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24/05/2024 | FRANCE | N°18/08605

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 24 mai 2024, 18/08605


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 24 Mai 2024



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08605 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6COQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17-01675





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adres

se 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEE

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 24 Mai 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08605 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6COQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17-01675

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidnete de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis d'un jugement rendu le23 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (RG17-1675) dans un litige l'opposant à la société [5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Madame [I] [H] était salariée de la société [5] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 29 septembre 1998 en qualité d'agent polyvalent lingère lorsque, le 28 novembre 2016, elle a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après désignée 'la Caisse') une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une « tendinite de l'épaule gauche», accompagnée d'un certificat médical initial établi le 4 novembre 2016 par le docteur [E] (illisible), libellé ainsi « tendinopathie de la coiffe des rotateurs épaule gauche ».

Par avis du 10 avril 2017, le docteur [O], médecin-conseil de la Caisse, a estimé que l'affection déclarée par Mme [I] [H] était bien inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles et qu'elle en remplissait les conditions médicales. Le service administratif estimait pour sa part que les conditions administratives étaient également remplies.

La Caisse, tenue par cet avis, a, par décision du 10 mai 2017, reconnu le caractère professionnel de cette pathologie sous l'intitulé « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ».

La Société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis, à défaut de décision explicite, elle a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 octobre 2017, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable et bien fondé le recours formé par la société [5] ;

- déclaré inopposable à son égard la décision rendue par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis le 10 mai 2017 prenant en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée par Madame [I] [H] le 28 novembre 2016 ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Pour en décider ainsi, le tribunal a retenu que le médecin conseil de la Caisse avait considéré que l'IRM réalisée le 27 décembre 2016 et communiquée le 24 janvier 2017 lui permettait de diagnostiquer une tendinopathie chronique non rompue, non calcifiante, à l'épaule gauche avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs mais que cet examen n'était pas communiqué aux débats alors que la Société disposait d'une échographie de nature à contredire ce diagnostic. Cet examen, effectué le 7 novembre 2016 concluait que l'aspect échographique était en faveur d'une tendinite calcifiante du sus épineux droit, du sus et du sous épineux gauches, pathologies exclues du tableau puisque calcifiantes. Le tribunal relevait encore que les différentes pièces communiquées à la Société lors de l'instruction ne mentionnaient pas clairement que le dossier était instruit au titre d'une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante de la coiffe rotateur de l'épaule gauche, l'enquête administrative du 30 mars 2017 mentionnant simplement une 'tendinopathie épaule gauche', la synthèse de l'enquête maladie professionnelle du 5 avril 2017 une 'tendinopathie coiffe rotateur épaule gauche' et les questionnaires salarié et employeur une 'tendinopathie épaule gauche'.

Par déclaration d'appel effectuée par voie électronique reçue au greffe le 10 juillet 2018, la Caisse a régulièrement interjeté appel de la décision notifiée le 11 juin 2018.

L'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 13 octobre 2022 puis renvoyée à celle du 6 septembre 2023 et enfin à celle du 6 mars 2024, lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.

La Caisse, au visa de ses observations écrites, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 20 mars 2018 en toutes ses dispositions et, en conséquence,

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société [5] en tous les dépens.

La Société, au visa de ses conclusions, demande au tribunal de :

- constater que la maladie déclarée par Madame [I] [H] le 4 novembre 2016 était une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche,

- confirmer le jugement rendu par le TASS de Bobigny le 20 mars 2018,

- dire inopposable à son égard la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie de Mme [H] du 4 novembre 2016,

A titre subsidiaire, la Société demande à la cour de :

- constater que la preuve de l'exposition de Mme [I] [H] au risque du tableau 57 A n'est pas rapportée par la Caisse,

- confirmer le jugement rendu par le TASS de Bobigny le 20 mars 2018,

- dire inopposable à son égard la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie de Mme [I] [H] du 4 novembre 2016.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 6 mars 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 24 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par Madame [I] [H]

Au soutien de son appel, la Caisse fait valoir que la prise en charge la maladie déclarée par Mme [H] le 28 novembre 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels est parfaitement fondée au regard des éléments médicaux retenus par son médecin-conseil. Elle rappelle que le certificat médical initial peut désigner une maladie différente à celle du tableau des maladies professionnelles dès lors que celle-ci est reconnue par son médecin-conseil comme étant au nombre des pathologiques désignées par ce tableau. En l'espèce, les éléments du dossier ont permis à son médecin-conseil de conclure à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche non chronique et non calcifiante. La Caisse rappelle que ni par la Société ni le tribunal peuvent lui reprocher de ne pas avoir transmis l'IRM, qui est un élément de diagnostic couvert par le secret médical, et qui ne fait pas partie des pièces communicables à l'employeur. Pour autant, elle relève que les colloques médico-administratifs permettaient à l'employeur d'être suffisamment informé des éléments ayant permis la reconnaissance d'une maladie professionnelle.

En outre, elle estime que l'argument selon lequel la tendinopathie de Mme [H] serait calcifiante au regard d'une échographie réalisée le 7 novembre 2016 est inopérant puisque l'examen a concerné l'épaule droite et non la gauche.

Enfin, la Caisse estime que l'exposition au risque est démontrée par l'enquête administrative et qu'ainsi l'ensemble des conditions prescrites au tableau 57 des maladies professionnelles sont réunies. Dès lors, la pathologie présentée par Mme [H] devait bien être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La Société fait valoir que le certificat médical initial produit par Mme [H] ne mentionne pas précisément l'une des pathologies prévues par le tableau 57 et que la Caisse a décidé de prendre en charge la maladie au titre d'une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche sans établir que celle-ci avait été objectivée par IRM. Elle remet en cause le diagnostic opéré par la Caisse excipant d'une échographie des épaules réalisée le 7 novembre 2016 qui a conclu à « un aspect échographique en faveur d'une tendinite calcifiante du sus épineux droit, du sus et sous épineux gauche », maladie qui n'est pas mentionnée au tableau 57. Elle rappelle que le décret n°2011-1315 du 17 octobre 2011 a spécifiquement exclu du tableau les pathologies calcifiantes, les études épidémiologiques ayant conclu qu'il n'existait aucun lien de causalité entre ces pathologies et l'activité professionnelle. La Société relève que finalement la Caisse admet qu'il existe des calcifications, notamment au niveau du sus et du sous épineux gauches, prétendant désormais que la prise en charge concernerait uniquement une tendinopathie du long biceps gauche qui, au regard de l'échographie, ne serait pas calcifiante. Or, le tableau 57 ne fait aucune distinction entre les différents tendons composant la coiffe des rotateurs.

En tout état de cause, la Société estime que la Caisse n'établit pas que Mme [H] a été exposée au risque visé par ledit tableau puisqu'elle n'effectue pas de mouvements en abduction dans le cadre de son activité professionnelle. Dès lors qu'il existait des divergences entre les déclarations de la salariée et de son employeur, la Caisse aurait dû procéder à une enquête. Or, aucune étude de poste n'a été réalisée. Au demeurant, l'agent enquêteur a entendu l'assurée par téléphone le 30 mars 2017 (cf " chronologie des démarches " - Page n°3) sans dresser de procès-verbal de cet échange téléphonique de sorte que l'audition n'a pas été soumise à la consultation de l'employeur, contrevenant ainsi au principe du contradictoire.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale,

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.(')

Par ailleurs, l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale dispose

(...) A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.

l'article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale précisant

Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.

Enfin, l'article R. 142-24-2 dans sa version applicable du code de la sécurité sociale prévoit que

Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1.

Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.

Dès lors, pour qu'une maladie survenue à l'occasion ou du fait du travail bénéficie de la présomption de maladie professionnelle, elle doit répondre aux conditions cumulatives suivantes :

- la maladie doit être répertoriée dans un des tableaux de maladies professionnelles,

- le travail accompli par le malade doit correspondre à un travail figurant dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'une des affections dudit tableau,

- la durée d'exposition doit correspondre à celle mentionnée audit tableau,

- la prise en charge doit être sollicitée dans un délai déterminé au tableau après l'exposition aux risques.

Si l'ensemble des conditions sont réunies, la Caisse peut prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels sans avoir à prouver le lien de causalité entre l'affection et le travail et il appartient à l'employeur qui la conteste de rapporter la preuve que la pathologie médicalement constatée a une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [H] a été instruite au regard du tableau 57 A des maladies professionnelles sous l'intitulé « Epaule Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ».

Sur la désignation de la pathologie

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles, dans sa version en vigueur du 4 août 2012 au 8 mai 2017 applicable au cas d'espèce, désigne trois pathologies pour l'épaule dont l'origine professionnelle est présumée, à savoir :

- la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM,

- la tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs,

- la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM.

Mme [H] a déclaré une tendinite de l'épaule gauche le 28 novembre 2016 au regard d'un certificat médical initial établi le 4 novembre 2016 faisant état d'une « tendinopathie de la coiffe des rotateurs épaule gauche ».

Il est constant que le libellé de la maladie mentionné tant sur la déclaration de maladie professionnelle que sur le certificat médical initial ne correspond pas strictement à l'une de celles désignées au tableau n°57 A des maladies professionnelles.

Ce faisant, le médecin traitant n'est pas tenu de donner les intitulés et références exactes des pathologies professionnelles mais doit établir uniquement un diagnostic et un lien entre la pathologie et l'exercice de l'activité professionnelle.

Au contraire, il entre dans les compétences du médecin conseil, indépendant de la Caisse, de vérifier si la pathologie mentionnée au certificat médical initial correspond à une maladie prévue au tableau des maladies professionnelles. C'est à lui seul qu'il appartient de retenir ou non une pathologie professionnelle.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'il appartient au juge de rechercher si l'affection déclarée figure au nombre des pathologies désignées par le tableau invoqué, sans s'arrêter à une analyse littérale du certificat médical initial ou sans se fier au seul énoncé formel du certificat médical initial.

De la fiche de colloque médico-administratif établie le 10 avril 2017, il peut être retenu que le médecin conseil, qui a connaissance de l'entier dossier médical de l'assurée, a affiné et précisé le diagnostic du médecin traitant et :

- donné son accord sur le diagnostic figurant sur le certificat médical,

- retenu le code syndrome 057 AAM 96D correspondant « une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs »,

- relevé que la pathologie était objectivée par une IRM du 27 décembre 2016,

- orienté la décision vers un accord de prise en charge sans transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

- fixé la date du délai de prise en charge au 3 novembre 2016 au regard du CMI.

Dans le cadre de l'instruction de la demande de maladie professionnelle , la Caisse a, par courrier du 18 novembre 2016, sollicité de son médecin-conseil un avis médical, lequel, le 26 janvier 2017, a confirmé la maladie comme étant « une tendinopathie chronique de l'épaule gauche » et précisé qu'un examen supplémentaire (IRM) avait été réalisé le 24 janvier 2017.

Si, comme le relève la Société, les indications portées sur le colloque médico-administratif ne sont pas probantes en elles-mêmes et doivent être corroborées par des éléments du dossier, il apparaît au cas présent que la pathologie a été objectivée par deux IRM, la première effectuée le 27 décembre 2016 et la seconde le 24 janvier 2017.

Enfin, en retenant le code 057 AAM 96D, le médecin a caractérisé la pathologie comme étant une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, aucune disposition ne prévoit une communication de l'IRM à l'employeur, cet examen constituant un élément de diagnostic qui n'a pas à figurer dans les pièces du dossier.

Aucun élément n'est par ailleurs fourni pour remettre en cause la réalisation de ces imageries. En effet, si la Société verse aux débats une échographie réalisée par le docteur [F] le 7 novembre 2016, soit à une période contemporaine de la déclaration de maladie professionnelle, dont les conclusions sont : « aspect échographique en faveur d'une tendinite calcifiante du sus épineux droit, du sus et du sous épineux gauches et d'une tendinite du long biceps gauche ; Pas d'élément en faveur d'une lésion transfixiante », force est de constater que le caractère calcifiant n'est pas liée à la tendinite du longs biceps mais uniquement aux tendons des sus et sous épineux gauches. Les calcifications n'apparaissent au demeurant pas sur le seul examen médical probant exigé par le tableau, à savoir une IRM.

Dès lors, la maladie prise en charge par la Caisse a bien été constatée conformément aux exigences posées par le tableau n°57 s'y rapportant et les pièces adressées par la Caisse à l'employeur, notamment le questionnaire qui reprend les conditions de prise en charge, permettent de s'assurer qu'il a parfaitement été informé de la nature de la pathologie concernée par l'instruction de l'organisme.

Sur la nature des travaux effectués par Mme [H]

L'article L. 461-1 précité prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.

En cas de contestation par l'employeur de la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie, la charge de la preuve de la réunion des conditions exigées par l'article précédemment évoqué, pèse sur l'organisme social. À défaut de rapporter une telle preuve, la décision de prise en charge est déclarée inopposable à l'employeur.

Le tableau 57A des maladies professionnelles prévoit pour la pathologie « une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs » des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant une durée au moins deux heures par jour en cumulé,

ou

- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

La Société invoque la carence probatoire de la Caisse au motif que l'exposition aux risques décrits par ce tableau n'est pas caractérisée au vu des questionnaires employeur et salarié.

Elle fait valoir que le poste occupé par Mme [H] consistait à garantir le bon fonctionnement de la lingerie en remplacement des équipières permanentes lors de leurs absences et, à ces occasions, elle était amenée à :

- réceptionner du linge propre,

- contrôler des articles à la réception,

- faire les inventaires,

- distribuer le linge dans les étages,

- ramasser du linge sale,

- effectuer les commandes.

Elle considère cependant que Mme [H] n'est pas amenée à effectuer de mouvements en abduction mais uniquement en antépulsion pour une durée inférieure à deux heures s'agissant des mouvements des épaules au-delà de 60° et de moins d'une heure s'agissant des mouvements des épaules au-delà de 90°.

Il ressort au contraire du questionnaire de Mme [H] qu'elle occupe les fonctions de lingère polyvalente dans les établissements hospitaliers depuis 1998 pour un temps de travail de 35 heures par semaine. Elle explique que pour les établissements qui disposent d'un distributeur de vêtements, elle soulève des vêtements d'un chariot d'un mètre 90, qu'elle pose sur cintre et qu'elle charge sur un support d'une hauteur de 1,65 mètre. Pour les autres établissements, elle réapprovisionne en linge manquant, ramasse le linge sale à terre et pousse et tire le chariot bras décollés. Elle évoque des soulèvements de bras au dessus de sa tête (elle mesure 1,53m).

Elle estime accomplir plus de trois heures par jour des mouvements d'épaule bras décollés avec un angle supérieur à 60° et plus d'une heure par jour des mouvements d'épaule bras décollés avec un angle supérieur à 90°.

Les seuls éléments versés au dossier sont les questionnaires complétés par l'assurée et la Société, la cour constatant que le document intitulé 'enquête administrative' qui conclut en faveur d'une prise en charge, ne saurait être considérée comme telle. L'agent indique ainsi que «lorsque Mme [H] était détachée chez les clients disposant d'une distributeur de vêtements, qu' elle déchargeait environ six à sept MOBY par jour contenant 150 vêtements chacun, qu'elle devait soulever les vêtements du chariot d'une hauteur de 1,90 mètre, de sorte que les bras étaient décollés à plus de 60° à chaque prise, qu'elle mettait chaque vêtement sur un cintre déjà positionné sur la barre de chargement laquelle était d'une hauteur près 1,97 mètre, que dans les autres établissements, elle préparait le linge dans les services, comptait le linge propre et réapprovisionnait en linge manquant ce qui provoquait un écartement des bras à plus de + de 60° et qu'elle poussait et tirait le Moby pour le ramener dans les locaux avec les bras décollés de 60° ». Or, la cour ne peut que constater que ces éléments ne résultent pas des constatations de l'agent mais de la reprise in extenso du questionnaire de la salariée, que la Caisse a complété à la suite d'une communication téléphonique avec cette dernière et dont elle n'a même pas dressé procès-verbal. Il ne pourra donc pas être retenu ce document comme un élément objectif, recueilli par la Caisse après une analyse personnelle. La seule identité de dates entre la réception de la demande d'enquête et sa réalisation, à savoir le 30 mars 2017, confirme l'absence de toute investigation. Il n'y a donc eu aucune étude de poste pour vérifier les conditions de travail de Mme [H], alors que les parties divergeaient sur ce point.

La simple lecture des questionnaires permet de se convaincre que les déclarations étaient contradictoires sur l'amplitude horaire (moins de deux heures pour la société; plus de 3 heures 30 pour l'assuré) et imprécis sur l'angle maximal des mouvements de l'épaule qui pouvaient être effectués (entre 60° et au maximum 90° pour la société; supérieur à 60° pour l'assuré).

Ces deux questionnaires ne permettaient donc pas de vérifier que l'assurée effectuait des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

Or, il appartient à la Caisse d'établir, dans ses rapports avec l'employeur, l'existence des mouvements prévus au tableau.

Or, il ne peut être retenue de la seule nature des tâches confiées à l'assurée, qu'elle induit la réalisation des mouvements du tableau pendant l'amplitude horaire requise, à défaut de précision et de description des mouvements nécessaires pour l'exécution des tâches mais également à défaut de toute précision sur les aides mises à la disposition de Mme [H] pour les effectuer.

Au regard des circonstances de l'espèce, comme le relève la Société, force est de constater que la Caisse ne produit aucune étude de poste ou enquête sur place sur les conditions du poste occupé par la salariée et la nature exacte des gestes exécutés pour effectuer les tâches confiées.

Il ne peut se déduire des seuls éléments contenus dans les questionnaires, la caractérisation de mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 2h par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins 1h par jour en cumulé.

Il s'ensuit qu'à défaut d'établir, au cas d'espèce, que Mme [H] était amenée à exécuter les mouvements prévus au tableau 57A, et faute d'avoir saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la Caisse ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité. Sa décision de prendre en charge, au titre du risque professionnel, la pathologie déclarée par Mme [H], doit être déclarée inopposable à la Société.

Le jugement sera confirmé.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La Caisse succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance éventuellement exposés après le 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 20 mars 2018 (RG17-1675) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la Caisse au paiement des dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/08605
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;18.08605 ?
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