Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 29 MAI 2024
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11947 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBAU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2022 - tribuanl judiciaire de Paris - 9ème chambre - 1ère section - RG n° 19/01279
APPELANTE
Madame [I] [E]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 11]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Julien MAIRE DU POSET de l'AARPI LEAD UP, avocat au barreau de Paris, toque : B0790, avocat plaidant
INTIMÉE
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE venant aux droits S.A. CREDIT DU NORD par suite d'un fusion-absorption ayant fait l'objet d'un projet publié au BODACC le 29 juin 2022 et approuvé par une assemblée extraordinaire du 1er janvier 2023
[Adresse 4]
[Localité 6]
N°SIRET : 552 120 222
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de Paris, toque : R010
Ayant pour avocat plaidant Me Camille TOHIER-DESCLAUX, avocat au barreau de Paris, du même cabinet
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
MME Laurence CHAINTRON, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 juin 2022 Mme [I] [E] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 23 mai 2022 dans l'instance l'opposant à la société Crédit du Nord ' aux droits de laquelle vient désormais la Société Générale ' dont le dispositif est ainsi rédigé :
'DÉCLARE recevable l'action en justice initiée par la société SA Crédit du Nord à l'égard de Madame [I] [E],
CONDAMNE Madame [I] [E] à payer à la société SA Crédit du Nord la somme de 13.000 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.436,55 euros à compter du 5 décembre 2016 et pour le surplus à compter du 5 avril 2019,
ORDONNE la capitalisation des intérêts et dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiront eux-mêmes intérêts à compter du 5 décembre 2017 pour la première fois sur la somme de 4 436,55 euros et à compter du 5 avril 2019 sur le solde,
DÉCLARE sans objet la demande de déchéance du droit aux intérêts présentée par Madame [I] [E],
DÉBOUTE Madame [I] [E] de toutes ses demandes,
CONDAMNE Madame [I] [E] à payer à la société SA Crédit du Nord la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [I] [E] aux dépens,
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.'
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 27 février 2024 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 26 janvier 2024, l'appelante
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'article L. 341-4 du Code de la consommation applicable à l'époque des faits,
Vu les articles 1134 et suivants anciens du Code civil, applicables à l'époque des faits,
Vu l'article 1136 ancien du Code civil,
Vu les pièces et écritures,
Madame [I] [E] demande à la Cour d'appel de Paris de :
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 23 mai 2022 en ce qu'il a :
- Condamné Madame [I] [E] à payer à la société SA Crédit du Nord la somme de 13 000 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 4 436,55 euros à compter du 5 décembre 2016 et pour le surplus à compter du 5 avril 2019,
- Ordonné la capitalisation des intérêts et dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiront eux-mêmes intérêts à compter du 5 décembre 2017 pour la première fois sur la somme de 4 436,55 euros et à compter du 5 avril 2019 sur le solde,
- Déclaré sans objet la demande de déchéance du droit aux intérêts présentée par Madame [I] [E] ;
- Débouté Madame [I] [E] de toutes ses demandes,
- Condamné Madame [I] [E] à payer à la société SA Crédit du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Madame [I] [E] aux dépens,
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Statuant à nouveau :
- Déclarer inopposable à Madame [I] [E] la fiche de renseignement dont se prévaut la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord ;
- Déclarer recevable les pièces communiquées par Madame [I] [E].
- Déclarer que les cautions souscrites par Madame [I] [E] lui sont inopposables car manifestement disproportionnées ;
- Débouter la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord de l'ensemble de ses
demandes fins et prétentions ;
À titre subsidiaire :
- Condamner la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à payer à Madame
Amandine Margueritat la somme de 13.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de mise en garde et de conseil ;
- Ordonner la compensation entre les créances et les dettes respectives des parties ;
- Déclarer la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord déchue des intérêts
conventionnels et au taux légal ;
- Débouter la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord de sa demande de
capitalisation des intérêts ;
- Débouter la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord de l'ensemble de ses
demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause :
- Débouter la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord de l'ensemble de ses
demandes fins et prétentions ;
- Condamner la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord à payer à Madame
Amandine Margueritat la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord aux entiers dépens.'
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 21 février 2024, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'article 1134 (devenu l'article 1103), 1147, 1154 (devenu l'article 1343-2), l'article 2288 et suivants, et l'article 2293 du Code civil,
Vu l'article 1315 du Code civil (devenu 1352 du Code civil),
Vu les articles L. 314-4 et L. 137-2 du Code de la consommation (devenu L. 218-2 du même code),
Vu l'article 122 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
Il est demandé à la Cour de :
- DECLARER recevable et bien fondée SOCIETE GENERALE qui vient aux droits du CREDIT DU NORD,
- DIRE que SOCIETE GENERALE venant aux droits du CREDIT DU NORD bénéficie de toutes les dispositions du jugement entrepris ;
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de PARIS du 23 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
- DEBOUTER Madame [I] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- CONDAMNER Madame [I] [E] au paiement d'une somme de 2.500 € au profit de SOCIETE GENERALE en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER Madame [I] [E] à supporter l'intégralité des dépens.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Le 12 février 2014 M. [N] [F] et Mme [I] [E] ont constitué une société à responsabilité limitée dénommée '2003', chacun détenant 50 % du capital social de 10 000 euros, ayant pour objet social l'exercice d'une activité de bar-restaurant. Cette société, dont le siège social était au [Adresse 3] à [Localité 7] (Var), a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Toulon le 6 mars 2014, avec pour gérant M. [F].
Par acte sous seing-privé en date du 12 mars 2014, la société 2003 a ouvert un compte courant dans les livres de la banque Crédit du Nord.
La banque a accordé à la société divers concours : premièrement, selon avenant à la convention de compte courant en date du 10 juillet 2014, une facilité de trésorerie à hauteur de la somme de 16 000 euros, au taux conventionnel de 10,25 % majoré de trois points au cas de dépassement du montant autorisé ; deuxièmement, par acte sous seing privé en date du 7 août 2014, un prêt professionnel destiné à financer l'acquisition du droit au bail et la réalisation de travaux, d'un montant de 110 000 euros, au taux d'intérêt nominal (hors assurance) de 3,40 % l'an, remboursable en 82 mensualités de 1 543,72 euros hors franchise de 2 mois ; troisièmement, par acte sous seing privé en date du 30 septembre 2014, un crédit 'Facilinvest' d'un montant de 10 000 euros, remboursable par mensualités variables en fonction des montants utilisés, avec intérêts au taux nominal de 6,90 % l'an.
Par acte sous seing-privé daté du 30 septembre 2014, Mme [E] s'est portée caution solidaire des engagements souscrits par la société 2003, en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard, dans la limite de la somme de 13 000 euros et pour une durée de 10 ans. Elle a renoncé au bénéfice de discussion.
Suite à la liquidation judiciaire de la société le 25 août 2016 selon jugement de conversion du redressement judiciaire initialement prononcé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 4 août 2016, la société Crédit du Nord a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, à titre chirographaire en ce qui concerne le crédit Facilinvest pour un montant de 4 436,55 euros, et à titre privilégié nanti en ce qui concerne le prêt de 110 000 euros.
Le même jour, la société Crédit du Nord a mis en demeure Mme [E] ainsi que M. [F], pris en leurs qualités de cautions, d'avoir à lui payer la somme de 4 436,55 euros, puis cette mise en demeure étant restée vaine, par acte d'huissier de justice daté du 5 décembre 2016, la société Crédit du Nord a fait assigner M. [F] et Mme [E] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner solidairement les cautions à lui payer la somme de 4 436,55 euros au titre du contrat de prêt 'Facilinvest' avec intérêts au taux contractuel de 6,80 % à compter du 4 août 2016.
Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris s'est notamment déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées à l'égard de Mme [E], au profit du tribunal de grande instance de Paris, devant lequel il a été discuté :
- de la portée du cautionnement de Mme [E] laquelle soutenait sa limitation au seul compte courant, le prêt étant quant à lui garanti par le cautionnement de M. [F], le blocage de compte courant, et le nantissement du fonds de commerce,
- de la prescription de l'action en paiement de la banque - biennale ou quinquennale - et du point de départ du délai de prescription,
- de la disproportion manifeste du cautionnement donné par Mme [E] eu égard à ses revenus, au jour de son engagement, et de l'opposabilité à la caution, de la fiche de renseignements complétée par Mme [E] mais qui selon elle a été antidatée, et de la situation financière de l'intéressée lorsqu'elle a été assignée en paiement,
- de sa qualité de caution profane ou avertie, et du manquement de la banque à ses devoirs de conseil et de mise en garde (Mme [E] reprochant à la banque de ne pas l'avoir informée des risques pris en garantissant les dettes d'un montant très conséquent d'une société naissante et sans activité),
- du défaut d'information annuelle due par le prêteur à la caution et de la portée de la sanction de déchéance étendue aux intérêts même légaux.
Sur ces différents points le tribunal a considéré :
' que le cautionnement donné par Mme [E] porte également sur les prêts et pas seulement sur le solde du compte, dans la limite de la somme de 13 000 euros et pour une durée de 10 ans,
' que l'action en paiement de la banque contre la caution est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, et qu'en l'espèce aucune prescription n'est encourue l'assignation ayant été délivrée dans les cinq ans de la déchéance du terme,
' qu'il importe peu que la fiche de renseignements soit incomplète ou non, et qu'elle soit antidatée, puisqu'il est constant que la caution l'a elle-même remplie et signée, étant noté que l'absence de fiche de renseignements n'est pas de nature à emporter la déchéance du créancier professionnel de son recours contre la caution,
' que l'examen de la fiche et l'exploitation des autres éléments qui n'y apparaissent pas (autres cautionnements, rapportés aux actifs constitués de l'épargne et de la valeur des parts sociales que Mme [E] détient dans trois sociétés) permet de conclure à l'absence de disproportion de l'engagement de caution du 30 septembre 2014.
****
Sur l'étendue du cautionnement et sur la presciption
L'appelante ne développe dans ses écritures aucune critique utile de la décision du premier juge, dont il convient d'adopter les motifs en leur entièreté, en ce qu'il a considéré que l'engagement omnibus de Mme [E], de portée générale, en son principe était susceptible de garantir les sommes dues par la société 2003 au titre du prêt et du solde débiteur outre celles dues au titre du crédit Facilinvest dont il est contemporain, et que dès lors, peu importe que la banque, qui avait limité sa demande dans son assignation à la somme de 4 436,55 euros l'ait étendue à 13 000 euros qui correspond à la limite supérieure de l'engagement de caution puisque la demande est fondée en tous les cas sur un même acte juridique, à savoir le cautionnement du 30 septembre 2014.
Egalement l'appelante ne développe dans ses écritures aucune critique utile de la décision du premier juge retenant le principe de la prescription quinquennale, et son application aux faits de la cause, jugement dont il convient d'adopter les motifs en leur entièreté.
Sur la disproportion
En droit (selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
La proportionnalité du cautionnement s'apprécie au jour de la signature de l'engagement de caution, soit en l'espèce au 30 septembre 2014, date à laquelle Mme [E] s'est engagée en qualité de caution solidaire de la société à responsabilité limitée 2003 en garantie de toutes sommes dues à la société Crédit du Nord. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 13 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 10 ans.
La charge de la preuve de la disproportion manifeste alléguée alors à la caution, et non pas à la banque.
Mme [E] produit aux fins d'éclairer la cour sur sa situation financière à la date de signature de son engagement de caution, et donc comme étant propre à démontrer, selon elle, l'état de disproportion manifeste qu'elle invoque, les justificatifs de cautionnement antérieurement donnés, outre l'avis d'impôt (du couple) de 2015 sur les revenus de l'année 2014 et ceux des deux années antérieures (quand elle n'était pas encore pacsée), le tableau d'amortissement d'un prêt immobilier et le prêt de 144 000 euros du 9 juin 2006 auquel il est censé se rapporter, une quittance de loyer du couple de juin 2014 à leur adresse [Adresse 10] à [Localité 9], un crédit à la consommation, un bulletin de paie de septembre 2014.
À toutes fins la banque produit, en pièce 17, un document intitulé 'Fiche de renseignements de solvabilité personne physique' dont il n'est pas contesté qu'il a été rempli, formellement daté du 15 septembre 2014, et signé par Mme [E], qui a apposé une mention manuscrite selon laquelle elle certifie l'exactitude des renseignements qui y sont consignés et atteste n'avoir connaissance d'autres charges que celles énoncées. Il ressort de ce document :
- que Mme [R] est pacsée et a deux enfants ;
- qu'elle est responsable de réseau, employée de la société Paule Ka active dans le domaine du prêt-à-porter depuis mars 2004 et que ses revenus nets professionnels sont de 33 600 euros ;
- qu'elle perçoit des allocations familiales d'un montant de 2 160 euros et des revenus fonciers de 6 000 euros ;
- qu'elle rembourse un prêt immobilier et deux prêts personnels aux échéances au 20 juillet 2033, février 2016, et mai 2015, sur lesquels il reste dû les montants de 122 391,58 euros, 6 074,25 euros et 18 857,07 euros, générant des charges annuelles de remboursement de 3 752,40 euros, 4 770,12 euros et 4 886,28 euros, et supporte un loyer de 8 400 euros ;
- qu'elle est propriétaire d'un appartement T2 situé à [Localité 8] d'une valeur de 144 000 euros.
Mme [E] soutient que la fiche patrimoniale dont se prévaut la banque a été antidatée à la demande de sa conseillère (Mme [J] [U]) ce dont il doit être déduit, selon elle, son inopposabilité, et la recevabilité de l'ensemble des pièces qu'elle produit quant à sa situation financière. Il sera fait observer que Mme [E] ne conteste pas l'exactitude des données chiffrées qu'elle a reportées dans cette fiche, hormis des revenus salariaux moindres, de 2 144 euros par mois en moyenne soit 25 700 euros environ par an, et que les pièces produites sont sans incohérence notoire avec les mentions de la fiche.
La banque soutient en réponse que la preuve du caractère antidaté de cette fiche n'est aucunement rapportée par Mme [E] et bien au contraire, il apparait qu'elle a bien complété, à temps, une fiche de renseignements, puisque Mme [U] précise dans son courriel du 21 octobre 2014 (celui dont Mme [E] prétend qu'il établirait le caractère antidaté du document et qu'il ferait la preuve des insuffisances de la banque quant à la vérification de sa situation financière) : 'Modèle joint mais vous aviez déjà tout pré-rempli' (pièce 17 de Mme [E] ), et M. [F], cofidéjusseur, indiquant dans son courriel du 21 août 2014 : '(...) nous vous remplissons la fiche' (pièce 16 de Mme [E]).
Comme souligné par la banque, en tout état de cause, le fait que la fiche de renseignement ait été complétée, signée par la caution et que celle-ci ait ajouté la mention à propos de la certification des informations transmises, démontre qu'elle était en accord avec les informations transmises et qu'il s'agissait bien du reflet de sa situation au jour de la souscription de l'engagement de caution.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écrit : 'Il importe peu que la fiche de renseignement soit incomplète ou non et qu'elle soit antidatée puisqu'il est constant que la caution l'a elle-même remplie et signée, étant noté que l'absence de fiche de renseignement n'est pas de nature à emporter la déchéance du créancier professionnel de son recours contre la caution. Cette fiche est donc opposable à Mme [E]'.
Enfin, c'est également à bon doit que la banque, pour répondre à Mme [E] prétendant que le Crédit du Nord n'a pas pu analyser sa situation lors de la souscription de l'engagement, soutient que l'article L. 341-4 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.
Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérifications complémentaires dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence et en ce cas la caution n'est pas habile à se prévaloir d'une situation qui serait d'une toute autre réalité.
Cependant, en l'espèce il y a lieu de prendre en considération, quand bien même la fiche ne mentionne rien sur ces points, les cautionnements antérieurs si tant est qu'ils ont été donnés au profit du Crédit du Nord. Comme défendu par la banque et retenu par le premier juge, la Société Générale et le Crédit du Nord à l'époque du cautionnement querellé étaient deux entités juridiques distinctes, en sorte que le Crédit du Nord ne pouvait avoir connaissance du cautionnement souscrit au profit de la Société Générale ; en revanche Mme [E] justifie s'être engagée au profit de la banque Crédit du Nord, en sus du cautionnement de 13 000 euros donné en garantie des engagements de la société 2003 présentement contesté :
- le 2 septembre 2014, en garantie des engagements de la société Princess 383 dans la limite de la somme de 19 500 euros et pour la durée de 10 ans,
- le 2 septembre 2014 également, en garantie d'un prêt professionnel consenti à la société Princess 383, dans la limite de la somme de 97 500 euros et 60 % de l'encours du prêt, pour la durée de 9 ans.
Il ressort de ces divers éléments que les revenus de Mme [E], et la valeur nette de son patrimoine immobilier qui n'était que de 18 000 euros environ, étaient au 30 septembre 2014 insuffisants pour lui permettre de faire face à son nouvel engagement de caution, puisque son endettement au seul titre des cautionnements était conséquemment porté à 130 000 euros.
Pour autant, il convient d'ajouter aux éléments d'actif la valeur des parts sociales que Mme [E] détenait dans trois sociétés, dont la société cautionnée ' soit 330/1 000 dans la société 383 et 24/101 dans la société Princess 383, outre la moité du capital social de la société 2003, cela quand bien même la fiche là aussi ne mentionne rien sur ces points. Il peut être valablement référé à la fiche établie par M. [F], qui déclare être employé par la société 383 et détenir 'La Mangerie' d'une valeur de 737 000 euros. La fiche patrimoniale de M. [F] contient une valorisation qui n'est pas contestée par Mme [E] en ce qui concerne les sociétés 2003 et Princess 383, Mme [E] commentant essentiellement les résultats de La Mangerie (société 383) en ce qu'elle a en dernier lieu dégagé un bénéfice net qui n'était que de 18 000 euros. Or, il doit être fait observer que ce critère est inopérant, et que la pièce 29 de Mme [E] fait état d'une évaluation de la valeur de la société allant jusqu'à 213 000 euros, en sorte que Mme [E], qui détient le tiers du capital social, était titulaire de droits mobiliers pouvant être évalués jusqu'à 72 420 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'existait aucune disproportion manifeste du cautionnement donné par Mme [E] le 30 septembre 2014 au profit de la société Crédit du Nord, eu égard à ses revenus et son patrimoine et compte tenu de son endettement et de ses charges, et par conséquent, le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur de défaut d'information annuelle à caution
L'article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que :'Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'
Si aucune forme n'est exigée de la banque pour l'envoi de ces informations, il lui incombe toutefois de prouver qu'elle a satisfait à son obligation, et ce jusqu'à l'extinction de la dette.
La Société Générale ne produisant pas les lettres qu'elle dit avoir envoyées à la caution, la cour se trouve dans l'impossibilité d'en contrôler la régularité au regard des exigences de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.
Par conséquent, il doit être retenu que la banque n'a jamais adressé à la caution la moindre information correcte et doit être déchue des intérêts sur l'intégralité de la période considérée.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal a exactement jugé que la sanction du non-respect de cette obligation consiste en la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels et non aux intérêts légaux.
Le jugement déféré doit également être confirmé en ce que le tribunal a retenu que dans la mesure où l'engagement souscrit par Mme [E] en qualité de caution est limité à hauteur de 13 000 euros et où la banque sollicite la condamnation de l'intéressée à une somme notablement inférieure au montant du capital dont le débiteur principal est redevable à son égard, soit la somme de totale de 83 708,81 euros, la demande de déchéance est sans objet.
C'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'au vu des pièces produites par la banque il y a lieu d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mme [E] au paiement de la somme de 13 000 euros.
Il sera rappelé que la capitalisation des intérêts est de plein droit dès lors qu'elle est demandée, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de 'conseil et de mise en garde'
Mme [E] subsidiairement demande à la cour de condamner la Société Générale à la réparation de son préjudice subi à raison du manquement de la banque à son obligation de conseil et son devoir de mise en garde, lors de la conclusion de l'acte de cautionnement du 30 septembre 2014. La banque est défaillante en ce qu'elle ne l'a pas informée des risques pris en garantissant les dettes d'une société naissante, et déjà importantes la société 2003 s'étant endettée de 176 000 euros entre sa création et le cautionnement de Mme [E].
Tout d'abord, comme rappelé par le premier juge, le banquier dispensateur de crédit, compte tenu de son devoir de non-immixtion n'est pas tenu d'un devoir de conseil, sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard - ce dont Mme [E] ne justifie pas en l'espèce.
Ensuite, il est de principe que la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie, lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadéquation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Mme [E], partant du postulat que son engagement était disproportionné, c'est à dire qu'il n'était pas adapté à ses propres capacités financières, estime que la banque lui devait une mise en garde qu'elle ne démontre pas avoir délivrée correctement, en lui faisant souscrire pour plus de 130 000 euros de cautionnements sur seulement quelques mois, en 2014.
Or, comme vu précédemment, Mme [E] ne démontre pas la disproportion manifeste de son engagement de caution du 30 septembre 2014, même en prenant en considération les cautionnements donnés antérieurement, en garantie des autres sociétés dans lesquelles elle était intéressée. Mme [E] ne fait donc pas la démonstration de ce que la signature de cet engagement de caution supplémentaire aurait créé pour elle un risque d'endettement excessif.
Par ailleurs, si de principe, même en présence d'un engagement proportionné il peut être retenu un devoir de mise en garde à la charge de la banque vis à vis de la caution, lorsqu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti lequel résulte de l'inadéquation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, en l'espèce cela n'est aucunement démontré par Mme [E]. À cet égard, il sera fait observer que les prêts ont été remboursés sans incident par la société 2003 jusqu'au prononcé de la déchéance du terme consécutivement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, c'est à dire pendant deux années.
Ainsi, à défaut de toute démonstration d'un quelconque risque d'endettement excessif de la caution à un titre ou à un autre, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le caractère averti ou non de la caution.
Par conséquent, le jugement déféré est confirmé en ce que Mme [E] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme [E], qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la Société Générale formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONSTATE que la Société Générale vient aux doits de la société Crédit du Nord ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant
CONDAMNE Mme [I] [E] à payer à la Société Générale la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE Mme [I] [E] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE Mme [I] [E] aux entiers dépens.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT