RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 30 MAI 2024
(n° , 18 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20674 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG2SY
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 22/00037
APPELANT
EPFIF - ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE
[Adresse 9]
[Localité 12]
représenté par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07 substitué à l'audience par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
INTIMÉS
Monsieur [G] [J]
[Adresse 2]
[Localité 14]
comparant en personne, représenté à l'audience par Me Délia PERALTA-LEQUERRE de l'ASSOCIATION PERALTA-LEQUERRE-DERBISE, avocat au barreau du VAL-DE- MARNE, toque : PC 98
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Monsieur [L] [O], en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Marie MONGIN, Conseillère
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par arrêté n°2021/03515 du 1er octobre 2021, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique au titre de la résorption de l'habitat insalubre l'acquisition par l'Établissement Public Foncier d'Île-de-France (EPFIF) de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5].
Par arrêté n°2021/03515 du 1er octobre 2021, le préfet du Val-de-Marne a déclaré cessible au profit de l'EPFIF l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5].
La parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5] sise [Adresse 11], est d'une superficie de 795 m². Elle supporte un immeuble à usage mixte en copropriété édifié en R+3 en 1900. L'immeuble a fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant déclaration d'insalubrité avec impossibilité d'y remédier et d'un arrêté municipal de péril imminent du 18 août 2016 portant interdiction définitive d'habiter. Le bien est fermé, muré.
Est notamment concerné par l'opération, M. [G] [J], en tant que propriétaire des lots 49, 44, 52 et 36 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5].
Faute d'accord sur l'indemnisation, M. [G] [J] a saisi le juge de l'expropriation de Créteil par courrier du 23 décembre 2021, reçu par le greffe le 27 décembre 2021.
Par jugement contradictoire du 25 août 2022, après transport sur les lieux le 17 mai 2022, le juge de l'expropriation de Créteil a :
Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 17 mai 2022 ;
Fixé la date de référence au 17 décembre 2015 ;
Évalué le bien selon la méthode de la récupération foncière ;
Retenu une valeur unitaire du terrain nu de 2.600 euros/m² ;
Fixé à la somme de 195.806,70 euros le prix de dépossession du bien appartenant à M. [G] [J], correspondant aux lots 49, 44, 52 et 36 et les 97/1.000èmes des parties communes de la copropriété située [Adresse 11]) sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5], d'une superficie globale de 795 m² ;
Condamné l'EPFIF à verser à M. [G] [J] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné l'EPFIF aux dépens ;
Rejeté toutes les autres demandes des parties.
L'EPFIF a interjeté appel du jugement le 20 septembre 2022 sur la détermination de la valeur du terrain à retenir pour la fixation de l'indemnité principale et sur la prise en compte des frais de démolition à déduire dans le cadre de l'application de la méthode d'évaluation par la récupération foncière.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
1/ adressées au greffe le 16 décembre 2022 par l'EPFIF, notifiées le 04 janvier 2023 (AR intimé le 09 janvier 2023 et AR CG le 09 janvier 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Juger l'EPFIF recevable et bien fondé en son appel du jugement du 25 août 2022 (RG n°22/00037) ;
Y faisant droit, infirmer le jugement du 25 août 2022 ;
En conséquence, fixer l'indemnité à revenir à M. [G] [J] pour la dépossession des lots 36, 44, 49, 52 dépendant de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] comme suit :
Indemnité principale (méthode de la récupération foncière)
(795 m² × 1.400 euros/m² ' 241.256 euros) × 97/1.000 = 84.559,16 euros
Indemnités accessoires
Frais de remploi
20% sur 5.000 euros = 1.000 euros
15% sur 10.000 euros = 1.500 euros
10% sur 69.559,16 euros = 6.955,91 euros
Total remploi: 9.455,91 euros
Total général: 94.015,07 euros.
5.000 euros = 1.000 euros
15% sur 10.000 euros = 1.500 euros
10% sur 69.559,16 euros = 6.955,91 euros
Total remploi: 9.455,91 euros
2/ adressées via le RPVA au greffe avec les pièces par M. [G] [J], intimé, les 10 mars 2023 et 14 mars 2023, et déposées au greffe pour notification le 24 mai 2023, notifiées le 24 mai 2023 (AR appelant le 25 mai 2023 et AR CG le 30 mai 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Débouter l'EPFIF de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 août 2022 par le juge de l'expropriation près le tribunal judiciaire de Créteil ;
Et y ajoutant,
Condamner l'EPFIF à verser à M. [G] [J] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner l'EPFIF aux entiers dépens en cause d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui seront recouvrés par Me Peralta Lequerre conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
3/ adressées au greffe le 17 mars 2023 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 04 avril 2023 (AR appelant le 05 avril 2023 et AR intimé le 06 avril 2023), aux termes desquelles, il forme appel incident et demande à la cour de :
Fixer à la somme de 170.653 euros l'indemnité due à M. [G] [J] pour la dépossession des lots 36, 44, 49 et 52 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5], décomposée comme suit :
154.230 euros au titre de l'indemnité principale
(795 m² × 2.000 euros/m² × 97/1.000),
16.423 euros au titre de l'indemnité de remploi.
L'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2024.
En raison de l'envoi par RPVA par M. [J] de ses conclusions et pièces les 10 mars 2023 et 14 mars 2023 et de leur dépôt au greffe le 24 mai 2025 soit au-delà du délai de 3 mois fixé par l'article R311-26 du code de l'expropriation, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 4 avril 2024 pour respecter le principe du contradictoire en invitant les parties à conclure sur les modalités de dépôt des conclusions et pièces au greffe de la cour en procédure d'expropriation.
4/déposées au greffe par M. [J] le 21 décembre 2023 notifiées le 26 décembre 2023 (AR appelant du 29 décembre 2023 et AR CG) aux termes desquelles il demande à la cour de :
'déclarer recevable ses écritures du 10 mars 2023 ;
'débouter l'EPFIF de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
en conséquence,
'confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 août 2022 par le juge de l'expropriation près le tribunal judiciaire de Créteil ;
Et y ajoutant,
'condamner l'EPFIF à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamner l'EPFIF aux entiers dépens en cause d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui seront recouvrés par Maître Peralta Lequerre conformément article 600 du code de procédure civile.
5/adressées par l'EPFIF le 11 mars 2024 notifiées le 12 et 19 mars 2024 (AR intimé le 15 mars 2024 et AR CG le 26 mars 2024) aux termes desquelles, il demande à la cour de : juger irrecevable le mémoire en réponse et les pièces de l'intimé notifiées par RPVA les 10 et 14 mars 2023 et déposées au greffe de la cour le 24 mai 2023 ;
Juger l'EPFIF recevable et bien fondé en son appel du jugement du 25 août 2022 (RG n°22/00037);
Y faisant droit, infirmer le jugement du 25 août 2022 ;
En conséquence, fixer l'indemnité à revenir à M. [G] [J] pour la dépossession des lots 36, 44, 49, 52 dépendant de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 11] comme suit :
Indemnité principale (méthode de la récupération foncière)
(795 m² × 1.400 euros/m² ' 241.256 euros) × 97/1.000 = 84.559,16 euros
Indemnités accessoires
Frais de remploi
20% sur 5.000 euros = 1.000 euros
15% sur 10.000 euros = 1.500 euros
10% sur 69.559,16 euros = 6.955,91 euros
Total remploi : 9.455,91 euros
Total général : 94.015,07 euros.
EXPOSÉ DES MOYENS DES PARTIES :
L'EPFIF fait valoir que :
Concernant la description des biens, la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5], d'une superficie de 795 m² sise [Adresse 11], supporte un immeuble soumis au statut de la copropriété en R+3. L'ensemble est muré et inaccessible. M. [G] [J] est propriétaire des lots 39, 44, 49 et 52. Les lots 39 et 52 sont des locaux commerciaux en rez-de-chaussée. Le lot 44 est un logement au premier étage. Le lot 29 est un logement au troisième étage.
Concernant la situation d'occupation, les locaux sont libres de toute occupation.
Concernant la situation d'urbanisme, elle doit être déterminée en application des dispositions des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l'urbanisme. En l'espèce, le plan d'urbanisme de la commune du [Localité 16] a fait l'objet d'une révision approuvée le 17 décembre 2015. Il est entré en vigueur le 21 janvier 2016. S'agissant de la situation d'urbanisme à la date de référence, la zone UCa est un secteur mixte à dominante d'habitat collectif et d'activités.
Concernant la méthode d'évaluation, l'immeuble objet de l'expropriation a fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant déclaration d'insalubrité avec impossibilité d'y remédier (Pièce 4A) et d'un arrêté de péril imminent du 18 août 2016 portant interdiction définitive d'habiter (Pièce 5A). En application de l'article L.511-6 du code de l'expropriation, seule la méthode d'évaluation dite par la récupération foncière peut trouver à s'appliquer en l'espèce. Il est par ailleurs de jurisprudence constante qu'en pareil cas, l'évaluation doit tenir compte du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations.
Concernant la valeur du terrain, le premier juge s'est déterminé en fonction des références proposées par l'exproprié, lesquelles ne sont pas constitutives de mutations effectives ou de décisions judiciaires définitives mais sont tirées d'un site internet ne mentionnant que des valeurs moyennes de prix de vente (Pièce 6A), et en fonction des références proposées par le commissaire du gouvernement, alors que ces dernières ne peuvent pas être admises dans la mesure où elles concernent des cessions de droits à construire et non pas exclusivement des cessions de terrains à bâtir comme en l'espèce. Sur ce dernier point, la jurisprudence est constante (CA Paris 15/01398, 14/03651 , CA [Localité 18] 15/00765), puisque les droits à construire augmentent artificiellement la valeur du terrain en intégrant de nombreux coûts à la charge du constructeur. Cette analyse est validée par la doctrine (AJPI, 10 juin 1992, P. 432) et par la cour d'appel de Paris (CA Paris 17/10860, 18/02112, 20/08801). Le jugement entrepris devra donc être infirmé. En l'absence de cessions de terrains à bâtir sur la commune du [Localité 16], trois termes de comparaison correspondant à des cessions de terrains situés sur les communes de [Localité 19] et de [Localité 15] sont produits. La moyenne s'établit à 1.349 euros/m². Elle est en corrélation avec l'évaluation de la parcelle expropriée par la Direction nationale d'interventions domaniales, qui l'estimait à 1.400 euros/m² (Pièce 7A). Sur la base de cette dernière valeur, l'indemnité principale s'élève à 1.113.000 euros (795 m² × 1.400 euros/m²). Il sera déduit de ce montant le coût de démolition des constructions, soit 241.256 euros HT hors provisions pour désamiantage chiffré à hauteur de 87.451 euros HT (Pièce 8A). La valeur du terrain s'établit donc à 871.744 euros (1.113.000 euros ' 241.256 euros). L'indemnité principale à revenir à l'exproprié sera fixée au prorata des tantièmes de copropriété dont il est détenteur, à savoir 97/1.000èmes des parties communes générales de l'immeuble. L'indemnité principale doit être fixée à 84.559,16 euros (871.744 × 97/1.000). L'indemnité de remploi doit être fixée à 9.455,91 euros.
Dans son mémoire récapitulatif et en réplique, l'EPFIF demande à titre principal de juger irrecevables le mémoire en réponse et les pièces des intimés notifiés par RPVA les 10 et 14 mars 2023 déposées au greffe de la cour le 24 mai 2023.
Il indique qu'au regard des articles R311-26 et R311-30 du code de l'expropriation et de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère de manière constante que, faute de notification des conclusions par dépôt au greffe ou par lettre recommandée avec accusé de réception, c'est-à-dire dans les formes requises, celles-ci sont irrecevables (Civile, 3ème, 23 décembre 2020, n° 19-16092) ; que la Cour de Cassation avait déjà précisé que l'irrespect des formes de notification requises par l'article R311-26 précité, c'est à dire la notification par voie électronique, devait être interprété, non pas comme un vice de forme, mais comme un défaut de production des conclusions (2ème civile, 24 décembre 2015, n° 13-28017).
En outre, la formulation des dispositions de l'article R311-26 précité, est demeurée inchangée depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 rendant obligatoire la représentation par avocat en matière d'expropriation, implique nécessairement que les parties adressent matériellement au greffe leurs conclusions et documents qu'ils entendent produire, en tirage sur papier, afin qu'ils puissent être notifiés par le greffe, l'exemplaire surnuméraire étant destiné à la cour.
Nonobstant la représentation par avocat devenue obligatoire en matière d'expropriation, la solution jurisprudentielle consacrée par la Cour de Cassation ne peut donc que persister; plusieurs cours d'appel ont statué en ce sens (cour d'appel de Poitiers, 15 mars 2022, RG n° 21-00004, cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2022, RG n° 22-05518, cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3 juin 2021, RG n°19-00064 et cour d'appel de Paris RG n° 22-10309).
À titre subsidiaire, l'EPFIF conclut dans les mêmes termes que dans son mémoire initial.
M. [G] [J] rétorque que :
Concernant l'historique de la copropriété, il est rappelé que l'EPFIF était déjà propriétaire de 518/1.000èmes de l'immeuble en 2008. L'immeuble a fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable du 20 septembre 2010. Depuis cette date, les copropriétaires sont empêchés d'entretenir et de louer l'immeuble. Des squatteurs se sont installés sans que l'EPFIF n'engage les travaux de sécurisation comme il s'y était engagé en assemblée générale (Pièces 12I, 20I). Les copropriétaires, dont M. [G] [J], continuent d'assumer les frais de sécurisation de l'immeuble et se voient réclamer des charges d'eau incompréhensibles.
Concernant l'indemnité principale, l'immeuble se trouve en centre-ville, lequel est parfaitement équipé en moyens de communication et où va s'ouvrir une autre station de métro près de l'hôpital. La parcelle expropriée a une surface de 795 m² dont 94 m² de terrain nu. Les parties s'accordent sur le recours à la méthode de la récupération foncière pour évaluer le montant de l'indemnité d'expropriation. Aujourd'hui, le prix unitaire moyen des immeubles au [Localité 16] se situe à 6.488 euros/m² (Pièce 23I). S'agissant des terrains, le prix unitaire moyen se situe entre 2.961 euros/m² et 4.006 euros/m² (Pièce 24I). Le prix de 2.600 euros/m² retenu par le premier juge est donc raisonnable. La parcelle serait ainsi valorisée à 1.825.744 euros, déduction faite du montant du seul devis communiqué par l'EPFIF pour la démolition des trois étages, à savoir 241.256 euros. La confirmation du jugement entrepris est demandée.
Concernant l'indemnité de remploi, conformément à la jurisprudence, elle s'élève à 18.709,70 euros.
Concernant les frais irrépétibles et les dépens, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [G] [J] l'intégralité des frais de défense qu'il se voit contraint d'exposer en cause d'appel. Aussi, M. [G] [J] sollicite la condamnation de l'EPFIF à lui verser une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, il sollicite la condamnation de l'EPFIF aux entiers dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Dans son mémoire en réponse n° 2, M. [J] demande de déclarer recevables ses écritures du 10 mars 2023.
Il indique que suite à l'appel formé le 20 décembre 2022 par l'EPFIF, il a constitué avocat selon acte régularisé par RPVA, puisque le greffe de la chambre des expropriations de la cour d'appel de Paris dispose d'une adresse électronique sur le RPVA ; puis, le 10 mars 2019, dans les 3 mois des conclusions de l'appelant, le conseil de M. [J] a adressé par RPVA le mémoire en réponse au soutien des intérêts de M. [J] et le greffe en a accusé réception par la même voie le même jour ; le 14 mars 1023, les pièces de l'intimé été communiquées par RPVA à l'avocat de l'appelant, faisant parallèlement l'objet d'une transmission au greffe par RPVA également ; le 14 mars 2023, le conseil de M. [J] a adressé, par la voie postale, à M. le commissaire du gouvernement le mémoire en réponse ainsi que les pièces versées aux débats ; à la suite d'un appel téléphonique 19 mai 2023 de Madame le greffier, l'avocat de M. [J] a déposé le 24 mars 2023 audit greffe, son mémoire en réponse et les pièces avec le bordereau.
L'ensemble de cette procédure est parfaitement contradictoire ; les écritures de M. [J] du 10 mars 2023 sont donc parfaitement recevables, puisque déposées au greffe et dénoncées au conseil de l'appelant dans le délai de 3 mois conformément à l'article 930-1 du code de procédure civile ; de même, l'arrêté du 20 mai 2005 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, en son article 2, dispose que tous les envois, remises et notifications mentionnées à l'article 748-1 du code de procédure civile peuvent s'effectuer par voie électronique devant les cours d'appel, aussi bien lorsque la procédure est avec représentation obligatoire que quand elle est sans représentation obligatoire.
Dans son arrêt du 20 mai 2021, la cour d'appel de Paris a jugé désormais recevables les conclusions notifiées exclusivement par RPVA.
De même, un arrêt du 21 juin 2023 de la chambre de l'expropriation de cour d'appel de Toulouse a adopté les mêmes motifs pour déclarer recevables les conclusions déposées par RPVA dans le contentieux de l'indemnisation d'expropriation en appel.
D'ailleurs, l'appelant n'a pas contesté la recevabilité des écritures de M. [J].
Il en résulte que dans la constitution de maître [I] [T] régularisée le 19 janvier 2023 pour représenter M. [J] devant la cour ainsi que le mémoire en réponse 10 mars 2023 et la communication de pièces du 14 mars 2023, via le RPVA sont parfaitement recevables.
Il conclut au fond dans les mêmes termes que dans ses conclusions déposées au greffe le 24 mai 2023.
Le commissaire du gouvernement conclut que :
Concernant la description du bien exproprié, la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] sise [Adresse 11] est d'une superficie de 795 m². Elle supporte un immeuble en copropriété à usage d'habitation édifié en R+3 en 1900. Les lots expropriés sont les lots 36, 44, 49 et 52, soit 97/1.000èmes des parties communes. Le lot 49 correspond à un appartement situé au troisième étage d'une surface de 15 m². Le lot 44 correspond à un appartement situé au premier étage d'une surface de 24 m². Le lot 52 correspond à une boutique située au rez-de-chaussée d'une surface de 17 m². Le lot 36 correspond à une boutique située au rez-de-chaussée d'une surface de 44 m². S'agissant de la situation locative, le bien est libre d'occupation.
Concernant la date de référence, en application des articles L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-6 du code de l'urbanisme, il s'agit du 17 décembre 2015, date à laquelle le document d'urbanisme applicable à la zone a été approuvé et modifié par délibération du conseil municipal.
Concernant la situation au regard de la réglementation d'urbanisme, la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 5] est située en zone UCa du plan local d'urbanisme à la date de référence. Il s'agit d'un secteur mixte à dominante d'habitat collectif et d'activités. Au sein de sous-secteur, l'îlot délimité par les rues du Général Leclerc, [V] et de la Convention fait l'objet d'une orientation d'aménagement et de programmation.
Concernant la proposition des termes de comparaison, le bien qui est dans un état très insalubre a fait l'objet d'un arrêté municipal portant déclaration de péril imminent avec interdiction d'habiter l'immeuble. Il est donc proposé d'utiliser la méthode de la récupération foncière. Les deux termes de comparaison produits portent sur des mutations de terrain à bâtir sur la commune du [Localité 16] en zone UCb, zone similaire à la zone UCa. La moyenne des deux termes de comparaison s'établit à 1.854 euros/m². Il est précisé que ces deux termes de comparaison comprennent des droits à construire doivent être retenus en raison de la rareté des mutations de terrain à bâtir. Compte tenu de l'ancienneté du terme de comparaison le plus comparable, il est proposé de retenir une valeur unitaire de 2.000 euros/m². Les coûts de démolition ne seront pas calculés étant donné que les deux termes de comparaison portent sur des terrains supportant des constructions destinées à la démolition.
Concernant les termes de comparaison de l'expropriant en appel, l'étude de marché présente des termes de comparaison très éloignés qui se situent dans des communes différentes dont le marché répond à une toute autre dynamique. Ces termes ne doivent donc pas être retenus.
Concernant les termes de comparaison de l'exproprié en première instance, aucun terme de comparaison n'était proposé.
Les dispositions de l'article L.511-6 du code de l'expropriation sont reproduites pour justifier le recours à la méthode de la récupération foncière.
L'indemnité principale s'élève à 154.230 euros (795 m² × 2.000 euros/m² × 97/1.000), étant précisé que M. [G] [J] est propriétaire des 97/1.000èmes des parties communes générales de l'immeuble.
L'indemnité de remploi s'élève à 16.423 euros (20% × 5.000 euros + 15% × 10.000 euros + 10% × 139.230 euros).
SUR CE, LA COUR
- Sur la recevabilité des conclusions et pièces
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 20 septembre 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce, les conclusions de l'EPFIF du 16 décembre 2022 et du commissaire du gouvernement du 17 mars 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.
Conformément à l'article R311-26 du code de l'expropriation, la cour a soulevé d'office l'irrecevabilité des conclusions et pièces adressées par RPVA par M. [J] les 10 mars 2023 et 14 mars 2023 et des conclusions déposées au greffe hors délai le 24 mai 2023, renvoyé l'affaire à l'audience du 4v avril 2024 en invitant les parties à conclure sur les modalités de dépôt des conclusions et pièces au greffe de la cour en matière d'expropriation.
Les conclusions de M. [J] du 21 décembre 2003 sont recevables en ce qui concerne ses moyens invoqués au titre de la recevabilité de ses écritures du 10 mars 2023 et de l'EPFIF du 11 mars 2024 en ce qui concerne à la fois les moyens invoqués au titre de l'irrecevabilité des écritures et pièces de M. [J] et au titre de ses demandes au fond, puisque celle-ci sont identiques à celles présentées dans le délai légal le 16 septembre 2022.
M. [J] indique exactement que la cour dispose d'une adresse électronique, qu'il a pu constitué avocat selon acte régularisé par RPVA le 19 janvier 2023 et qu'il a reçu un accusé de réception indiquant que sa constitution avait été traitée ; en effet, alors que la procédure était sans représentation obligatoire, la Cour de cassation par arrêts des 10 novembre 2016, 2° civ, n° 15-25431, 19 octobre 2017, 2° civ, n° 16-24234, et 23 septembre 2020, 3° civ, n°19-16092 a jugé que si aucune disposition du code de l'expropriation n'exclut, devant la cour d'appel, la faculté pour les parties d'effectuer par voie électronique l'envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l'article 748-1 du code de procédure civile, cette faculté est subordonnée, en application de l'article 748-6 du même code de procédure civile, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité du document ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et permettant la date certaine des transmissions ; que les dispositions liminaires, claires et intelligibles, de l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, ne fixent une telle garantie que pour l'envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d'appel, de l'acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l'exclusion des écritures des parties ; que cette restriction est conforme aux exigences du procès équitable dès lors que, répondant à l'objectif de sécurisation de l'usage de la communication électronique, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas la possibilité d'en adresser au greffe le mémoire prévu par l'article R 13-49(devenu l'article R311-26) du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable dans les conditions fixées par ce texte.
Un décret N°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a modifié l'article R311-9 alinéa 2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, pour les instances, comme en l'espèce, introduites à compter du 1er janvier 2020" : les parties sont tenues de constituer avocat. L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration', soit une procédure avec représentation obligatoire.
L'article R311-27 du code de l'expropriation, également modifié par ce décret, étend cette règle à la procédure devant la cour d'appel.
Un arrêté du 20 mai 2020 comme invoqué par M. [J] est également intervenu relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel.
L'article 930-1 du code de procédure civile, applicable à la procédure avec représentation devant la cour d'appel, dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.
Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
L'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant les cours d'appel prévoit désormais en son article 2 que lorsqu'ils sont effectués par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, ou entre le ministère public et un avocat, ou entre le ministère public et la juridiction, dans le cadre d'une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d'appel ou son premier président, les envois, remises et notifications mentionnées à l'article 748-1 du code de procédure civile doivent répondre aux garanties fixées par le présent arrêté ; cet arrêté, qui abroge celui du 5 mai 2010, ne s'applique plus à une liste limitative d'envois, remises et notifications, limités aux déclarations d'appel, des actes de constitution et des pièces qui leur sont associés en ce qui concernait l'ancien arrêté du 5 mai 2010.
Cependant, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, les conclusions des parties ne peuvent pas être valablement adressées au greffe de la cour d'appel par voie électronique.
En effet, l'article R311-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose toujours, que sous réserve des dispositions de la présente section et des articles R311-19, R311-22 et R312-2 applicables à la procédure d'appel, la procédure devant la cour d'appel est régie par les dispositions du titre VI du livre III du code de procédure civile.
Or, l'article R311-26 du code de l'expropriation implique que l'intimé comme l'appelant et le commissaire du gouvernement doivent déposer ou adresser matériellement au greffe leurs conclusions et les documents qu'ils entendent produire, en tirage sur papier, afin que ces conclusions et documents puissent être notifiés par le greffe, l'exemplaire surnuméraire étant destiné à la cour.
Si M. [J] indique qu'il a adressé par voie postale au commissaire du gouvernement le mémoire en réponse ainsi que les pièces versées aux débats, et a ainsi respecté le principe du contradictoire, mais outre qu'il n'en justifie pas, aucune disposition légale ne prévoit cette faculté.
La dématérialisation qui découle de l'utilisation de la voie électronique empêche en effet le greffe de disposer des conclusions et des documents en autant d'exemplaires qu'il y a de parties pour les notifier à chaque partie intéressée, et donc l'appelant, l'intimé / appelant incident et le commissaire du gouvernement en application de l'article R311-26 susvisé.
Il n'appartient pas au greffe d'imprimer les conclusions et pièces à partir d'un fichier envoyé par l'intimé.
Les termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation sont en effet demeurés inchangés depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui a modifié l'article R 311-27 du code l'expropriation pour rendre désormais obligatoire la représentation par avocat devant la cour d'appel statuant en matière d'expropriation ; l'exigence qu'il édite d'adresser au greffe de la cour, afin que celui-ci notifie les conclusions et documents, reste donc requise.
Les textes généraux de l'article 930-1 du code de procédure civile ne dérogent pas à ce texte spécial, puisque la procédure dans le contentieux de l'expropriation n'est qu'en partie une procédure avec représentation obligatoire.
En effet, ce texte est applicable seulement dans le cadre de la procédure de droit commun avec représentation obligatoire alors qu'en matière d'expropriation, la procédure est exorbitante du droit commun, l'État, les régions, les communes et leurs établissements publics pouvant se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent leur administration, qui n'ont pas accès au RPVA.
Il résulte en outre du premier alinéa de l'article R311-26 du code de l'expropriation que seuls les actes de procédure destinés à la cour doivent être remis à celle- ci par voie électronique ; que dès lors cette voie ne peut être utilisée ni pour le dépôt des exemplaires des conclusions destinées aux parties ni pour les documents produits au soutien de ces conclusions lesquels ne constituent pas des actes de procédure.
Enfin, le RPVA n'est accessible qu'aux avocats et ne peut donc être consulté par le commissaire du gouvernement.
Celui-ci n'a connaissance des mémoires et pièces des parties que suite à leur notification par le greffe en application de l'article R311-26 susvisé.
Certes, les conclusions de M. [J] ont été bien été déposées au greffe le 24 mai 2023, mais au-delà du délai trois mois.
Il n'y a pas lieu de rechercher si cette irrégularité a causé un grief à M. [J], dès lors qu'il s'agit non d'un vice de forme de la notification des conclusions faite par la voie électronique, mais de l'absence de conclusions remises au greffe dans les délais requis ; l'irrecevabilité de ces conclusions ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la sécurité et l'efficacité de la procédure d'appel. Elle n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 paragraphe premier de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
De plus, conformément à l'article R 311-24 du code de l'expropriation, le greffe a adressé le 21 décembre 2022 l'avis déclaration d'appel avec reproduction intégrale de l'article R311-26 du code de l'expropriation régissant la procédure d'expropriation en appel.
Cette règle de l'article R311-26 du code de l'expropriation est dépourvue d'ambiguïté dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire pour un professionnel averti comme un auxiliaire de justice.
Elle ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe les conclusions prévues par l'article R311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans les conditions fixées par ce texte.
En conséquence, la cour n'est pas saisie des conclusions et pièces adressées par RPVA au greffe de la cour par M. [J] les 10 mars 2023 et 14 mars 2023.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevables les conclusions et pièces de M. [J] déposées au greffe le 24 mai 2024, soit au-delà du délai légal de 3 mois, celui-ci ayant en effet signé l'accusé de réception des conclusions de l'EPFIF du 16 décembre 2022, le 9 janvier 2023.
- Sur le fond
Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L'EPFIF demande la réformation au motif que le juge de l'expropriation a commis une erreur d'appréciation de la détermination de la valeur du terrain à retenir pour la détermination d'indemnité principale et n'a pas pris en compte les frais de démolition à déduire dans le cadre de l'application de la méthode d'évaluation par la récupération foncière.
L'appel incident du commissaire du gouvernement porte sur le montant de l'indemnité de dépossession.
S'agissant de la date de référence, l'EPFIF et le commissaire du gouvernement retiennent la date fixée par le premier juge à savoir en application des articles L 213-4 et L213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, la date du 17 décembre 2015, date à laquelle le document d'urbanisme applicable à la zone a été approuvé et modifié par délibération du conseil municipal.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
À cette date, la parcelle C n° [Cadastre 5] est située en zone Uca du PLU qui correspond à un secteur mixte à dominante d'habitats collectifs et d'activités; au sein de ce sous secteur, l'îlot délimitée par les rues du Général Leclerc, [V] et de la Convention fait l'objet d'une orientation d'aménagement et de programmation.
La parcelle cadastrée C numéro [Cadastre 8] sise [Adresse 11] est d'une superficie de 795 m².
Sur cette parcelle est édifié un immeuble en copropriété à usage d'habitation en R+3 construit en 1900.
Au rez-de-chaussée se trouvent des locaux commerciaux.
Les lots expropriés sont les lots 36,44, 49 et 52 :
'lot 49 : appartement au troisième étage d'une surface de 15 m²
'lot 44 : appartement au premier étage d'une surface de 24 m²
'lot 52 : boutique en rez-de-chaussée de 17 m²
'lots 36 : boutique rez-de-chaussée de 24 m² +1 m² suite à l'agrandissement, soit 44 m², ce qui représente au total 97/1000° des parties communes générales de l'immeuble.
Le bien est libre d'occupation.
Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès -verbal de transport.
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 25 août 2022.
- Sur l'indemnité principale
1° Sur les surfaces
La superficie totale de la parcelle de 795 m² n'est pas contestée par l'EPFIF et le Commissaire du Gouvernement, ni les 35/1000 èmes.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2° Sur la situation locative
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
La fixation en valeur libre n'est pas contestée par l'EPFIF et le Commissaire du Gouvernement.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3° Sur la méthode
Le juge de l'expropriation a retenu la méthode de la récupération foncière qui vise à privilégier la valorisation du terrain sur celle de la construction ; cette méthode n'est pas contestée par l'EPFIF et le Commissaire du Gouvernement.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
L'immeuble abritant les lots a fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 20 septembre 2010 portant déclaration d'insalubrité avec impossibilité d'y remédier et d'un arrêté de péril imminent du 18 août 2016 portante interdiction définitive d'y habiter pris dans le cas des dispositions de l'article L511-2 du code de la construction et l'habitation.
Cependant, l'EPFIF demande de déduire le coût de démolition des constructions soit la somme de 241'256 euros hors taxes, ce qui sera examiné ci-après.
4° Sur les références des parties
Le premier juge a écarté les références de l'EPFIF, et au vu de la situation géographique, de la surface, de la configuration de l'ensemble immobilier, et au regard des éléments de plus-value et moins-value, a revu à la hausse l'évaluation en fixant une valeur de 2 600 euros/m².
Le jugement ne permet pas de connaître les termes retenus, ni les éléments de plus-value et de moins-value.
L'EPFIF demande l'infirmation en demandant de retenir une valeur de 1 400 euros/m² et de déduire les frais de démolition pour un montant de 241'256 euros.
Il indique que le tribunal a retenu les références proposées par l'exproprié, lesquelles ne sont pas constitutives de mutations effectives ou de décisions judiciaires définitives mais sont tirées du site « consortiumimmobilier.fr », puisqu'elles ne mentionnent que des valeurs moyennes de prix de vente (pièce n°6) ainsi que les deux références proposées par le commissaire du gouvernement qui correspondent à celles proposées par le commissaire du gouvernement en appel.
Le commissaire du gouvernement demande l'infirmation et de retenir une valeur unitaire de 2 000 euros/m².
Il convient en conséquence d'examiner les références de l'EPFIF et du Commissaire du Gouvernement :
A Les références de l'EPFIF
Il indique que les recherches qu'il a effectuées ne lui ont pas permis de connaître de références portant sur des cessions de terrains nus répondant à la qualification de terrain à bâtir sur le territoire de la commune du Kremlin Bicêtre ; il propose des cessions portant sur les communes limitrophes, dont la localisation est tout aussi avantageuse que la parcelle litigieuse avec les références de publication :
N° du terme
Date
de vente
Adresse
Surface terrain/m²
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
T1
1er juillet 2015
[Adresse 7]
[Localité 19]
405
520'000
1284
situé à proximité immédiate de la gare métro de [Localité 19]
T2
4 juin 2015
[Adresse 6]
153
285'000
1863
T3
3 mai 2018
[Adresse 10]
200
190'000
900
Le commissaire du gouvernement indique que cette étude de marché présente des termes de comparaison très éloignés qui se situent dans des communes différentes dont le marché répond à une toute autre dynamique et il demande donc de les écarter.
L'étude de ces références sera étudiée ci-après, après examen des références du commissaire du gouvernement.
B les références du commissaire du gouvernement
Il propose deux termes de comparaison avec les références de publication portant sur des mutations de terrain à bâtir sur la commune du [Localité 16] en zone Ucb, zone cadastrale similaire :
N° du terme
Date de vente
Adresse
Superficie/m²
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
CG1
16 novembre
2016
[Adresse 3]
499
1'100'000
2204
terrain sur lequel figurent des constructions destinées à être démolies par l'acquéreur en vue de la réalisation d'une opération de construction à usage d'habitation
CG2
16 novembre 2016
[Adresse 4]
715
1'075'000
1503
terrain sur lequel figurent des constructions destinées à être démolies par l'acquéreur en vue de la réalisation d'une opération de construction à usage d'habitation
moyenne
1854
médiane
1854
Le commissaire du gouvernement indique que compte tenu de la rareté des mutations de terrain à bâtir sur la commune du [Localité 16], l'étude de marché porte sur des mutations relativement anciennes mais qui seront revalorisées ; qu'il convient de préciser que les termes de comparaison comprennent des droits à construire, que cependant, étant donné la saturation du marché immobilier et la proximité du bien avec la commune de [Localité 17], ces termes de comparaison doivent être retenus.
Il ajoute que la mutation portant sur un terrain de 715 m² est privilégiée puisque se rapprochant davantage, dans sa consistance, au bien à évaluer et que compte tenu de l'ancienneté de ce terme, il propose de retenir une valeur unitaire moyenne de 2 000 euros.
Il indique enfin que les coûts de démolition ne seront pas calculés étant donné que les deux termes de comparaison portent sur des terrains supportant des constructions destinées à la démolition.
L'EPFIF demande d'écarter ces références, puisque celles-ci ne portent pas exclusivement sur un terrain à bâtir, mais également sur les droits à construire attachés à ces terrains ; or, les droits à construire sont attachés au terrain vendu, ce qui a pour conséquence d'augmenter le prix de vente, à concurrence de la valeur de ces droits ; dans cette hypothèse, le prix figurant dans l'acte ne reflète pas uniquement la valeur du terrain et la division de ce prix par la superficie du terrain ne produit pas une valeur unitaire fidèle à la réalité du marché immobilier ; cette valeur unitaire est accrue, car elle intègre la valeur des droits à construire attachés au terrain, laquelle est très importante, puisqu'elle comprend de nombreux coûts à la charge d'un constructeur ou de l'aménageur comme par exemple les coûts de démolition, les indemnités d'éviction commerciale, les honoraires des notaires, avocats, géomètre expert.
Les deux références proposées par le commissaire du gouvernement de 2016 sont trop anciennes, datant de plus de 5 ans.
En outre, s'il s'agit du même zonage que le bien exproprié, ces ventes ne portent pas exclusivement sur un terrain à bâtir, mais également sur les droits à construire attachés au terrain, ce qui a pour conséquence d'augmenter le prix de vente à concurrence de la valeur de ces droits.
Il convient en conséquence d'écarter les deux références proposées par le commissaire du gouvernement.
En l'absence de références comparables au [Localité 16], il convient de retenir les références proposées par l'EPFIF, bien qu'elles concernent des localités différentes à savoir [Localité 19] et [Localité 15], avec un marché répondant à une autre dynamique.
Il convient de privilégier la référence la plus comparable, à savoir la plus haute celle de [Localité 15] et de tenir compte de l'ancienneté de cette référence de 2019 et de l'évolution du marché.
Il sera donc retenu une valeur unitaire de 2000 euros/m².
Le coût de démolition à partir du devis de la société ADC DEMOLITION IDF(pièce n°8) produit par l'EPFIFqui n'est pas contesté par le commissaire du gouvernement sera retenu.
L'indemnité principale est donc de :
795 m² X 2 000 euros/m² - 241 256 euros(coût de démolition) / 1 000 X 97=
130 828,16 euros arrondis à 130 830 euros en valeur libre.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- Sur l'indemnité accessoire de remploi
Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit:
20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros
15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros
10% sur le surplus soit : ( 130 830 - 15 000= 115 830 ) x 10% = 11 583 euros
soit un total de 14 083 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
L'indemnité totale de dépossession due par l'EPFIF à M. [J] en valeur libre est donc de :
130 830 euros (indemnité principale) + 14 083 euros (indemnité de remploi)=
144 913 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à payer à M. [J] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.
M. [G] [J] perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions de l'EPFIF des 16 décembre 2022 et 11 mars 2024, du commissaire du gouvernement du 17 mars 2023 et de M. [J] du 21 décembre 2023 au titre de la recevabilité de ses écritures du 10 mars 2023 ;
Déclare irrecevables les conclusions et pièces déposées au greffe par M. [Y] [J] le 24 mai 2023 ;
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 144 913 euros en valeur libre l'indemnité de dépossession due par l'établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) à M. [G] [J], pour les lots n° 42, 44, 52, 36 et les 97/10000èmes des parties communes de la copropriété située [Adresse 11]), sur la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 5], d'une superficie globale de 795 m² se décomposant comme suit :
'indemnité principale : 130 830 euros
'indemnité de remploi : 14 083 euros
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
Condamne M. [G] [J] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT