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23/05/2024 | FRANCE | N°24/03964

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mai 2024, 24/03964


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 MAI 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03964 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7W7



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Février 2024 -Président du TJ de Paris - RG n° 23/52698





APPELANTS



Mme [A] [M] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité

7]



M. [Y] [M]

[Adresse 4]

[Localité 10]



Mme [J] [I] épouse [M]

[Adresse 5]

[Localité 8]



Mme [T] [M] épouse [E]

[Adresse 6]

[Localité 11]



Mme [X] [M] épouse [U]

[Adresse 5]

[Loca...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MAI 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03964 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7W7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Février 2024 -Président du TJ de Paris - RG n° 23/52698

APPELANTS

Mme [A] [M] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

M. [Y] [M]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Mme [J] [I] épouse [M]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Mme [T] [M] épouse [E]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Mme [X] [M] épouse [U]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Milène CELERIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L42

INTIMÉ

M. [P] [W]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant Me Giuseppe GUIDARA, avocat au barreau de PARIS, toque : A466

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, Laurent NAJEM, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 23 janvier 1987, M. [F] [M] et Mme [D] [M], aux droits desquels viennent Mme [J] [I], Mme [A] [M], Mme [T] [M], Mme [X] [M] et M. [Y] [M] (ci-après « les consorts [M] ») ont donné à bail à M. [W] un appartement situé au deuxième étage d'un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 12], pour une durée de 9 ans avec effet rétroactif au 1er janvier 1987, moyennant un loyer annuel de 42.000 francs hors taxes et hors charges.

Par acte sous seing privé (sans indication de date), le bail a fait l'objet d'un renouvellement entre M. [M] et M. [W] pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 1996 moyennant un loyer annuel révisé de 50.000 francs hors taxes et hors charges.

Par acte sous seing privé du 22 juillet 2006, M. [M] et M. [W] ont procédé à nouveau au renouvellement du bail pour une durée de 9 ans avec effet rétroactif au 1er juillet 2005 moyennant un loyer annuel de 9.457,88 euros hors taxes et hors charge payable en quatre termes fixés au 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année.

Par acte extra judiciaire en date du 17 août 2016, M. [W] a sollicité au visa de l'article L. 145-10 du code de commerce le renouvellement du bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2016 aux mêmes clauses et conditions que celles du bail expiré.

Par acte du 9 novembre 2018, les consorts [M] ont assigné M. [W] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris pour obtenir la fixation judiciaire du loyer.

Par jugement rendu le 21 mars 2019, le loyer a été fixé au montant annuel de 11.438,30 euros hors taxe et hors charges applicable à compter du 1er octobre 2016.

Faisant état d'une absence de règlement des loyers par M. [W] à compter du mois d'avril 2021, les consorts [M] lui ont délivré un commandement de payer les loyers dans un délai d'un mois le 28 octobre 2022 en visant la clause résolutoire.

Par acte du 22 mars 2023, les consorts [M] ont assigné M. [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :

constater l'acquisition de clause résolutoire stipulée au bail signé le 22 juillet 2006 en suite de la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire le 28 octobre 2022 demeuré infructueux ;

constater la résiliation de plein droit du bail au 29 novembre 2022 ;

ordonner l'expulsion de M. [W] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est ;

assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte de 500 euros par jour de retard compter du prononcé de la décision à intervenir et ce, jusqu'à la libération complète des lieux et la remise des clés ;

ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls du défendeur qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;

condamner par provision M. [W] à régler à l'indivision [M] la somme de 27.482,78 euros sauf à parfaire, au titre de l'arriéré de loyers impayés en principal et accessoires ;

condamner pour la période postérieure à l'acquisition de la clause résolutoire et jusqu'à la parfaite libération des lieux, M. [W] à une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer pratiqué majoré des charges et accessoires et indexé selon les conditions du contrat ayant lié les parties ;

ordonner la conservation du dépôt de garantie par l'indivision [M], à titre de premiers dommages et intérêts ;

condamner M. [W] à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant le coût du commandement.

M. [W] a soulevé une exception d'incompétence matérielle faisant valoir que le contrat de louage portait sur son logement, soit un local à usage d'habitation.

Par ordonnance contradictoire du 15 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour se prononcer sur la régularité, la recevabilité et le bien-fondé de l'instance introduite par Mme [I], Mmes [A], [T] et [X] [M], M. [M] à l'encontre de M. [W] en ce qu'elle porte sur un contrat de louage d'immeuble à usage notamment d'habitation ;

désigné le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris comme matériellement et territorialement compétent pour en connaître ;

dit que le dossier de l'affaire sera transmis à cette juridiction de renvoi en faisant application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile.

Par déclaration du 1er mars 2024, les consorts [M] ont relevé appel de cette décision.

Par acte signifié le 8 mars 2024, les consorts [M] ont fait assigner M. [W] devant la présente cour, à jour fixe, au visa des articles 84 et suivants, 834 et 835 du code de procédure civile, des articles 1103, 1104 et 1728 du code civil, L145-41 et R145-23 du code de commerce et de l'article R211-4 2° du code de l'organisation judiciaire, aux fins de :

infirmer l'ordonnance du 15 février 2024 en toutes ses dispositions et en ce que le président du tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent au profit du Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris,

Et statuant à nouveau,

déclarer le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître du litige et renvoyer l'affaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris,

débouter M. [P] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires aux présentes,

condamner M. [P] [W] à payer à Mme [J] [I], épouse [M], Mme [A] [M], Mme [T] [M], Mme [X] [M] et M. [Y] [M] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [P] [W] aux dépens.

Ils font valoir qu'en l'espèce, le litige porte sur un bail commercial ; que l'habitation, accessoire du commercial, y est autorisée ; que M. [W] est en retraite partielle et assure la gestion de certaines affaires ; que l'affectation commerciale prime sur l'utilisation effective des lieux ; que le locataire ne peut modifier unilatéralement l'affectation des lieux.

Ils relèvent que M. [W] a sollicité le renouvellement du bail, au visa de l'article L.145-10 du code de commerce ; que devant le juge des loyers commerciaux, la nature commerciale n'a pas été contestée ; que le juge des contentieux de la protection ne dispose d'aucune compétence s'agissant des baux commerciaux.

A l'audience de plaidoirie du 4 avril 2024, M. [W], représenté par son conseil, a demandé le renvoi de l'affaire faisant valoir qu'il n'en avait eu connaissance que la veille par un courriel de son confrère. Ce dernier s'est opposé à cette demande.

Après en avoir délibéré, la cour a rejeté la demande de renvoi, compte tenu de ce qu'un délai suffisant s'était écoulé entre la date de délivrance de l'assignation, le 8 mars 2024 et l'audience.

Suivant message électronique du 22 avril 2024, le conseil de M. [W] sollicite une prorogation du délibéré, faisant valoir que le dossier de son client est appelé à une audience du juge des tutelles le 17 mai 2024, afin que la décision qui sera rendue soit transmise à la cour. L'avis d'audience est joint au message.

SUR CE,

La demande de prorogation du délibéré, qui n'est assortie d'aucune indication sur les conséquences éventuelles de la décision à intervenir du juge des tutelles sur la procédure dont la cour est saisie, n'est pas fondée. La présente instance porte au demeurant sur la seule question de la compétence matérielle au titre d'un bail et non sur le fond du référé susceptible de remettre en cause l'occupation des lieux par M. [W].

Il résulte de l'article R.211-3-26 du code de l'organisation judiciaire que le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements s'agissant notamment des baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale.

L'article L. 213-4-4 du même code dispose que :

« Le juge des contentieux de la protection connaît des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement. »

Aux termes de l'article 1103 du code civil :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

En l'espèce, les consorts [M] produisent le bail en date du 1er janvier 1987 conclu entre M. et Mme [M] et M. [W] et portant sur un appartement sis [Adresse 2] à [Localité 13] consenti pour « trois-six-neuf années entières et consécutives ». La nature du bail n'est pas expressément précisée dans ce premier acte.

Un nouveau contrat cette fois expressément dénommé « bail commercial » a été conclu par les parties à effet du 1er juillet 1996, à la suite de la délivrance d'une offre de renouvellement et que le locataire a accepté ; ce mécanisme de renouvellement relève effectivement d'un bail commercial et non d'un bail d'habitation.

Il est expressément indiqué dans cet acte que les lieux loués sont destinés à une activité d'agence immobilière, cabinet fiduciaire et d'assurance et prestations domiciliaires et que « l'usage d'habitation est autorisé », ce dont il résulte qu'il ne s'agit pas de l'usage principal des lieux au regard de l'activité commerciale.

Un renouvellement de bail est intervenu le 22 janvier 2023 et mentionne de nouveau cette activité ainsi que l'usage d'habitation.

La volonté des parties est sans équivoque : elles ont entendu soumettre le bail au statut des baux commerciaux.

Dans une décision du 21 mars 2019, le juge des loyers commerciaux saisi notamment d'une demande de fixation de loyers a également relevé que les parties s'accordaient sur la soumission du bail à ce statut.

Contrairement à ce qu'a retenu l'ordonnance entreprise, le bail en cause n'est pas un bail professionnel, par exemple dévolu à l'exercice d'une profession libérale et non commerciale : l'exploitation commerciale y est expressément visée.

M. [W] est par ailleurs inscrit au registre du commerce et des sociétés (pièces 16 et 17) avec mention de l'adresse en cause. Il résulte enfin d'un compte rendu d'hospitalisation du 4 octobre 2003 que l'intimé a indiqué qu'il était « ancien consultant en entreprise (commerce) », en retraite « partielle » depuis 2020.

Le bail mixte est considéré comme un bail commercial (Cass. soc., 20 févr. 1958 : Bull. civ. 1958, IV, n° 271. - Cass. com., 5 mai 1966, n° 64-11.427 - Cass. 3e civ., 5 févr. 1970, n° 69-12.416), et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la partie à usage d'habitation prédomine (Cass. com., 16 avr. 1969, n° 67-11.909).

En cas de contestation, la destination du bail est définie par la volonté des parties exprimée lors de la conclusion du contrat - en l'espèce en faisant référence à un « bail commercial » dans le bail conclu en 1996. La qualification du bail ne saurait être modifiée de manière unilatérale par le locataire selon l'usage des lieux dont il fait état, étant relevé qu'il a été noté que M. [W] n'a évoqué qu'une retraite partielle de son activité commerciale.

Ce bail à usage mixte, commercial et d'habitation, doit être qualifié de bail commercial et partant, le juge des référés du tribunal judiciaire est bien compétent pour en connaître et non le juge des contentieux de la protection.

Par conséquent, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour se prononcer sur la régularité, la recevabilité et le bien-fondé de l'instance et désigné le juge des contentieux de la protection du même tribunal.

La cour dira le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris compétent.

M. [W] sera condamné aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge des appelants leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant sur l'exception d'incompétence ;

Infirme l'ordonnance déférée ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit que le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de l'affaire ;

Renvoie l'affaire devant cette juridiction ;

Condamne M. [W] aux dépens d'appel ;

Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 24/03964
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;24.03964 ?
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