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24/05/2024 | FRANCE | N°21/18260

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 24 mai 2024, 21/18260


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 24 MAI 2024



(n° /2024, 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18260 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQOM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 septembre 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/09968





APPELANTE



S.C.I. L2DUFOUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domici

liés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2024

(n° /2024, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18260 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQOM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 septembre 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/09968

APPELANTE

S.C.I. L2DUFOUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Marie JOB, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Me Angélique DE LAMBERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT ILE DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.N.C. COGEDIM TRADITION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Alexis LE LIEPVRE, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Me Aude LEPRINCE, avocat au barreau de PARIS

S.A. RECMA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 12]

Représentée par Me Laurence THOMAS RIOUALLON de l'AARPI TRC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1317

S.A.R.L. CHAPES COUTINHO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

N'a pas constitué avocat - signification de la déclaration d'appel le 3 décembre 2021 à personne morale

Monsieur [D] [O]

[Adresse 2]

[Localité 6]

N'a pas constitué avocat - signification de la déclaration d'appel le 23 novembre 2021 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Viviane SZLAMOVICZ, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Manon CARON

ARRET :

- par défaut.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Laennec Rive Gauche, maître d'ouvrage, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Cogedim Tradition, était propriétaire avec la société Allianz Vie de l'ancien hôpital de [13].

La société Laennec et la société Allianz Vie ont entrepris la réhabilitation et la restructuration de cet ancien hôpital, avec notamment la création d'un centre de gérontologie de 45 lits, d'une résidence étudiante et de deux cents logements en accession.

Sont intervenus :

-La société Bouygues Bâtiment Ile-de-France (Bouygues) en tant qu'entreprise générale par acte du 9 mai 2011 ;

-M. [D] [O] en tant que bureau d'études acoustiques par contrat du 17 juillet 2010.

La société Bouygues a sous-traité le lot isolation thermique et acoustique à la société Chapes Couthino et le lot revêtements sols durs à la société Recma, selon contrat du 2 août 2012.

La société L2Dufour a acquis un appartement en vente en l'état futur d'achèvement auprès de la société Laennec, devenue la société Cogedim Tradition, [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], suivant contrat de réservation portant sur un appartement de 4 pièces en duplex et dernier étage de 129,75 m² habitable, pour un prix de 2 474 000 euros, puis signature le 6 décembre 2010 de l'acte authentique de vente en état futur d'achèvement.

La livraison a eu lieu le 12 avril 2014.

Se plaignant de l'impossibilité d'obtenir la reprise de certaines réserves, malfaçons et inachèvements, la société L2Dufour a sollicité, en référé, la désignation d'un expert judiciaire suivant assignation délivrée le 9 avril 2015.

Par acte du 15 mai 2015, le vendeur a également assigné devant le juge des référés les sociétés Valode et Pistres Architectes et Artelia Bâtiment & Industrie, ainsi que M.[O].

Par ordonnance du 21 mai 2015, le président du tribunal de grande instance de Paris a joint les deux instances et ordonné une expertise judiciaire, désignant M. [Z] [J] ensuite remplacé par M. [G] [R].

Cette ordonnance a été rendue commune à de nombreux intervenants au chantier, et M. [R] a déposé son rapport d'expertise le 30 avril 2018.

Par acte d'huissier en date du 31 juillet 2018 et au visa des articles 1792 et 1792-1 du code civil, la société L2Dufour a demandé au tribunal judiciaire de Paris la réparation des désordres dont elle estime responsables le vendeur et les intervenants à l'acte de construire, au titre de différents désordres :

1) Le brise-soleil dans le séjour ne descend pas jusqu'au sol mais s'arrête à 1,20 mètre du sol,

2) La pierre du Hainaut (vasques, sol de douche, et sol) de la salle d'eau parentale présenterait des désordres esthétiques, un vieillissement prématuré et des problèmes de sécurité,

3) Le box double du parking a été livré avec deux portes et un large montant au milieu des deux portes, ce qui en rend l'usage peu fonctionnel,

4) Un manque d'insonorisation ainsi que des bruits sourds et vibrations importantes dans leur appartement, liés notamment aux pas des voisins mais également à leur propres pas.

Par jugement en date du 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Déclare irrecevables les demandes formées par la société L2Dufour concernant les désordres acoustiques, et le double box de parking,

Condamne la société Cogedim Tradition venant aux droits de la société Laennec, à payer à la société L2Dufour la somme de 6 680,50 euros TTC en réparation de son préjudice ;

Dit que les sommes susvisées porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Ia société Cogedim Tradition venant aux droits de la société Laennec, à payer à la société L2Dufour la somme de 5 000 euros, et la somme de 1 000 euros chacun à la société Bouygues, à M. [O] et à la société Recma au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Cogedim Tradition venant aux droits de la société Laennec aux entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée en référé suivant ordonnance du 21 mai 2015,

Admet les avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 20 octobre 2021, la société L2Dufour a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- la société Bouygues

- la société Cogedim Tradition

- M. [O]

- la société Recma

- la société Chapes Couthino

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2022, la société L2Dufour demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 septembre 2021, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de la société L2Dufour tenant à la réparation du désordre relatif au brise-soleil installé dans le salon de l'appartement dont elle est propriétaire et a condamné la société Cogedim à supporter les frais d'expertise judiciaire,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 7 septembre 2021 en ce qu'il a écarté toute forclusion s'agissant des demandes formées par la société L2Dufour au titre du brise-soleil et de la pierre de Hainaut,

Et statuant à nouveau,

Recevoir la société L2Dufour en ses demandes et l'y dire bien fondée,

Dire et juger que le désordre tenant au vieillissement prématuré de la pierre du Hainaut dans la salle d'eau engage la responsabilité contractuelle de la société Cogedim Tradition :

En conséquence,

Condamner la société Cogedim Tradition à verser à la société L2Dufour la somme de 10 934 euros au titre du coût de remplacement de la pierre du Hainaut de la salle d'eau par un simple carrelage ;

Dire et juger, à titre principal, que les désordres acoustiques sont des désordres à caractère décennal et engagent à ce titre la responsabilité de la société Cogedim Tradition, de la société Bouygues, du cabinet [O] et également, pour ce qui concerne le désordre lié aux bruits d'impact, de la société Chapes Coutinho ;

Dire et juger, à titre subsidiaire, que les désordres acoustiques engagent la responsabilité contractuelle de la société Cogedim Tradition, mais également la responsabilité quasi-délictuelle de la société Bouygues, du cabinet [O] et, pour ce qui concerne le désordre lié aux bruits d'impact, de la société Chapes Coutinho ;

En conséquence, et en tout état de cause,

Condamner solidairement la société Cogedim Tradition, la société Bouygues et le cabinet [O] à verser à la société L2Dufour les sommes de :

- 20 053 euros au titre du coût des travaux de réfection acoustique dans la chambre parentale de l'appartement ;

- 14 151 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de surface et de volume associée à la réalisation des travaux ;

Condamner solidairement la société Cogedim Tradition, la société Bouygues, le cabinet [O] et la société Chapes Coutinho à verser à la société L2Dufour les sommes de :

- 46 764,30 euros au titre du coût des travaux de réfection acoustique dans le séjour de l'appartement ;

- 1 155 euros au titre du coût de remplacement du parquet dans l'entrée de l'appartement nécessité par les travaux ;

Condamner solidairement la société Cogedim Tradition, la société Bouygues, le cabinet [O] et la société Chapes Coutinho à prendre en charge les frais de maîtrise d''uvre induits par les travaux réparatoires des désordres, chiffrés à ce jour à la somme de 12 359,82 euros TTC ;

Condamner solidairement la société Cogedim Tradition, la société Bouygues, le cabinet [O] et la société Chapes Coutinho à verser à la société L2Dufour la somme de 11 620 euros au titre du coût du relogement des occupants de l'appartement pendant la durée des travaux ;

En tout état de cause,

Condamner la société Cogedim Tradition à verser à la société L2Dufour la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice de jouissance lié à la levée des réserves ;

Condamner la société Cogedim Tradition à verser à la société L2Dufour la somme de 5 640 euros au titre des honoraires de l'expert [E] ;

Condamner la société Cogedim Tradition à verser à la société L2Dufour la somme de 14 214,57 euros au titre des frais d'expertise judiciaire ;

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées contre la société L2Dufour ;

Condamner solidairement la société Cogedim Tradition et tout succombant à verser à la société L2Dufour la somme de 45 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, la société Recma demande à la cour de :

Juger la société L2Dufour non fondée en son appel à l'encontre de la société Recma ;

Le rejeter en conséquence ;

Juger que la responsabilité de la société Recma est expressément écartée par l'expert ;

Rejeter en conséquence toute demande formée à son encontre ;

A toutes fins,

Condamner la société Cogedim Tradition à relever et garantir la société Recma de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais ;

Juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la concluante les frais de la présente instance ;

Condamner en conséquence la société L2Dufour ou qui mieux le devra, tout succombant à payer à la société Recma la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2022, la société Bouygues demande à la cour de :

Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société L2Dufour, l'en débouter ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a rejeté toutes demandes de la société L2Dufour à l'égard de Bouygues et en ce qu'il a débouté la société Cogedim Tradition de toutes ses demandes à l'égard de Bouygues ;

En conséquence,

Déclarer la société L2Dufour irrecevable car forclose et en toute hypothèse mal fondée en ses demandes tenant tant au préjudice matériel qu'immatériel que sur toutes les demandes qu'elle formule devant la cour,

A titre subsidiaire et pour le cas où par infirmation du jugement, une condamnation interviendrait au profit de la société L2Dufour et/ou de la société Cogedim Tradition,

Sur les désordres acoustiques, condamner M.[O], sur un fondement quasi délictuel, et la société Chapes Coutinho, sur un fondement contractuel, in solidum à relever et garantir intégralement la société Bouygues de toutes condamnations prononcées contre elle au titre des dommages matériels et immatériels et du préjudice de jouissance concernant le volet acoustique,

Sur le désordre concernant la pierre du Hainaut, condamner la société Recma à relever et garantir intégralement la société Bouygues de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre des dommages matériels et immatériels sur ce poste, lesdites garanties ainsi sollicitées de Chapes Coutinho et de Recma portant sur toutes sommes dues en principal, intérêts, dommages-intérêts pour travaux et préjudices immatériels, dépens et article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause :

Condamner la société L2Dufour et Cogedim Tradition ou toutes parties succombant à payer à la société Bouygues la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) devant la cour ainsi qu'au paiement des entiers dépens en ce compris les frais et honoraires d'expertise ;

Déclarer la société Cogedim Tradition mal fondée en sa demande à l'égard de Bouygues l'en débouter ;

Débouter toutes parties de toutes demandes contraires au présent dispositif. 

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2022, la société Cogedim Tradition demande à la cour de :

Sur les demandes de la société L2Dufour relatives aux prétendus désordres de nature acoustique

A titre principal,

Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré les demandes de la société L2Dufour irrecevables au titre de la forclusion ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à déclarer les demandes de la société L2Dufour recevables ;

Dire et juger que la société L2Dufour ne rapporte pas la preuve de l'impropriété à destination de l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14] résultant des prétendus désordres d'isolation phonique de sorte que la garantie décennale n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;

Dire et juger que l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], livré le 12 avril 2014 à la société L2Dufour, est conforme à toutes les dispositions légales et réglementaires applicables ;

Dire et juger que l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], livré le 12 avril 2014 à la société L2Dufour, est conforme à toutes les stipulations contractuelles convenues entre les parties par l'acte authentique de vente en état futur d'achèvement du 6 décembre 2010 ;

Dire et juger qu'en l'absence de toute faute de la société Cogedim Tradition dans la construction et la livraison de l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], livré le 12 avril 2014 à société L2Dufour, sa responsabilité ne peut être engagée ;

En conséquence,

Débouter la société L2Dufour de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre très subsidiaire, si la cour venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Cogedim Tradition

Condamner solidairement les sociétés Bouygues et Chapes Coutinho, ainsi que M. [D] [O], à garantir et relever indemne la société Cogedim Tradition de toute condamnation ;

A titre infiniment subsidiaire,

Condamner les sociétés Bouygues et Chapes Coutinho, ainsi que M. [D] [O], à garantir et relever indemne la société Cogedim Tradition, à hauteur de l'imputation de responsabilité que préconise l'expert judiciaire M. [G] [R] au sein de son rapport d'expertise déposé le 30 avril 2018 ;

Sur les demandes de la société L2Dufour relatives aux prétendus désordres affectant la pierre de Hainaut

A titre principal,

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a écarté la forclusion des demandes de la société L2Dufour ;

Et statuant à nouveau

Dire et juger que la société L2Dufour est forclose,

En conséquence,

Dire et juger que la société L2Dufour est irrecevable en l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à déclarer les demandes de la société L2Dufour recevables

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cogedim Tradition à indemniser la société L2Dufour à hauteur de 50% du coût estimé de la remise en état des pierres posées, soit la somme de 3 188 euros TTC ;

Et statuant à nouveau

Dire et juger qu'en l'absence de toute faute de la société Cogedim Tradition dans la construction et la livraison de l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], livré le 12 avril 2014 à la société L2Dufour, sa responsabilité ne peut être engagée ;

En conséquence,

Débouter la société L2Dufour est irrecevable en l'ensemble de ses demandes (sic),

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Cogedim Tradition

Condamner la société Bouygues à garantir et relever indemne la société Cogedim Tradition de toute condamnation ;

Sur les demandes de la société L2Dufour relatives aux prétendus désordres affectant le brise soleil

A titre principal,

Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a écarté la forclusion des demandes de la société L2Dufour

Et statuant à nouveau

Dire et juger que la société L2Dufour est forclose,

En conséquence,

Dire et juger que la société L2Dufour est irrecevable en l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à déclarer les demandes de la société L2Dufour recevables

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cogedim Tradition à verser à la société L2Dufour la somme de 3 492,50 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l'installation d'un store intérieur,

Et statuant à nouveau

Dire et juger qu'en l'absence de toute faute de la société Cogedim Tradition dans la construction et la livraison de l'appartement situé au sein de l'ensemble immobilier sis [Adresse 16] et [Adresse 15] dans le [Localité 9] de [Localité 14], livré le 12 avril 2014 à la société L2Dufour, sa responsabilité ne peut être engagée ;

En conséquence,

Débouter la société L2Dufour est irrecevable en l'ensemble de ses demandes,

A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Cogedim Tradition

Condamner la société Bouygues à garantir et relever indemne la société Cogedim Tradition de toute condamnation ;

Sur les demandes accessoires de la société L2Dufour

Confirmer le jugement en ce qu'il rejeté l'ensemble des autres demandes de la société L2Dufour, en ce compris les demandes de la société L2Dufour relatives au prétendu préjudice de jouissance lié aux travaux de levée des réserves ;

A défaut, condamner la société Bouygues à garantir et relever indemne la société Cogedim Tradition de toute condamnation ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cogedim Tradition à supporter les frais d'expertise judiciaire et a réglé des frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau

Condamner la société L2Dufour à rembourser la société Cogedim Tradition des frais d'expertise réglés dans le cadre de l'exécution du jugement de première instance dont le montant s'élève à la somme de 15 014,57 euros.

En tout état de cause

Condamner la société L2Dufour à payer à la société Cogedim Tradition la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société L2Dufour, aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [O], qui a reçu signification de la déclaration d'appel, par acte déposé à l'étude de l'huissier, le 23 novembre 2021, n'a pas constitué avocat.

La société Chapes Coutinho, qui a reçu signification de la déclaration d'appel, par acte délivré à personne morale le 3 décembre 2021, n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 8 février 2024.

MOTIVATION

1°) Sur les fins de non-recevoir

A/ Sur la longueur insuffisante du brise-soleil

Moyens des parties

La société Cogedim fait valoir que l'action est forclose en application de l'article 1648 alinéa 2 du code civil. Elle expose que si l'action a été interrompue suite à l'assignation en référé du 9 avril 2015, le délai annal a recommencé à courir pour expirer le 22 mai 2016.

La société Bouygues observe que la société L2Dufour ne remet pas en cause la décision en ce qu'elle l'a déclarée forclose au titre des vices et non-conformités apparents.

La société L2Dufour sollicite la confirmation du jugement de ce chef et par conséquent, bien qu'elle ne le précise pas dans ses conclusions, s'approprie les motifs du jugement qui a retenu la responsabilité de la société Cogedim au titre d'un manquement à son devoir de conseil et non à un défaut de conformité.

Réponse de la cour

Selon l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des défauts de conformité alors apparents.

Selon l'article 1648 du même code, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des défauts de conformité apparents.

Au cas d'espèce, il résulte du rapport d'expertise que la longueur insuffisante du brise-soleil ne constitue ni un vice de construction ni une non-conformité, la notice descriptive ne précisant nulle part que le « brise soleil », à la différence du « volet roulant », devrait occulter la baie sur toute sa hauteur. La société Cogedim se réfère par ailleurs à ces conclusions du rapport d'expertise pour expliquer l'absence de toute faute de sa part.

Par conséquent l'action engagée par la SCI L2Dufour est recevable en ce qu'elle ne peut être fondée sur l'article 1642-1 du code civil et qu'elle peut donc agir à l'encontre de la société Cogedim sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de cette dernière.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la forclusion de la demande de la société L2Dufour à ce titre.

B/ Sur la pierre de Hainaut

Moyens des parties

La société Cogedim fait valoir que l'action est forclose en application de l'article 1648 alinéa 2 du code civil. Elle expose que si l'action a été interrompue suite à l'assignation en référé du 9 avril 2015, le délai annal a recommencé à courir pour expirer le 22 mai 2016.

La société Bouygues observe que la société L2Dufour ne remet pas en cause la décision en ce qu'elle l'a déclarée forclose au titre des vices et non-conformités apparents.

La société L2Dufour sollicite la confirmation du jugement et s'approprie les motifs du jugement qui a retenu la responsabilité de la société Cogedim au titre d'un manquement à son devoir de conseil et non à un défaut de conformité ou à des vices de construction.

Réponse de la cour

Selon l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des défauts de conformité alors apparents.

Selon l'article 1648 du même code, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des défauts de conformité apparents.

Au cas d'espèce, il résulte du rapport d'expertise qu'il s'agit d'un désordre esthétique dû à l'emploi de produits d'entretien inappropriés et que ni la pierre de Hainaut ni sa pose ne souffrent d'aucune malfaçon.

Par conséquent l'action engagée par la SCI L2Dufour est recevable en ce qu'elle ne peut être fondée sur l'article 1642-1 du code civil, en l'absence de vice de construction ou de défauts de conformité et qu'elle peut donc agir à l'encontre de la société Cogedim sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de cette dernière.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la forclusion de la demande de la société L2Dufour à ce titre.

C/ Sur les désordres acoustiques

Moyens des parties

La société L2Dufour soutient que le délai de forclusion annal de l'article L. 111-11 du code de la construction et de l'habitation ne trouve pas à s'appliquer lorsque les troubles acoustiques constituent des désordres de nature décennale et lorsqu'ils trouvent leur origine dans un défaut de conformité aux stipulations contractuelles.

Elle expose que l'inefficacité de l'isolation entre la chambre parentale et une des chambres d'un appartement voisin, en ce qu'elle ne permet pas une indépendance réelle des logements les uns par rapport aux autres, rend impropre le logement de la société L2Dufour à sa destination. Elle souligne que l'expert a constaté que les bruits d'impact et de vibrations constituaient une gêne indéniable et que de tels désordres sont inconcevables dans un immeuble neuf proposant des prestations haut de gamme.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les problèmes acoustiques constituent des non-conformités aux documents contractuels liant le vendeur à la société L2Dufour ainsi que la responsabilité de M. [O], pour insuffisance de prescription et de la société Bouygues pour insuffisance d'isolation acoustique dans la chambre parentale sur le fondement de l'article 1383 (ancien) du code civil.

La société Cogedim soutient que l'appartement livré est conforme à ses obligations légales et contractuelles et que la responsabilité décennale n'est pas applicable dès lors que les émergences sonores ne rendent pas l'appartement impropre à sa destination.

La société Bouygues observe que la société L2Dufour ne remet pas en cause la décision en ce qu'elle l'a déclaré forclose au titre des vices et non-conformités apparents.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L.111-11 du code de la construction et de l'habitation, les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique.

Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du code civil reproduit à l'article L. 111-20-2.

Le vendeur ou le promoteur immobilier est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.

Les désordres d'isolation phoniques peuvent relever de la garantie décennale, même en cas de respect des exigences légales ou réglementaires, et il ne peut être déduit de la seule conformité aux normes applicables en la matière l'absence de désordres relevant de cette garantie (Ass. plén., 27 octobre 2006, pourvoi n° 05-19.408, Bull. 2006, Ass. plén, n° 12).

De même la forclusion de l'article L. 111-11 du code de la construction et de l'habitation peut être écartée lorsque les désordres trouvent leur origine non dans une inobservation des exigences légales, mais dans un défaut de conformité aux stipulations contractuelles (3e Civ., 21 février 1990, pourvoi n° 88-10.623, Bulletin 1990 III N° 59).

Au cas d'espèce, la société L2Dufour ne se prévalant pas du défaut de respect de normes règlementaires ou légales mais du fait que les désordres acoustiques rendaient l'appartement impropre à la destination et constituaient en outre une non-conformité aux documents contractuels, la forclusion de l'article L.111-11 du code de la construction et de l'habitation ne peut lui être opposée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société L2Dufour au titre des désordres acoustiques.

D/ Sur le double box du parking

La société L2Dufour n'invoquant aucun moyen au soutien de sa prétention tendant à voir déclarer recevable sa demande au titre du double box du parking, la cour ne pourra que confirmer le jugement sur ce point.

2°) Sur le fond

A/ Sur la longueur insuffisante du brise-soleil

Moyens des parties

La société L2Dufour expose que la notice descriptive ne mentionne pas que le brise-soleil ne descend pas jusqu'en bas de la baie vitrée et que cette non-occultation du séjour prive leurs occupants d'un confort d'utilisation certain et constitue une gêne ainsi que l'a constaté l'expert.

La société Cogedim fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dès lors que l'usage normal d'un séjour n'est pas d'être une pièce totalement occultable.

A titre subsidiaire elle estime que la responsabilité de la société Bouygues est engagée en raison de la construction d'un élément d'équipement inadapté à sa fonction.

La société Bouygues fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, ayant exécuté les travaux conformément aux CCTP et qu'en outre ces travaux ont été réceptionnés par le maître d'ouvrage sans réserve alors qu'il s'agissait d'un dispositif apparent.

Réponse de la cour

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l'article 1135 du même code, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

Selon l'article 1147 du même code, également dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le tribunal a retenu à juste titre qu'il résultait des documents contractuels que la société Cogedim avait manqué à son obligation d'information des acquéreurs en n'attirant pas leur attention sur la spécificité du brise soleil par rapport au store occultant complet.

Il convient d'ajouter que la société Cogedim reconnaît elle-même que le maître d''uvre l'avait avisée de l'impossibilité de poser un volet roulant occultant complètement le séjour pour des raisons techniques, de telle sorte que cette information présentait nécessairement également un intérêt pour les acquéreurs et aurait dû leur être transmise.

Il résulte du rapport d'expertise que cette impossibilité d'occulter complètement le séjour prive les occupants d'un confort d'utilisation certain et constitue une gêne.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Cogedim, le montant du préjudice n'étant pas contesté par les parties.

La société Bouygues n'ayant commis aucune faute, la mise en 'uvre du brise-soleil qui figurait dans le CCTP et la société Cogedim ayant été dûment informée par son maître d''uvre de l'absence d'occultation complète du séjour en résultant, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté l'appel en garantie de la société Cogedim à l'encontre de la société Bouygues en l'absence de toute faute imputable à cette dernière.

La décision du tribunal sera donc également confirmée sur ce point.

B/ Sur la dégradation de la pierre du Hainaut

Moyens des parties

La société L2Dufour soutient que la société Cogedim a manqué à son devoir de conseil et que le principe de réparation intégrale imposait qu'elle soit indemnisée intégralement du coût de la solution réparatoire retenue par l'expert.

La société Cogedim conteste le principe de l'indemnisation dans la mesure où le préjudice allégué par la société L2Dufour est inexistant et que l'apparition de taches blanches ne rend pas la pierre de Hainaut inapte à sa destination. Elle soutient qu'elle ne pouvait communiquer d'informations relatives à l'entretien d'un tel matériau à défaut d'avoir été elle-même informée par son entreprise.

A titre subsidiaire au soutien de sa demande de garantie à l'encontre de la société Bouygues, elle indique que cette dernière était également débitrice de cette obligation d'information.

La société Bouygues fait valoir qu'elle a fait mettre en 'uvre par son sous-traitant la pierre qui était prévue contractuellement, choisie par le maître d'ouvrage et l'acquéreur.

A titre subsidiaire elle expose que la société Recma était tenue à son égard d'une obligation de résultat dans le cadre du contrat de sous-traitance.

La société Recma soutient que la société Bouygues reconnaît que les causes des désordres sont étrangères à l'intervention de son sous-traitant, de telle sorte qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir manqué à son obligation de résultat.

Réponse de la cour

Le tribunal a retenu, à juste titre, que la société Cogedim, en sa qualité de professionnelle, aurait dû donner à la société L2Dufour des conseils sur l'entretien de la pierre de Hainaut qui avait été choisie par les acquéreurs sur sa proposition.

Elle ne peut en effet s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir son ignorance qui n'apparaît pas légitime, dès lors qu'ayant commercialisé ces matériaux d'agencement, elle devait nécessairement en connaître les caractéristiques essentielles pour pouvoir informer les acquéreurs.

La société Bouygues n'ayant pas participé au choix du matériau mais ayant seulement procédé à sa mise en 'uvre, il ne peut lui être fait grief pas de ne pas avoir informé la société Cogedim des modalités d'entretien de la pierre de Hainaut.

Il résulte du rapport d'expertise que l'apparence de la pierre souffre d'un inesthétisme indéniable évoquant un vieillissement très prématuré et d'une perte de sa fonction antidérapante.

La société Cogedim affirme que la réfection de la salle d'eau au regard du préjudice revendiqué serait totalement disproportionnée sans apporter d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation du préjudice tel que constaté par l'expert ainsi que le coût des solutions réparatoires évalué par l'expert et entériné par les premiers juges.

Il a été jugé que constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (1ère Civ., 21 novembre 2006, pourvoi n° 05-15.674, Bull. 2006, I, n° 498).

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Le préjudice de la société L2Dufour est bien constitué par la perte d'une chance d'utiliser les produits d'entretien adaptés et d'éviter ainsi une dégradation de la pierre de Hainaut, que le tribunal a justement évalué à 50 %.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

C/ Sur les désordres acoustiques

Moyens des parties

La société L2Dufour expose, concernant le défaut d'isolation de la chambre parentale, que l'expert judiciaire a mis en évidence une non-conformité à l'objectif contractuel de la notice acoustique établie par M. [O] puisque cet isolement est égal à 52 dB pour 55 dB, sans tolérance de mesure.

Concernant les vibrations, la société L2Dufour rappelle que l'expert a conclu à un désordre acoustique sous la forme d'un phénomène de résonnance de la chape à la marche normale dans le séjour de l'appartement, que ce phénomène est avéré et constitue une gêne indéniable pour les occupants.

La société Cogedim fait valoir que l'absence d'impropriété à destination n'est pas établie ainsi que l'a conclu l'expert qui souligne de surcroît la qualité exceptionnelle des performances acoustiques de l'appartement, supérieures à la moyenne.

Concernant le respect des termes contractuels, elle expose que les seuls documents entrés dans le champ contractuel sont l'acte authentique de vente et les éléments qui lui sont annexés et que tel n'est pas le cas de la brochure publicitaire produite par la société L2Dufour et qu'en outre il ne résulte de cette brochure aucun engagement particulier sur un confort acoustique à l'intérieur de l'appartement, supérieur aux normes réglementaires et aucun élément précis et détaillé susceptible de rentrer dans le champ contractuel.

Quant à la note acoustique de M. [O], elle souligne qu'elle a été établie en avril 2011, soit postérieurement à l'acte authentique signé par la société L2Dufour le 6 décembre 2010.

La société Bouygues soutient qu'il n'y a pas lieu à mobilisation de la garantie décennale en l'absence d'impropriété à destination, les mesures faisant apparaître une conformité aux normes réglementaire (58 pour un objectif de 53 pour la « chambre parents » de M. [I]) et que les désordres acoustiques ressentis sont extrêmement limités.

Elle soutient que la responsabilité contractuelle ne peut être revendiquée alternativement avec la garantie décennale dès lors que les désordres allégués sont invoqués comme ressortissant à cette garantie.

Elle ajoute que la société L2Dufour n'établit pas qu'elle aurait commis une faute en lien avec le dommage allégué.

Réponse de la cour

L'expert a conclu qu'il existait un manque d'insonorisation entre la chambre 1 de l'appartement de la société L2Dufour et la chambre enfant de l'appartement voisin (ancien appartement [U]) de 3 dB, mesuré à 52 dB (A) au lieu de 55 dB (A), en se référant à la note acoustique de M. [O].

Il résulte cependant du rapport d'expertise que ces valeurs ont été calculées entre la « chambre parent M. [U] » et la « chambre enfant M. [I] » ainsi qu'il est indiqué en pages 36 et 37 du rapport.

L'expert note également un phénomène de résonnance traînante des pas de la marche normale dans le séjour de l'appartement où l'expert a pu constater un phénomène acoustique gênant dans la bande d'octave des 63 Hz.

M. [N], sapiteur acousticien, indique que l'émergence mise en avant de 20 dB à l'octave 63 Hz n'est pas discutable car réellement audible. L'expert indique en page 67 du rapport, suite à la réunion du 29 novembre 2017, qu'il ressort de la discussion que « le niveau global pondéré (A) de 63 Hz du phénomène est de l'ordre de 20 dB (A), niveau qui reste relativement faible, mais compte tenu du faible bruit résiduel ambiant de l'appartement, peut être qualifiée de gêne objective par rapport aux objectifs acoustiques de l'opération ».

L'expert souligne également (page 36 du rapport) que pour les bruits aériens, dans la plupart des locaux, les valeurs d'isolement sont supérieures aux objectifs réglementaires, que pour les bruits de chocs, les performances sont très supérieures aux exigences réglementaires et que les niveaux de bruit résiduel relevés pendant les mesures sont relativement faibles.

L'expert précise en page 83 de son rapport qu'il a pu constater, pendant les quatre accedits, que par rapport aux bruits extérieurs de la ville et des rues adjacentes, l'appartement reste très silencieux, malgré la [Adresse 15] très passante et animée toute proche, la qualité acoustique des baies vitrées étant indéniable et supérieure à la moyenne.

Il s'en déduit que les bruits émergents peuvent être davantage perceptibles et gênants.

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Au cas d'espèce, il résulte du rapport d'expertise que si les défauts d'insonorisation de la chambre 1 et le phénomène de résonnance dans le salon ont été objectivés par les mesures réalisées par le sapiteur de l'expert et que ces bruits peuvent être ressentis de façon importante par les occupants, en raison notamment du fait que l'appartement est très silencieux et présente de façon générale une très bonne qualité acoustique, il n'est cependant pas établi, eu égard à la faible intensité des troubles causés de ce fait, qu'ils rendraient l'appartement impropre à sa destination, même en tenant compte du standing élevé de l'immeuble dans lequel il se trouve.

Il convient donc de rejeter les demandes de la société L2Dufour sur le fondement de la garantie décennale.

En l'absence de désordres de nature décennale, la société L2Dufour peut se prévaloir à l'encontre de son vendeur et des constructeurs de la théorie des dommages intermédiaires à condition d'établir la faute des personnes dont elle recherche la responsabilité sur le fondement contractuel de droit commun ou délictuel.

Au cas d'espèce, l'absence de conformité d'une des pièces de l'appartement à la notice acoustique de M. [O] ne saurait constituer une faute contractuelle dont la société L2Dufour pourrait se prévaloir dès lors que la société L2Dufour n'établit pas la preuve que les prescriptions de cette notice seraient rentrées dans le champ contractuel, étant observé que la notice a, en outre, été rédigée postérieurement à l'acte authentique de vente de l'appartement à la société L2Dufour.

Par ailleurs si la brochure commerciale vante la localisation géographique prestigieuse du bien vendu, il n'est pas évoqué de qualités d'isolation phonique particulières des appartements vendus et il ne peut être déduit de cette brochure que les parties auraient contractuellement convenu que l'appartement bénéficierait d'une isolation acoustique particulière au-delà des normes réglementaires. Au surplus, la société L2Dufour ne peut affirmer que l'isolation acoustique serait de qualité moyenne ou inférieure alors qu'au contraire l'expert a indiqué que l'appartement présentait de façon générale une très bonne qualité acoustique.

Par conséquent les demandes de la société L2Dufour au titre des désordres acoustiques seront rejetées.

D/ Sur le préjudice de jouissance lié à la levée des réserves

Moyens des parties

La société L2Dufour fait valoir qu'elle a subi un préjudice de jouissance extrêmement important depuis la livraison de l'appartement intervenue le 12 avril 2014 avec plusieurs mois de retard et 28 réserves. Elle souligne qu'elle a dû assurer la gestion et le calendrier de multiples opérations liés à la levée des réserves. Elle précise que la renonciation à recours figurant dans l'acte de vente ne concerne que les désagréments liés à la levée des réserves et non aux préjudices qu'elle va subir du fait des réparations des désordres caractérisés par l'expert.

La société Cogedim soutient que la société L2Dufour a renoncé, dans l'acte de vente, à se prévaloir d'un quelconque préjudice au titre des travaux de levée de réserves. A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie de la société Bouygues qui s'est engagée à la garantir de toutes les conséquences liées à ces travaux.

La société Bouygues expose qu'elle a régularisé par le maître d'ouvrage un décompte général définitif, sans réserve, que toutes les réserves ont été levées 40 jours après la prise de possession de l'appartement ce qui n'a rien d'inhabituel.

Réponse de la cour

Si la société L2Dufour sollicite dans son dispositif l'indemnisation du préjudice de jouissance lié à la levée des réserves, elle ne conteste pas avoir renoncé à exercer un recours du fait des levées de réserves et fonde sa demande sur des préjudices futurs causés par les réparations des désordres caractérisés par l'expert.

Dès lors que l'acte de vente stipule que l'acquéreur supportera les troubles de jouissance dus aux travaux de levée des réserves et renonce à toutes réclamations de quelque nature que ce soit, en raison de ceux-ci et que la société L2Dufour ne conteste pas la validité de cette clause contractuelle, sa demande d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance lié à la levée des réserves sera rejetée.

Quant au préjudice de jouissance invoqué au titre de la réparation des désordres, les seuls désordres retenus étant liés au brise-soleil et à la pierre du Hainaut, il n'est justifié d'aucun préjudice de jouissance causé par ces réparations.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande la société L2Dufour au titre du préjudice de jouissance.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société L2Dufour, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Cogedim la somme de 5 000 euros, aux sociétés Bouygues et Recma la somme de 1 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la société L2Dufour concernant les désordres acoustiques ;

L'infirme sur ce point et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées par la société L2Dufour concernant les désordres acoustiques ;

Rejette toutes les demandes formées par la société L2Dufour concernant les désordres acoustiques ;

Condamne la société L2Dufour aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L2Dufour et la condamne à payer à la société Cogedim tradition la somme de 5 000 euros et aux sociétés Bouygues bâtiment Ile-de-France et Recma, chacune, la somme de 1 000 euros.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/18260
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;21.18260 ?
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