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28/05/2024 | FRANCE | N°23/04731

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 mai 2024, 23/04731


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 28 MAI 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04731 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54X



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2016 rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Montmorency - RG n° 13/00188 infirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date

du 24 janvier 2018 cassé partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2019 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Versailles ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 28 MAI 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04731 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2016 rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Montmorency - RG n° 13/00188 infirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date du 24 janvier 2018 cassé partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2019 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Versailles autrement composée. Arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 8 avril 2021 cassé par arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 mai 2023 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Paris.

APPELANTE

S.N.C. SEDIFRAIS [Localité 4] LOGISTIC

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

substituée par Me Laurent CAILLOUX-MEURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : J086

INTIMES

Monsieur [Z] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

Syndicat UNION LOCALE CGT DE L'EST DU [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Z] [F] a été engagé par la S.A.R.L. [Localité 4] services, aux droits de laquelle vient la S.N.C. Sedifrais [Localité 4] logistic (SML), par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 9 octobre 2000, devenu à durée indéterminée à compter du 14 avril 2011, en qualité de manutentionnaire.

Les relations contractuelles sont soumises à la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire.

La SNC SML, dirigée par les sociétés Leader price holding et Franprix holding exploite un entrepôt de produits frais, initialement situé à [Localité 4], qui a déménagé sur le site de l'aeropark de Gonnesse en juillet 2011, et gère des prestations de stockage et de logistique pour la préparation des produits frais à destination de 600 magasins portant l'enseigne Franprix, localisés en région parisienne et au nord de [Localité 5].

S'estimant victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, réclamant l'octroi de dommages et intérêts à cet égard, outre des rappels de salaires et de primes, M. [F] a saisi le 4 août 2011 le conseil de prud'hommes de Montmorency qui, par jugement du 20 décembre 2016 rendu en sa formation de départage, et auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- rejette les pièces nouvelles numérotées de 137 à 203 déposée par M. [F] et ses nouvelles prétentions,

- reçoit l'union locale CGT de l'Est du [Localité 6] en son intervention volontaire et la déclare recevable,

- condamne la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] les sommes suivantes:

- 27 000 € pour discrimination syndicale,

- 50 000 € de dommages et intérêts du fait des manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

- 5455,31 € de complément de primes annuelles,

- 17 971,49 € de rappel de prime de productivité,

- 1797,14 € pour les congés payés afférents,

- rappelle que les créances de nature salariale portent intérêt au taux légal à compter de la date de la convocation devant le conseil de prud'hommes soit le 20 janvier 2014 et les créances à caractère indemnitaire à compter du jour du prononcé du présent jugement,

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1154 du code civil,

- ordonne à la société Sedifrais [Localité 4] logistic de positionner M. [F] à des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du délai d'un mois après la notification du jugement à intervenir,

- dit que le conseil de prud'hommes se réserve le cas échéant le droit de liquider l'astreinte,

- ordonne à la société [Localité 4] logistic de transmettre à M. [F] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision,

- déboute les parties de leurs autres demandes,

- condamne la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à l'Union locale CGT de l'Est du [Localité 6] la somme de 1000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 2132-3 du code du travail,

- rappelle que, conformément aux dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, le jugement qui ordonne le paiement de sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R 1454-14 est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision pour le surplus,

- condamne la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 2000 € et à payer à l'Union locale CGT de l'Est du [Localité 6] 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la société Sedifrais [Localité 4] logistic de sa demande formulée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Sedifrais [Localité 4] logistic aux dépens.

Par déclaration du 20 janvier 2017, M. [F] a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt rendu le 24 janvier 2018, la cour d'appel de Versailles a partiellement infirmé la décision prud'homale, et a statué comme suit :

- rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

- écarte des débats les pièces communiquées par M. [F] n° 54 à 71 et 234 à 258,

- écarte des débats les pièces communiquées par la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic n° 223 à 226,

- infirme partiellement le jugement,

statuant à nouveau,

- annule la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 janvier 2013,

- ordonne le positionnement de M. [Z] [F] au poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective au salaire de base de 2 581,89 € pour 162,50 heures outre 788 € de prime de productivité, sous astreinte, pendant 3 mois, de 300 € par jour de retard passé un délai de deux mois après la notification du présent arrêt,

- dit que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte,

- condamne la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 50 000 € à de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 20 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte,

- 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

- 1 000 € pour non-respect de la visite médicale de reprise après l'arrêt de travail pour accident du travail du 21 juin au 26 juillet 2015,

- 19 126,62 € à titre de rappel de prime de productivité,

- 1 912,66 € à titre de congés payés afférents,

- 928,64 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire de 10 jours notifiée le 14 janvier 2013,

- 92,86 € au titre des congés payés afférents,

- 94,01 € à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées des mois de juillet, août et novembre 2013,

- 9,40 € à titre de congés payés incidents,

- 35,03 € à titre de rappel de salaire correspondant à une retenue injustifiée au mois de mai 2015 à titre de prétendues " heures de pause ",

- 3,50 € à titre de congés payés afférents,

- 1 217,16 € au titre de rappel de salaire des heures de nuit de janvier 2009 à août 2017,

- 121,71 € au titre des congés payés afférents,

- déboute M. [F] de ses demandes de rappel de salaire et de prime de productivité formées au titre de l'absence de positionnement au poste de chef d'équipe malgré le jugement du 20 décembre 2016,

- déboute M. [F] de sa demande de complément de prime annuelles,

- ordonne à la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic de remettre à M. [F] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,

- condamne la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du [Localité 6] la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail,

- dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

- confirme pour le surplus le jugement,

- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamne la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à payer à M. [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamne la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à payer à l'Union locale CGT de l'Est du [Localité 6] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- déboute la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic aux dépens.

La société SML a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par un arrêt du 23 octobre 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel, statuant comme suit :

- casse et annule mais seulement en ce qu'il condamne la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] les sommes de 19 126,62 € à titre de rappel de prime de productivité et de 1 912,66 € à titre de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 24 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit,

- les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

La Cour de cassation a alors statué comme suit :

'Attendu que pour condamner la société à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de prime de productivité et congés payés afférents, l'arrêt retient, après avoir constaté que le protocole d'accord du 27 novembre 2002 stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40 % depuis l'intervalle de colis " 1 300 à 1 324 " qui correspond aujourd'hui à 1 036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1 450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis " 1 900 à 1 924 " qui correspondra donc à " 3 028,20 francs " (- soit 461,64 euros -), que, contrairement à ce que soutient la société, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924, et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 euros et qu'en l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de 1 300 colis par heure n'étant pas pertinent puisque le salarié a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 euros, correspondant à 1 300 colis par heure, à plusieurs reprises, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 euros ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;'

Par un arrêt rendu le 8 avril 2021, la cour d'appel de Versailles a partiellement infirmé le jugement du conseil de prud'hommes, statuant comme suit :

- écarte la demande de rejet des conclusions du 25 janvier 2021,

- infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à verser à M. [F] la somme de 17 971,49 € à titre de rappel de prime de productivité, outre 1 797,14 € au titre des congés payés afférents,

statuant à nouveau de ce chef,

- condamne la société SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à verser à M. [F] la somme de 5 815,57 € à titre de rappel de prime de production de novembre 2009 à mars 2013, outre 581,55 € au titre des congés payés afférents,

- déboute M. [F] du surplus de ses prétentions,

- confirme le jugement en ce qu'il a dit que cette créance salariale porte intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2014 et ordonné la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

y ajoutant,

- ordonne à la société SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic de remettre à M. [F] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, et ce sans astreinte.

- condamne la société SNC Sedifrais [Localité 4] Logistic à verser à M. [F] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à la présente instance.

M. [F] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 10 mai 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 avril 2021, et a statué comme suit :

- casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Le 17 juillet 2023, la société SML a saisi la cour d'appel de renvoi.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2023, la société Sedifrais [Localité 4] logistic demande à la cour de :

- déclarer la société SML recevable en ses pièces et conclusions,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 20 décembre 2016 en ce qu'il a condamné la société Sedifrais [Localité 4] logistic à verser à M. [F] les sommes de 17.971,49 € à titre de complément de prime de productivité, outre les congés payés afférents,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger que la société SML a respecté les dispositions conventionnelles applicables,

- débouter en conséquence M. [F] de l'ensemble de ses demandes relatives au complément de primes de productivité,

- condamner M. [F] à rembourser à la société SML les sommes avancées à ce titre,

- condamner M. [F] aux entiers dépens et à payer à la société SML la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire et avant dire droit,

- ordonner une expertise judiciaire aux frais de M. [F],

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que M. [F] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce,

à titre infiniment infiniment subsidiaire,

- limiter l'indemnisation du complément de prime de productivité alloué par extraordinaire à M. [F] en retenant comme base de prime un montant de 252,48 € correspondant à la base maximale de la prime en raison du nombre de colis sur la période considérée,

en tout état de cause,

- condamner M. [F] aux entiers dépens et à payer à la société SML la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 novembre 2023, M. [F] et l'union locale CGT de l'Est du [Localité 6] demande à la cour de :

in limine litis, avant tout débat au fond,

vu l'arrêt rendu par la cour de cassation le 10 mai 2023,

vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi en date du 17 juillet 2023,

vu l'article 1037-1 du code de procédure civile,

vu l'article 564 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables, sur le fondement de l'article 1037-1 du code de procédure civile, les conclusions notifiées par la société SML par RPVA le 18 septembre 2023,

en conséquence,

- juger que la société SML est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé, conformément au 6 ème alinéa de l'article 1037-1 du code de procédure civile,

en conséquence,

- déclarer irrecevable la demande subsidiaire et avant dire droit formée par la société SML, pour la première fois dans ses conclusions notifiées par RPVA le 18 septembre 2023, tendant à voir " ordonner une expertise judiciaire aux frais de M. [F] ",

- déclarer irrecevable la demande infiniment subsidiaire formée par la société SML, pour la première fois dans ses conclusions notifiées par RPVA le 18 septembre 2023, tendant à voir " juger que M. [F] ne rapporte pas la preuve des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce ", demande qui n'est même pas, du reste, une prétention mais un moyen qui n'a jamais été soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé,

en tout état de cause,

- déclarer irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, la demande totalement nouvelle formée par la société SML, dans ses conclusions notifiées le 18 septembre 2023 tendant à voir " juger que M. [F] ne rapporte pas la preuve des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce ",

sur le fond,

- dire et juger la société Sedifrais [Localité 4] logistic mal fondée en son appel et la débouter de l'intégralité de ses demandes, prétentions, fins et conclusions,

- dire et juger M. [F] bien fondé en son appel incident,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris des chefs de rappel de prime de productivité et de congés payés incidents, sauf à l'infirmer quant au montant des rappels de prime de productivité et de congés payés incidents alloués,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 52.767,32 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 mai 2018 et calculé sur la somme de 646,44 €, outre la somme de 5276,73 € au titre des congés payés incidents,

subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 472,09 €,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 34.809,27 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 mai 2018, outre la somme de 3480,92 € au titre des congés payés incidents,

plus subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 430,28 €,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 30.502,84 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 mai 2018, outre la somme de 3050,28 € au titre des congés payés incidents,

infiniment subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 252,48 €,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 12.189,40 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 mai 2018, outre la somme de 1218,94 € au titre des congés payés incidents,

y ajoutant,

- ordonner à la société Sedifrais [Localité 4] logistic de remettre à M. [F] un bulletin de salaire récapitulatif conforme sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic à payer à M. [F] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sedifrais [Localité 4] logistic aux entiers dépens, lesquels comprendront, outre le droit de plaidoirie, l'intégralité des éventuels frais de signification et d'exécution que pourrait avoir à engager M. [F],

- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil.

L'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des conclusions de la société SML notifiées le 18 septembre 2023

M. [F] soutient que les conclusions de la société SML notifiées le 18 septembre 2023 sont irrecevables en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile au motif que la société n'a pas notifié ses conclusions dans les deux mois de saisine de la déclaration d'appel du 17 juillet 2023 ; qu'elle est donc réputée s'en tenir aux moyens et prétentions soumises à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

La société SML n'a pas conclu sur ce point.

L'article 1037-1 du code de procédure civile dispose qu'en cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables.

La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.

Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration.

Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2.

Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

En application de l'article 642 du code de procédure civile, tout délai expire le dernier jour à 24 heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Le délai de deux mois prévu par l'article 1037-1 du code de procédure civile expirait le dimanche 17 septembre 2023 de telle sorte que la société SML a pu régulièrement notifier ses conclusions le jour ouvrable suivant, soit le lundi 18 septembre 2023.

Ses conclusions sont donc recevables.

Sur l'irrecevabilité d'une demande nouvelle

Le salarié soulève l'irrecevabilité de la demande la société tendant à voir « juger que M. [F] ne rapporte pas la preuve des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce' au visa de l'article 564 du code de procédure civile au motif que cette demande a été formulée pour la 1ère fois dans les conclusions de la société notifiée le 18 mars 2023.

La société SML n'a pas répondu sur ce point.

En application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à 'dire' ou 'constater' un principe de droit ou une situation de fait.

En l'espèce la 'demande' dont M. [F] sollicite l'irrecevabilité n'est pas une prétention au sens de l'article 954 sus-visé mais un moyen en défense que la société peut présenter à tout moment au cours de la procédure.

L'exception d'irrecevabilité est donc rejetée.

Sur le rappel de prime de productivité

Pour infirmation de la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné la société SML à verser à M. [F] la somme de 17 971,49 euros de rappel de prime de productivité outre la somme de 1 797,14 euros de congés payés afférents, la société soutient en substance que les modalités d'attribution et de calcul de la prime de productivité du service réception ont été fixées par deux accords d'entreprise, négociés au sein de l'entreprise le 17 septembre 1998 et le 27 novembre 2002 ; que le montant de la prime de productivité dépend de 2 critères à savoir le nombre de colis traités par le service et le nombre d'heures payées aux salariés du service ; que la société a communiqué toutes les données, sur la période considérée, relative au nombre de colis ; que la communication n'a pu être exhaustive, en revanche, concernant les tableaux des heures travaillées chaque jour par les membres du service ; que toutefois, les contrôles du cabinet d'expertise réalisés par sondage permettent de témoigner de la fiabilité des données existantes au sein de la société et ayant servi.

Sur appel incident quant au quantum alloué, M. [F] réplique que, s'agissant du mode de calcul de la prime de productivité, il est faux d'affirmer que le mode de calcul résulterait du protocole du 17 septembre 1998, ce dernier se bornant à établir une grille de productivité comportant deux colonnes à savoir colis par heure et montant mensuel ; que si ce protocole comporte une grille de productivité, il ne comporte aucune formule de calcul ; qu'il en est de même de l'accord du 27 novembre 202 qui ne comporte pas davantage de mode de calcul de la prime de productivité ; que dès lors, en l'absence de formule de calcul, il est même impossible pour les salariés de savoir si la base de calcul de la prime de productivité est collective ou individuelle.

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte que lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Il est constant qu'une clause de variabilité de la rémunération est valable dès lors qu'elle est bien fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur (en l'espèce le nombre moyen de colis par heure), qu'elle ne fait pas peser le risque de l'entreprise sur le salarié, et à la condition qu'elle n'ait pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous du salaire minimum légal ou conventionnel.

Il est également de droit que les modalités de calcul d'une telle part variable de la rémunération doivent reposer sur des éléments comptables vérifiables, faute de quoi le salarié pourra y prétendre même si l'employeur soutient qu'elle n'est pas due, notamment en cas de défaut d'atteinte des objectifs en cause, ici fixés par accords collectifs successifs.

Il est admis en l'espèce que la prime de productivité accordée dans la société SML aux agents de réception est d'un montant variable qui dépend directement du nombre moyen de colis manipulés chaque heure par le salarié en cause, les accords collectifs successifs l'organisant permettant d'en définir le montant, en francs puis en euros, par 'tranche' de nombre moyen de colis.

Au constat que M. [S], délégué syndical, a attesté à plusieurs reprises de façon contradictoire, selon lui sous la pression de la direction de la société, puis sous la pression du salarié, sur le nombre de page du protocole d'accord du 17 septembre 1998, la cour en déduit que ses attestations sont dépourvues de toute force probante.

La cour retient qu'il n'est pas établi que le document portant des mentions relatives à la 'Prime de réception', au ' Mode de calcul' et au ' mode d'attribution', qui n'est ni paraphé ni signé mais présenté par l'employeur comme étant la seconde page du protocole d'accord du 17 septembre 1998, fait partie de ce document. La cour écarte en conséquence le rapport de la consultation amiable du 28 novembre 2014 commandée par l'employeur, sur la 'vérification de la méthode et des calculs retenus par la société pour la détermination et l'attribution de la prime de productivité aux salariés du service réception sur la période 2008-2013", sauf en ses constatations d'ordre général.

En outre, comme le souligne le salarié, et contrairement à ce qu'affirme l'employeur, la prime de productivité accordée aux agents de ce service n'a manifestement pas été créée par le protocole d'accord collectif du 17 septembre 1998 sur la rémunération des caristes de la réception puisqu'il fait mention d'une 'modification de la grille de productivité de façon à ce que la tranche moyenne soit augmentée de 200 F, ce qui donne la grille suivante'. Aucun élément n'est versé aux débats sur les modalités de calcul de cette prime de productivité pour la période antérieure à l'accord collectif du 17 septembre 1998, et notamment de la façon dont était déterminé le nombre de colis/heure par salarié à prendre en compte pour la fixation du taux de prime à appliquer au regard de la grille.

Les éléments de fixation de la prime de productivité versés aux débats par l'employeur sont:

- la grille de l'accord du 17 septembre 1998,

- l'accord collectif du 27 novembre 2002 qui avait pour objet :

* d'une part (article premier) une 'augmentation des grilles Franprix et Leader'

* d'autre part (article 2) la mise en place d'une prime de productivité pour le personnel ne bénéficiant pas à l'heure actuelle d'une telle prime, cet article en définissant les modalités spécifiques de calcul.[= prime de productivité dite 'hors préparation']

* et enfin (article 3) une 'augmentation de la prime de productivité de la réception' par application d'une augmentation de 40 % du montant de la prime pour les intervalles de colis allant de l'intervalle '1300 à 1324' à l'intervalle '1900 à 1924';

- l'accord d'entreprise NAO du 10 avril 2013 qui pose le principe selon lequel à compter du 1er avril 2013, les salariés bénéficiaires de la prime de productivité dite 'réception' bénéficieront de la prime de productivité dite 'hors préparation' selon les dispositions de l'accord collectif en date du 27 novembre 2002, ce qui vise la prime de productivité instaurée par l'article 2 précité de cet accord du 27 novembre 2002, l'accord spécifiant que ces deux primes de productivité ne sont pas cumulables.

C'est en vain que l'employeur prétend que la prime de productivité s'analyserait en un usage dont il appartiendrait au salarié de prouver les caractéristiques alors qu'il reconnaît que les modalités d'attribution et de calcul de la prime litigieuse sont issus d'accords d'entreprise et qu'en conséquence, cette prime a une origine contractuelle et ne peut résulter d'un usage.

Au constat que l'employeur ne produit pas les éléments comptables permettant d'apprécier les modes de calcul et les montants retenus par lui pour la détermination et l'attribution de la prime variable litigieuse, et donc de vérifier que le salarié a été pleinement rempli de ses droits, la cour, sans qu'il y ait lieu à expertise, retient le décompte produit aux débats par le salarié qui ne souffre pas de contestations pertinentes de l'employeur, à savoir un calcul basé sur la prime de productivité de 646,44 euros correspondant au montant maximal de la prime prévu par l'accord d'entreprise et, sans qu'il y ait lieu à expertise, condamne en conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la société SML à verser à M. [F] la somme de 52 767,32 euros à titre de rappel de prime de productivité, outre la somme de 5 276,73 euros de congés payés afférents.

Sur la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif

La société SML devra remettre un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

La société SML sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

REJETTE les exceptions d'irrecevabilité ;

INFIRME le jugement dans les limites du renvoi après cassation prononcé par la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 mai 2023 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais [Localité 4] logistic à verser à M. [Z] [F] la somme de de 52 767,32 euros à titre de rappel de prime de productivité arrêté au mois de mai 2018, outre la somme de 5 276,73 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais [Localité 4] logistic à remettre à M. [Z] [F] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais [Localité 4] logistic aux entiers dépens ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais [Localité 4] logistic à verser à M. [Z] [F] la somme de de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 23/04731
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;23.04731 ?
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