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23/05/2024 | FRANCE | N°23/10992

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 23 mai 2024, 23/10992


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 23 MAI 2024



(n°249, 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10992 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2S2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2023 -Juge de l'exécution d'Evry RG n° 23/00482



APPELANT



Monsieur [E] [L]

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représenté par Me Inès AKIKA, avocat au ba

rreau de PARIS, toque : D0005



INTIMEE



S.A.R.L. 1640 INVESTMENT 5

[Adresse 3]

[Localité 11]



Représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE



COMPOSITI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 23 MAI 2024

(n°249, 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10992 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2S2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2023 -Juge de l'exécution d'Evry RG n° 23/00482

APPELANT

Monsieur [E] [L]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Inès AKIKA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0005

INTIMEE

S.A.R.L. 1640 INVESTMENT 5

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte Pruvost dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par jugement réputé contradictoire du 14 février 2013, le tribunal d'instance de Gonesse a condamné M. [E] [L] à payer à la SA Franfinance la somme de 2814,85 euros, avec intérêt au taux contractuel de 16,29 % à compter du 10 mai 2021, outre la somme de 10 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, l'ensemble au titre du solde impayé d'un crédit utilisable par fractions souscrit le 17 septembre 2010.

Ce jugement a été signifié à M. [L] le 6 mai 2013 selon procès-verbal de recherches infructueuses.

Le 26 août 2022, la société 1640 Investment 5 a fait signifier à M. [L] un commandement aux fins de saisie-vente, délivré à personne, faisant mention de la société Franfinance en qualité de créancier cédant et d'un contrat de cession du 8 octobre 2019, ainsi que du jugement susvisé.

Par procès-verbal du 1er décembre 2022, la SARL 1640 Investment 5 a fait pratiquer une saisie-vente de meubles appartenant à M. [L] pour un montant total de 6379,70 euros, dont 2814,85 euros en principal.

Le 15 décembre suivant, la société 1640 Investment 5 a fait dresser un procès-verbal d'immobilisation du véhicule Audi A1, et a dénoncé un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dressé le 20 octobre précédent pour paiement de la somme totale de 6416,68 euros, dont 2814,85 euros en principal.

Par acte d'huissier du 16 janvier 2023, M. [L] a assigné la société 1640 Investment 5 devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry aux fins d'obtenir la mainlevée des mesures susvisées.

Par jugement du 6 juin 2023, le juge de l'exécution a :

débouté M. [L] de ses demandes ;

condamné M. [L] aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que la saisie était poursuivie en vertu d'un jugement devenu définitif, que la société Franfinance avait cédé sa créance à la société 1640 Investment 5, et avait fait signifier à M. [L] un commandement aux fins de saisie-vente mentionnant ladite cession de créance ; que le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de remettre en cause un titre exécutoire définitif servant de base à la mesure d'exécution diligentée ; qu'en outre, M. [L] ne contestait pas que la plainte qu'il avait déposée pour usurpation d'identité avait été classée sans suite.

Par déclaration du 21 juin 2023, M. [L] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions du 12 mars 2024, M. [L] demande à la cour de :

juger son appel recevable et bien fondé ;

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

annuler l'acte de signification du 6 mai 2013 du jugement du 14 février 2013 ;

juger que le jugement rendu le 14 février 2013 par le tribunal d'instance de Gonesse est non avenu et que la saisie-vente du 1er décembre 2022 et l'immobilisation de son véhicule du 15 décembre 2022 ne reposent sur aucun titre exécutoire ;

ordonner la mainlevée de la saisie-vente diligentée le 1er décembre 2022 ;

ordonner la mainlevée de l'immobilisation du véhicule lui appartenant, diligentée le 15 décembre 2022 :

rappeler que la décision de mainlevée à intervenir vaut titre de restitution des meubles et du véhicule dont il a été privé ;

débouter la société 1640 Investment 5 de toutes ses demandes ;

condamner la société 1640 Investment 5 à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens « sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ».

L'appelant soutient que :

le juge de l'exécution a omis de statuer sur la régularité du titre exécutoire alors qu'il l'avait contestée ; le jugement lui a été signifié à la fausse adresse renseignée sur l'acte de prêt, et il prouve par différents justificatifs et la déclaration de perte de sa carte d'identité du 16 septembre 2010, qu'il habitait à l'époque à une autre adresse ; que l'huissier n'a pas accompli de diligences suffisantes, d'une part parce que la société Franfinance disposait de son adresse réelle au moyen de sa carte d'identité, d'autre part parce qu'il était aisé à l'huissier, qui n'a accompli qu'une seule et unique diligence, de le retrouver au moyen d'une simple recherche sur Google et societe.com, dès lors qu'il exerce sous le statut d'auto-entrepreneur depuis 2009, ou encore auprès des services postaux ou de la mairie ;

la signature figurant sur la carte d'identité volée ne ressemble aucunement à celles employées par l'emprunteur usurpateur.

Par conclusions du 3 novembre 2023, la société 1640 Investment 5 demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

condamner M. [L] à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'intimée fait valoir que :

elle justifie d'une chaîne de cession de créance régulière et d'une signification de la cession de créance à M. [L] selon commandement aux fins de saisie-vente du 26 août 2022 remis à sa personne ;

c'est faussement que M. [L] prétend n'avoir jamais habité à l'adresse d'[Localité 7] à laquelle lui a été signifié le jugement, celle-ci figurant non seulement sur l'offre de prêt mais aussi sur la facture EDF à son nom, fournie lors de la souscription du prêt ; et concernant la pièce d'identité remise lors de l'octroi du prêt, elle ne mentionnait pas une adresse à [Localité 12] mais à [Localité 8] et était ancienne de plus de 5 ans ;

les diligences accomplies par l'huissier sont suffisantes, la consultation de Google présentant des risques d'homonymie et la copie écran que M. [L] fournit fait apparaître son nom non seulement sur société.com mais aussi sur verif.com ; s'agissant d'un jugement relatif à un contrat de prêt personnel et non consenti à un commerçant, l'huissier n'avait pas à interroger le registre du commerce et des sociétés ou les autres sites de domiciliation commerciale.

MOTIFS

La validité de la cession de créance et la qualité pour agir de la société 1640 Investment 5 ne sont pas contestées à hauteur d'appel. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le moyen développé à cet égard par l'intimée.

Sur la régularité de la signification du titre exécutoire

Ce n'est pas exactement une omission de statuer mais davantage une insuffisance de motivation, que peut reprocher l'appelant au premier juge, devant lequel il avait soutenu que le jugement réputé contradictoire du 14 février 2013 ne lui avait pas été régulièrement signifié, le juge de l'exécution s'étant borné à constater qu'il était justifié d'un acte de signification en date du 6 mai 2013.

Selon les dispositions de l'article 659 alinéa 1er du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Il convient donc de vérifier le caractère suffisant des diligences accomplies par l'huissier lors de l'établissement du procès-verbal de recherches infructueuses de signification du jugement réputé contradictoire du 14 février 2013.

Ce procès-verbal dressé par l'huissier de justice le 6 mai 2013 à l'adresse figurant sur l'offre préalable de crédit utilisable par fractions du 17 septembre 2010, soit [Localité 10], [Adresse 2], relate les diligences suivantes :

« A l'adresse, il s'agit d'une maison en cours de rénovation non habitée.

Le nom du requis ne figure pas sur la boîte aux lettres.

Des voisins rencontrés n'ont pas pu me renseigner.»

Ce faisant, l'huissier n'a accompli qu'une seule recherche, celle d'interroger les voisins, alors qu'il aurait dû en effectuer au moins une autre, notamment dans l'annuaire électronique. La consultation des annuaires societe.com et verif.com lui aurait également permis de retrouver M. [L], auto-entrepreneur à [Localité 12] (ainsi que son numéro de Siren), ainsi que celui-ci en justifie. M. [L] ajoute que le créancier aurait dû fournir à l'huissier de justice son adresse telle que figurant sur la carte d'identité, dont il avait déclaré la perte le 16 septembre 2010 et à l'aide de laquelle aurait été commise l'usurpation d'identité pour laquelle il a déposé plainte le 7 février 2011. L'intimée rétorque à cet égard que la pièce d'identité fournie par l'emprunteur était ancienne de 5 ans par rapport à la date du crédit et ne mentionnait pas l'adresse à [Localité 13], [Adresse 4], à laquelle l'appelant prétend avoir habité en septembre 2010, mais une adresse située à [Localité 8] (92), [Adresse 1]. Cependant, dès lors que l'huissier de justice se heurtait, en ce qui concerne l'adresse figurant sur la facture EDF, à des lieux manifestement inhabités, son mandant aurait au moins dû lui fournir, en deuxième intention, l'adresse figurant sur la carte d'identité, à laquelle il aurait pu obtenir des renseignements sur la nouvelle adresse de M. [L]. En outre, l'intimée ne peut invoquer la seule facture EDF au nom de M. [L], fournie par l'emprunteur et portant une adresse à [Localité 7], comme étant la preuve que l'intéressé habitait réellement lors de la souscription à cette adresse, alors que cette facture peut résulter d'une falsification. En tout état de cause, la cour estime insuffisantes les recherches effectuées par l'huissier de justice avant de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses.

Aux termes de l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. Or selon l'article 114 alinéa 2 du même code, la nullité [d'un acte de procédure] ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, l'irrégularité de la signification par procès-verbal de recherches infructueuses du 6 mai 2013 a privé M. [L] de la connaissance du jugement rendu le 14 février 2013 et, partant, de la possibilité d'en faire appel et de faire valoir l'usurpation d'identité dont il soutient avoir été victime en justifiant de la réalité de son domicile à une autre adresse entre les 27 avril 2007 et 1er octobre 2010.

Par suite, il y a lieu de prononcer la nullité du procès-verbal de signification du jugement du 14 février 2013.

Sur la demande tendant à voir déclarer le jugement non avenu

Aux termes de l'article 478 alinéa 1er du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.

A l'examen du jugement du 14 février 2013, la cour constate qu'il a été qualifié de réputé contradictoire au seul motif qu'il était susceptible d'appel, M. [E] [L], défendeur, ayant été « cité au visa de l'article 659 du code de procédure civile ».

L'acte de signification annulé équivalant à une absence de signification, il y a donc lieu de déclarer ce jugement non avenu.

Sur la demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée

Aux termes de l'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Selon l'article L. 223-1 du même code, l'huissier de justice chargé de l'exécution d'un titre exécutoire peut faire une déclaration aux fins de saisie d'un véhicule terrestre à moteur auprès de l'autorité administrative compétente. La notification de cette déclaration au débiteur produit tous les effets d'une saisie.

L'article L. 223-2 du même code dispose que le commissaire de justice chargé de l'exécution muni d'un titre exécutoire peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule. Le débiteur peut demander au juge la levée de l'immobilisation du véhicule.

Dans tous les cas prévus par ces textes, le caractère non avenu du titre exécutoire entraîne la mainlevée de toutes les mesures d'exécution forcée, soit, en l'espèce, de la mesure d'immobilisation du véhicule, de la saisie-vente et du procès-verbal d'indisponibilité. Il y a donc lieu de faire droit aux demandes de l'appelant en ce sens, sans qu'il soit nécessaire de rappeler, comme le demande celui-ci, que la décision de mainlevée vaut titre de restitution des meubles et du véhicule saisis.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige commande d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens et de condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il y a lieu de la condamner au paiement d'une indemnité de 3000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles exposés par M. [L] en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Annule l'acte de signification, par procès-verbal de recherches infructueuses dressé le 6 mai 2013, du jugement rendu le 14 février 2013 par le tribunal d'instance de Gonesse ;

Déclare non avenu le jugement réputé contradictoire n° RG 11-12-000782 rendu le 14 février 2013 par le tribunal d'instance de Gonesse ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-vente de meubles pratiquée à l'encontre de M. [E] [L] le 1er décembre 2022 à la requête de la société 1640 Investment 5 ;

Ordonne la mainlevée du procès-verbal d'immobilisation du véhicule Audi A1 modèle Sportback OK 22 immatriculé [Immatriculation 9], appartenant à M. [E] [L], dressé le 15 décembre 2022 à la requête de la société 1640 Investment 5, et du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dudit véhicule, dressé le 20 octobre 2022 ;

Condamne la société 1640 Investment 5 à payer à M. [E] [L] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société 1640 Investment 5 aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/10992
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.10992 ?
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