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29/05/2024 | FRANCE | N°22/08140

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 mai 2024, 22/08140


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° 2024/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM2E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 21/02322



APPELANTE



S.A.S. LYRECO FRANCE

[Adresse 4]

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INTIMEE



Madame [Y] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stefan RIBEIRO, avocat ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° 2024/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM2E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 21/02322

APPELANTE

S.A.S. LYRECO FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Caroline BARBE, avocat au barreau de LILLE, toque : 0244

INTIMEE

Madame [Y] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stefan RIBEIRO, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 80

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président de chambre

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [Y] [E] a été engagée par la société Lyreco France, pour une durée indéterminée à compter du 4 octobre 2010, en qualité d'ingénieur commercial régional.

La relation de travail est régie par la convention collective du commerce de gros.

Il est apparu que la société Lyreco France avait omis d'intégrer des éléments variables des rémunérations des salariés dans le calcul de l'assiette des congés payés. Le comité d'entreprise a mandaté à cet effet un expert-comptable et la direction a ordonné un audit. L'entreprise a ensuite régularisé les situations de tous ses salariés, mais uniquement pour la période de prescription triennale de juin 2016 à mai 2019.

C'est dans ces conditions que Madame [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 23 juillet 2021 et formé diverses demandes afférentes à l'anomalie en cause.

Par jugement du 14 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- ordonné à la société Lyreco France de régulariser la situation de Madame [E] auprès des organismes de retraite de base et complémentaire, sans astreinte ;

- condamné la société Lyreco France à payer à Madame [E] 5 121,68 € de régularisation d'indemnité de congés payés pour la période de juin 2016 à mai 2019 ;

- condamné la société Lyreco France à payer à Madame [E] 4 271,60 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamné la société Lyreco France à payer à Madame [E] une indemnité pour frais de procédure de 1 500 € ;

- débouté Madame [E] de ses autres demandes et la société de sa demande d'indemnité pour frais de procédure ;

- condamné la société Lyreco France aux dépens.

La société Lyreco France a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 septembre 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mars 2024, la société Lyreco France demande l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu'il a débouté Madame [E] de ses autres demandes, qu'elle soit déboutée de ses demandes, ainsi que sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 1 500 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société Lyreco France expose que :

- la demande de rappel d'indemnités de congés payés relative à la période de juin 2016 à mai 2019 n'est pas fondée car elle repose sur des calculs erronés ;

- la demande de rappel d'indemnités de congés payés relative à la période antérieure à juin 2016 est prescrite ;

- la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est prescrite, ne constituant qu'une man'uvre destinée à contourner les règles de prescription ; en tout état de cause, elle n'est pas fondée ;

- la demande d'indemnité pour travail dissimulé est irrecevable, en l'absence de rupture du contrat de travail ; à titre subsidiaire, cette demande n'est pas fondée ;

- la demande de régularisation des cotisations est prescrite.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 février 2024, Madame [E] demande :

- l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la condamnation de la société Lyreco France à lui payer 31 238,16 € à ce titre et à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer 4 271,60 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer 5 121,68 € de solde de régularisation d'indemnité de congés payés et 1 500 € d'indemnité pour frais de procédure de première instance ;

- la condamnation de la société Lyreco France à lui payer 4 271,60 € de rappel sur indemnités de congés payés ;

- l'infirmation du jugement en ce qu'il l'aurait déboutée de sa demande de régularisation auprès des organismes de retraite et la condamnation de la société Lyreco à régulariser sa situation

auprès des organismes de retraite de base et complémentaires, sous astreinte de 100 € par jour passé à compter d'un délai de 2 mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

- la condamnation de la société Lyreco France à lui payer 2 500 € d'indemnité pour frais de procédure en cause d'appel.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Madame [E] expose que :

- sa demande de rappel d'indemnités de congés payés n'est pas prescrite, le délai de prescription n'ayant couru qu'à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer son droit, soit le 25 juillet 2019 ;

- la société Lyreco reste lui devoir un solde de 5 121,58 € sur le rappel de congés payés déjà réglé ;

- la difficulté de calcul des congés payés a été identifiée depuis de très nombreuses années par les instances représentatives du personnel, qui avaient interrogé la direction, laquelle avait fait le choix économique conscient et réfléchi de ne pas intégrer les éléments variables des rémunérations dans le calcul des indemnités de congés payés ; l'entreprise s'est donc rendue coupable de travail dissimulé ;

- à titre subsidiaire, sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est fondée ;

- sa demande de régularisation des cotisations de retraite n'est pas prescrite ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rappel d'indemnités de congés payés relative à la période antérieure à juin 2016

La société Lyreco France soulève la prescription de cette demande.

Aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, Madame [E] soutient que le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congé payé est constitué par le courrier que la société a envoyé le 25 juillet 2019 aux salariés concernés par la régularisation partielle.

Cependant, la société Lyreco France répond à juste titre que la présente procédure est relative à l'assiette de calcul des indemnités de congés payés et non à la prise effective des congés payés, Madame [E] n'ayant jamais contesté avoir bénéficié de tous les jours de congés payés auxquels elle avait droit et en déduit à juste titre que sa demande formée en cause d'appel est prescrite.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de cette demande, Madame [E] fait valoir que c'est à tort que la société Lyreco France a limité le remboursement des sommes dues aux trois dernières années, comportement lui ayant occasionné un manque à gagner de 4 271,60 €, correspondant aux sommes qui auraient dû lui être versées.

Il résulte ainsi de ses propres explications, que sa demande de dommages et intérêts porte en réalité sur les mêmes sommes que celles réclamées sous la qualification de demande de rappel d'indemnités de congés payés et qu'elle ne constitue ainsi qu'un moyen de contourner les règles de prescription triennale applicable en matière de salaire, comme la société Lyreco France le soulève à juste titre.

Cette demande est donc irrecevable et le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel d'indemnités de congés payés relative à la période de juin 2016 à mai 2019

Aux termes de l'article 6 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.

En l'espèce, au soutien de sa demande, Madame [E] expose qu'elle pouvait prétendre, sur la période en cause, à une régularisation totale de 11 026,93 €, alors qu'elle n'a perçu que la somme de 5 905,25 €, soit un solde à devoir de 5 121,68 €.

Cependant, elle ne fournit aucune explication de nature à justifier ce montant allégué de 11 026,93 € et les tableaux de calcul qu'elle produit ne sont pas compréhensibles alors que, de son côté, la société expose, de façon circonstanciée et sans être contredite sur ce point, sa méthode de calcul des sommes versées conformément aux dispositions de l'article L.3141-24 du code du travail.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Sans être contredite sur ce point, la société Lyreco France soutient à juste titre que l'article L.8223-1 du code du travail prévoyant une indemnité pour travail dissimulé, soumet expressément cette indemnité à la condition d'une rupture du contrat de travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Cette demande est donc irrecevable et non pas mal fondée, ainsi que l'a jugé à tort le conseil de prud'hommes.

Sur la demande de régularisation auprès des caisses de retraite

La société Lyreco France oppose la prescription triennale de cette demande, ce à quoi Madame [E] s'oppose, faisant valoir que sa créance dépendait d'éléments qui ne lui étaient pas connus et résultait de déclarations que la société était tenue de faire, et en déduit que la prescription ne peut courir qu'à compter de la liquidation de ses droits ã la retraite.

Cependant, la société Lyreco France objecte à juste titre que, si le point de départ de la prescription applicable aux contestations portant sur l'assiette des cotisations retenues sur les salaires versés est constitué par la liquidation par le salarié de ses droits à retraite, tel n'est pas le cas des demandes de régularisation de cotisations de retraite assises sur des indemnités non versées, lesquelles sont soumises aux mêmes règles et délai de prescription que les indemnités de congés payés sur lesquelles elles sont assises, soit trois ans à compter de l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris.

Cette demande est donc prescrite pour les mêmes motifs que la demande précédente.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur les frais hors dépens

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DÉBOUTE Madame [Y] [E] de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés relative à la période de juin 2016 à mai 2019 ;

DÉCLARE Madame [Y] [E] irrecevable en ses autres demandes ;

DÉBOUTE la société Lyreco France de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

CONDAMNE Madame [Y] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/08140
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;22.08140 ?
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