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30/05/2024 | FRANCE | N°23/18196

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 mai 2024, 23/18196


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18196 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQJT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2023 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023058288





APPELANTE



HUME STREET MANAGEMENT CONSULTANTS LIMITED (HSMC), socié

té de Droit Irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représentée par Me Benjamin MOISAN de la ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18196 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQJT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2023 -Président du TC de PARIS - RG n° 2023058288

APPELANTE

HUME STREET MANAGEMENT CONSULTANTS LIMITED (HSMC), société de Droit Irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Michaël BENDAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : R258

INTIMÉE

S.A.S. CONSTELLATION [Localité 8], RCS de Paris sous le n°850 286 451, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocats plaidants Me Danny RIFAAT et Me Gonzague D'AUBIGNY, du barreau de PARIS, toque : J053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par requête du 16 juin 2023, la société Hume Street Management Consultants Limited (« HSMC ») a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris qu'il ordonne l'exécution de mesures in futurum, visant selon elle à confirmer l'implication directe de M. [H] [L] [T] [R] dans le projet de construction d'un hôtel à [Localité 8] sis sur l'Îlot [Adresse 3] (« projet [Adresse 3] ») et notamment dans le refus de payer les sommes dues par la société Constellation France à HSMC à cet égard, établir de façon incontestable la mauvaise foi des défendeurs pressentis et compléter les éléments démontrant le caractère contractuel des relations qui se sont nouées entre HSMC et le maître de l'ouvrage, la société Constellation France, ainsi que le montant des sommes qui lui sont dues.

Par ordonnance rendue le 23 juin 2023, le président a rejeté cette requête.

La société HSMC a interjeté appel gracieux contre cette décision et par ordonnance du 28 juillet 2023, le président du tribunal de commerce a autorisé la demande de mesures d'instruction in futurum en ce qui concerne la société Constellation [Localité 8], retenant qu'il existait un motif légitime pour rechercher des preuves supplémentaires de l'implication de la société HSMC dans la projet [Adresse 3] mais qu'en revanche, le requérant ne donnait aucun élément permettant de fonder une action contre M. [H] [L] [T] [R]. Les mesures d'instruction ont été autorisées au siège social de la société Constellation [Localité 8], ainsi que dans ses bureaux et ceux de la société Vinci Immobilier.

Les ordonnances sur requête des 23 juin et 28 juillet 2023 ont été signifiées par acte du 14 septembre 2023.

Les mesures d'instruction ont fait l'objet d'un procès-verbal des 14 et 15 septembre 2023.

Par acte du 13 octobre 2023, la société HSMC a fait assigner la société Constellation [Localité 8] aux fins de voir :

enjoindre à la société Constellation [Localité 8] de coopérer à l'exécution de l'ordonnance du 28 juillet 2023 du président du tribunal de commerce de Paris :

1.En premier lieu :

*enjoindre à cet effet à la société Constellation [Localité 8] de remettre à la Selarl [Z]-[M], prise en la personne de l'un de ses associés en qualité de commissaire de justice :

(i) chacun des ordinateurs et des téléphones portables professionnels utilisés par les dirigeants, associés et salariés de la société Constellation [Localité 8] visés par l'ordonnance du 28 juillet 2023, à savoir [A] [Y], [W] [B], [U] [G], [H] [L], [I] [J] et [D] [C] ;

(ii) l'ensemble des sauvegardes des boîtes de messagerie électronique utilisées par [A] [Y], [W] [B], [U] [G], [H] [L], [I] [J] et [D] [C] à la date de leur remise, ainsi que les coordonnées de l'hébérgeur de ces messageries électroniques ;

(iii) la copie des sauvegardes de ces mêmes boîtes de messagerie électronique, à la date du 13 septembre 2023 ou bien à la date antérieure la plus proche du 13 septembre 2023 ;

(iv) l'ensemble des logins, codes, mots de passe et informations permettant d'accéder auxdits ordinateurs et téléphones ainsi qu'auxdits comptes de messagerie, le cas échéant à distance ;

(v) l'ensemble des logins, codes, mots de passe et informations permettant l'accès, le cas échéant à distance, aux serveurs informatiques internes et externes de la société Constellation [Localité 8] ainsi que les coordonnées de l'hébergeur et des prestataires informatiques détenant des informations sur les moyens techniques d'accéder à ces serveurs informatiques ;

le tout sous astreinte provisoire de 100.000 euros par jour de retard et par élément manquant ou incomplet à compter de 48 heures après la signification de « l'ordonnance » à intervenir ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

2. En deuxième lieu :

*confier à la Selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, la mission prévue à l'ordonnance du 28 juillet 2023, qu'elle exécutera notamment sur les éléments qui lui auront été remis ou auxquels il lui aura été donné accès, au fur et à mesure de cette remise ou de cet accès ;

3. En troisième lieu :

*commettre la Selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, avec pour mission de :

(i) vérifier, sur les supports remis et ceux auxquels accès lui aura été donné, toutes traces éventuelles d'effacement des données susceptibles d'entrer dans le périmètre des recherches prévues par l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

(ii) comparer les sauvegardes antérieures au 14 septembre 2023 avec les données au jour de l'exécution de la mission, afin de rechercher tout élément supprimé susceptible d'entrer dans le périmètre des recherches prévues par l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

(iii) dresser un procès-verbal présentant le résultat de cette comparaison ;

(iv) prendre copie, sur les supports remis et ceux auxquels accès lui aura été donné, de tout message, e-mail, SMS, message échangé via des applications de communication électronique telles que Whatsapp, signal, telegram etc, qui :

a. contient les mots-clés suivants :

*huissier * bailiff * [Z] * ordonnance *HSMC * hume *PMK * PMCK

*paddy * pady * effacer *supprimer *delete *erase

b. a été conçu, envoyé ou reçu entre le 14 septembre 2023 et le jour de la remise desdits supports ou de l'accès à ces supports ;

c. n'est pas adressé à un avocat ou envoyé par un avocat ;

4. En tout état de cause :

*dire que le mandataire aura pour l'exécution de ses missions tous les pouvoirs et facultés prévus dans l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

* autoriser en particulier le mandataire à être assisté de tout expert informatique ou technicien pour l'exécution de l'ensemble de ses missions ;

* dire que l'expert informatique et/ou le technicien ainsi requis devra établir une note technique établissant la traçabilité des opérations ;

* dire que le commissaire de justice instrumentaire devra dresser procès-verbal de constat qui sera communiqué au demandeur ;

* dire que le commissaire de justice procédera à l'inventaire des pièces obtenues, en dressera procès-verbal, et y annexera les copies réalisées au cours de l'exécution de ses missions ;

* dire que l'ensemble des éléments recueillis par le mandataire seront conservés sous séquestre provisoire par lui ;

* dire que les parties viendront ensuite devant le président du tribunal de commerce de Paris, en référé afin de procéder à la levée des séquestres provisoires en présence du commissaire de justice ;

* dire qu'une provision de 3.000 euros sera versé par le demandeur au commissaire désigné ci-dessus avant l'exécution de sa mission.

Par ordonnance contradictoire du 3 novembre 2023, le président du tribunal de commerce de Paris, a :

débouté la société HSMC de ses demandes ;

sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de la décision du président du tribunal de commerce de Paris sur la rétractation de l'ordonnance du 28 juillet 2023 initiée par assignation en référé rétractation de la société Constellation [Localité 8] en date du 13 octobre 2023 (RG n° 2023 058 753) ;

laissé à chacune des parties la charge de leurs frais irrépétibles ;

condamné la société HSMC aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Le premier juge a retenu que l'ordonnance du 28 juillet 2023 n'avait pas fait l'objet d'une obstruction de la part de la société Constellation [Localité 8] et il a considéré que compte tenu de ce que ladite ordonnance faisait l'objet d'une demande de référé-rétractation, il y avait lieu de surseoir à statuer.

Par déclaration du 24 novembre 2023, la société HSMC a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.

Parallèlement à la présente instance, par décision du 12 janvier 2024, le président du tribunal de commerce a rétracté son ordonnance sur requête du 28 juillet 2023.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 avril 2024, la société HSMC demande à la cour, au visa des articles 10 du code civil, 11, 145, 490, 495, 873, 900, 905 du code de procédure civile et L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

juger son appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 3 novembre 2023 du président du tribunal de commerce de Paris recevable ;

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau, de :

constater que l'obstruction opposée par la société Constellation [Localité 8] à l'exécution de l'ordonnance aux fins de mesure d'instruction in futurum du 28 juillet 2023 caractérise un trouble manifestement illicite ;

enjoindre à la société Constellation [Localité 8] de coopérer à l'exécution de l'ordonnance du 28 juillet 2023 du président du tribunal de commerce de Paris afin qu'il soit mis fin au trouble manifestement illicite ;

Et à cet effet, à titre principal :

1.En premier lieu :

enjoindre à la société Constellation [Localité 8] de remettre à la Selarl [Z]-[M], prise en la personne de l'un de ses associés en qualité de commissaire de justice :

(i) chacun des ordinateurs et des téléphones portables professionnels utilisés par les dirigeants, associés et salariés de la société Constellation [Localité 8] visés par l'ordonnance du 28 juillet 2023, à savoir [A] [Y], [W] [B], [U] [G], [H] [L], [I] [J] et [D] [C] ;

(ii)l'ensemble des sauvegardes des boîtes de messagerie électronique utilisées par [A] [Y], [W] [B], [U] [G], [H] [L], [I] [J] et [D] [C], à la date de leur remise ainsi que les coordonnées de l'hébergeur de ces messageries électroniques ;

(iii)la copie des sauvegardes de ces mêmes boîtes de messagerie électronique, à la date du 13 septembre 2023 ou bien à la date antérieure la plus proche du 13 septembre 2023 ;

(iv) l'ensemble des logins, codes et mots de passe et informations permettant d'accéder auxdits ordinateurs et téléphones ainsi qu'auxdits comptes de messagerie, le cas échéant à distance ;

(v)l'ensemble des logins, codes, mots de passe et informations permettant l'accès, le cas échéant à distance, aux serveurs informatiques internes et externes de la société Constellation [Localité 8], ainsi que les coordonnées de l'hébergeur et des prestataires informatiques détenant des informations sur les moyens techniques d'accéder à ces serveurs informatiques ;

le tout, sous astreinte provisoire de 100.000 euros par jour de retard et par élément manquant ou incomplet à compter de 48 heures après la signification de l'ordonnance à intervenir ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

2. En deuxième lieu :

confier à la Selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, la mission prévue à l'ordonnance du 28 juillet 2023, qu'elle exécutera notamment sur les éléments qui lui auront été remis ou auxquels il lui aura été donné accès, au fur et à mesure de cette remise ou de cet accès ;

3.En troisième lieu :

commettre la Selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, avec pour mission supplémentaire de :

(i) vérifier, sur les supports remis et ceux auxquels accès lui aura été donné, toutes traces éventuelles d'effacement des données susceptibles d'entrer dans le périmètre des recherches prévues par l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

(ii) comparer les sauvegardes antérieures au 14 septembre 2023 avec les données au jour de l'exécution de la mission, afin de rechercher tout élément supprimé susceptible d'entrer dans le périmètre des recherches prévues par l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

(iii) dresser un procès-verbal présentant le résultat de cette comparaison :

(iv) prendre copie, sur les supports remis et ceux auxquels accès lui aura été donné, de tout message, e-mail, SMS, message échangé via des applications de communication électronique telles que WhatsApp, Signal, Telegram, etc., qui :

a. est relatif à l'ordonnance du 28 juillet 2023 ou à sa mise en oeuvre :

b. contient les mots-clefs suivants :

*Huissier *Bailiff

*[Z] *Ordonnance

*HSMC *Hume

*PMK *PMCK

*Paddy *Pady

*Effacer *Supprimer

*Delete *Erase ;

c. a été conçu, envoyé ou reçu entre le 14 septembre 2023 et le jour de la remise desdits supports ou de l'accès à ces supports ;

d. n'est pas adressé à un avocat ou envoyé par un avocat ;

Ou, à titre subsidiaire :

confier à la selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, la mission prévue à l'ordonnance du 28 juillet 2023, qu'elle exécutera dans les termes prévus par ladite ordonnance, sous astreinte provisoire de 100.000 euros par jour de retard et par élément manquant ou incomplet à compter de 48 heures après la signification de l'ordonnance à intervenir ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Et en tout état de cause :

dire que le mandataire aura pour l'exécution de ses missions tous les pouvoirs et facultés prévus dans l'ordonnance du 28 juillet 2023 ;

autoriser en particulier le mandataire à être assisté de tout expert informatique ou technicien pour l'exécution de l'ensemble de ses missions ;

dire que l'expert informatique et/ou le technicien ainsi requis devra établir une note technique établissant la traçabilité des opérations ;

dire que le commissaire de justice instrumentaire devra dresser procès-verbal de constat qui sera communiqué au demandeur ;

dire que le commissaire de justice procédera à l'inventaire des pièces obtenues, en dressera procès-verbal, et y annexera les copies réalisées au cours de l'exécution de ses missions ;

dire que l'ensemble des éléments recueillis par le mandataire seront conservés sous séquestre provisoire par lui ;

dire que les parties viendront ensuite devant le président du tribunal de commerce de paris, en référé, afin de procéder à la levée des séquestres provisoires en présence du commissaire de justice ;

dire qu'une provision de 3.000 euros sera versé par le demandeur au commissaire désigné ci-dessus avant l'exécution de sa mission ;

condamner la société Constellation [Localité 8] à lui verser la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que l'obstruction a été constatée par procès-verbal d'huissier qui fait foi ; que le débat sur le motif légitime est inopérant dans le cadre de la présente instance, puisque le refus d'exécuter une décision de justice constitue un trouble manifestement illicite, lequel est caractérisé dès le jour de l'obstruction ; qu'il convient donc de le juger de manière autonome ; que l'ordonnance entreprise n'a pas réellement fait droit à la demande de sursis à statuer puisqu'elle avait vidé sa saisine en la déboutant de ses demandes.

Elle considère que dès lors le résultat de la procédure de rétractation est totalement indifférent à l'existence d'un trouble manifestement illicite et qu'en tout état de cause, en cas de rétractation, les éléments appréhendés ne pourront être utilisés.

Elle soutient que le procès-verbal de constat est régulier ; que l'huissier de justice n'est tenu de donner copie de l'ordonnance qu'aux personnes auxquelles l'ordonnance est opposée, c'est-à-dire à l'encontre desquelles les mesures prescrites sont pratiquées.

Elle fait valoir que toute personne a l'obligation de prêter son concours et d'exécuter les décisions de justice ; que le refus de se conformer à ses obligations constitue une « violation évidente d'une règle de droit », soit un trouble manifestement illicite ; que ce trouble existe nonobstant l'éventuelle rétractation ainsi que l'a jugé la présente cour ; que l'ordonnance prévoyait le contact avec un salarié à distance ; qu'il était fait injonction à l'intimée de lever toute difficulté ; que l'absence de tout salarié au siège social ne constituait pas un empêchement dès lors que les termes de l'ordonnance permettaient l'exécution à distance ; qu'il n'est pas démontré que M. [J] était effectivement au Luxembourg ; que ce qui importait était uniquement la possibilité d'accès aux données depuis la France.

Elle conteste le fait que M. [J] ne soit pas le salarié de l'intimée et considère que cette argumentation est inopérante en ce que l'ordonnance vise « toute personne/prestataire externe ».

Elle rappelle que la mission confiée ne se résumait pas à une visite des locaux mais surtout à faire des copies de documents et fichiers informatiques.

Elle estime que l'obstruction opposée par l'intimée justifie le prononcé d'une astreinte dissuasive. Elle soutient que les mesures qui s'imposent pour s'assurer de l'absence de destruction des éléments visés par l'ordonnance 145 sont des demandes qui tendent aux mêmes fins et elle rappelle que le juge des référés dispose d'un pouvoir particulièrement étendu pour mettre un terme à un trouble manifestement illicite. Elle précise qu'elle ne sollicite nullement qu'il soit ordonné à des tiers d'exécuter des mesures d'instruction.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 avril 2024, la société Constellation [Localité 8] demande à la cour, au visa des articles 145, 872 du code de procédure civile, de :

confirmer l'ordonnance du 3 novembre 2023 ;

déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées par la société HSMC dans ses conclusions récapitulatives d'appelante du 26 mars 2024, à savoir l'ajout d'un point 3.iv.b. à la demande principale de la société HSMC et une demande subsidiaire nouvelle : « confier à la Selarl [Z]-[M], en la personne de l'un de ses associés en qualité de mandataire de justice, la mission prévue l'ordonnance du 28 juillet 2023, qu'elle exécutera dans les termes prévues par ladite ordonnance, sous astreinte provisoire de 100.000 euros par jour de retard et par élément manquant ou incomplet à compter de 48 heures après la signification de l'ordonnance à intervenir » ;

condamner la société HSMC à lui verser la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société HSMC aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel, de surcroît dans des secondes conclusions, sont irrecevables ; que M. [J], qui n'est pas un de ses salariés, ne s'est pas opposé aux mesures de l'ordonnance mais a indiqué, à raison, ne pas entrer dans le périmètre de la mesure ; que les trois lieux visés par l'ordonnance ont été visités ; que Me [Z] n'a pas sollicité la remise de documents ; qu'il n'y a donc pas de refus de transmission ; qu'elle conteste le fait que certaines des personnes visées soient ses salariés ou dirigeants. Elle rappelle que la mesure d'instruction a été écartée s'agissant de M. [H] [L] [T] [R].

Elle allègue que l'exécution d'une mesure d'instruction sur le territoire d'un autre Etat, requiert l'accord de ce dernier, même si elle est faite à distance ; qu'une telle mesure est régie par un Règlement (UE) ; que la mesure porte sur des biens, documents et informations situés à l'étranger ; que l'ordinateur de M. [J] était situé au Luxembourg.

Elle soutient que les nouvelles demandes constituent des mesures d'instruction complémentaires ; qu'en tant que demandes nouvelles, elles doivent remplir les conditions de l'article 145 du code de procédure civile relatives au motif légitime ; qu'en l'espèce, elles sont inutiles ; que la société HSBC n'est pas légitime à chercher à obtenir des preuves de sa propre implication alléguée dans le Projet [Adresse 3] ; que ni la société HSMC ni M. [P] qui n'ont joué le moindre rôle dans ce projet.

Elle considère que la société HSMC n'apporte pas d'indices suffisants de ses allégations ; qu'aucun fait précis n'est avancé et que les mesures d'instruction réclamées sont illicites.

Elle soutient que les mesures demandées sont très vastes ; qu'il n'y a pas de mots-clés permettant un rattachement des éléments à saisir au Projet [Adresse 3] ; que les adresses mails concernent des personnes qui ne sont ni dirigeantes ou employées de la société Constellation [Localité 8] ; que la société HSMC se livre à une véritable « Fishing expedition » en visant des personnes sans lien avec elle et tente de détourner la procédure. Elle considère que l'astreinte réclamée est disproportionnée.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2024.

SUR CE,

A titre liminaire, il sera relevé que l'ordonnance entreprise a ordonné un « sursis à statuer » après avoir expressément débouté la société HSMC de ses demandes. Le premier juge a d'ailleurs statué sur les dépens et les frais irrépétibles, vidant ainsi sa saisine, ce qui n'est pas compatible avec le sursis qu'il a indiqué prononcer.

La société HSMC sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et des mesures d'injonction, sous astreinte.

En tout état de cause, par arrêt de ce jour, la présente cour confirme l'ordonnance du 12 janvier 2024 en ce qu'elle a ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2023. Il en résulte que le sort de cette ordonnance n'est plus un motif de sursis.

Il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à sursis à statuer.

L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Pour apprécier la réalité du trouble ou du risque allégué, la cour d'appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue. (Civ. 2e, 4 juin 2009, pourvoi n° 08-17.174).

En revanche, tant en première instance qu'en appel la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle elle prononce sa décision. (Civ. 2e, 23 oct. 1990, pourvoi n° 88-12.837).

En l'espèce, à la date où le premier juge a statué, aucune rétractation de l'ordonnance sur requête n'était intervenue.

L'obstruction à des mesures imparties par une ordonnance, si elle est démontrée, constitue un trouble manifestement illicite.

Le premier juge a rejeté les demandes de la société HSMC relevant qu'aucun collaborateur de la société Constellation [Localité 8] ne se trouvait en France, que M. [J], visé par l'ordonnance et joint par téléphone, s'est dit basé au Luxembourg et qu'il n'était pas possible, compte tenu des termes de l'ordonnance de mener des investigations dans cet Etat.

Le procès-verbal de constat daté des 14 et 15 septembre 2023 relate que le commissaire de justice (Maître [Z] de la Selarl [Z]-[M]) s'est rendu au siège social de la société Constellation [Localité 8] ([Adresse 10], Hôtel du [6]). Il intervenait concomitamment avec deux autres commissaires de justice qui se sont déplacés dans les bureaux de Constellation [Localité 8] et Vinci Immobilier sur le Projet [Adresse 3] ([Localité 9]). Un quatrième commissaire de justice s'est rendu à l'adresse de Vinci Immobilier à [Localité 4] (92).

Maître [Z] expose avoir rencontré Mme [V] qui se présente comme responsable financière au sein de la société « Constellation Hôtel [6] » puis Mme [O], directrice générale de l'Hôtel [6] qui déclare travailler pour le groupe Hyatt et les équipes en place pour la société Constellation Hôtel [6].

« Madame [O] déclare que le siège social de la société SAS CONSTELLATION [Localité 8] est bien à cette adresse, qu'aucun collaborateur de cette structure n'est présent ce jour, ou habituellement à cette adresse. Elle déclare que le référent pour cette structure est Monsieur [I] [J], Directeur financier du Groupe Constellation. Elle précise avoir tenté de le joindre sur son mobile, sans succès, et lui avoir d'ores et déjà adressé un courriel afin de l'informer de ma présence.

Interrogée sur une adresse d'exploitation de la société CONSTELLATION [Localité 8], elle fait état d'un bureau utilisé par Monsieur [I] [J] au sein de l'hôtel [5], [Adresse 11].

Madame [O] me communique le numéro de mobile et l'adresse de messagerie de Monsieur [J]. »

Le commissaire de justice a constaté sur le poste de Mme [O], comme sur le poste de Mme [V] une unique adresse professionnelle avec le nom de domaine @hotel[6].com.

Il poursuit :

« A 10 heures 56 minutes, Monsieur [J] appelle Madame [O] sur son mobile, je suis mis en relation avec ce dernier dans le bureau de la directrice.

Une fois en ligne, je décline mes noms, prénoms, qualité et l'objet de ma visite.

Monsieur [J] confirme que je me trouve bien au siège social de la société CONSTELLATION [Localité 8], que personne de la société n'est présent à cette adresse et qu'il est bien l'interlocuteur dédié, confirmant appartenir à la structure visée par la mesure de constat.

Interrogé sur une adresse d'exploitation de la société, il déclare que le projet de cette société est la construction d'un hôtel [Adresse 3], qu'aucun collaborateur de cette structure n'est ce jour présent en France, qu'il se trouve lui-même basé au Luxembourg, m'informe de son passage à [Localité 8] ce mardi 19 septembre 2023. »

Le commissaire de justice a adressé par courriel à M. [J] la copie du titre fondant la mesure et le désignant, ce même jour. Par téléphone, le commissaire de justice a rappelé à M. [J] notamment le caractère coercitif de la mesure s'inscrivant dans un cadre judiciaire.

« Monsieur [J] confirme à ma demande avoir pris acte des points rappelés ci-dessus.

Je demande à Monsieur [J] de donner la main à distance à son outil informatique professionnel afin que Monsieur [F] puisse débuter les investigations, sous mon contrôle.

Il déclare qu'en sa qualité de directeur financier du groupe CONSTELLATION, il n'a pas de raison de déférer à l'ordonnance et de répondre à mes questions, qu'il n'est qu'un " simple employé ", pas un " homme de droit ", sans pouvoir d'accepter cette mesure.

Il déclare qu'il va en référer aux conseils de la société CONSTELLATION [Localité 8] ; je l'invite à nouveau à le faire sans délai, et lui propose de nous rappeler dans une heure, ce qu'il refuse.

Il déclare que les conseils de la société vont revenir directement vers moi. Je lui demande si un délai peut être acté, il ne le souhaite pas.

J'invite Monsieur [J] à revoir sa position et à me recontacter dans la journée, sans quoi une opposition à la mesure de constat devra être constatée.

Monsieur [J] interrogé, ne fait état d'aucune autre personne pouvant faire l'objet d'une investigation ou d'un lieu où serait installé la société CONSTELLATION [Localité 8]. »

Le commissaire de justice a adressé un courriel au représentant légal de la société Constellation France, M. [Y], dans lequel il expose que M. [J] bien que confirmant son appartenance à la structure visée, a refusé de donner accès à ses outils professionnels.

Le 15 septembre 2023, le commissaire de justice a constaté qu'il n'avait été destinataire d'aucun retour de la part de la société Constellation [Localité 8] et d'aucune manifestation d'un éventuel conseil.

Il est apparu que Mmes [O] et [V] n'étaient pas concernées par les mesures d'instruction de sorte qu'il n'y avait pas lieu de leur laisser copie de l'ordonnance. En revanche, la copie de l'ordonnance a été adressée à MM [J] et M. [Y].

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le constat d'huissier met en évidence qu'aucun collaborateur de la société Constellation [Localité 8] ne se trouvait en France et M. [J] s'est dit au Luxembourg. Cependant si l'adresse courriel visée par l'ordonnance est « [Courriel 12] », la société Constellation [Localité 8] ne justifie pas qu'il n'avait pas qualité à la représenter et qu'il se trouvait effectivement au Luxembourg. La seule attestation de M. [J] est insuffisante pour l'établir.

Ce dernier a indiqué lui-même qu'il était « un simple salarié » et qu'il était bien « l'interlocuteur dédié, confirmant appartenir à la structure visée par la mesure de constat ».

Il existe donc une obstruction à la mesure d'instruction constitutif d'un trouble manifestement illicite, le bienfondé ou non de l'ordonnance - le motif légitime est discuté - étant indifférent pour faire ce constat.

Cependant, l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris en date du 12 janvier 2024 a été confirmée par un arrêt de la présente cour d'appel de ce jour en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 28 juillet 2023 qui fonde les mesures d'instruction litigieuses.

Or, la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle elle prononce sa décision.

L'objet du présent litige est circonscrit à la seule question de la mise en 'uvre des mesures d'instruction qui avaient été autorisées par cette ordonnance. Il ne peut conduire à statuer sur le motif légitime des mesures, qui fait l'objet d'une instance distincte, en référé-rétractation.

Il ne saurait, par conséquent, être fait injonction à la société Constellation France d'exécuter ladite ordonnance en remettant, sous condition d'astreinte, les éléments visés par une décision qui n'a plus d'existence juridique et qui ne peut plus produire aucun effet. La cour ne peut davantage confier au commissaire de justice des missions supplémentaires au titre de cette ordonnance et visant notamment à établir que la société Constellation [Localité 8] aurait pu effacer des données, l'ensemble de ces demandes est nécessairement devenu sans objet.

Aucune mesure de remise en état ou conservatoire au sens de l'article 873 du code de procédure civile ne peut plus prospérer.

Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société HSMC de ses demandes, les motifs de la cour se substituant à ceux du premier juge.

Le sens de la présente décision conduit à infirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise au titre des dépens.

La société Constellation [Localité 8] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, compte tenu de la reconnaissance d'un trouble manifestement illicite, mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a condamné la société Hume Street Management Consultants Limited au titre des dépens et ordonné un sursis à statuer ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

Déboute la société Hume Street Management Consultants Limited de ses demandes ;

Condamne la société Constellation [Localité 8] aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/18196
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.18196 ?
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