La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2024 | FRANCE | N°23/07735

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 24 mai 2024, 23/07735


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 24 MAI 2024



(n° /2024, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07735 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQYW



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 mars 2023 - Juge de la mise en état de Paris RG n° 20/12313





APPELANTE



S.A.S. COORDINATION GENERALE D'ENTREPRISES prise en la personne de son représentant légal domici

lié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Caroline MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126

Ayant pour avocat plaidant à l'audience ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2024

(n° /2024, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07735 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQYW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 7 mars 2023 - Juge de la mise en état de Paris RG n° 20/12313

APPELANTE

S.A.S. COORDINATION GENERALE D'ENTREPRISES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Caroline MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Emmanuelle DURAND, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.C.E.A. LA MARTINETTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle CAILLABOUX-ROUQUET de la SELARL LUTETIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1917

Ayant pour avocat plaidant Me Fabrice DELAVOYE, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué à l'audience par Me Alice RONDOT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Viviane SZLAMOVICZ, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société la Martinette a fait procéder à des travaux de rénovation d'un château dont elle est propriétaire situé sur la commune de [Localité 3], dans le Var.

Sont notamment intervenues à ce titre :

- la société [G] Lafourcade, en qualité de maître d''uvre ;

- la société Coordination Générale d'Entreprises (CGE), en qualité d'entreprise chargée de la réalisation des travaux ;

- la société GTM Azur, en qualité d'entreprise sous-traitante pour le lot démolition et gros-'uvre et de membre du groupement chargé en sous-traitance du lot VRD ;

- la société Roger Cardaillac, en qualité d'entreprise membre du groupement chargé en sous-traitance du lot VRD ;

- la société FFA Bat, en qualité d'entreprise sous-traitante de la société GTM Azur, pour la purge et la réalisation des enduits de façades.

La réception des travaux a été effectuée le 12 décembre 2013.

A la demande de la société la Martinette, se plaignant d'un abandon de chantier et de désordres et non façons affectant les travaux, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le 10 octobre 2014.

L'expert judiciaire, Monsieur [P] [O], a clos son rapport le 11 mai 2020.

Par jugement du 7 août 2018, la liquidation judiciaire de la société FFA Bat a été ordonnée par le tribunal de commerce de Draguignan.

Suivant actes d'huissier délivrés les 9, 30 novembre et 1er décembre 2020, la société la Martinette a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société MMA IARD (MMA), en sa qualité d'assureur des sociétés [G] Lafourcade et CGE, la société Alexandre Lafourcade, anciennement dénommée [G] Lafourcade, la société CGE, la SMA SA (SMA), en sa qualité d'assureur de la société GTM Azur et la société Triverio Construction, venant aux droits de la société GTM Azur, aux fins de les voir condamner à l'indemniser des préjudices qu'elle estime subir.

Suivant acte d'huissier délivré le 8 janvier 2021, la société Triverio Construction a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société MMA, en sa qualité d'assureur des sociétés [G] Lafourcade et CGE, la société Alexandre Lafourcade, la société CGE, la SMA, en sa qualité d'assureur de la société GTM Azur, la société FFA Bat prise en la personne de Maître [S] [Y], mandataire liquidateur et la société Sogea Côte D'azur, venant aux droits de la société Roger Cardaillac, aux fins de les voir condamner à la relever et garantir de toute condamnation éventuelle.

Suivant acte d'huissier délivré le 25 mai 2021, la société Axa France IARD (Axa) a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société Groupama Méditerranée, en sa qualité d'assureur de la société FFA Bat à compter du 1er janvier 2015 aux fins de la voir condamner à la relever et garantir de toute condamnation éventuelle.

Ces instances ont successivement toutes été jointes par mentions aux dossiers des 8 février et 5 juillet 2021.

Par ordonnance du 10 mai 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action introduite à son encontre par la société Axa sur le fondement des dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances soulevée par la société Groupama Méditerranée.

Par ordonnance en date du 7 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Déclarons prescrite la demande reconventionnelle en paiement de ses factures 2013/120 et 2013/121 du 30 juin 2013 et du décompte général et définitif présentée par la société CGE à l'encontre de la société la Martinette ;

Rejetons la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Triverio Construction et Sogea Côte d'Azur tirée de la prescription des appels en garantie formés à leur encontre par la société CGE ;

Ordonnons le sursis à statuer sur les demandes formées par la société Axa à l'encontre de la société Groupama Méditerranée dans l'attente que la cour d'appel de Paris statue sur l'appel formé contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 mai 2022 ;

Renvoyons l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 22 mai 2023 à 10H10 pour permettre aux parties d'actualiser leurs conclusions au fond suite aux dernières décisions du juge de la mise en état ;

Informons les parties que leur présence à l'audience de mise en état n'est pas nécessaire, sauf difficulté particulière, leurs observations devant, en tout état de cause, être adressées au juge de la mise en état par message RPVA afin de permettre la contradiction ;

Condamnons la société CGE au paiement des dépens afférents au présent incident ;

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 24 avril 2023, la société CGE a interjeté appel de l'ordonnance, intimant devant la cour la société la Martinette.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2023, la société CGE demande à la cour de :

Ecarter l'argumentation de la société la Martinette ;

Réformer l'ordonnance du juge de la mise en état n° 23/12313 du 7 mars 2023 ;

Débouter la société la Martinette de son exception de prescription ;

Juger recevable comme n'étant pas prescrite la demande de la société CGE tendant à la condamnation de la société la Martinette à lui payer le solde du prix de ses travaux, soit la somme de 159 512,70 euros ;

Débouter la société la Martinette de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

Condamner la société la Martinette à payer à la société CGE une indemnité de 3 000 euros ;

Condamner la société la Martinette aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2024, la société la Martinette demande à la cour de :

Confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 7 mars 2023 en ce qu'elle a jugé prescrite la demande en paiement présentée à titre reconventionnel par la société CSE à l'encontre de la société la Martinette, et ainsi, irrecevable ;

Débouter la société CGE de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la société la Martinette ;

Condamner la société CGE au paiement d'une amende civile d'un montant de 3 000 euros pour appel abusif ;

Condamner la société CGE à verser à la société la Martinette la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par l'appel abusif interjeté ;

Condamner la société CGE à verser à la société la Martinette la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre aux entiers dépens de l'instance.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 février 2024.

MOTIVATION

Sur la prescription de la demande en paiement présentée à titre reconventionnel par la société CGE à l'encontre de la société la Martinette

Moyens des parties

La société la Martinette fait valoir que la société CGE avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action à son encontre dès le 30 juin 2013 et que par conséquent le délai de prescription a commencé à courir à compter de cette date.

Elle expose qu'elle seule peut se prévaloir de la suspension du délai de prescription tirée de l'article 2239 du code civil, dès lors que cette mesure d'instruction a été ordonnée sur sa demande.

Elle ajoute qu'en outre l'interruption résultant de la demande en justice de la société CGE est non avenue en application de l'article 2243 du code civil en raison du rejet de sa demande par le juge des référés.

La société CGE soutient que le délai de prescription a été interrompu par l'ordonnance de référé du 10 octobre 2014 et a recommencé à courir à compter du 10 mai 2020, date de dépôt du rapport d'expertise, de telle sorte que ses conclusions, notifiées le 14 juin 2021, formant une demande reconventionnelle en paiement du solde du marché de travaux, sont recevables.

Elle fait valoir qu'il apparaît d'une bonne administration de la justice de ne pas imposer à une partie d'assigner au fond son adversaire avant que l'expert ait déposé son rapport d'expertise, bien qu'elle ne soit pas à l'origine de la désignation de l'expert. Elle souligne qu'elle ne pouvait agir en paiement du solde des travaux avant que l'expert n'ait déposé son rapport et donné son avis sur l'apurement des comptes entre les parties.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 2224 du code de procédure civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon les articles 2239 et 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

Il est établi que seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi n° 88-15354 Bull 1990 IV n° 11 ; 3e Civ., 14 février 1996, pourvoi n° 94-13445 ; 2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-13239).

Lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure et ne joue qu'à son profit (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10011, 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié).

Aux termes de l'article 2243 du code civil, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Il est jugé que cette disposition ne comporte pas de distinction selon que la demande a été formée devant le juge des référés ou devant le juge du fond (Civ. 1ère, 30 mars 1994 n°90-20612).

Au cas d'espèce, la société CGE fonde sa demande reconventionnelle sur des factures du 30 juin 2013 et un décompte général et définitif. Elle a par ailleurs sollicité le paiement d'une provision au titre de cette créance devant le juge des référés à l'audience du 19 septembre 2014.

La société CGE ne peut soutenir qu'elle serait dans une situation identique à celle d'un constructeur qui ne peut agir en garantie à l'encontre d'un autre constructeur avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ni que le simple fait qu'une mesure d'instruction, qu'elle n'a pas sollicitée, soit ordonnée pour faire les comptes entre les parties, l'aurait empêché d'agir dans les délais à l'encontre de la société la Martinette. Il convient de souligner que le fait que la société CGE ait agi à l'encontre de la société la Martinette dans le cadre de l'instance de référé constitue également une preuve qu'il n'existait aucun obstacle à l'exercice d'une telle action.

Par conséquent, il est établi qu'elle a connu les faits lui permettant d'exercer son action à l'encontre de la société la Martinette au plus tard le 19 septembre 2014, date de l'audience devant le juge des référés et que le délai de prescription a donc couru à compter de cette date.

Les demandes de la société la Martinette devant le juge des référés ayant été rejetées, l'interruption de l'action est non avenue et la mesure d'expertise ayant été sollicitée uniquement par la société la Martinette, la suspension de la prescription ne peut jouer qu'au profit de cette dernière.

Par conséquent, le délai de prescription quinquennal étant expiré le 19 septembre 2020, le juge de la mise en état a, à juste titre, déclaré prescrite la demande en paiement présentée à titre reconventionnel par la société CGE pour la première fois par conclusions notifiées le 14 juin 2021 et il convient de confirmer l'ordonnance.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Selon l'article 1382, devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il appartient à la cour saisie d'une demande de dommages et intérêts sur ce fondement de caractériser l'abus de droit ou la mauvaise foi de l'appelant.

Au cas d'espèce, l'erreur de droit commise par la société CGE quant à l'application des règles applicables en matière de prescription, au regard de leur complexité, ne suffit pas à caractériser une faute de sa part faisant dégénérer son droit d'agir en justice en abus.

Il convient donc de rejeter la demande de la société la Martinette de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société CGE, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société la Martinette la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société la Martinette de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Coordination générale d'entreprise aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Coordination générale d'entreprise et la condamne à payer à la société la Martinette la somme de 1 500 euros.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 23/07735
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;23.07735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award