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29/05/2024 | FRANCE | N°21/19320

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 29 mai 2024, 21/19320


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° /2024, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19320 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CET2Z



Décision déférée à la Cour : jugement du 17 septembre 2020 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 19/00924





APPELANT



Monsieur [Z] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]


>Représenté par Me Christian CALFAYAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1732





INTIMEE



Société SPIE BATIGNOLES OUTAREX anciennement dénommée OUTAREX, société anonyme à conseil d'ad...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° /2024, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19320 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CET2Z

Décision déférée à la Cour : jugement du 17 septembre 2020 - tribunal judiciaire de CRETEIL - RG n° 19/00924

APPELANT

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christian CALFAYAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1732

INTIMEE

Société SPIE BATIGNOLES OUTAREX anciennement dénommée OUTAREX, société anonyme à conseil d'administration, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ludovic JARIEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Slyvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère Mme Viviane SZLMOVITCZ, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Ludovic JARIEL, président de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant marché du 28 juillet 2012, la société La Porte de Pleyel a confié à la société Outarex l'exécution de travaux tous corps d'état en vue de la construction d'une résidence étudiante de 184 logements à [Localité 5] (93).

Le 14 octobre 2013, cette dernière a conclu un contrat de sous-traitance avec la société Reymond Roux, portant sur le lot n° 5, serrurerie, pour un montant total HT de 299 310,60 euros.

Le 29 janvier 2014, la société Outarex a résilié ce contrat.

Par un jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 20 février 2014, la société Reymond Roux a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du 23 novembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la société Outarex ne rapportait pas la preuve d'une faute de la société Reymond Roux justifiant la résiliation du contrat de sous-traitance conclu le 16 octobre 2013,

- dit que les travaux supplémentaires, objet du devis n° 312 2013, d'un montant de 9 800 euros HT avaient été acceptés par la société Outarex,

- dit que la société Outarex ne rapportait pas la preuve d'une mauvaise exécution des travaux, objet de la situation n° 2,

- condamné la société Outarex à payer à la société Reymond Roux la somme de 27 025,12 euros TTC au titre de la situation n° 2 avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2014 avec anatocisme,

- condamné la société Outarex à payer à la société Reymond Roux la somme de 122 131,68 euros TTC au titre du gain manqué consécutif à la résiliation fautive du contrat de sous-traitance en date du 16 octobre 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2014 avec anatocisme,

- condamné la société Outarex à payer à la société Reymond Roux la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par arrêt du 18 novembre 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.

Par acte du 25 janvier 2019, M. [C], gérant et associé majoritaire de la société Reymond Roux, a, au fond, assigné la société Outarex en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes :

Déclare M. [C] recevable en ses demandes ;

Condamne la société Outarex à payer à M. [C]

- la somme de 20 000 euros (vingt mille euros) au titre de la perte de chance de percevoir un revenu et de cotiser au régime de retraite ;

- la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre du préjudice moral ;

- la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne la société Outarex aux entiers dépens ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration en date du 5 novembre 2021, M. [C] a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Outarex, qui est devenue la société Spie Batignolles Outarex.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 février 2024, M. [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes suivantes de M. [C] :

Condamner la société Spie Batignolles Outarex (anciennement Outarex) à payer à M. [C] une somme de 80 750 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte de valeur de ses droits sociaux dans la société Reymond Roux, causé directement par la faute de la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 31 650 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte partielle du compte-courant d'associé constitué par les apports en compte-courant consenti par M. [C] à la société Reymond Roux entre 2014 et 2016 en raison de la résiliation fautive du contrat de sous-traitance par la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Infirmer le jugement sur le montant des condamnations suivantes :

- dommages intérêts pour perte de chance de percevoir un revenu et de cotiser à un régime de retraite : 20 000 euros,

- dommages intérêts pour préjudice moral : 5 000 euros,

- frais irrépétibles : 2 000 euros.

Confirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte de revenus causée directement par la faute de la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 9 000 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte de chance de cotiser à une caisse d'assurance vieillesse et de bénéficier des droits afférents à ces cotisations depuis 2013 en raison de la faute de la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 97 750 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte de valeur de ses droits sociaux dans la société Reymond Roux, causé directement par la faute de la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 31 650 euros en réparation du préjudice patrimonial afférent à la perte partielle du compte-courant d'associé constitué par les apports en compte-courant consenti par M. [C] à la société Reymond Roux entre 2014 et 2016 en raison de la résiliation fautive du contrat de sous-traitance par la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice extrapatrimonial causé directement par la faute de la société Spie Batignolles Outarex visée ci-dessus ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance ;

En tout état de cause,

Débouter la société Spie Batignolles Outarex des demandes formulées dans son appel incident,

Condamner la société Spie Batignolles Outarex à payer à M. [C] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel ;

Condamner la société Spie Batignolles Outarex aux dépens,

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure le 9 mars 2016 avec anatocisme.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, la société Spie Batignolles Outarex demande à la cour de :

Déclarer M. [C] mal fondé en son appel,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes au titre :

- De la perte de valeur de ses droits sociaux dans la société Reymond Roux,

- De la perte partielle de compte-courant d'associé,

Déclarer la société Spie Batignolles Outarex recevable et bien fondée en son appel incident, y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 17 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Spie Batignolles Outarex au paiement des sommes de :

- 20 000 euros au titre d'une perte de chance de percevoir un salaire et de cotiser au régime de retraite,

- 5 000 euros au titre d'un préjudice moral subi par M. [C],

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau,

Rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [C] ;

Condamner M. [C] à payer à la société Spie Batignolles Outarex la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner aux entiers dépens dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Me Regnier.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mars, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

En application de l'article 445 du code de procédure civile, le président de la formation a informé les parties que la cour envisageait de relever d'office l'irrecevabilité de l'action de M. [C] en l'absence de l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société Reymond Roux.

A cette demande de note en délibéré, M. [C] a répondu le 13 mars et la société Spie Batignolles Outarex le 18 mars.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'action de M. [C], relevée d'office après avis donné aux parties

Moyens des parties

M. [C] soutient, en réponse à la demande de note en délibéré, que l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 18 novembre 2016 ne lui est pas opposable en l'absence d'identité, d'une part, des parties, d'autre part, des demandes et de la cause.

Sur ces derniers défauts d'identité, il souligne que les préjudices allégués lui sont propres et distincts de ceux de la société Reymond Roux qui, désormais liquidée, n'en a pas demandé la réparation.

En réponse, la société Spie Batignolles Outarex fait valoir que, en vertu d'une jurisprudence constante, la réparation du préjudice subi par la société suffit à réparer par ricochet celui subi par l'associé ou le gérant, de sorte que leur action en réparation de celui-ci est irrecevable.

Elle en infère que, les préjudices invoqués par M. [C] étant les corollaires du dommage subi par la société Reymond Roux du fait de la résiliation de son contrat de sous-traitance, son action est irrecevable.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 125 du même code, le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt.

Aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est établi qu'il résulte des premier et troisième textes précités que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c'est-à-dire d'un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social (Com., 8 février 2011, pourvoi n° 09-17.034, Bull. 2011, IV, n° 19 ; Com., 4 novembre 2021, pourvoi n° 19-12.342, publié au Bulletin).

Au cas d'espèce, pour apprécier la recevabilité de l'action de M. [C] la cour doit donc rechercher si les préjudices dont il demande la réparation ne sont, en réalité, que des préjudices par ricochet prenant leur source dans le préjudice social résultant lui-même de l'amoindrissement du patrimoine social ou s'ils sont distincts du préjudice social.

En l'occurrence, M. [C] soutient, dans ses dernières conclusions produites devant la cour, que la résiliation unilatérale du contrat de sous-traitance par la société SPIE Batignolles Outarex en ce qu'elle a, d'une part, entraîné la cessation de paiement de la société Reymond Roux, d'autre part, privé celle-ci d'une chance de connaître un nouvel essor économique, est la cause des préjudices qu'il allègue.

Dès lors, M. [C] ne démontre pas que les préjudices allégués sont distincts du préjudice social de la société Reymond Roux.

Par suite, les préjudices allégués par M. [C] n'étant que le reflet ou le corollaire du

préjudice social de la société Reymond Roux, son action sera déclarée irrecevable.

Le jugement, qui a statué sur les demandes de M. [C], sera infirmé.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, M. [C], partie succombante, sera condamné aux dépens et les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [C] à l'encontre de la société Spie Batignolles Outarex ;

Condamne M. [C] aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Regnier ;

Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/19320
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.19320 ?
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