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30/05/2024 | FRANCE | N°21/09217

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 30 mai 2024, 21/09217


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 30 MAI 2024



(n° 2024/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETYY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/09831





APPELANT



Monsieur [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Lisa GUILLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 250





INTIMEE



S.A.R.L. SAN ISIDRO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Na-Ima O...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 30 MAI 2024

(n° 2024/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETYY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/09831

APPELANT

Monsieur [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Lisa GUILLET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 250

INTIMEE

S.A.R.L. SAN ISIDRO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Na-Ima OUGOUAG BERBER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 203

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et par Joanna FABBY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 7 novembre 2014, M. [G] [D] a été engagé par la société San Isidro en qualité de cuisinier.

Le 7 mai 2018 M. [D] s'est vu notifier un avertissement pour non présentation au travail et attitude désagréable envers la gérante. Un second avertissement lui a été notifié le 8 août 2018 en raison de son comportement impoli envers la gérante et ses collègues et absence injustifiée.

Le restaurant a été fermé en raison de l'épidémie de covid-19 et a rouvert le 3 juillet 2020. M. [D] s'est présenté au travail puis est rentré chez lui sans assurer sa prestation.

Par courrier recommandé du 3 juillet 2020 adressé en copie à l'inspection du travail M. [D] s'est plaint auprès de l'employeur des difficultés qu'il rencontrait sur son lieu de travail notamment en ce qui concerne sa sécurité.

Par courrier recommandé du 16 septembre 2020, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er octobre 2020 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 18 novembre 2020, l'employeur lui reprochant en substance son absence injustifiée le 2 mai 2018, son départ en vacances avant le 6 août 2018 et son absence depuis le 3 juillet 2020.

Contestant son licenciement et soutenant avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 décembre 2020. Par jugement du 30 septembre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [D] a régulièrement relevé appel du jugement le 7 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] prie la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire que son courrier du 3 juillet 2020 réceptionné le 25 juillet doit s'analyser en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la société San Isidro à lui verser les sommes de :

* 1 764,302 euros au titre des indemnités légales de licenciement,

* 1 216 euros au titre du préavis,

* 1 216 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés,

* 121,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 7 216 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société San Isidro à lui communiquer ses fiches de paie, son attestation pôle emploi et un certificat de travail rectifié sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société San Isidro aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société San Isidro prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et rejeter toutes les demandes de M. [D],

- A titre subsidiaire, juger que la faute grave est établie et que le licenciement pour faute grave est régulier et débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes

- le condamner au paiement d'une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de cloture est intervenue le 4 octobre 2023.

MOTIVATION :

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur l'existence d'une démission ou d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

En premier lieu, M. [D] soutient que son courier du 3 octobre 2020 doit s'analyser comme une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse tandis que l'employeur soutient qu'il s'agissait d'une démission.

Ce courrier communiqué par M. [D], intitulé 'réclamation' est rédigé dans les termes suivants :

[' ] Vous me dites que vous souhaitez rouvrir le restaurant 03. 07. 2020. Je suis venu travailler ce matin. Mais la cuisine n'est pas du tout conforme. Il y a des problèmes de sécurité. Les fils électriques sont voyants et l'eau coule. Je ne peux pas travailler dans ces conditions. Ma vie est danger.

Autrement il n'y a pas de machine à laver. Les portes des fours sont cassées. Il n'y a aucun matériel de cuisine. Nous n'avons même pas de vestiaire. La ventilation de la cuisine ne fonctionne pas correctement. Nous sommes contraints de laver les assiettes à la main. L'eau chaude se termine au bout de deux ou trois heures. On ne peut pas travailler dans ces conditions. Les socles des lumières sont cassés. Le tableau électrique est complètement cassé. Quand il pleut, l'eau coule à l'intérieur.

Je vous demande de refaire les travaux dans la cuisine afin de rendre le local sécurisant pour les employés. Si vous voulez je peux joindre les photos de la cuisine en cas d'oubli. Autrement, je refuse de reprendre mon travail dans des conditions dangereuses et je serai contraint de saisir l'autorité compétente pour obtenir justice. Je vous remercie de votre compréhension. Je reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire à cet égard [']'.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, ce courrier ne s'analyse aucunement comme une démission à défaut d'exprimer une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail d'autant qu'il fait état des manquements de l'employeur. Il ne s'analyse pas non plus comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail puisqu'il ne ressort pas de ce courrier l'intention du salarié de mettre fin à la relation de travail comme il a été dit. En effet, il indique qu'il refuse de reprendre le travail dans des conditions dangereuses ce qui s'apparente plus à l'exercice d'un droit de retrait lequel n'est toutefois pas plaidé par les parties.

La cour considère en conséquence que la relation de travail a perduré jusqu'à la notification du licenciement pour faute grave.

Sur le bien fondé du licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, M. [D] a été licencié pour les motifs suivants :

['] Nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave. Nous vous rappelons les faits qui nous contraignent à prendre cette mesure.

Le 7 mai 2018 nous avons été contraints de vous adresser un avertissement car vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de cuisinier le mercredi 2 mai 2018 au soir sans formuler aucun motif à votre absence. Je vous rappelle que vous deviez préparer avec vos collègues un banquet à la mairie du cinquième arrondissement pour 250 personnes ! Cet avertissement faisait également état de votre attitude irrespectueuse à mon égard. Enfin je vous rappelais à de maintes reprises que de par vos fonctions de responsable de cuisine, votre espace de travail doit être d'une propreté irréprochable, ce qui n'était pas le cas.

Un deuxième avertissement a dû vous être adressé le 8 août 2018 compte-tenu de votre attitude et de votre départ en vacances sans aucune prévenance trois jours avant la date de fermeture officielle du restaurant. La date avait été affichée dès le 1er mars 2018 pour le lundi 6 août 2018, le dimanche 5 août étant consacré au nettoyage de la cuisine à laquelle vous n'avez bien entendu pas participé.

Bien plus, le Vendredi 3 juillet 2020 jour de réouverture du restaurant suite à la première période de confinement, vous avez refusé de prendre votre poste, au motif que vous n'étiez pas d'accord avec les nouvelles mesures prises justifiées par la crise sanitaire due au Coronavirus, au prétexte que vous travailliez tous les matins jusqu'à 15 heures chez un ami, selon vos propres dires alors que de par vos fonctions au sein du restaurant, vous bénéficiez du chômage partiel ! En réalité, vous souhaitiez ne pas reprendre votre travail, bénéficier du chômage partiel que j'avais fait mettre en place durant le confinement et par ailleurs travailler chez votre ami le matin sans être déclaré. Vous avez comme à votre habitude, monté le ton et vous êtes parti abandonnant votre poste le jour donc de la réouverture du restaurant, nous laissant sans aucune nouvelle de votre part.

Par la suite et par une lettre datée du 18 août 2020, vous n'avez pas hésité à proférer des mensonges à l'encontre notamment de mon époux aujourd'hui décédé, lequel a eu la gentillesse de vous conserver au sein du restaurant, alors qu'il avait découvert lors de votre embauche en 2011, que vous lui avez présenté des papiers d'identité d'une tierce personne.

De plus, dans ce même courrier, vous vous êtes permis de qualifier mon restaurant de "bordel "

Compte tenu de la gravité de votre faute et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. [' ].'

La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Il ressort de la lettre de licenciement que celui-ci est motivé par :

- l'abandon de poste du salarié le 3 juillet 2020,

- son courrier mensonger du 18 août 2020 par lequel il profère des accusations mensongères à l'encontre du mari de la gérante de la société t dénigre l'entreprise

- un rappel des avertissements passés.

La société San Isidro fait valoir dans ses écritures que le comportement de M. [D] constitue une violation flagrante de ses obligations contractuelles, qu'outre les deux avertissements qui lui ont été précédemment notifiés et qu'il n'a pas contestés, il n'avait pas hésité à qualifier de "bordel' le restaurant où il travaillait et se permettait également d'insulter son employeur comme cela ressort selon lui de l'attestation de M. [Z] [X] qu'il verse aux débats.

De son côté, M. [D] conteste le bien-fondé du licenciement en faisant valoir à juste titre, tout d'abord que les faits remontant à 2018 sont anciens et que le temps écoulé suffit à écarter la faute grave et que les faits ayant déjà été sanctionnée ne peuvent l'être une seconde fois au titre du licenciement.

Par ailleurs, la cour relève que le courrier du 18 août 2020 par lequel le salarié se serait montré dénigrant envers l'entreprise et aurait eu des propos mensongers à l'égard du défunt mari de la gérante n'est pas communiqué de sorte que les faits ne sont pas établis.

En revanche, s'agissant de l'abandon de poste depuis le 3 juillet 2020, les faits sont reconnus par le salarié qui les impute dans son courrier du 3 juillet 2020 confirmé par un courrier du 25 juillet 2020 aux conditions dégradées de travail et aux problèmes de sécurité rencontrés sans toutefois justifier de ces derniers puisque les photographies communiquées en copie par lui, non datées et dont le lieu de prise de vue n'est pas identifié n'y suffisent pas. Dés lors l'abandon de poste est caractérisé.

Ces faits à seuls sont de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail de sorte que la faute grave est établie.

Sur les conséquences du lienciement :

La cour ayant considéré que le licenciement pour faute frave était fondé déboute M. [D] de l'ensemble des demandes qui découlaient de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur la demande présentée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés :

M. [D] soutient que lui sont dus 60 jours de congés payés non pris au jour de sa prise d'acte dont il demande le paiement sur le fondement de l'article L. 3141-26 du code du travail à hauteur de la somme de 1 216 euros.

La société conclut au débouté sans présenter de moyens au soutien de sa demande.

Aux termes de l'article L. 3141-28 du code du travail, 'Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.

L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.[...]'

La cour rappelle que l'indemnité prévue par cet article ne concerne que les congés non pris par le salarié au titre de la période de référence en cours à la date de rupture du contrat et que pour la période antérieure, il appartient au salaré d'établir que ses congés n'ont pu être pris par le fait de l'employeur. Une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3141-1 du code du travail, 'tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur. Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur'.

La cour considère que M. [D] a été rempli de ses droits puisqu'il a perçu une somme de 2 833;20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période 2019/ 2020, englobant également la période 2020/2021 pour laquelle il ne présente pas de demande ainsi que cela ressort du bulletin de salaire du mois de novembre 2020 dont il ne conteste pas les mentions et qu'il ne critique pas utilement.

La cour le déboute en conséquence de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

Soutenant que depuis le mois d'avril, sa situation financière est catastrophique, M. [D] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Eu égard à la solution du litige et au fait que M. [D] ne justifie pas de la réalité du prejudice moral invoqué, sa demande de dommages-intérêts est rejetée. La jugement est confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Eu égard à la solution du litige, M. [D] est débouté du surplus de ses demandes de remise des documents sociaux rectifiés alors que l'employeur établit qu'ils ont été délivrés le 18 décembre 2020 en les communiquant.

M. [D], partie perdante est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

y ajoutant :

Dit le licenciement fondé sur une faute grave,

Déboute M. [G] [D] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Condamne M. [G] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09217
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.09217 ?
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