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29/05/2024 | FRANCE | N°22/02213

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 mai 2024, 22/02213


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° 2024/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02213 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGRC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/05267



APPELANT



Monsieur [B] [G]

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 4]

Représenté par Me Célia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : J129



INTIMEE



S.A. TAPIS SAINT MACLOU

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° 2024/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02213 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGRC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/05267

APPELANT

Monsieur [B] [G]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Célia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : J129

INTIMEE

S.A. TAPIS SAINT MACLOU

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [B] [G] a été engagé par la société Saint Maclou, pour une durée indéterminée à compter du 1er août 2006, en qualité de vendeur.

La relation de travail est régie par la convention collective du négoce de l'ameublement.

Par lettre du 10 mars 2021, Monsieur [G] était convoqué pour le 19 mars à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 29 mars suivant pour faute grave, caractérisée par une utilisation de l'ordinateur de l'entreprise à des fins personnelles pendant ses horaires de travail et des connexions sur des sites exposant l'entreprise à des risques d'insécurité informatique.

Le 18 juin 2021, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 1er décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris, après avoir estimé le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse mais pas par une faute grave, a condamné la société Saint Maclou à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

- indemnité compensatrice de préavis : 4 623,45 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 462,34 € ;

- indemnité légale de licenciement : 9 311,12 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 1 200 € ;

Monsieur [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 mars 2024, Monsieur [G] demande que la pièce n°21 de la société Saint Maclou soit écartée des débats, l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société Saint Maclou à lui payer à ce titre 27 740,72 €, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [G] expose que :

- la communication tardive par la société Saint Maclou de la preuve du dépôt de son règlement intérieur (pièce n° 21) constitue une violation des articles 906 et 135 du code de procédure civile ;

- les dispositions du règlement intérieur dont la société Saint Maclou se prévaut portent une atteinte excessive au droit à la vie privée des salariés ;

- les connexions qui lui sont reprochées étaient limitées en nombre et en durée, connues de son responsable et il n'est pas établi qu'il ait mis en péril la sécurité informatique de l'entreprise ; l'entreprise évoque par ailleurs des faits antérieurs trop anciens ;

- compte tenu de son âge, de son ancienneté et de l'absence de rappels à l'ordre précédents, ainsi que de l'absence de baisse de chiffre d'affaires qui lui est à tort imputée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- il rapporte la preuve de son préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 mars 2024, la société Saint Maclou s'oppose à la demande de rejet de la pièce n°21 et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Monsieur [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, le rejet de ses demandes et sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €. A titre subsidiaire, elle demande que le montant des dommages et intérêts qui lui seraient alloués soit limité à la somme de 6 935,19 €. Elle fait valoir que :

- les connexions reprochées à Monsieur [G] sont établies, sont d'une grande importance, ont entraîné la baisse de ses résultats et présentaient des risques pour l'entreprise ; ils sont constitutifs d'une faute grave, alors que Monsieur [G] avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires ;

- ces connexions étaient expressément interdites par le règlement intérieur et la communication de la preuve de son dépôt n'est pas tardive, puisqu'elle fait immédiatement suite à la contestation de Monsieur [G] sur ce point ;

- les dénégations de Monsieur [G] ne sont pas fondées ;

- il ne justifie pas du préjudice allégué.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande relative à la pièce n° 21 produite par la société Saint Maclou

Monsieur [G] demande que la pièce n° 21 (lettre de dépôt du 7 mai 2009 du règlement intérieur de l'entreprise auprès du conseil de prud'hommes) produite par la société Saint Maclou le 29 février 2024 soit écartée des débats, et ce sur le fondement des articles 906 et 135 du code de procédure civile aux termes desquels les pièces sont communiquées spontanément et qui permettent au juge d'écarter celles qui ne l'ont pas été en temps utile.

Cependant, la société Saint Maclou répond à juste titre que ce n'est qu'en cause d'appel, aux termes de ses conclusions du 4 mai 2022, que Monsieur [G] a contesté pour la première fois la réalité du dépôt du règlement intérieur, que par conclusions du 1er août 2022, elle a annoncé la production de la pièce en cause, que Monsieur [G] n'ayant à nouveau conclu que le 9 janvier 2024, elle a alors constaté que la pièce n'avait pas été produite et l'a fait dès le 29 février 2024, ce dont il résulte que tardiveté de la production n'apparaît pas intentionnelle et qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de Monsieur [G] sur ce point.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 29 mars 2021, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

" ['] Nous avons constaté que vous utilisiez abusivement de l'ordinateur auquel vous avez accès en magasin à des fins personnelles, pendant vos heures de travail.

En effet, pendant vos congés payés du 2 février au 9 février 2021, vous avez laissé sur votre bureau, à la vue de tous, des documents imprimés contenant des pronostics de paris hippiques avec des annotations manuscrites. Cette découverte nous a conduits à consulter vos historiques de recherche internet.

A notre grande surprise, après consultation des historiques de votre ordinateur, nous avons constaté un total impressionnant de neuf-cent quarante-huit connexions à des sites qui n'ont aucun lien avec votre activité professionnelle, sur une période de 3 mois qui s'étend du 5 décembre 2020 au 3 mars 2021.

Pendant vos heures de travail effectif, vous vous êtes donc connecté en moyenne trois cent-seize fois par mois sur des sites non professionnels. Ce qui représente seize connexions par jour en moyenne.

Votre historique de navigateur personnel fait état de connexions, notamment sur les sites www.turfoo.fr/www.turfomania.fr/www.zeturf.fr qui permettent de rechercher des informations en lien avec les cours hippiques, consulter des résultats des courses hippiques et de pronostiquer sur ces dernières. ['].

Au cours de l'entretien préalable, vous avez reconnu les faits et tenté de les minimiser en indiquant que vous ne pensiez pas avoir autant de connexions à des sites qui n'ont pas de lien avec votre activité professionnelle et que vous auriez dû plutôt les consulter via votre téléphone personnel. Ces explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la gravité des faits qui vous sont reprochés.

En effet, le volume de connexions extrêmement élevé sur des sites hippiques, sans rapport avec votre activité professionnelle, au temps et au lieu de travail sont incompatibles avec votre activité professionnelle. Au surplus, nous avons constaté, que ce volume de connexions était plus élevé à l'occasion des jours de congés de votre Responsable de magasin.

Cette conduite met en cause la bonne marche de votre magasin d'affectation, votre capacité à accueillir les clients et à traiter les dossiers qui vous sont confiés. Enfin la nature des sites visités expos l'entreprise à une insécurité informatique.

Vos agissements sont incompatibles avec le contrat de travail qui nous lie et son exécution de bonne foi. Ils constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise. [']. ".

Le règlement intérieur de l'entreprise, dont la preuve du dépôt est rapportée et qui était opposable aux salariés, interdisait l'utilisation abusive, à des fins personnelles, des matériels informatiques mis à la disposition du personnel.

Monsieur [G] soutient d'ailleurs que cette utilisation ne saurait recouvrer l'usage raisonnable d'un navigateur internet sans quoi elle porterait une atteinte excessive au droit à la vie privée des salariés, reconnaissant ainsi implicitement que l'abus d'utilisation peut valablement être sanctionné.

A cet égard, il ne conteste pas s'être connecté aux sites en cause pendant ses heures de travail et en utilisant l'ordinateur de l'entreprise mais fait valoir que l'employeur confond nombre de connexions et nombre de pages consultées et qu'il ne s'est, en réalité connecté qu'au maximum pendant 10 minutes par jour et souvent pendant les pauses de déjeuner, produisant en ce sens un tableau analytique.

Il produit également l'attestation d'un ancien collègue, qui déclare qu'il n'utilisait l'ordinateur pour des raisons personnelles que s'il avait fini son travail, qu'il n'y passait que peu de temps (quelques minutes), et qu'il ne s'en cachait pas de la responsable du magasin qui n'a jamais émis d'objection sur ce point et qui ajoute que s'il arrivait un client, il s'interrompait et le renseignait immédiatement.

Cependant, il résulte de l'historique des connexions informatiques de Monsieur [G], qu'entre le 5 décembre 2020 et le 3 mars 2021, au cours de pratiquement chacune de ces journées de travail, Monsieur [G] se connectait à plusieurs périodes de la journée (par exemple le 7 décembre 2020 de 10h54 à 11h04, puis de 12h04 à 12h09, puis de 14h25 à 14h44, puis de 15h35 à 15h37, puis de 16h16 à 16h17, le 22 décembre de 11h24 à 11h42, puis de 12h11 à 12h23, puis de 14h34 à 14h38, puis de 15h49 à 16h01, le 22 février à 9h45, puis de 10h41 à 10h56, puis de 12h07 à 12h08, puis de 15h29 à 15h40, puis de 17h22 à 17h50, le 1er mars de 11h09, puis de 11h28 à 11h51, puis à 14h08, puis de 17h37 à 17h41), cette fréquence et cette ampleur, dont la connaissance exacte par son responsable hiérarchique n'est pas établie, constituant une utilisation abusive du matériel de l'entreprise

Par ailleurs, contrairement à ce que prétend Monsieur [G] , les connexions en cause augmentaient, pour l'entreprise, les risques de piratage informatique.

Il résulte de ces considérations que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Cependant, la société Saint Maclou n'établit pas que les fautes commises justifiaient la rupture immédiate du contrat de travail, alors que Monsieur [G] avait une ancienneté de près de 15 ans et qu'il n'est ni établi, ni même allégué qu'il ait précédemment fait l'objet de sanctions dans les trois années précédant les faits, conformément aux dispositions de l'article L.1332-5 du code du travail.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [G] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais a condamné la société Saint Maclou à lui payer une indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés afférente ainsi qu'une indemnité légale de licenciement, pour des montants non contestés.

Sur les frais hors dépens

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Saint Maclou à payer à Monsieur [G] une indemnité de 1 200 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts .

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de ces dispositions en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DÉBOUTE Monsieur [B] [G] de sa demande d'écarter la pièce adverse n° 21 ;

CONFIRME le jugement déféré

DÉBOUTE Monsieur [B] [G] de ses demandes ;

DÉBOUTE la société Saint Maclou de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Saint Maclou aux dépens de première instance et Monsieur [B] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/02213
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;22.02213 ?
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