La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°21/08927

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 mai 2024, 21/08927


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° 2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08927 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CER6Q



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE - RG n° F 19/00132





APPELANTE



Madame [F] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représen

tée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010





INTIMÉE



S.A. ENEDIS GRDF

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° 2024/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08927 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CER6Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE - RG n° F 19/00132

APPELANTE

Madame [F] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMÉE

S.A. ENEDIS GRDF

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation,

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE, Président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Nolwenn CADIOU

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, président et par Madame Philippine QUIL, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Gaz de France (GDF) a engagé Mme [F] [X] par contrat de travail à durée indéterminée en janvier 1986 en qualité de technicienne au centre de distribution EDF GDF [Localité 5].

En 1993, Mme [X] est devenue cadre administratif.

En 2001, elle a été mutée au centre Yonne EDF GDF d'[Localité 3], où elle a successivement occupé plusieurs postes.

En 2008, les activités de distribution de GDF ont été attribuées à sa filiale GRDF, devenue ensuite Enedis (SA).

La société Enedis occupe à titre habituel au moins onze salariés.

En 2013, le poste de chef d'agence concessions collectivités locales que Mme [X] occupait a été reclassé en groupe fonctionnel 14 (GF 14), niveau de rémunération 240 (NR 240).

En janvier 2018, dans le cadre d'une réorganisation de l'activité, la suppression du poste de Mme [X] a été prévue.

En février 2018, Mme [X] a été reconnue personne handicapée (RQTH).

Mme [X] et la direction ne se sont pas accordées sur son nouveau poste et sur les conséquences financières.

Le 21 octobre 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre pour obtenir une revalorisation de son niveau de rémunération et des dommages-intérêts.

En dernier lieu, Mme [X] a formé les demandes suivantes :

- enjoindre à lui attribuer une rémunération de base mensuel correspondant à une classification ENEDIS 'GF - 16" selon la convention des personnels des industries énergétiques et gazières, avec une rémunération de performance contractuelle de 5 500 € et une indemnité pour charge de travail de 1 800 €, à la date de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 800,00 euros par jour de retard, le Conseil se réservant la liquidation de l'astreinte,

- 37 806,00 euros au titre dommages et intérêts en réparation du préjudice morale subi du fait des actes de harcèlement moral, discrimination sur l'état de santé et modification unilatérale du contrat de travail, et mesures vexatoire,

- 3 600,00 euros à titre de prime résultat 2019,

- 1 800,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- exécution provisoire »

Par jugement du 11 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« - DEBOUTE Mme [F] [X] de l'ensemble de ses demandes

- DEBOUTE la S.A. ENEDIS GRDF de ses demandes

- LAISSE les éventuels dépens à la charge de Mme [X] »

Mme [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 27 octobre 2021.

La constitution d'intimée de la société Enedis GRDF a été transmise par voie électronique le 3 novembre 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 1er février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :

« INFIMER en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes d'Auxerre en date du 11 octobre 2021,

STATUER DE NOUVEAU :

DEBOUTER ENEDIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

JUGER que Madame [X] est victime d'une discrimination salariale et d'une discrimination liée à sa reconnaissance de travailleur handicapé, par l'absence de toute évolution de sa classification GF 13 contrairement à ses collègues, le refus de tout entretien individuel annuel de l'employeur depuis la reconnaissance de travailleur handicapé, les propositions d'affectation de poste à Madame [X] ne régularisant pas sa situation salariale, les suppressions des tâches de Madame [X] faute de son accord sur les propositions d'affectation de poste, la suppression des primes de Madame [X],

CONDAMNER ENEDIS à payer à Madame [X] la somme de 37.806 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de harcèlement moral, discrimination sur l'état de santé, et modification unilatérale du contrat de travail, et mesures vexatoires,

ENJOINDRE ENEDIS à attribuer une rémunération de base mensuelle à Madame [X] correspondant à une classification ENEDIS « GF- 16 » selon la convention des Personnels des industries Energétiques et Gazières, avec une Rémunération de Performance contractuelle de 5.500 euros, et une indemnité pour charge de travail de 1 800 euros, à la date de la signification de la décision à intervenir,

ASTREINDRE L'INJONCTION qui précède d'une astreinte financière de 800 euros par jour de retard,

SE RESERVER LA COMPETENCE DE LIQUIDER L'ASTREINTE,

CONDAMNER ENEDIS à payer à Madame [X] la somme de 3 600 euros à titre de prime sur le résultat 2019,

CONDAMNER ENEDIS à payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

ORDONNER L'EXECUTION PROVISOIRE de la totalité de la décision. »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Enedis GRDF demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auxerre en date du 11 octobre 2021 en ce qu'il a débouté Madame [X] de l'ensemble de ses demandes.

Débouter Madame [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner Madame [X] à verser à la société ENEDIS la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 12 mars 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 avril 2024.

MOTIFS,

Sur la discrimination

Mme [X] expose avoir fait l'objet d'une discrimination liée à son état de santé et de son handicap et une discrimination relative à une discrimination salariale, quant à l'évolution de sa rémunération.

L'article L1132-1 du code du travail dispose que ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3 des mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à l'emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

La discrimination salariale invoquée en l'espèce par Mme [X] correspond aussi à l'application du principe « à travail égal salaire égal », auquel elle se réfère aussi, selon lequel l'employeur doit assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de traitement entre les salariés placés dans une situation identique ou similaire. Il incombe au salarié de présenter des éléments laissant supposer une inégalité de traitement, l'employeur devant ensuite justifier des raisons objectives à celle-ci.

Mme [X] présente les éléments suivants.

Mme [X] a évolué dans ses fonctions et est passée cadre en 1993. En raison de son investissement une rémunération de la performance contractualisée pour les cadres, dite RPCC, lui a été allouée, ainsi qu'une prime complémentaire pour la charge de travail.

Mme [X] indique qu'elle avait une classification GF 14 alors que le poste aurait dû imposer une classification au niveau supérieur GF 15, ce qui ne résulte pas des éléments produits. Elle produit plusieurs documents de travail d'études, de pilotage, d'échanges avec les clients et collectivités locales, d'intervention sur la présence de membres de son équipe, qui ne démontrent pas que le poste de chef d'agence de la collectivité locale de l'Yonne qu'elle occupait relevait d'une autre classification.

Mme [X] justifie avoir rencontré plusieurs problèmes de santé successifs : une fibromyalgie en 2012, une opération de l'épaule en 2014. Elle a fait une demande de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, qui lui a été accordée le 13 février 2018.

Mme [X] expose qu'elle est demeurée classée GF 14, contrairement aux autres salariés de même niveau. Elle produit deux tableaux comparatifs qu'elle a établis concernant quatre autres salariés, qui indiquent qu'ils ont évolué plus rapidement qu'elle. Elle verse également aux débats une analyse de son évolution avec deux salariés, établie par un syndicat.

Mme [X] explique que son évolution salariale a été interrompue en 2018, et produit à cet effet un tableau récapitulatif de ses fonctions jusqu'en 2016 et ses fiches de paie des mois de juillet, octobre, novembre et décembre 2018, janvier et février 2019.

Mme [X] indique qu'elle n'a pas été conviée à une réunion sur la nouvelle organisation de l'activité qui s'est déroulée le 14 décembre 2017, sans élément produit à l'appui de son propos. Ce fait n'est pas établi.

Mme [X] expose que ses entretiens annuels n'ont pas été régularisés et que des propositions inacceptables lui ont été faites, tant pour son état de santé que pour les conséquences financières.

Elle produit un courrier du directeur de la direction régionale Bourgogne en date du 27 mai 2019 qui reprend la ré-organisation de la région, portant disparition de son poste, et récapitule les entretiens menés en 2018, avec les trois propositions de poste en lien avec les préconisations du médecin du travail. Elle souligne que l'évolution de la rémunération n'étant pas conforme à sa situation, il s'agissait en réalité de 'propositions sanctions'.

Mme [X] indique que la ré-organisation a eu lieu au cours de l'année 2018, avec suppression de son poste, sans qu'elle n'en soit informée. Elle souligne qu'elle a été évincée d'une réunion a été prétendument annulée, puis a eu lieu sans elle, ne figurant pas sur le compte rendu. Elle produit un échange de mail qui indique l'annulation d'une réunion prévue le 14 février 2019. Elle a sollicité le jour-même la confirmation de cette annulation, ne parvenant pas à se connecter depuis chez elle, message auquel le responsable a répondu le jour-même qu'il s'agissait d'une erreur de manipulation de sa part et qu'il avait renvoyé le lien aux participants qui l'avaient contacté par téléphone. L'éviction de Mme [X] ne résulte pas de cet échange de mails. Le compte rendu de la réunion figurant au bas du dernier mail est incomplet et ne permet pas de constater qu'il ne mentionne pas Mme [X].

Le responsable d'une entité cliente de la société Enedis atteste de la diminution progressive des échanges avec Mme [X] fin 2017, pour une intervention de plus en plus importante du directeur départemental.

Mme [X] expose que sa rémunération a diminué en 2019, par la baisse de la RPCC et de la prime pour charges de travail; elle verse aux débats un tableau qu'elle a établi qui mentionne un montant perçu pour la RPCC de 5 500 euros pour les années 2015 à 2018 et de 3 000 euros en 2019, et pour la prime pour charges de travail de 1 800 euros pour les années 2015 à 2018 à 700 euros en 2019.

Mme [X] indique avoir été classée en invalidité catégorie 2 à compter du 19 mai 2022.

Les éléments ainsi établis par Mme [X], une absence d'évolution à compter de la fin de l'année 2017 et une baisse de sa rémunération variable alors qu'elle avait la qualité de travailleuse handicapée depuis le mois de février 2018, laissent supposer l'existence d'une discrimination au regard de son état de santé et de son handicap.

Le comparatif des évolutions salariales des différents salariés laisse quant à lui supposer une discrimination salariale.

Dans l'entreprise Enedis GRDF la rémunération salariale de base est déterminée par un groupe d'appartenance, le GF, et au sein de celui-ci par un niveau de rémunération, dit NR, correspondant à un coefficient au sein du groupe.

La société Enedis produit le déroulement de carrière de Mme [X] jusqu'en juin 2022. Elle a été recrutée comme technicienne, a bénéficié de plusieurs avancements, notamment celui de cadre, et est passée GF 14 en janvier 2013, avec un NR 240, puis est passée NR 245 en janvier 2014 puis NR 250 en janvier 2016. Elle est ensuite passée NR 255 en janvier 2022. L'avancement a ainsi été régulier jusqu'en janvier 2016, avec un passage de NR similaire à ceux des autres salariés.

La société Enedis produit en effet les fiches de déroulement de carrière de salariés avec lesquels Mme [X] s'est comparée.

Mme [M] a été recrutée directement comme cadre avec un diplôme d'ingénieur. Elle est passée au GF 16 en juin 2012, a ensuite progressé de NR à un rythme similaire, est restée trois années au NR 305 jusqu'en janvier 2019. Sa catégorie professionnelle d'embauche est différente.

M. [E] était au GF 14 depuis janvier 2008 ; il est passé GF 15 en 2013 à l'occasion d'un changement de structure, puis a augmenté de NR en janvier 2014, janvier 2016, janvier 2018, il est ensuite passé GF 16 en décembre 2018 après sa mutation suite à un appel à candidature.

M. [H] était au GF 14 depuis janvier 2008. Il est passé GF 15 en février 2012 sur un changement de poste après un appel à candidature puis GF 16 en décembre 2016 sur un nouveau changement de poste après un nouvel appel à candidature, avec changement de NR à 260. Il a été muté comme délégué territorial en juin 2018 suite à une réorganisation, puis a eu un changement de NR à 270 en janvier 2019.

M. [R], auquel il est fait référence dans le document établi par le syndicat CGT est passé GF 14 en 2016, suite à un appel à candidature, avec un NR à 210. Il a répondu à un nouvel appel à candidature en juin 2018, puis en avril 2020 où il est passé GF 15, NR 225. Il a de nouveau répondu à un appel à candidature en juin 2021. Son NR final est 255, en janvier 2023. Son parcours révèle une mobilité fonctionnelle importante.

Les parcours de ces salariés sont différents, avec des mobilités plus importantes.

Le projet de ré-organisation de la région Bourgogne a fait l'objet d'examens des instances représentatives du personnel au début de l'année 2018, en application d'un accord d'entreprise du 23 juillet 2010 qui précisait les modalités. Cet accord prévoit que trois propositions de poste sont faites au salarié dans un emploi de qualification équivalente, qu'il conserve son collège d'appartenance, son classement et son niveau de rémunération. Si le salarié n'a pas accepté l'une de ces propositions, la direction prend alors une décision d'affectation du salarié.

Le poste occupé par Mme [X] a été supprimé. Il résulte des échanges de messages successifs que Mme [X] a été reçue à plusieurs reprises au cours de l'année 2018 par ses supérieurs pour envisager le poste sur lequel elle pouvait être affecté, notamment les 22 janvier, 2 mars et 8 juin. Après le refus de la troisième proposition, alors que l'accord d'entreprise permettait à l'employeur de décider d'office du nouveau poste, le responsable régional a proposé à Mme [X] un nouvel entretien pour envisager à nouveau les postes qui lui avaient été proposés.

Le premier poste proposé à Mme [X] était directement rattaché au niveau du directeur de territoire Bourgogne, c'est à dire au-dessus de ses responsables directs avant la ré-organisation.

Dans le mail réponse adressé le 21 juin 2018 Mme [X] a expressément indiqué qu'elle était d'accord avec le poste proposé, tant en ce qui concerne le contenu que les modalités d'exercice, notamment deux jours de télé-travail, de sorte que c'est vainement qu'elle fait valoir qu'il ne correspondait pas à ses compétences ou qu'il ne serait pas conforme aux avis du médecin du travail. Mme [X] indique dans sa réponse qu'elle conditionne son accord à des conditions de rémunération, précisant qu'il s'agit de l'obtention de 'deux NR' en même temps.

La proposition de poste était un maintien des modalités de rémunération variable et l'augmentation d'un NR, ce qui correspondait à l'amélioration de la rémunération de Mme [X], dans un délai équivalent à celui des autres salariés.

Un nouveau poste a été proposé à Mme [X] à l'issue d'un entretien du 08 novembre 2018, comme cadre expert. Après la relance du 16 janvier 2019, Mme [X] n'y a pas donné suite, demandant en réponse le retour de son évaluation 2016.

Une troisième proposition a été faite à Mme [X] le 15 avril 2019, comme cadre appui, basé à [Localité 3] avec des déplacements possibles sur la région, avec télétravail possible.

Mme [X] a refusé ce poste par courrier du 16 avril 2019. Le directeur de la direction régionale lui a rappelé les différentes propositions de poste qui lui avaient été faites, dans la région, avec le même lieu de travail de base avec des aménagements possibles, outre un télétravail, poste conforme à son niveau hiérarchique.

C'est l'appelante qui a refusé la dernière proposition ; elle a ensuite fait l'objet d'un changement d'office de son poste en juin 2020 à l'état-major de la direction régionale de Bourgogne, aux mêmes niveaux hiérarchique et de rémunération.

La société Enedis justifie ainsi que les propositions de poste qui ont été faites à la salariée étaient conformes à sa situation et qu'elles ont été accompagnées d'une évolution salariale par l'octroi d'un NR. C'est Mme [X] qui n'a pas accepté les différents postes proposés.

L'employeur démontre ainsi que la situation était justifiée par des éléments objectifs indépendants de la situation de santé de Mme [X] et de son handicap.

La société Enedis justifie également que les salariés auxquels Mme [X] se compare avaient des parcours différents, que l'évolution salariale de Mme [X] est similaire dans les durées entre les augmentations, et cela jusqu'à son refus de poste envisagé dans le cadre de la ré-organisation, alors que celui-ci devait être accompagné d'un changement de niveau de rémunération.

La rémunération de la performance contractualisée des cadres est une rémunération supplémentaire fixée annuellement assise sur l'appréciation de leur performance contractualisée avec la hiérarchie, fondée sur le degré de réalisation des objectifs fixés et évalués lors d'un entretien individuel.

Les objectifs de Mme [X] n'ont pas été fixés pour l'année 2018 en raison de la réorganisation de l'entreprise et de l'attente de sa décision quant à son affectation. L'entretien de bilan prévu par l'employeur n'a pas eu lieu en raison de l'exigence de Mme [X] que l'évaluation soit faite au regard de son précédant poste, qui avait cependant été supprimé depuis l'été 2018.

La société Enedis justifie que le 17 mars 2017 Mme [X] avait déjà refusé ce même entretien, expliquant alors qu'elle avait déduit des échanges avec son responsable que son NR n'augmenterait pas.

L'employeur a rencontré la même situation concernant la prime complémentaire pour la charge de travail, qui dépend de la charge de travail, des contraintes professionnelles, des déplacements et de l'engagement du salarié. Par ailleurs, la société Enedis produit des retranscriptions de messages que Mme [X] a adressé au cours des années 2017 et 2018, dans lesquels elle indique à de nombreuses reprises être absente ou ne pas pouvoir assumer l'astreinte, pour des motifs distincts de ses difficultés de santé récurrentes : parce qu'elle avait de la fièvre, qu'elle n'était pas bien après une prise de sang, en raison de la chaleur, d'un impératif familial ou encore de congés posés le jour-même dont elle avisait son supérieur.

Ces éléments ont justifié l'attribution partielle des deux rémunérations variables.

En définitive, la société Enedis prouve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination relative à l'état de santé ou au handicap de Mme [X].

L'existence d'aucune inégalité salariale n'étant non plus rapportée, les discriminations invoquées par Mme [X], tant salariales que liées à son état de santé ou à son handicap ne sont donc pas établies.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral

L'article 1152-1 du code du travail dispose que :

'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l'invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [X] présente les faits suivants.

Mme [X] indique qu'elle exécutait ses attributions de façon satisfaisante, puis qu'elle a été reconnue travailleur handicapée ; ce fait est établi.

Mme [X] expose que son employeur a fait des offres non cohérentes avec celles de ses collègues et qui diminuaient sa rémunération. Ce fait n'est pas établi.

Mme [X] indique qu'elle a été unilatéralement retirée de toutes les négociations des contrats de concession. Elle produit l'attestation du président du syndicat départemental d'Energies de l'Yonne qui indique qu'à partir de la fin de l'année 2017 elle intervenait de moins en moins et qu'une autre personne a repris l'interface en 2018.

Mme [X] indique que ses primes ont été supprimées, ce fait n'est pas établi.

Mme [X] expose qu'elle n'a plus eu aucun mail avec son équipe et qu'elle n'a plus eu d'autorité sur celle-ci, sans information préalable. Ce fait n'est pas établi par les éléments produits.

Mme [X] soutient qu'elle a été éliminée d'une réunion concernant ses fonctions en février 2019, ce fait n'est pas établi par l'échange de mail produit.

Mme [X] indique enfin qu'elle a disparu des comptes rendus. Ce fait n'est pas établi.

Mme [X] justifie avoir rencontré une dégradation de son état de santé, par plusieurs arrêts maladie, et avoir eu un suivi médical.

Pris dans leur ensemble, les seuls faits établis par la salariée, qui s'inscrivent dans le cadre de la ré-organisation de l'entreprise, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le harcèlement moral n'est pas caractérisé.

Mme [X] doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Mme [X] qui succombe supportera les dépens.

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'aucune somme ne soit allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Auxerre en toutes ses dispositions,

Condamne Mme [X] aux dépens,

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/08927
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.08927 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award