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29/05/2024 | FRANCE | N°22/02211

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 mai 2024, 22/02211


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° 2024/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGQ4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/08438



APPELANTE



S.A.R.L. TBM

[Adresse 1]

[Localité 3

]

Représentée par Me Diaka CISSE, avocat au barreau de Saine-Saint-Denis, toque : 191



INTIME



Monsieur [H] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHO...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° 2024/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGQ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/08438

APPELANTE

S.A.R.L. TBM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Diaka CISSE, avocat au barreau de Saine-Saint-Denis, toque : 191

INTIME

Monsieur [H] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU de la SELEURL LACROIX AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseillère

Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [H] [T] a été engagé par la société Prestige d'Orient, pour une durée déterminée à compter du 3 novembre 2008, puis indéterminée, en qualité de commis de cuisine.

Le fonds de commerce relatif à ce restaurant a été cédé le 1er février 2020 à la société TBM.

Monsieur [T] allègue s'être présenté le 2 février pour prendre son poste auprès de la société TBM mais avoir constaté que le restaurant était fermé, ce que la société TBM conteste.

La relation de travail est régie par la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.

Par lettre du 22 juin 2020, Monsieur [T] était convoqué pour le 6 juillet à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 juillet suivant pour faute grave, caractérisée par un abandon de poste.

Le 12 novembre 2020, Monsieur [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 7 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société TBM à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

- indemnité compensatrice de préavis : 2 364,74 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 236,47 € ;

- indemnité légale de licenciement : 3 227,97 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 549 € ;

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 6 806,51 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 1 000 € ;

- les dépens ;

- le conseil a également ordonné la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes.

La société TBM a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 août 2022, la société TBM demande l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [T] et sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Elle fait valoir que :

- Monsieur [T] ne s'est pas présenté à son travail à compter du 2 février 2020, alors que le restaurant était ouvert et elle l'a vainement mis en demeure par lettre du 23 mars 2020 ;

- ces faits sont constitutifs d'une faute grave ;

- les faits reprochés s'étant poursuivis, ne sont pas prescrits ;

- Monsieur [T] fait preuve de mauvaise foi.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 mai 2023, Monsieur [T] demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de solde d'indemnité compensatrice de congés payés et s'agissant du quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande la condamnation de la société TBM à lui payer les sommes suivantes :

- solde d'indemnité compensatrice de congés payés : 701,22 € ;

- indemnité compensatrice de préavis : 2 364,74 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 236,47 € ;

- indemnité légale de licenciement : 3 227,97 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12 414,89 € ;

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 6 806,51 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 3 500 € ;

- les intérêts au taux légal ;

- Monsieur [T] demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [T] expose que :

- le 2 février 2020, il s'est rendu sur son lieu de travail et a constaté que celui-ci était fermé puisque des travaux étaient effectués, aucune information ne lui étant communiquée ;

- à la suite de la mise en demeure reçue, il s'est à nouveau présenté et a à nouveau constaté la fermeture du restaurant ;

- l'employeur a ainsi exécuté le contrat de travail de façon déloyale ;

- les faits qui lui sont reprochés sont prescrits ; en tout état de cause, ils ne sont pas établis.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement et ses conséquences

Monsieur [T] soulève la prescription disciplinaire, ce à quoi la société s'oppose.

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 juillet 2020 reproche à Monsieur [T] un abandon de poste, sans plus de précision.

Il est constant que cet abandon de poste se serait produit le 2 février 2020, alors que la convocation à l'entretien préalable date du 6 juillet suivant.

La société TBM fait valoir que le comportement du salarié s'est poursuivi au-delà du délai de prescription de deux mois, puisqu'il ne s'est pas présenté à son poste malgré la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée le 23 mars 2020 et en déduit que les faits reprochés ne sont pas prescrits.

Cependant, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, ne reproche pas à Monsieur [T] une absence injustifiée malgré une mise en demeure mais un abandon de poste, qui, du fait de son caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, la lettre de mise en demeure ne constituant pas un acte interruptif.

Le fait reproché étant ainsi prescrit, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, bien que sous une autre motivation.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations à indemnité compensatrice de préavis, indemnité de congés payés afférente et indemnité légale de licenciement, dont les montants ne sont pas contestés.

Monsieur [T] justifie de plus de onze années d'ancienneté

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1 182,37 euros.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire, soit entre 3 547,11 euros et 12 414,89 euros.

Au moment de la rupture, Monsieur [T] était âgé de 31 ans et il ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture du contrat de travail.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a évalué son préjudice à 6 806,51 euros.

Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de congés payés

Il résulte de l'examen des bulletins de paie de Monsieur [T] que, lors de son départ de l'entreprise, il avait acquis 14 jours de congés payés, alors que l'employeur ne lui a réglé qu'une indemnité de 51,20 €.

Au vu de ses calculs, qui sont exacts, et qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part de la société, celle-ci reste lui devoir, conformément aux dispositions de l'article L.3141-28 du code du travail, une indemnité compensatrice de 701,22 €, demande à laquelle il convient de faire droit par infirmation du jugement déféré.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de cette demande, Monsieur [T] expose que le restaurant étant fermé à compter de février 2020, la société TBM ne lui a fourni aucun travail jusqu'à son licenciement du 9 juillet 2020, ce que la société conteste, soutenant qu'il avait abandonné son poste malgré une lettre de mise en demeure.

La fourniture d'un travail et le paiement du salaire correspondant constituant les principales obligations des parties à un contrat de travail, il résulte des dispositions de l'article 1353, alinéa 2 du code civil, qu'il appartient à l'employeur, qui prétend se soustraire à l'obligation de paiement du salaire au motif que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition pour travailler, de rapporter la preuve de cette allégation.

En l'espèce, Monsieur [T] produit les attestations suivantes :

- l'attestation de sa s'ur, qui déclare l'avoir accompagné le 3 février 2020 sur les lieux de son travail et avoir alors constaté que le restaurant était à l'état de chantier avec la présence d'ouvriers et qu'aucun responsable n'était présent et qui ajoute qu'à la suite de la lettre de mise en demeure adressée par l'employeur le 24 mars suivant, ils sont retournés au restaurant le 26 mars et fait les mêmes constatations ;

- celle de Monsieur [W], qui déclare travailler dans la supérette située à côté du restaurant et avoir constaté que celui-ci était en travaux en février 2020 ;

- celle de Madame [V], habitant l'immeuble où est situé le restaurant, qui déclare que celui-ci était fermé en février 2020 ;

- celle datée du 20 avril 2021 de Monsieur [L], gardien de l'immeuble où est situé le restaurant, qui déclare que celui-ci était fermé depuis le 31 janvier 2020 et tout le mois de février et n'avoir constaté aucune activité, le restaurant n'ayant rouvert qu'en octobre 2020. Il convient toutefois de relever que l'écriture de la deuxième page est différente de celle de la première ;

- la lettre qu'il a envoyée à la société TBM le 13 octobre 2020 par voie recommandée, pour se plaindre de son attitude à son égard.

De son côté, la société TBM, qui expose n'avoir réalisé que des travaux secondaires au début du mois de février, n'empêchant nullement une activité, produit les éléments suivants :

- une attestation de Monsieur [L], datée du 8 octobre 2021, qui déclare " le restaurant le mois de février les restaurant ne te pas travaux " et dont l'écriture est identique sur tout le document ;

- celle de Monsieur [P], ancien gérant du restaurant, qui déclare être passé plusieurs fois devant celui-ci en février 2020 et avoir constaté qu'il n'était pas en travaux ;

- un état de caisse faisant apparaître un chiffre d'affaires en vente directe de 11 045,14 € en février 2020 ;

- des factures récapitulatives de fournisseurs d'aliments pour le mois de février 2020 ;

- de plus, la société TBM justifie avoir mis Monsieur [T] en demeure de travailler ou de justifier de son absence par lettre recommandée du 23 mars 2020 qu'il reconnaît avoir reçue mais il n'y a répondu que près de 7 mois plus tard, par sa lettre précitée du 13 octobre.

Il résulte de la confrontation entre ces différents éléments que la société TBM rapporte la preuve du fait qu'elle a repris l'exploitation effective du restaurant en février 2020 et que Monsieur [T] ne s'est pas tenu à sa disposition pour venir travailler, malgré une lettre de mise en demeure.

Elle était, en conséquence fondée de cesser de régler son salaire, ce dont il résulte que la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'est pas rapportée.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société TBM à payer à Monsieur [T] des dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a d'ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France Travail, conformes.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société TBM à payer à Monsieur [T] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

Il n'y a pas lieu de faire plus ample application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société TBM à payer à Monsieur [H] [T] les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 2 364,74 € ;

- indemnité de congés payés afférente : 236,47 € ;

- indemnité légale de licenciement : 3 227,97 € ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6 806,51 € ;

- les dépens ;

CONFIRME également le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Condamne la société TBM à payer à Monsieur [H] [T] 701,22 € de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 2 000 € ;

DÉBOUTE Monsieur [H] [T] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la société TBM de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

CONDAMNE la société TBM aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/02211
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;22.02211 ?
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