faits ont été en partie reconnus par l'intéressé lors de son audition par l'agent assermenté les 23 et 24 janvier 2014 et qu'ils sont confirmés par les mentions portées sur les livres de police (registres) des entreprises [6], et [5], devenue 91 Autolease tenus par M. [G] sur des périodes où il se trouvait en arrêt de travail. La poursuite de son activité est également corroborée par les factures qu'il a personnellement émises pendant cette même période et les témoignages de ses clients, fournisseurs et salariés qui confirment la présence et l'activité de M. [G] de 2008 à octobre 2013. La Caisse rappelle que les activités qui ne sont pas expressément autorisées par un arrêt de travail pour maladie, sont interdites pendant celui-ci, peu important qu'il s'agisse d'activités physiques ou intellectuelles. Cette autorisation doit être expresse, être accordée par le médecin prescripteur de l'arrêt à l'occasion de celui-ci ou, en tout état de cause, préalablement à la réalisation de l'activité en cause.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail.

L'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans version en vigueur du 22 décembre 2006 au 22 décembre 2010, prévoit par ailleurs que

Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :

1° D'observer les prescriptions du praticien ;

2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;

3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;

4° De s'abstenir de toute activité non autorisée.

En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.

En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l'article L. 142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré.

la version applicable à compter du 22 décembre 2010 au 25 décembre 2016 ajoutant (...)

En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14.

Pour sa part, l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale dans ses trois versions en vigueur du 19 décembre 2008 au 28 janvier 2016

Les organismes de sécurité sociale demandent, pour le service d'une prestation, toutes pièces justificatives utiles pour apprécier les conditions du droit à la prestation, notamment la production d'avis d'imposition ou de déclarations déposées auprès des administrations fiscales compétentes. Les organismes peuvent se dispenser de cette demande lorsqu'ils sont en mesure d'effectuer des contrôles par d'autres moyens mis à leur disposition.

Les organismes de sécurité sociale peuvent notamment se dispenser de solliciter la production de pièces justificatives par le demandeur ou le bénéficiaire d'une prestation lorsqu'ils peuvent obtenir directement les informations ou pièces justificatives nécessaires auprès des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé gérant un service public compétentes, notamment par transmission électronique de données. Les traitements automatisés de données qui se limitent à l'organisation de ces transmissions, notamment en vue de garantir l'authenticité et la fiabilité des données échangées, sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dès lors que les informations et pièces justificatives échangées au titre d'une prestation sont celles définies par les dispositions législatives et réglementaires relatives au service de la prestation concernée.

Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur des pièces justificatives entraîne la suspension, selon le cas, soit du délai d'instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu'à la production des pièces demandées.

Par ailleurs, aux termes de l'article 37 alinéa 8 du règlement intérieur modèle provisoire des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations, annexé à l'arrêté du 19 juin 1947 modifié, l'assuré malade ne doit se livrer à aucun travail rémunéré ou non, sauf autorisation du médecin traitant.

L'interdiction de se livrer à une activité non autorisée s'entend de toute activité, qu'elle soit rémunérée (civ.2e 10 octobre 2013 n°12-23455) ou bénévole (ch. mixte 21 mars 2014 n°12-20002), domestique (civ.2e 25 juin 2009 n° 08-14670), sportive (civ.2e 9 décembre 2010 n°09-16140) ou ludique (civ.2e 09 avril 2009 n° 07-18294), et ce même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu'il soit nécessaire d'établir la volonté de fraude de l'assuré (civ.2e 10 juillet 2014 n° 13-20005).

En cas de pratique d'une activité, il appartient au salarié, même bénéficiaire de « sorties libres » de rapporter la preuve d'une autorisation expresse et préalable délivrée par le médecin prescripteur (civ.2e 9 décembre 2010 n°09-14575 P, 28 mai 2020 n° 19-15520 D).

A défaut, la caisse est en droit de réclamer restitution des indemnités journalières depuis la date du manquement (civ. 2e 28 mai 2020 n°19-12962 P, civ. 2e 18 février 2021 n°19-22679).

Il résulte de l'enquête administrative de la Caisse et de celle réalisée par les services de gendarmerie qui comporte les auditions des associés et salariés des entreprises gérées par M. [G] ainsi que les clients et les fournisseurs de ces entreprises, que, durant ses périodes d'arrêts de travail, M. [G] a personnellement :

- tenu quotidiennement les livres de polices concernant la gestion des entreprises [6] et [5], devenue 91 Autolease,

- établi des factures à son nom dans le cadre du négoce de voitures des entreprises,

- créé un site internet 'action VO.fr' avec publication de véhicules le 8 octobre 2013,

- mis à jour par courriel du 30 septembre 2013, du dossier de l'entreprise auprès de la centrale,

- signé un contrat d'abonnement entre la SARL [9] et la société [10] car le 29 octobre 2013,

- négocié, vendu et prospecté des clients et fournisseurs pour les sociétés [6], [5], [11], SARL [9], et, dans ce cadre allait chercher les véhicules, procédait à leur paiement, s'occupait de la clientèle,

- établi des certificats de cession de véhicule notamment les 2 juin et 1er septembre 2013.

Il est par ailleurs établi que M. [G] avait bénéficié de l'indemnisation d'un arrêt de travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique alors même qu'il n'y était pas éligible et n'ayant perçu aucun salaire, ce qu'il a reconnu lors de son audition par l'agent de la Caisse les 23 et 24 janvier 2014.

Il sera par ailleurs relevé que lors de leur surveillance, les services de gendarmerie ont constaté la présence de M. [G] sur son lieu de travail, notamment au mois de juin 2013 et le 3 janvier 2014 et que lors de ses auditions des 23 et 24 janvier 2014, il a admis que la ligne téléphonique de la société [6] faisait l'objet d'un renvoi sur sa ligne de téléphone portable professionnel, qu'il répondait aux appels téléphoniques et donnait des instructions au préparateur de véhicules deux à trois fois par semaine. Il admettait également répondre aux e-mails reçus sur l'adresse électronique de la Société et reconnaissait qu'il était le seul à remplir le livre de police, y compris pendant les périodes d'arrêt de travail, le livre étant déposé chez lui par un membre de l'entreprise.

Outre l'existence d'une activité non interrompue pendant toute la durée des arrêts de travail qui lui étaient prescrits, les investigations menées par la Caisse ont permis de constater que M. [G] avait faussement majoré le montant de son salaire de référence pour obtenir des indemnités journalières et une rente accident du travail d'un montant plus important que celui auquel il aurait pu prétendre. Il a ainsi été établi que :

- les bulletins de salaire des mois d'avril et juin 2008 et l'attestation de salaire du 07 juillet 2008 adressés à la Caisse étaient des faux,

- le montant des salaires de référence d'octobre 2009 à mai 2010 mentionné sur les attestations a été indûment majoré, les relevés de compte bancaire de l'intéressé démontrant qu'il n'avait jamais perçu les sommes déclarées,

- les salaires déclarés pour la période de novembre 2012 à novembre 2013 étaient en réalité inexistants, les sommes portées sur les attestations de salaire produites à la Caisse n'apparaissant pas sur ses comptes bancaires,

- le bulletin de paie de novembre 2013, obtenu par la Caisse de deux sources différentes ne correspondait pas entre eux, celui découvert par la gendarmerie suite à la perquisition comportant un nombre d'heure et un salaire égal à 0 alors que celui obtenu du comptable mentionnait 15 heures de travail pour 459,65 euros,

- l'absence de bénéfice, voire l'existence de déficit, des entreprises gérées ne permettant ni le versement des salaires déclarés ni a fortiori l'augmentation de salaire trois mois avant l'accident du travail de 2008.

La Caisse justifie également de contradictions entre les attestations de salaires indiquant des sommes plus importantes que celles apparaissant sur les bulletins de salaire. De même, les données des DADS concernant M. [G] et les données des bulletins de paie étaient différentes s'agissant du nombre d'heures travaillées et le montant des rémunérations.

Ainsi, en l'absence de salaire effectivement versé, aucune indemnité journalière au titre du mi-temps thérapeutique n'aurait dû être versée, celle-ci étant sensée compenser la perte de salaire.

La multitude des incohérences dans les données comptables ainsi que les irrégularités relevées établissent ainsi que M. [G] a commis des manoeuvres frauduleuses dans le but, d'une part, d'obtenir des indemnités journalières tout en poursuivant une activité professionnelle et, d'autre part, d'obtenir un montant d'indemnité et de rente d'accident du travail plus élevé que celui qui aurait dû lui être accordé.

Les dénégations de M. [G] durant l'enquête administrative qui contestait les déclarations de certains témoins en raison de l'existence de conflits personnels ou professionnels ne résistent pas aux éléments objectifs rappelés ci-avant, ces éléments étant variés et concordants, certains consistant d'ailleurs en des surveillances policières.

Ce faisant, aux termes des dispositions précitées, les activités qui ne sont pas expressément autorisées par un arrêt de travail pour maladie, sont interdites pendant celui-ci. Il importe peu par ailleurs qu'il s'agisse d'activités manuelles ou intellectuelles.

Il est ainsi parfaitement démontré que M. [G] a cumulé son activité professionnelle avec le versement d'indemnités journalières de 2008 à 2013. Or, l'autorisation d'exercer une activité par la Caisse s'entend d'une autorisation expresse, accordée par le médecin prescripteur de l'arrêt à l'occasion de celui-ci préalablement à la réalisation de l'activité en cause. M. [G] ne peut justifier y avoir été autorisé par un avis médical.

En outre, il a produit de faux bulletins de salaire, ainsi que de fausses attestations, dans le but d'obtenir indûment le versement de prestations par la Caisse.

Par conséquent, la décision de la Caisse de suspendre le versement de la rente d'accident de travail et de solliciter le remboursement des sommes indûment versées est justifiée.

Sur le montant de l'indu

Moyens des parties

La Caisse entend rappeler que la production de fausses déclarations dans le but d'obtenir des prestations emporte l'application du délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Il commence à courir à compter de la découverte par l'organisme de sécurité sociale de la fraude ou de la fausse déclaration c'est-à-dire en l'espèce, à l'issue de l'enquête. La Caisse indique qu'elle justifie d'un indu de 215 346,43 euros dont elle est fondée à poursuivre le recouvrement en application des articles L. 323-6, et L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale.

Réponse de la cour

La restitution d'indemnités journalières de l'assurance maladie en cas d'inobservation volontaire, par le bénéficiaire, des obligations édictées par l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, ne constitue pas une sanction à caractère de punition, de sorte qu'elle est exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la gravité des manquements de l'assuré (avis du 7 février 2018 n° 17-70.038, civ.2e 20 juin 2019 pourvoi n° 18-19.006).

Par ailleurs et selon la jurisprudence, l'exercice par l'assuré d'une activité non autorisée faisant disparaître l'une des conditions d'attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit d'en réclamer la restitution depuis la date du manquement (2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 19-12.962 ; dans le même sens 2e Civ., 2 juin 2022, pourvoi n° 20-22.469)

Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Plus particulièrement, l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'en cas de versement indu d'une prestation, l'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire ou volontaire d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré.

Il résulte des pièces produites par la Caisse et notamment les relevés de versement des indemnités journalières que M. [G] a subi trois accidents du travail pour lesquels il a été indemnisé dans les proportions suivantes :

- au titre de l'accident du travail du 1er juillet 2008 :

indemnités journalières versées pour les arrêts de travail à temps plein :

o du 01 juillet 2008 au 30 septembre 2008 pour un montant de 2 33,44 euros,

o du 30 juillet au 31 décembre 2008 pour un montant de 23 865,35 euros,

o du 1er janvier au 30 septembre 2009 pour un montant de 42 317,46 euros (13 857,30 + 28 460,16 euros),

o du 21 mai au 31 décembre 2010, pour un montant de 34 992 euros,

o du 1er janvier au 2 juin 2011, pour un montant de 23 794,56 euros,

indemnités journalières versées pour les arrêts de travail à mi temps thérapeutique :

o du 1er octobre au 31 décembre 2009 pour un montant de 13 443,04 euros (4 436,72 + 4 569,60 + 4 436,72 euros),

o du 1er janvier au 20 mai 2010 pour un montant de 17 498,45 euros (4 503,06 + 4 354,56 + 4 303,73 + 4 337,10 euros),

o du 3 juin au 31 décembre 2011 pour un montant de 32 970,24 euros,

o du 1er janvier au 28 juin 2012, pour un montant de 27 968,80 euros (18 817,92 + 4 786,32 + 4 354,56 euros),

- au titre de l'accident du travail du 28 juin 2012 :

o du 29 juin 2012 au 06 septembre 2012 pour un montant de 10 393,60 euros (3 481,24 + 6 912,36 euros),

o du 7 septembre au 30 novembre 2012, pour un montant de 13 094,86 euros (3 491,04 + 4 796,32 + 4 807,50 euros)

o du 1er au 31 décembre 2012 pour un montant de 4 795,08 euros,

o du 1er janvier au 24 mai 2013 pour un montant de 21 936,37 euros (4 796,32 + 4 608,24 + 4 957,83 + 4 871,10 + 2 702,88 euros),

- au titre de l'accident de l'assurance maladie :

o du 26 mai au 8 juillet 2023 pour un montant de 1 734,71 euros,

- au titre de l'accident du travail du 12 juillet 2013 :

o du 13 juillet au 22 octobre 2013 pour un montant de 6 953,92 euros (2 517,20 + 4 436,72 euros),

Par ailleurs il a perçu une rente d'accident de travail pour l'accident survenu le juillet 2008, du 01 septembre 2012 au 15 août 2014.

La Caisse produit un tableau récapitulatif qui énumère la nature de prestations versées, la périodes d'indemnités journalières ou d'arrérages, la date de paiement des sommes indues et le montant des sommes indues.

Il est par ailleurs incontestable que les incohérences dans les données comptables ajoutées aux irrégularités relevées dans les bulletins de salaire établissent l'existence de man'uvres frauduleuses aux fins d'augmenter artificiellement le salaire de référence pour établir le montant des indemnités journalières et de la rente d'accident du travail. C'est d'ailleurs uniquement au regard de ces faux documents que M. [G] a pu percevoir des indemnités journalières pendant le mi-temps thérapeutique, sa réelle situation ne l'y rendant pas éligible.

S'agissant de fausses déclarations dans le but d'obtenir des prestations, il convient de retenir le délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, qui dispose que l'action doit être engagée dans les cinq ans à compter de la découverte par l'organisme de sécurité sociale de la fraude ou de la fausse déclaration. Au cas présent, la Caisse ayant eu connaissance de la fraude lors de son enquête en octobre 2013 et ayant engagé la procédure de recouvrement de l'indu le 22 janvier 2015, elle se trouvait donc dans le délai d'action et pouvait ainsi recouvrer les sommes indûment versées à M. [G] depuis 2008.

La cour considère ainsi que tant le principe que le montant de la Caisse est justifié de sorte qu'il sera fait droit à la demande reconventionnelle en paiement pour un montant de 215 346,43 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, M. [G] qui succombe supportera les dépens.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés de telle sorte que M. [G] sera en conséquence condamné à lui verser la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt réputé contradictoire,

VU les arrêts de la présente cour du 10 septembre 2021 et du 23 septembre 2022 ;

CONFIRME le jugement rendu le 28 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (RG15-00742) sauf en ce qu'il a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne de sa demande reconventionnelle en paiement ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [E] [G] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 215 346,43 euros représentant le montant des indemnités journalières et de la rente accident du travail et ses arrérages indûment perçu au cours de la période du 1er juillet 2008 au 12 juillet 2013

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE M. [G] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE DÉBOUTE de la demande qu'il a formé du même chef ;

CONDAMNE M. [G] aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 17/06555
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;17.06555 ?
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