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28/05/2024 | FRANCE | N°23/04729

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 mai 2024, 23/04729


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 Mai 2024

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/04729 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil infirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date du 24 janvier 2018 cassé partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 octob

re 2019 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Versailles autrement composée. Arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 8 avril 2021...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 Mai 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/04729 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil infirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date du 24 janvier 2018 cassé partiellement par arrêt de la Cour de Cassation en date du 23 octobre 2019 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Versailles autrement composée. Arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 8 avril 2021 cassé par arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 mai 2023 qui a renvoyé devant la Cour d'Appel de Paris.

APPELANTE

S.N.C. SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426 substituée par Me Laurent CAILLOUX-MEURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : J086

INTIMES

Monsieur [H] [J] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

né le 17 Septembre 1956 à [Localité 7]

représenté par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

Syndicat UNION LOCALE CGT DE L'EST DU VAL D'OISE

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [H] [J] [V] a été engagé par la société Sedifrais Montsoult services, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 juin 1992 en qualité de manutentionnaire cariste au coefficient 115 M G3.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers.

Le 2 juin 2008, la S.N.C. Sedifrais Montsoult logistic (SML) a repris son contrat de travail en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire.

La SNC SML, dirigée par les sociétés Leader price holding et Franprix holding exploite un entrepôt de produits frais, initialement situé à Montsoult, et qui a déménagé sur le site de l'aeropark de Gonnesse en juillet 2011, elle gère des prestations de stockage et de logistique pour la préparation des produits frais à destination de 600 magasins portant l'enseigne Franprix, localisés en région parisienne et au nord de Paris.

M. [V] détenait des mandats syndicaux CGT au sein de la société, dont celui du délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise.

En outre, il a été élu conseiller prud'hommes à la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Montmorency en décembre 2008.

S'estimant victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, réclamant l'octroi de dommages et intérêts à cet égard, outre des rappels de salaires et de primes, M. [V] a saisi le 4 août 2011 le conseil de prud'hommes de Montmorency, avant que l'affaire ne soit renvoyée devant le conseil de prud'hommes d'Argenteuil qui, par jugement du 12 février 2015, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- condamne la société SML prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [V] les sommes suivantes :

- 85,31 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre disciplinaire d'un jour,

- 1580,36 € à titre de rappel de salaire correspondant à la majoration de 20 % au titre des heures de nuit en denier ou quittance,

- 158,03 € au titre des congés payés afférents en denier ou quittance,

- 36 102,37 € à titre de rappel de prime de productivité,

- 3610,23 € au titre des congés payés afférents,

- 25 000 € à titre de discrimination syndicale,

- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 février 2015, la société SML a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt rendu le 24 janvier 2018, la cour d'appel de Versailles a partiellement infirmé la décision prud'homale, et a statué comme suit :

- écarte des débats la pièce n° 192 communiquée par la société SML,

- infirme partiellement le jugement,

statuant à nouveau,

- ordonne à la société SML de positionner M. [V] au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau 5,

- condamne la société SML à payer à M. [V] les sommes suivantes :

- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 8000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

- 19 150,46 € à titre de rappel de prime de productivité pour la période du 12 février 2015 au 31 août 2017, outre 1915,04 € à titre de congés payés afférents,

- 22 677,69 € à titre de complément de prime de productivité pour la période d'octobre 2007 à mars 2013, outre les 2267,76 € à titre de congés payés afférents,

- déboute M. [V] de sa demande d'annulation de la mise à pied notifiée le 5 décembre 2012 et de rappel de salaire afférente,

- ordonne à la société SML de remettre à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,

- dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêt au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

- confirme pour le surplus le jugement,

- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamne la société SML à payer à M. [V] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appeln

- déboute la société SML de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société SML aux dépens.

La société SML a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par un arrêt du 23 octobre 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel, statuant comme suit :

- casse et annule mais seulement en ce qu'il condamne la société Sedifrais Montsoult logistic à payer à M. [V] les sommes de 22 677,69 € à titre de complément de prime de productivité pour la période d'octobre 2007 à mars 2013 et de 2 267,76 € à titre de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 24 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

La Cour de cassation a alors statué comme suit :

' Attendu que pour condamner la société à payer au salarié certaines sommes à titre de complément de prime de productivité et congés payés afférents, l'arrêt retient, après avoir constaté que le protocole d'accord du 27 novembre 2002 stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40 % depuis l'intervalle de colis " 1 300 à 1 324 " qui correspond aujourd'hui à 1 036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1 450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis " 1 900 à 1 924 " qui correspondra donc à " 3 028,20 francs " (- soit 461,64 € -), que, contrairement à ce que soutient la société, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924 , et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 € et qu'en l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de mille trois cent colis par heure n'étant pas pertinent puisque le salarié a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 €, correspondant à mille trois cent colis par heure, d'octobre 2007 à octobre 2009, de janvier à mai 2010 et de mars à juillet 2011, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 € ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;".

Par un arrêt rendu le 8 avril 2021, la cour d'appel de Versailles a partiellement infirmé le jugement du conseil de prud'hommes, statuant comme suit :

- écarte la demande de rejet des conclusions du 25 janvier 2021,

- infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société SML à verser à M. [V] la somme de 36 102,37 € à titre de rappel de prime de productivité, outre 3610 € au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamne la société SML à verser à M. [V] la somme de 4419,91 € à titre de rappel de prime de production d'octobre 2007 à mars 2013, outre 441,99 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date de convocation à l'audience de conciliation pour la somme correspondant aux termes échus de cette prime à cette date, et pour les termes postérieurs à cette date à compter de chacun des dits termes mensuels,

- confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dus au moins pour une année entière,

Y ajoutant,

- condamne la société SML à verser à M. [V] la somme de 750 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- ordonne à la société SML de remettre à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision, et ce sans astreinte,

- condamne la société SML à verser à M. [V] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à la présente instance.

M. [V] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 10 mai 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 avril 2021, et a statué comme suit :

- casse et annule, sauf en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier et condamne la société SML à payer à l'intéressé la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Les 13 et 17 juillet 2023, la société SML a saisi la cour d'appel de renvoi.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 septembre 2023 et soutenues à l'audience, la société Sedifrais Montsoult logistic demande à la cour de :

- déclarer la société SML recevable en ses pièces et conclusions,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 12 février 2015 en ce qu'il a condamné la société Sedifrais Montsoult logistic à verser à M. [V] les sommes de 36.102,37 € à titre de complément de prime de productivité, outre les congés payés afférents,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

- juger que la société SML a respecté les dispositions conventionnelles applicables,

- débouter en conséquence M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives au complément de primes de productivité,

- condamner M. [V] à rembourser à la société SML les sommes avancées à ce titre,

- condamner M. [V] aux entiers dépens et à payer à la société SML la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire et avant dire droit,

- ordonner une expertise judiciaire aux frais de M. [V],

À titre infiniment subsidiaire,

- juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce,

À titre infiniment infiniment subsidiaire,

- limiter l'indemnisation du complément de prime de productivité alloué par extraordinaire à M. [V] en retenant comme base de prime un montant de 252,48 € correspondant à la base maximale de la prime en raison du nombre de colis sur la période considérée,

En tout état de cause,

- condamner M. [V] aux entiers dépens et à payer à la société SML la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 novembre 2023 et soutenues à l'audience, M. [V] et l'union locale CGT de l'Est du Val d'Oise demande à la cour de :

Avant tout débat au fond,

Vu le dispositif des conclusions de la société Sedifrais Montsoult logistic,

- juger que la cour n'a pas à statuer sur la demande formée par la société Sedifrais Montsoult logistic tendant à voir " juger que M. [V] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, des caractéristiques de l'usage qu'il revendique, faute de pouvoir s'appuyer sur les modalités conventionnelles qu'il dénonce ", cette demande n'étant pas une prétention,

Sur le fond,

- dire et juger la société Sedifrais Montsoult logistic mal fondée en son appel et la débouter de l'intégralité de ses demandes, prétentions, fins et conclusions,

- dire et juger M. [V] bien fondé en son appel incident,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris des chefs de rappel de prime de productivité d'octobre 2007 à septembre 2014 et de congés payés incidents, sauf à porter le montant du rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 janvier 2015 et calculé sur la somme de 646,44 €, à la somme de 38.090,63 € et celui des congés payés incidents à la somme de 3.809,06 €,

Subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 472,09 €,

- condamner la société Sedifrais Montsoult logistic à payer à M. [V] la somme de 22.841,06 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 janvier 2015, outre la somme de 2.284,10 € au titre des congés payés incidents,

Plus subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 430,28 €,

- condamner la société Sedifrais Montsoult logistic à payer à M. [V] la somme de 19.112,82 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 janvier 2015, outre la somme de 1.911,28 € au titre des congés payés incidents,

Infiniment subsidiairement, si la cour devait retenir un complément de prime de productivité calculé sur la somme de 252,48 €,

- condamner la société Sedifrais Montsoult logistic à payer à M. [V] la somme de 6.320,35 € à titre de rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 janvier 2015, outre la somme de 632,03 € au titre des congés payés incidents,

Y ajoutant,

- condamner la société Sedifrais Montsoult logistic à payer à M. [V] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à la société Sedifrais Montsoult logistic de remettre à M. [V] un bulletin de salaire récapitulatif conforme sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la société Sedifrais Montsoult logistic aux entiers dépens, lesquels comprendront, outre le droit de plaidoirie, l'intégralité des éventuels frais de signification et d'exécution que pourrait avoir à engager M. [V],

- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 28 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à 'dire' ou 'constater' un principe de droit ou une situation de fait.

Sur le rappel de prime de productivité

Pour infirmation de la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné la société SML à verser à M. [V] la somme de 36.102,37 € à titre de complément de prime de productivité, outre les congés payés afférents, la société soutient en substance que les modalités d'attribution et de calcul de la prime de productivité du service réception ont été fixées par deux accords d'entreprise, négociés au sein de l'entreprise le 17 septembre 1998 et le 27 novembre 2002 ; que le montant de la prime de productivité dépend de 2 critères à savoir le nombre de colis traités par le service et le nombre d'heures payées aux salariés du service ; que la société a communiqué toutes les données, sur la période considérée, relative au nombre de colis ; que la communication n'a pu être exhaustive, en revanche, concernant les tableaux des heures travaillées chaque jour par les membres du service ; que toutefois, les contrôles du cabinet d'expertise réalisés par sondage permettent de témoigner de la fiabilité des données existantes au sein de la société et ayant servi.

Sur appel incident quant au quantum alloué, M. [V] réplique que, s'agissant du mode de calcul de la prime de productivité, il est faux d'affirmer que le mode de calcul résulterait du protocole du 17 septembre 1998, ce dernier se bornant à établir une grille de productivité comportant deux colonnes à savoir colis par heure et montant mensuel ; que si ce protocole comporte une grille de productivité, il ne comporte aucune formule de calcul ; qu'il en est de même de l'accord du 27 novembre 202 qui ne comporte pas davantage de mode de calcul de la prime de productivité ; que dès lors, en l'absence de formule de calcul, il est même impossible pour les salariés de savoir si la base de calcul de la prime de productivité est collective ou individuelle.

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte que lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Il est constant qu'une clause de variabilité de la rémunération est valable dès lors qu'elle est bien fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur (en l'espèce le nombre moyen de colis par heure), qu'elle ne fait pas peser le risque de l'entreprise sur le salarié, et à la condition qu'elle n'ait pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous du salaire minimum légal ou conventionnel.

Il est également de droit que les modalités de calcul d'une telle part variable de la rémunération doivent reposer sur des éléments comptables vérifiables, faute de quoi le salarié pourra y prétendre même si l'employeur soutient qu'elle n'est pas due, notamment en cas de défaut d'atteinte des objectifs en cause, ici fixés par accords collectifs successifs.

Il est admis en l'espèce que la prime de productivité accordée dans la société SML aux agents de réception est d'un montant variable qui dépend directement du nombre moyen de colis manipulés chaque heure par le salarié en cause, les accords collectifs successifs l'organisant permettant d'en définir le montant, en francs puis en euros, par 'tranche' de nombre moyen de colis.

Au constat que M. [U], délégué syndical, a attesté à plusieurs reprises de façon contradictoire, selon lui sous la pression de la direction de la société, puis sous la pression du salarié, sur le nombre de page du protocole d'accord du 17 septembre 1998, la cour en déduit que ses attestations sont dépourvues de toute force probante.

La cour retient qu'il n'est pas établi que le document portant des mentions relatives à la 'Prime de réception', au ' Mode de calcul' et au ' mode d'attribution', qui n'est ni paraphé ni signé mais présenté par l'employeur comme étant la seconde page du protocole d'accord du 17 septembre 1998, fait partie de ce document. La cour écarte en conséquence le rapport de la consultation amiable du 28 novembre 2014 commandée par l'employeur, sur la 'vérification de la méthode et des calculs retenus par la société pour la détermination et l'attribution de la prime de productivité aux salariés du service réception sur la période 2008-2013", sauf en ses constatations d'ordre général.

En outre, comme le souligne le salarié, et contrairement à ce qu'affirme l'employeur, la prime de productivité accordée aux agents de ce service n'a manifestement pas été créée par le protocole d'accord collectif du 17 septembre 1998 sur la rémunération des caristes de la réception puisqu'il fait mention d'une 'modification de la grille de productivité de façon à ce que la tranche moyenne soit augmentée de 200 F, ce qui donne la grille suivante'. Aucun élément n'est versé aux débats sur les modalités de calcul de cette prime de productivité pour la période antérieure à l'accord collectif du 17 septembre 1998, et notamment de la façon dont était déterminé le nombre de colis/heure par salarié à prendre en compte pour la fixation du taux de prime à appliquer au regard de la grille.

Les éléments de fixation de la prime de productivité versés aux débats par l'employeur sont:

- la grille de l'accord du 17 septembre 1998,

- l'accord collectif du 27 novembre 2002 qui avait pour objet :

* d'une part (article premier) une 'augmentation des grilles Franprix et Leader'

* d'autre part (article 2) la mise en place d'une prime de productivité pour le personnel ne bénéficiant pas à l'heure actuelle d'une telle prime, cet article en définissant les modalités spécifiques de calcul.[= prime de productivité dite 'hors préparation']

* et enfin (article 3) une 'augmentation de la prime de productivité de la réception' par application d'une augmentation de 40 % du montant de la prime pour les intervalles de colis allant de l'intervalle '1300 à 1324' à l'intervalle '1900 à 1924';

- l'accord d'entreprise NAO du 10 avril 2013 qui pose le principe selon lequel à compter du 1er avril 2013, les salariés bénéficiaires de la prime de productivité dite 'réception' bénéficieront de la prime de productivité dite 'hors préparation' selon les dispositions de l'accord collectif en date du 27 novembre 2002, ce qui vise la prime de productivité instaurée par l'article 2 précité de cet accord du 27 novembre 2002, l'accord spécifiant que ces deux primes de productivité ne sont pas cumulables.

C'est en vain que l'employeur prétend que la prime de productivité s'analyserait en un usage dont il appartiendrait au salarié de prouver les caractéristiques alors qu'il reconnaît que les modalités d'attribution et de calcul de la prime litigieuse sont issus d'accords d'entreprise et qu'en conséquence, cette prime a une origine contractuelle et ne peut résulter d'un usage.

Au constat que l'employeur ne produit pas les éléments comptables permettant d'apprécier les modes de calcul et les montants retenus par lui pour la détermination et l'attribution de la prime variable litigieuse, et donc de vérifier que le salarié a été pleinement rempli de ses droits, la cour, sans qu'il y ait lieu à expertise, retient le décompte produit aux débats par le salarié qui ne souffre pas de contestations pertinentes de l'employeur, à savoir un calcul basé sur la prime de productivité de 646,44 euros correspondant au montant maximal de la prime prévu par l'accord d'entreprise et, sans qu'il y ait lieu à expertise, condamne en conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la société SML à verser à M. [V] la somme de 38 090,63 euros à titre de rappel de prime de productivité, outre la somme de 3 809,06 euros de congés payés afférents.

Sur la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif

La société SML devra remettre un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

La société SML sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [V] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des affaires n°23/04728 et n°23/04729 sous le n°RG 23/04729 ;

INFIRME le jugement dans les limites du renvoi après cassation prononcé par la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 mai 2023 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais Montsoult logistic à verser à M. [H] [J] [V] la somme de 38 090,63 euros à titre de rappel de prime de productivité arrêté au mois de janvier 2015 la somme de 3 809,06 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais Montsoult logistic à remettre à M. [H] [J] [V] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais Montsoult logistic aux entiers dépens ;

CONDAMNE la S.N.C. Sedifrais Montsoult logistic à verser à M. [H] [J] [V] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 23/04729
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;23.04729 ?
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