La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23/17437

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mai 2024, 23/17437


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 MAI 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17437 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINZF



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Octobre 2023 -Président du TC d'EVRY - RG n° 2023R00161





APPELANTE



S.A.R.L. COMPAGNIE DE PHALSBOURG, RCS de Paris sous le n°34

9 545 103, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Matthi...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 MAI 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17437 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINZF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Octobre 2023 -Président du TC d'EVRY - RG n° 2023R00161

APPELANTE

S.A.R.L. COMPAGNIE DE PHALSBOURG, RCS de Paris sous le n°349 545 103, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Julie RAYMOND DENOUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0809

INTIMEES

S.A. BNP PARIBAS FACTOR, RCS de Paris sous le n°775 675 069, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10] »

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Dominique FONTANA de la SELARL DREYFUS FONTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0139

S.A.S. HARRAULT ILE DE FRANCE, RCS de Paris sous le n°834 116 675, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Elisabeth MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0965

PARTIE INTERVENANTE :

M. [R] [G] [B], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S.U. ALRIC, en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'EVRY en date du 30 octobre 2023

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Cyril RAVASSARD de la SELARL AVOCATS ASSOCIES RAVASSARD, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Compagnie de Phalsbourg est spécialisée dans la conception, la réalisation et la construction de projets immobiliers haut de gamme.

Elle a entrepris la construction d'un centre commercial sur les communes de [Localité 9] et [Localité 8], ce projet s'intitulant « Central Parc Valvert ».

Par acte d'engagement du 15 février 2023, elle a confié à la société Alric la réalisation du lot gros oeuvre/maçonnerie-charpente/béton de l'îlot 2 du projet, moyennant un prix fixé à la somme de 7.695.000 euros HT soit 9.234.000 euros TTC, stipulé global et forfaitaire, net et non révisable.

La société Alric a fait appel à des sous-traitants pour un montant total de 2.393.800 euros HT, notamment à la société Groupe Soprel pour la fourniture de dalles alvéolaires, à hauteur de 679.000 euros HT soit 814.800 euros TTC.

La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la société Harrault Ile-de-France.

La société Alric a cédé à la société BNP Paribas Factor la totalité de sa créance (9.234.000 euros TTC) résultant du marché de travaux conclu avec la société Compagnie de Phalsbourg, dans le cadre d'un contrat d'affacturage qui avait été conclu le 24 mars 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 avril 2023, la société BNP Paribas Factor a notifié cette cession de créance à la Compagnie de Phalsbourg.

Cette dernière s'est plaint auprès de la société Alric de difficultés dans le déroulement du chantier, lui reprochant de graves malfaçons et de nombreux manquements aux règles de sécurité, lui adressant plusieurs mises en demeure d'avoir à y remédier.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Alric par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 10 juillet 2023. Par jugement du 30 octobre 2023 elle a été placée en liquidation judiciaire.

Par lettre recommandée de son conseil en date du 7 août 2023, contestant la réalité des griefs du maître d'ouvrage destinés selon elle à faire résilier le marché en raison de son redressement judiciaire et d' échapper au paiement des sommes qu'il reste lui devoir, la société Alric a informé la société Compagnie de Phalsbourg qu'elle cessait d'intervenir sur le chantier, prenant acte de la résiliation anticipée du marché qui lui est imposée.

Par courrier du 31 août 2023, la société Alric a mis en demeure la société Compagnie de Phalsbourg de lui régler la somme de 977.344,07 euros TTC au titre des situations de travaux n°3 et n°4 émises les 25 mai et 25 juin 2023, précédemment validées par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre.

La société Compagnie de Phalsbourg lui a répondu par courrier du 4 septembre 2023 qu'elle contestait fermement devoir les sommes réclamées, notamment aux motifs suivants :

- les difficultés rencontrées sur le chantier ont généré pour le maître d'ouvrage un préjudice important qu'il convient de réparer,

- les situations réclamées omettent des factures des sous-traitants, de sorte qu'il apparaît que la société Alric a détourné à son profit les montants correspondants s'élevant à la somme de 267.088,34 euros TTC.

Par acte du 4 septembre 2023, la société Alric a assigné la société Compagnie de Phalsbourg devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 977.344 euros TTC à titre de provision à valoir sur les sommes dont elle l'estime redevable, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts dans les conditions légales.

La société Compagnie de Phalsbourg a soulevé à titre principal l'irrecevabilité des demandes de la société Alric du fait du contrat d'affacturage conclu par cette dernière avec la société BNP Paribas Factor. Elle a conclu subsidiairement au débouté en raison de contestations sérieuses et sollicité à titre reconventionnel une mesure d'expertise.

Les sociétés BNP Paribas Factor, Groupe Soprel et Harrault Ile-de-France sont intervenues à la procédure.

La société BNP Paribas Factor a sollicité la condamnation de la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la provision de 977.344,07 euros sollicitée par la société Alric, laquelle s'est désistée de sa demande en paiement.

La société Groupe Soprel a sollicité la condamnation de la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer une provision de 193.438,21 euros TTC.

La société Harrault Ile-de-France a conclu au rejet de la demande de provision de la société Alric (reprise par la société BNP Paribas Factor) comme se heurtant à contestations sérieuses, et sollicité la désignation d'un expert avec notamment pour mission d'établir l'état d'avancement des travaux réalisés par la société Alric, d'indiquer si ces travaux ont été effectués dans les règles de l'art et de donner son avis sur les éventuelles malfaçons ou non-façons, et plus généralement de faire les comptes entre les parties.

Par ordonnance contradictoire du 18 octobre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry a :

pris acte du désistement de la société Alric ;

pris acte de l'intervention volontaire de la société BNP Paribas Factor, de la société Harrault Ile-de-France et de la société Groupe Soprel ;

déclaré la société BNP Paribas Factor recevable en ses demandes, en conséquence ;

condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor une provision de 835.303,53 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification de la présente ordonnance ;

condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

déclaré la société Groupe Soprel recevable en ses demandes, en conséquence, condamné la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la somme de 193.438,21 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de la présente ordonnance et la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté la société Alric de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

déclaré la société Compagnie de Phalsbourg et la société Harrault Ile-de-France recevables en leur demande d'expertise et en conséquence ;

désigné en qualité d'expert judiciaire M. [J] avec mission de :

*se rendre sur les lieux du chantier intitulé « Central Parc Valvert » ;

*convoquer et entendre les parties et recueillir leurs observations à l'occasion des opérations ou lors de la tenue de toutes les réunions d'expertise ;

*se faire remettre tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;

*entendre tous sachants et au besoin désigner tout sapiteur de son choix dans une spécialité différente de la sienne ;

*établir l'état d'avancement des travaux réalisés par la société Alric par rapport à son marché et aux éventuels travaux supplémentaires ;

*indiquer si les travaux réalisés par la société Alric l'ont été dans les règles de l'art, et notamment si les travaux réalisés l'ont été sur la base de notes de calcul de stabilité conformes ;

*donner son avis sur les malfaçons ou non-façons relevées par les bureaux de contrôle, ainsi que sur toute autre malfaçon ou non-façon qui pourrait être constatée dans le cours de l'expertise ;

*donner son avis sur les travaux à entreprendre afin de remédier aux malfaçons et non-façons, ainsi que sur les devis communiqués par les parties pour procéder aux reprises ;

*fixer le nombre de jours de retard éventuel dans la réalisation des travaux par la société Alric, par rapport au planning contractuel, et chiffrer les pénalités éventuellement dues par la société Alric ;

*donner son avis sur la possibilité de prononcer la réception partielle des travaux de la société Alric ;

*faire les comptes entre les parties en vue, notamment, de l'établissement de la situation définitive de la société Alric ;

*fournir au tribunal tous les éléments de nature à lui permettre de se prononcer sur les responsabilités encourues ;

désigné M. [I] en qualité de juge chargé de contrôler l'exécution des mesures d'instruction ;

rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément à l'article 489 du code de procédure civile ;

réservé les frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile, sauf ceux liquidés au profit de la société BNP Paribas Factor et du Groupe Soprel ;

condamné la société Compagnie de Phalsbourg aux dépens de l'instance, liquidés à la somme de 125,61 euros, ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution, s'il y a lieu.

Par déclaration du 26 octobre 2023, la société Compagnie de Phalsbourg a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 12 mars 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 31, 122, 145 du code de procédure civile, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-28 du code monétaire et financier, 1217 et 1346-5 du code civil, de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

l'accueillir dans l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 octobre 2023 par le tribunal de commerce d'Evry en ce qu'elle a :

*déclaré la société BNP Paribas Factor recevable en ses demandes, en conséquence ;

*condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor la provision de 835.303,53 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la date de signification de la présente ordonnance ;

*condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

*réservé les frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile, sauf ceux liquidés au profit de la société BNP Paribas Factor et du Groupe Soprel ;

*condamné la société Compagnie de Phalsbourg aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

déclarer la société BNP Paribas Factor irrecevable en ses demandes, faute de mise en oeuvre, préalablement à l'introduction de l'instance, de la clause de conciliation préalable prévue au cahier des clauses administratives particulières ;

A titre subsidiaire :

dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au vu des contestations sérieuses faisant obstacle à la demande formulée par la société BNP Paribas Factor ;

débouter la société BNP Paribas Factor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire :

limiter la demande de provision dont le paiement est sollicité par la société BNP Paribas Factor à la somme de 77.735,78 euros TTC, somme à parfaire ;

En tout état de cause :

débouter la société BNP Paribas Factor de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens et notamment de son appel incident à l'exception de sa demande de sursis à statuer ;

déclarer Me [B] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Alric irrecevable en sa demande de rejet de la demande de sursis à statuer ;

débouter Me [B] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Alric de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

condamner la société BNP Paribas Factor à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société BNP Paribas Factor aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 février 2024, la société BNP Paribas Factor demande à la cour, au visa des articles 73, 74, 378, 873 al.1 du code de procédure civile, 1346-1 et 1103 du code civil, de :

In limine litis :

ordonner un sursis à statuer jusqu'à l'issue de l'expertise judiciaire confiée à M. [J], par ordonnance de référé du 18 octobre 2023 ;

Subsidiairement :

déclarer la société Compagnie de Phalsbourg mal fondée en son appel ;

En conséquence :

débouter la société Compagnie de Phalsbourg de toutes ses demandes ;

débouter la société Harrault Ile-de-France de toutes ses demandes ;

confirmer l'ordonnance rendue le 18 octobre 2023 en ce qu'elle a condamné la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la somme de 835.303,53 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance, outre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

infirmer l'ordonnance rendue le 18 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la somme complémentaire de 142.040,54 euros au titre de certificats de paiement n° 4 ;

Y ajoutant :

condamner la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer par provision la somme de 142 040,54 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2023 ;

condamner la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Compagnie de Phalsbourg aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 mars 2024, la société Harrault Ile-de-France demande à la cour, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [J], nommé par l'ordonnance de référé rendue le 18 octobre 2023 ;

A titre subsidiaire :

réformer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Compagnie de Phalsbourg à verser la somme de 835.303,53 euros TTC à la société BNP Paribas Factor et rejeté toute demande formulée par la société BNP Paribas Factor pour irrecevabilité, faute de conciliation préalable ;

A titre infiniment subsidiaire :

réformer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a condamné la société Compagnie de Phalsbourg à verser la somme de 835.303,53 euros TTC à la société BNP Paribas Factor;

rejeter toute demande en paiement de la société BNP Paribas Factor au titre des situations n°3 et 4 émises par la société Alric ;

rejeter toute demande complémentaire ou contraire ;

laisser à la charge de chacune des parties ses dépens et frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 18 mars 2024, Me [B], intervenant volontairement à l'instance d'appel en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alric, demande à la cour, au visa des articles 328, 329, 330 et 873 al. 2 du code de procédure civile, de :

rejeter la demande de sursis à statuer ;

rejeter toutes les demandes de la société Compagnie de Phalsbourg ;

rejeter toutes les demandes de la société Harrault Ile-de-France ;

confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry le 18 octobre 2023 ;

Y ajoutant :

condamner la société Compagnie de Phalsbourg à verser à la société BNP Paribas Factor la somme de 142 040,54 euros ;

condamner la société Compagnie de Phalsbourg et la société Harrault Ile-de-France, chacune, à lui payer, ès qualité de liquidateur de la société Alric, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Compagnie de Phalsbourg aux dépens de l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il y a lieu de constater que la cour n'est pas saisie de la disposition de l'ordonnance entreprise ayant ordonné une expertise, ni de celle ayant condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société Groupe Soprel (partie non intimée) une provision de 193.438,21 euros et une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de sursis à statuer

Les sociétés BNP Paribas Factor et Harrault Ile-de-France sollicitent à titre principal qu'il soit sursis à statuer en l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

La société Compagnie de Phalsbourg ne s'y oppose pas.

La société Alric s'y oppose, faisant valoir pour l'essentiel que l'expertise a pour objet de faire les comptes définitifs entre les parties alors que son action, reprise par la société BNP Paribas Factor, tend au paiement d'une provision au titre de deux situations de travaux (n°3 et n°4), contractuellement dues indépendamment des comptes à faire entre les parties.

La société Compagnie de Phalsbourg considère que la société Alric est irrecevable à s'opposer au sursis à statuer, faute de qualité et d'intérêt à agir dès lors qu'elle a été payée de sa créance par le factor (la société BNP Paribas Factor).

Il convient de rappeler que l'intervention volontaire de la société Alric à l'instance d'appel s'analyse en une intervention accessoire au sens des articles 328 et 330 du code de procédure civile, en ce qu'elle vient appuyer les prétentions de la société BNP Paribas Factor qui étaient précédemment les siennes avant que le factor ne lui règle sa créance.

Selon l'article 330, cette intervention accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Dans l'intérêt de sa liquidation judiciaire, la société Alric a incontestablement intérêt à soutenir l'action en paiement de son factor.

Dès lors que son intervention volontaire est recevable, ce que d'ailleurs aucune des parties ne conteste, la société Alric est recevable à former toutes prétentions utiles à ses intérêts, notamment celle de s'opposer au sursis à statuer.

En application de l'article 378 du code de procédure civile, il relève du pouvoir discrétionnaire de la cour d'apprécier l'opportunité de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Par principe, il n'est pas opportun de surseoir à statuer en référé sur une demande en paiement d'une provision, l'objet d'une telle demande étant précisément de voir juger à titre provisoire de l'existence d'une créance non sérieusement contestable, quand bien même une expertise serait en cours. En l'espèce, la société Alric en liquidation judiciaire a intérêt à voir statuer sur le bien fondé de la demande de provision qu'elle soutient indépendamment des comptes définitifs à faire entre les parties, estimant que les situations de travaux qui la fondent sont incontestablement dues dès lors qu'elles ont été validées par le maître d'ouvrage et par le maître d'oeuvre.

En outre, une fin de non-recevoir est opposée à l'action de la société BNP Paribas Factor qui, si elle est jugée bien fondée, rendra irrecevable la demande de provision.

Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur la fin de non-recevoir

La société Compagnie de Phalsbourg, suivie en ce sens par la société Harrault Ile-de-France, oppose à la demande de provision de la société BNP Paribas Factor une fin de non-recevoir tirée du non respect de la clause de conciliation obligatoire prévue au contrat qui a été conclu entre le maître d'ouvrage et la société Alric.

Le premier juge a écarté cette fin de non-recevoir au motif qu'il est de jurisprudence constante que les dispositions légales ou contractuelles instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, situation caractérisée en l'espèce, et que de surcroît cette clause n'est pas opposable à la société BNP Paribas Factor qui n'est pas partie au contrat conclu entre la société Alric et la société Compagnie de Phalsbourg.

La société BNP Paribas Factor conclut au rejet de cette fin de non-recevoir, faisant valoir :

- que la motivation du premier juge est conforme à la jurisprudence constante qui considère que les effets de la clause de conciliation préalable peuvent être neutralisés si l'urgence le commande,

- que tel est le cas en l'espèce au regard de la situation de fragilité financière de la société Alric et de la procédure collective ouverte,

- que la clause n'institue pas une procédure de conciliation obligatoire mais seulement l'obligation pour les parties de tenter un règlement amiable du différend, non-assorti de conditions particulières de mise en oeuvre,

- que ses dispositions n'ont pas de caractère impératif et n'édictent pas de manière expresse et non-équivoque le recours à la conciliation comme un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction,

- que la saisine de la juridiction était d'autant plus justifiée que la société Compagnie de Phalsbourg n'a à aucun moment manifesté le souhait de recourir à un règlement amiable du litige,

- que le marché ayant d'ores et déjà été résilié lorsque le juge des référés a été saisi par la société Alric, la mission du conciliateur telle que décrite au CCAP (cahier des clauses administratives particulières) ne pouvait s'appliquer,

- que par ailleurs le juge des référés a considéré à bon droit que la clause ne pouvait être opposée au factor, cette clause étant exclusivement relative à l'exercice des actions du maître d'ouvrage à l'égard de l'entrepreneur et inversement, la société BNP Paribas Factor étant tiers au contrat.

Le liquidateur judiciaire de la société Alric conclut lui aussi au rejet de la fin de non-recevoir, faisant valoir :

- que la mise en oeuvre de la procédure de conciliation est expressément prévue en cas de litige entraînant la saisine des juridictions compétentes en vertu de la clause attributive de compétence prévue au contrat, laquelle, de jurisprudence constante, est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, en sorte que la société Compagnie de Phalsbourg, qui ne peut se prévaloir de la clause attributive de compétence, ne peut non plus se prévaloir de la clause de conciliation obligatoire,

- qu'en tout état de cause, la clause est inopposable à la société BNP Paribas Factor , qui n'est subrogée qu'en ce qui concerne la créance de la société Alric, alors que selon l'article 1346-5 du code civil en matière de paiement avec subrogation seules les exceptions inhérentes à la dette peuvent être opposées par le débiteur, et qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que la clause de conciliation préalable n'est pas une exception inhérente à la dette (Com., 6 juillet 2022, n°20-20.085).

L'article 75 « Litiges » du contrat conclu entre les sociétés Compagnie de Phalsbourg et Alric contient, d'une part, une clause d'attribution de juridiction (article 75.1) (conférant compétence exclusive aux juridictions siégeant dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris), d'autre part, une clause de procédure préalable de conciliation (articles 75.2, 75.2.1, 75.2.2 et 75.2.3).

A son article 75.2 cette clause stipule : « Préalablement à la saisine des juridictions compétentes en vertu de l'article 75.1, les parties s'efforceront de régler à l'amiable tout litige susceptible d'intervenir en rapport avec le présent marché. Si ce litige subsistait, le représentant du maître de l'ouvrage et celui de l'entreprise se concerteraient pour tenter de le résoudre. En cas d'échec de cette tentative, les parties conviennent d'avoir recours à une procédure de conciliation dite à l'amiable. »

Les articles suivants décrivent précisément la procédure à mettre en oeuvre : les parties doivent faire le choix dans les 5 jours de la notification par l'une d'elles du défaut de règlement amiable du litige, d'un conciliateur unique qui, une fois désigné, a des missions clairement détaillées. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur le choix du conciliateur ou si elles ne parviennent pas à un accord dans les 15 jours suivant le rapport du conciliateur, elles sont alors libres de porter le litige devant les juridictions compétentes.

Le contrat conclu entre le maître d'ouvrage et l'entreprise Alric stipule donc bien une clause de conciliation préalable à la saisine de la juridiction compétente, dont le caractère est obligatoire et qui s'impose aux parties, lesquelles ne pourraient s'en affranchir que si elles y avaient renoncé expressément d'un commun accord, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, peu important dès lors que le maître d'ouvrage n'ait pas manifesté l'intention d'y recourir.

La clause prévoit de recourir au conciliateur pour « tout litige susceptible d'intervenir en rapport avec le présent marché », le conciliateur se voyant confier la mission « d'éclaircir les points en litige entre les parties ». Aucune restriction n'est posée quant à la nature du litige, le conciliateur pouvant donc être saisi que le marché soit ou non résilié. Au demeurant, la résiliation du marché à l'initiative du maître d'ouvrage n'est nullement avérée, c'est l'entreprise Alric qui s'est prévalue de la résiliation du contrat aux torts du maître d'ouvrage.

Cette clause de conciliation étant stipulée de manière indépendante de la clause attributive de juridiction, le débiteur peut l'opposer à son créancier quand bien même il ne pourrait pas lui opposer la clause d'attribution de juridiction, cet argument étant aussi inopérant.

En application des dispositions de l'article 1346-5 du code civil, la clause de conciliation obligatoire est opposable par la société Compagnie de Phalsbourg à la société BNP Paribas Factor, subrogée dans les droits de la société Alric. Ce texte prévoit en effet expressément, en son troisième alinéa, que toutes les exceptions, qu'elles soient ou non inhérentes à la dette, sont opposables au subrogé : « Le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette telles que (...). Il peut également lui opposer les exceptions nées de ses rapports avec le subrogeant avant que la subrogation ne lui soit devenue opposables, telles que (...) ».

En l'espèce, l'exception tirée de la cause de conciliation préalable est née du contrat conclu entre le maître d'ouvrage et l'entreprise, et donc avant la subrogation intervenue entre l'entreprise et le factor.

La société Compagnie de Phalsbourg est par conséquent recevable à opposer à la société BNP Paribas Factor la clause de conciliation préalable incluse dans son contrat conclu avec la société Alric.

La clause instituant une procédure de conciliation ou de médiation préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si une partie l'invoque. Toutefois, une telle clause ne prive pas le juge des référés du pouvoir d'allouer, dans les conditions de l'article 873 du code de procédure civile, une provision au créancier si l'urgence justifie de passer outre le processus de règlement amiable du conflit.

L'urgence n'est pas caractérisée en l'espèce, la société Alric (ayant engagé l'action) et la société BNP Paribas Factor (l'ayant reprise en tant que subrogée) ne justifiant d'aucune circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance : il n'est pas prétendu que la situation financière de la société Compagnie de Phalsbourg menacerait le recouvrement de cette créance. Par ailleurs, la société Alric a été payée de cette créance par la société BNP Paribas Factor, et cette dernière ne se prévaut d'aucune urgence, sollicitant même à titre principal un sursis à statuer sur sa demande de provision jusqu'au terme de l'expertise judiciaire en cours.

Aussi la société Compagnie de Phalsbourg est-elle recevable et bien fondée à opposer tant à la société Alric qu'à la société BNP Paribas Factor l'irrecevabilité de leurs demandes de provision faute de mise en oeuvre de la clause de conciliation préalable.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a déclaré la société BNP Paribas Factor recevable en ses demandes et a condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor une provision de 835.303,53 euros avec intérêts.

Elle sera également infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Statuant à nouveau et y ajoutant, dans les limites de sa saisine, la cour déclarera irrecevables en leurs demandes de provision les sociétés Alric et BNP Paribas Factor et condamnera cette dernière, partie perdante, aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Compagnie de Phalsbourg la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré la société BNP Paribas Factor recevable en ses demandes,

- condamné la société Compagnie de Phalsbourg à payer à la société BNP Paribas Factor une provision de 835.303,53 euros avec intérêts, et la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables en leurs demandes de provision la société BNP Paribas Factor et la société Alric représentée par son liquidateur judiciaire Me [B],

Condamne la société BNP Paribas Factor aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société BNP Paribas Factor à payer à la société Compagnie de Phalsbourg la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette toutes autres demandes des parties.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/17437
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.17437 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award