La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°21/06338

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 mai 2024, 21/06338


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 29 MAI 2024



(n° 2024/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06338 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEB3L



Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/01144



APPELANT



Monsieur [W] [U]

[Adresse 2]



[Localité 3]

Représenté par Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 103



INTIMEE



S.A.S. STAR'S SERVICE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me E...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 29 MAI 2024

(n° 2024/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06338 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEB3L

Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/01144

APPELANT

Monsieur [W] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 103

INTIMEE

S.A.S. STAR'S SERVICE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS, toque : L0118

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseillère

Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [W] [U] a été engagé par la société STAR'S SERVICE, pour une durée indéterminée à compter du 16 septembre 2013, en qualité de chauffeur livreur préparateur de commandes polyvalent.

La relation de travail était régie par la convention collective du transport routier et assimilés.

Par lettre remise en main propre le 5 janvier 2015, Monsieur [U] a été convoqué pour le 12 janvier 2015 à un entretien préalable à son licenciement et mis à pied à titre conservatoire.

Son licenciement lui a été notifié le 21 janvier 2015 suivant pour faute grave, caractérisée par des retards et absences injustifiés, ainsi qu'une violente altercation avec son chef d'équipe.

Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny par requête du 21 mars 2016 afin de contester son licenciement, et de voir condamner son employeur à lui verser des sommes à titre :

- d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents,

- d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- d'indemnité de licenciement,

- de dommages et intérêts pour retenue de frais,

- de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.

Par jugement du 28 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny statuant en formation de départage a :

- dit le licenciement justifié par une faute grave,

- condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 120,08 € au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 12 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal,

- débouté les parties de toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conserverait à sa charge ses dépens.

Monsieur [U] a interjeté appel de ce jugement en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 12 juillet 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 octobre 2021, Monsieur [U] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en son intégralité,

Statuant de nouveau,

- Condamner la société STAR'S SERVICE à lui verser les sommes suivantes :

- rappel de salaire heures supplémentaires : 464,60 €,

- congés payés afférents : 46,46 €,

- dommages et intérêts pour la retenue injustifiée au titre des frais : 4.580 €,

- salaire de la mise à pied à titre conservatoire : 820 €,

- congés payés afférents : 82 €,

- préavis : 1 445,52 €,

- congés payés afférents : 144,55 €,

- indemnité de licenciement : 410,46 €,

- dommages et intérêts pour rupture abusive : 8.000 €,

- frais de procédure : 1.500 €,

- Ordonner la remise d'un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

- Rappeler que les intérêts au taux légal ont couru au jour de l'introduction de la demande.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 décembre 2021, en défense, la société STAR'S SERVICE demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société STAR'S SERVICE au titre du rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents,

Statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur [U] de sa demande au titre de rappel d'heures supplémentaires,

- Débouter Monsieur [U] de toutes ses demandes,

- Condamner Monsieur [U] au paiement de la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 21 janvier 2015, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

" En tant que chauffeur livreur, poste que vous occupez depuis le 16 septembre 2013, vous intervenez au sein de nos services de livraison à domicile, sur les sites de nos clients commerciaux. Lors de votre embauche, vous vous êtes engagé à respecter l'ensemble de vos obligations professionnelles (article XII de votre contrat de travail).

Pourtant, à plusieurs reprises, vous avez failli à vos obligations :

- Planning de travail :

Le 6 décembre, vous ne vous êtes pas présenté sur votre site d'affectation.

A plusieurs reprises, vous vous êtes présenté en retard à votre prise de poste :

o Le 22 décembre 2014 : 2h15 de retard,

o Le 27 décembre 2014 : 30 minutes de retard,

o Le 2 janvier 2014 : 30 minutes de retard.

Vous n'avez pas prévenu vos responsables de cette absence et de ces retards. A ce jour, nous ne possédons aucun document permettant de les justifier.

Le non-respect de votre planning de travail perturbe l'organisation mise en place par vos responsables et gêne le bon fonctionnement de l'activité.

- Comportement :

Le samedi 3 janvier 2015, la direction du Monoprix Richelieu nous a alerté d'une violente altercation entre deux collaborateurs Star's Service. En effet, vous avez échangé des insultes et des coups avec votre chef d'équipe.

Cette scène s'est produite au sein du service livraison, devant une employée de notre client commercial, Monoprix, et vos collègues de travail.

Dès que nous avons eu connaissance de la situation, et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, vous avez été placé en mise à pied à titre conservatoire le 5 janvier 2015, à 13h35.

Tenu d'une obligation de sécurité, nous ne saurions accepter que vous portiez atteinte à l'intégrité physique de nos collaborateurs.

Votre comportement a fortement nui à notre image de marque auprès de notre client commercial, Monoprix. La direction et le personnel du magasin ont été choqués de cette violente altercation au sein du site.

Nous ne pouvons tolérer cette situation et considérons que les faits précédemment évoqués constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise.

Cette situation fait suite à la notification d'un rappel à l'ordre en date du 2 septembre 2014 pour un accident de la circulation dans lequel votre responsabilité était pleinement engagée.

Votre licenciement sera effectif dès la première présentation de cette lettre par La Poste, sans préavis ni indemnité de rupture. (') "

S'agissant de l'altercation du 3 janvier 2015, Monsieur [U] conteste le grief et expose qu'il a été victime d'une agression de la part de son chef d'équipe Monsieur [J], mais ne l'a pas agressé. Toutefois, cette version des faits est contredite par les séquelles physiques de l'altercation pour le chef d'équipe, qui a également été licencié pour ces faits. Les séquelles physiques chez les deux protagonistes ainsi que le témoignage de la directrice du magasin Monoprix, Madame [K], permettent de déterminer que des violences réciproques ont eu lieu entre les deux salariés.

Le fait de commettre des violences physiques sur son lieu de travail constitue à lui seul une faute grave justifiant le licenciement de Monsieur [U].

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a reconnu le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce, Monsieur [U] fait valoir que toutes ses heures supplémentaires ne lui pas été payées et produit à l'appui de ses dires des feuilles de présence détaillant les horaires et heures supplémentaires réalisés. Il indique que les heures non réglées s'élèvent à 464,60 €, outre 46,46 € de congés payés afférents.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de les contester utilement.

En réponse, l'employeur fait valoir que ces feuilles de présence n'ont pas été contresignées par le supérieur hiérarchique du salarié, et n'ont donc aucune valeur probante. Toutefois, ces feuilles constituent des éléments détaillés et précis et l'employeur n'apporte aucun élément permettant d'infirmer les horaires qui y sont apposés.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 120,08 € au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 12 € de congés payés afférents,

Statuant de nouveau, il y a lieu de condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 464,60 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 46,46 € de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour retenue injustifiée au titre des frais

Monsieur [U] fait valoir qu'il a supporté tous les mois un abattement dit professionnel non plafonné à hauteur de 20% de sa rémunération. Il considère que cet abattement était irrégulier et n'aurait pas dû lui être appliqué. Il estime que son préjudice est constitué car la minoration des cotisations versées par l'employeur qui en résulte se répercute sur la situation du salarié, puisque les cotisations servent à déterminer le montant des droits du salarié au titre de la retraite notamment.

Sur la régularité de l'application de cet abattement au salarié, l'employeur justifie que le métier de chauffeur fait partie de la liste des professions concernées par l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts et pour lesquelles un tel abattement est possible.

Par ailleurs, Monsieur [U] a été informé et a consenti à l'application de cet abattement par mention spécifique dans son contrat de travail.

En outre, l'abattement pratiqué ne diminue pas les revenus du salarié mais l'assiette de cotisations sociales réglées par l'employeur mais également par le salarié, qui en bénéficie donc également. Monsieur [U] ne démontre pas, au regard des avantages attenants à la pratique de cet abattement, qu'il aurait subi un préjudice du fait du paiement de cotisations sociales diminuées.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur la remise des documents

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur aux dépens tant de la première instance que de l'appel, ainsi qu'à verser à Monsieur [U] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur sera débouté de sa demande au titre des frais de procédure.

Sur les intérêts

Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2016, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- condamné la société STAR'S SERVICE à payer au salarié la somme de 120,08 € au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 12 € de congés payés afférents,

- débouté le salarié de sa demande au titre des frais de procédure,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

Statuant de nouveau,

CONDAMNE la société STAR'S SERVICE à verser à Monsieur [U] la somme de 464,60 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 46,46 € de congés payés afférents,

CONDAMNE la société STAR'S SERVICE aux dépens des procédures de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société STAR'S SERVICE à verser à Monsieur [U] la somme de 1.000 € au titre des frais de procédure,

DÉBOUTE la société STAR'S SERVICE de sa demande au titre des frais de procédure,

ORDONNE la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi devenu France travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire,

DIT que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2016.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/06338
Date de la décision : 29/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-29;21.06338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award