La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23/03021

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 23 mai 2024, 23/03021


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 23 MAI 2024

(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03021 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CHDUC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00013





APPELANTE

S.C.I. ASIF [Localité 21] [Localité 27]

[Adresse 13]

[Localité 12]

représentée par Me Rajess RAMD

ENIE de la SELARL GMR AVOCATS - GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R251, substitué à l'audience par Me Thomas PASQUALIN, avocat au barreau de PARIS





...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 23 MAI 2024

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03021 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CHDUC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/00013

APPELANTE

S.C.I. ASIF [Localité 21] [Localité 27]

[Adresse 13]

[Localité 12]

représentée par Me Rajess RAMDENIE de la SELARL GMR AVOCATS - GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R251, substitué à l'audience par Me Thomas PASQUALIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A. SEQUANO AMÉNAGEMENT

[Adresse 19]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 14]

représentée par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07, substitué à l'audience par Me Cédric BORTOLUSSI, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE

LA SEINE [Localité 27] - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Division Missions Domaniales

[Adresse 11]

[Localité 14]

représentée par Madame [I] [T], en vertu d'un pouvoir général

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SCI ASIF [Localité 21] SAINT-DENIS (ci-après dénommée SCI ASIF) était propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 1]), sur les parcelles cadastrées section CR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Il s'agit d'un ensemble immobilier à usage industriel.

Le bien est situé dans le périmètre du projet d'aménagement de la [Adresse 20].

Le quartier de [Adresse 20] se situe dans la commune de [Localité 27] en limite de la commune d'[Localité 16].

Par une délibération du conseil communautaire du 1er février 2011, l'établissement public territorial Plaine commune a confié l'aménagement de cette Zac à la société d'économie mixte SEQUANO Aménagement (ci-après dénommée SEQUANO).

Cette opération a été déclarée d'utilité publique par le préfet de la Seine-Saint-Denis au profit de la SEQUANO selon l'arrêté préfectoral n° 2014-1328 du 28 mai 2014.

L'ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété a été rendue le 9 avril 2019 au profit de SEQUANO.

SEQUANO a notifié son mémoire valant indemnisation à la SCI ASIF par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2019.

Par requête reçue au greffe de la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny le 30 janvier 2022, SEQUANO a saisi ledit tribunal aux fins de fixation de la valeur du bien de la SCI ASIF.

Par jugement contradictoire du 27 septembre 2022, après transport sur les lieux le 15 décembre 2020, la juridiction de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis a :

'annexé à la décision le procès-verbal de transport du 15 décembre 2020 ;

'fixé à 3'348'200 euros, en valeur occupée, l'indemnité totale de dépossession due par SEQUANO AMENAGEMENT à la SCI ASIF dans le cadre de l'expropriation du bien situé [Adresse 1]), sur les parcelles cadastrées section CR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ;

'dit que la somme arrondie de 3'348'200 euros se décompose de la manière suivante :

'2'861'100 euros d'indemnité principale,

'287'110 euros d'indemnité de remploi ;

'199'946,52 euros d'indemnité pour perte de revenus locatifs ;

'condamné SEQUANO AMENAGEMENT à payer à la SCI ASIF la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné SEQUANO AMENAGEMENT aux dépens.

La SCI ASI a interjeté appel du jugement le 18 novembre 2022 sur l'indemnité totale de dépossession.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/déposées au greffe par la SCI ASIF le 17 février 2023 notifiées le 6 avril 2023 (AR intimé le 11 avril 2023 et AR CG le 11 avril 2023) aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

'la déclarer recevable dans son appel ;

'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il fixe les indemnités d'expropriation devant revenir à la concluante comme suit :

'indemnité principale : 3719 m² X 900 euros/m² soit 2'861'100 euros ;

'indemnité de remploi : 287'110 euros ;

'en conséquence statuant à nouveau :

'fixer l'indemnité principale devant lui revenir pour l'expropriation de ses biens à la somme de 6'358'000 euros décomposée de la manière suivante :

2000 euros/m² X 3179 m²;

'fixer l'indemnité de remploi à la somme de 636'800 euros ;

'confirmer le jugement en ce qu'il fixe l'indemnité pour perte de revenus locatifs à la somme de 199'946,52 euros ;

'confirmer le jugement en ce qu'il condamne SEQUANO AMENAGEMENT à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux entiers dépens de première instance ;

'condamner SEQUANO AMENAGEMENT à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel.

2/adressées par la SCI ASIF le 12 novembre 2023 notifiées le 15 novembre 2023 (AR intimé du 26 novembre 2023 et AR CG du 20 novembre 2023) aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

'la déclarer recevable dans son appel ;

'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il fixe les indemnités d'expropriation devant revenir à la concluante comme suit :

'indemnité principale : 3719 m² X 900 euros/m² soit 2'861'100 euros ;

'indemnité de remploi : 287'110 euros ;

'en conséquence statuant à nouveau :

'fixer l'indemnité principale devant lui revenir pour l'expropriation de ses biens à la somme de 6'358'000 euros décomposée de la manière suivante :

2 000 euros/m² X 3179 m²;

'fixer l'indemnité de remploi à la somme de 636'800 euros ;

'confirmer le jugement en ce qu'il fixe l'indemnité pour perte de revenus locatifs à la somme de 199'946,52 euros ;

'confirmer le jugement en ce qu'il condamne SEQUANO AMENAGEMENT à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux entiers dépens de première instance ;

'condamner SEQUANO AMENAGEMENT à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel

3/ adressées au greffe par SEQUANO AMENAGEMENT le 6 juillet 2023 notifiées le 7 juillet 2023 (AR appelant du 17 juillet 2023 et AR CG le 13 juillet 2023) aux termes desquelles, il est formé appel incident et demandé à la cour de :

'débouter la SCI ASIF de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

'déclarer SEQUANO AMENAGEMENT recevable et bien-fondé en son appel incident,

en conséquence :

'infirmer partiellement le jugement ce qu'il a fixé l'indemnité principale et de remploi à revenir à la SCI ASIF

Et statuant à nouveau :

-fixer comme suit les indemnités revenant à l'exproprié :

I indemnité principale

'méthode d'évaluation : par comparaison,

'superficie retenue : 3719 m²,

'valeur unitaire retenue : 900 euros/m², valeur occupée,

'abattement pour frais de dépollution : 398'500 euros,

soit l'indemnité principale calculée comme suit :

(3719 m² X 900 euros/m²) -398'500 euros= 2'462'600 euros

II indemnités accessoires

'frais de remploi : 259'760 euros,

'indemnité pour perte de revenus locatifs :12 mois de loyers soit 199'946,52 euros,

soit une indemnité totale de dépossession : 2 922'306,52 euros.

4/le commissaire de gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SCI ASIF expose que :

Elle est propriétaire de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], sur les parcelles cadastrées section CR n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Le bien est inclus dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté [Adresse 20] dont l'aménagement a été confié à la SEMA SEQUANO.

Il est situé en zone UP33M du PLU intercommunal Plaine commune.

Il jouit d'une parfaite desserte par les transports en commun étant situé à proximité de la gare ferroviaire de [22], à 800 m de la station de la ligne B du RER, à proximité de la station « [18] » et à 650 m de la ligne 12 du métro.

Le bien est également situé à proximité des arrêts de bus « [28] ces arrêts étant desservis par les lignes de bus du réseau RATP n° 139, 173, 239, 302, 512 permettant de rejoindre aisément Paris et les communes limitrophes.

En outre, l'expropriée bénéficie de la proximité des axes routiers majeurs du secteur et son positionnement idéal permet de rejoindre aisément les autoroutes A1 et A 86, les routes nationales N1 et N301 et le boulevard périphérique.

Enfin, le bien exproprié jouit de la proximité de plusieurs pôles d'activités majeures du secteur dont les locaux de l'université Sorbonne [25] et du campus [Localité 17], Stade de France ou le centre commercial « [24] ».

Le bien bénéficie donc d'un environnement très privilégié et hautement valorisé pour un bien d'activités.

L'ensemble immobilier se compose de quatre bâtiments et de deux cours présentant des superficies de 260 m² pour la première et de 200 m² pour la seconde.

Le bâtiment A de construction de type industriel, élevé sur un niveau de sous-sol partiel, un rez-de-chaussée un étage, est en état d'usage.

Les bâtiments B et C sont des constructions de type industriel composées de deux corps de bâtiment identiques et contigus et sont élevés sur terre-plein et rez-de-chaussée.

Le bâtiment D est une construction industrielle élevée sur terre-plein et rez-de-chaussée, qui était percée d'une large trémie pour l'accès des véhicules.

Le premier juge, à l'instar des parties a retenu une surface plancher totale de 3179 m², qui sera confirmée en appel.

Sur la fixation d'indemnité principale, la SCI ASIF ne remet pas en cause la consistance des biens, la situation d'occupation, la date de référence, le principe de l'application de la méthode par comparaison et les modalités de calcul des frais de remploi.

En revanche, elle demande l'infirmation partielle en ce que le premier juge a pour procéder à l'évaluation des biens expropriés retenu une valeur unitaire de 200 euros/m².

Le premier juge a retenu des références très anciennes, mais également des références intervenues au bénéfice de l'Etat ou de l'EPFIF, soit des cessions réalisées hors du marché libre.

En l'espèce, l'autorité expropriante ne démontre pas avoir conclu des accords amiables, postérieurement à la DUP comme l'exigent le texte et la jurisprudence, avec au moins la moitié des propriétaires intéressés, sur une surface portant au moins sur les deux tiers des superficies concernées, ou avec les deux tiers au moins des propriétaires et sur la moitié des surfaces concernées par les DUP.

Le premier juge n'était donc nullement tenu de prendre pour base ces références au regard de la législation applicable.

La valeur unitaire retenue par le juge de l'expropriation concernant le bien de la SCI de la rue des Fillettes, soit 850 euros/m², intègre l'état du bien exproprié ainsi que la pollution affectant ce dernier ; or, le bien sis [Adresse 6] propriété de la SCI [Adresse 6] est majoritairement composé de locaux ouverts présentant un toit en tôle fibrociment et un sol en terre battue ; les biens de la SCI ASIF, bien que présentant un mauvais état concernant certaines pièces composant les bureaux exploités par la société AUBER MATERIAUX, présentent également des pièces dont l'état est correct, les bureaux sont en outre équipés de double vitrage, et la charpente et la toiture ont fait l'objet d'importants travaux de réfection et sont désormais en bac acier.

Par ailleurs, le bien de la SCI ASIF dispose d'une dalle béton sur l'ensemble de l'emprise des entrepôts, qui a été dimensionnée pour résister au passage de camions de fort tonnage en lien avec l'activité du site et présente une vaste cour non bâtie.

Dès lors que la valeur unitaire de 800 euros/m² retenue par le premier juge a été estimée pollution intégrée, concernant le bien de la SCI [Adresse 26], la valeur de 900 euros/m² ne pouvait nécessairement être retenue concernant le bien de la SCI ASIF dont la dépollution sera sensiblement moins coûteuse.

Concernant les termes produits par le commissaire du gouvernement, les termes n°1 et n°2 concernent d'autres communes, le terme n°3 ne concerne pas une cession entre tiers et est réalisé dans des conditions particulières, le terme n°4 a été à juste titre retenu et le terme n°6 n'est pas intervenu au sein du marché libre.

Elle reprend des références 1 et 4 citées en première instance, constituées de deux bâtiments d'activité comparable cédés sur le territoire de la commune de [Localité 27].

Une valeur de 2000 euros/m² doit être retenue, soit une indemnité principale de :

2 000 euros/m² X 3179m² = 6'358'000 euros.

S'agissant de l'appel incident de SEQUANO AMENAGEMENT, le premier juge a exactement considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire supporter aux propriétaires expropriés un abattement supplémentaire au titre des coûts de dépollution du site, puisque l'indemnité principale intègre déjà la problématique de la pollution.

La présence de pollution n'est pas limitée aux terrains de la SCI ASIF et se rencontre sur l'ensemble des terrains ayant accueilli, par le passé, une activité industrielle historique de [Localité 27].

À titre subsidiaire, si le coût de dépollution doit effectivement être pris en compte dans le cadre de l'évaluation des biens par comparaison avec celui d'autres biens non pollués, la prise en compte de cette dépollution et son ampleur ne doit pas être évaluée au regard de la vocation future du projet porté par l'expropriant, mais uniquement au regard de l'usage existant (Cassation, 3ème Civile, 30 janvier 2020, n° 19-10301).

Selon le rapport établi par l'expert [F] [B] à la demande de l'autorité expropriante, le coût de dépollution pour un usage industriel peut être évalué à un coût variant de 318'000 à 478 200 euros hors-taxes.

Cependant, le rapport présente des incohérences quant au coût effectif de la dépollution pour un usage comparable, de telle sorte que le chiffrage n'est pas exploitable.

L'indemnité de remploi doit être fixée à la somme de 638'800 euros.

L'autorité expropriante ne remet pas en cause l'indemnité pour perte de revenus locatifs d'un montant de 199'946,52 euros.

SEQUANO AMENAGEMENT répond que :

Le quartier de [Adresse 20] se situe sur la commune de[Localité 27], en limite communale avec [Localité 16], dans le Département de la Seine-Saint-Denis.

Il est implanté sur le territoire de [Localité 23], à équidistance du canal de [Localité 27] et la couverture de l'autoroute A1.

Les dysfonctionnements structurels de cet ancien tissu industriel ont conduit à envisager sa restructuration par la constitution de la zone d'aménagement concerté Montjoie qui a pour principaux objectifs :

'le développement d'une mixité fonctionnelle au sein d'un quartier historiquement dédié à l'activité économique ;

'la création d'espaces publics de qualité ;

'le désenclavement de [Localité 21].

Avant de saisir le juge de l'expropriation d'une demande de fixation d'indemnité d'expropriation, SEQUANO a souhaité connaître avec précision l'état de pollution du bien de la SCI ASIF, celle-ci exerçant au sein du site concerné une activité de récupération de stockage de matériaux métalliques.

Le site est bordé :

'au Nord, par l'entreprise SDSE, exerçant une activité de préparation de revêtement de surface (parcelles CR [Cadastre 7] et 21) ;

'au sud, par l'entreprise AICO NOVACOLOR, spécialisée dans l'application de peinture en poudre (parcelles CR [Cadastre 2] et 16).

Plusieurs visites de ces sites ont permis de constater la présence :

'de cuves aériennes à l'entrée du site et du bâtiment,

'de déchets divers, répartis en plusieurs tas à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments,

'de cabines de peinture,

'de nombreuses cuves enterrées de fioul,

'de stockage aérien de bouteilles d'oxygène,

'de cuves aériennes de propane et de fioul.

Ces éléments faisaient présumer l'existence d'une pollution des sites en cause.

Il a donc été sollicité la société SITA REMEDIATION, expert des sites et sols pollués afin qu'elle se prononce sur l'étendue de la pollution des sites ; celle-ci a rendu trois rapports qui n'étaient que les premières analyses non contradictoires confirmant le caractère pollué de ces sites (pièce n° 1).

Ces études ont relevé des sources de pollution susceptibles de présenter des risques pour les usagers actuels et futurs des sites, mais également de migrer hors du site via les eaux souterraines.

SEQUANO a donc saisi le Président du Tribunal Grande Instance aux fins d'ordonner une mesure d'expertise afin d'identifier la nature de la pollution et le coût de dépollution, qui a donné lieu à une ordonnance du 23 novembre 2018 (pièce n° 2).

Dans l'attente du rapport d'expertise, par mémoire valant offre du 25 septembre 2019, SEQUANO a notifié à la SCI ASIF une offre indemnitaire au titre de l'indemnité de dépossession qui lui est due pour un montant de 2'018'665 euros à parfaire en fonction du coût de dépollution chiffré par l'expert.

Au terme de rapport du 9 février 2022, l'expert judiciaire désigné a conclut que la nappe située sous les parcelles CR [Cadastre 4] et [Cadastre 5] est notamment polluée par des composés organo-halogénés volatiles(COHV) de telle sorte que les coûts primaires de dépollution ont été estimés à 398'500 euros (pièce n° 3).

L'ensemble immobilier de la SCI ASIF, à usage d'activités, comprend deux hangars accolés, un auvent à l'entrée du hangar, à l'entrée de la propriété, un bâtiment R+1 comprenant au rez-de-chaussée, un vestiaire, des sanitaires et douches, et à l'étage, un local vide.

Le transport sur les lieux a révélé qu'il s'agissait de locaux industriels vétustes, avec un mauvais état général ainsi que l'a retenu le premier juge et comme en attestent les photographies produites.

La superficie de 3779 m² n'est pas contestée par les parties.

Le bien évalué en valeur occupée n'est pas contesté.

La date de référence est celle du PLU intercommunal de Plaine commune devenue exécutoire le 31 mars 2020.

À cette date, l'ensemble immobilier était situé en zone UP33M.

Les parties n'entendent pas remettre en cause :

'la consistance des biens,

'la situation d'occupation,

'la date de référence,

'la méthode d'évaluation, à savoir méthode globale, par comparaison,

'l'indemnité pour perte de revenus locatifs,

'les modalités de calcul, habituelles, des frais de remploi.

A sur l'appel principal de la SCI ASIF

Comme en première instance, la SCI ASIF conteste la référence retenue par le premier juge,[Adresse 6] à [Localité 27].

Cette cession est prétendument représentative d'un marché captif, et concerne un contexte prétendument particulier.

Cependant, cette référence est pertinente.

Les références produites par la SCI ASIF devront être écartées.

Le premier juge a bien pris en compte les éléments de plus-value du bien exproprié.

B sur l'appel incident de SEQUANO

Le premier juge n'a pas appliqué d'abattement pour coût de dépollution.

Or il est démontré que :

'le code de l'expropriation impose de prendre en compte l'état de pollution du bien exproprié ;

'la Cour de cassation, de manière constante, rappelle que les coûts d'une pollution génèrent une contrainte de construction qui grève la valeur du bien exproprié ;

'les juges du fond, et notamment les cours d'appel dont la cour d'appel de Paris appliquent scrupuleusement ce principe sur l'ensemble du territoire ;

'de la même manière, les juges de l'expropriation francilien ont une position conforme à celle de la juridiction et des cours d'appel ;

'il ne saurait dès lors en être autrement par la cour de céans, dès lors que le rapport d'expertise du 9 février 2021 estime les frais de dépollution du site exproprié au montant de 398'500 euros.

Il ressort que la pollution des biens expropriés doit être prise en considération dans son évaluation.

Il a donc été sollicité du tribunal judiciaire de Bobigny la désignation d'un expert pour chiffrer précisément le coût de dépollution du bien, et celui-ci l'a fixé à la somme de 398'500 euros.

Si l'article L321-1 du code l'expropriation interdit certes de prendre en compte l'usage futur du terrain dans la détermination de sa valeur ou du coût de dépollution, il n'en reste pas moins que l'article L322-2 du-dit code impose au juge de l'expropriation d'évaluer le bien exproprié, à l'exception des terrains à bâtir, en considération de leur potentiel de constructibilité au regard du PLU applicable à la date de référence ; or, en l'espèce, le bien

en cause, étant situé sur la commune de [Localité 27] dans une zone soumise au droit de préemption urbain, la date de référence est celle du 31 mars 2020, et les biens expropriés sont donc en zone UP33M, qui permet, la réalisation d'un ensemble immobilier à usage d'habitat.

Le premier juge ne pouvait dans ces conditions, sauf à violer les dispositions précitées, jugé qu'il n'était pas établi que les coûts exposés dans le rapport d'expertise judiciaire sont requis pour la remise en état du site pour un usage autre que celui existant, à savoir industriel.

L'expert judiciaire désigné par le tribunal judiciaire de Bobigny a conclu à l'existence d'une pollution sur le site exproprié et a chiffré le coût de la dépollution à hauteur de 398'500 euros pour un réaménagement pour un usage, notamment, résidentiel tel que le permet le PLUI.

Un abattement pour frais de dépollution doit nécessairement être appliqué.

Il est demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'abattement pour frais de dépollution et d'appliquer un abattement pour frais de dépollution à hauteur de 398'500 euros.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret n°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du [Cadastre 4] novembre 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles, il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SCI ASIF du 17 février 2023 et de SEQUANO du 6 juillet 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions de la SCI ASIF du 12 novembre 2023 sont de pure réplique à celles de SEQANO, appelant incident, ne formulent pas de demandes nouvelles, sont donc recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 du dit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SCI ASIF porte sur l'indemnité totale de dépossession, ainsi que l'appel incident de la SEQUANO, qui ne conteste pas la valeur unitaire, mais demande d'appliquer un abattement pour frais de pollution d'un montant de 398 500 euros.

Les parties ne contestent pas l'indemnité pour perte de revenus locatifs allouée par le premier juge d'un montant de 199 946,52 euros.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de Plaine Commune approuvé le 25 février 2020 et entré en vigueur le 31 mars 2020.

La SCI ASIF fait état du PLUI, tandis que SEQUANO retient la même date de référence que le premier juge.

En conséquence, en application des articles L213-6 et L213-4 a du code de l'urbanisme, le jugement sera confirmé ayant exactement retenu comme date de référence, le PUI de Plaine Commune du 25 février 2020 devenu exécutoire le 31 mars 2020.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date de référence le bien est situé en zone UP 33 du PLUI, correspondant à une zone urbaine de projets à vocation mixte.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un local d'activité de récupération et tri de métaux, se trouvant au sein d'une zone en plein réaménagement urbain.

Il est desservi par les stations de [22] sur le RER B et Front populaire sur la ligne 12 du métro, toutes deux à environ 10 minutes de marche.

Selon les constatations effectuées par le premier juge :

-Le bien se compose d'un vaste espace d'entrepôt donnant sur une cour, ainsi que d'un bâtiment en R+1 à l'entrée.

-La cour, partiellement couverte d'un auvent, contient une aire de pesage en fonctionnement et divers équipements permettant la charge et la décharge des métaux.

-L'espace entrepôt est composé de deux hangars ayant été réunis, le sol est sale et humide, la toiture présente quelques défauts, la charpente est néanmoins dans un bon état apparent. Les hangars, à usage de stockage et triage, sont encombrés par divers monticules de métaux et équipements, ils sont accessibles par des véhicules.

-Le bâtiment en R+1 à l'entrée de l'ensemble immobilier, à usage principal de bureaux et vestiaires sanitaires, est, dans l'ensemble en mauvais état d'entretien. Le bâtiment se poursuit à l'intérieur du hangar, à l'étage se trouve un palier et une grande pièce en longueur, dans un état correct, à destination d'archivage et de stockage. Au fond du hangar se trouve un autre bâtiment en R+1, inaccessible le jour du transport.

-Dans l'ensemble, le bien est dans un mauvais état. Il apparaît néanmoins adapté à l'activité exercée.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

La SCI ASIF indique que l'immeuble exproprié jouit d'une parfaite desserte par les transports en commun, et qu'il bénéficie de la proximité des axes routiers majeurs du secteur et que son positionnement idéal permet de rejoindre aisément les autoroutes A1 et A 86, les routes nationales N1 et N301 et le boulevard périphérique ; qu'il se trouve à proximité de plusieurs pôles d'attractivité majeure du secteur dans les locaux d'université Sorbonne [25] et du campus [Localité 17], Stade de France ou encore du centre commercial « [24] » ; que ces éléments permettent de constater que le bien exproprié bénéficie d'un environnement très privilégié et hautement valorisé pour un bien d'activités.

Elle procède à une description détaillée du bien avec des photographies.

SEQUANO souligne que le site est bordé :

'au nord, par l'entreprise SDSE, exerçant une activité de préparation de revêtement de surface (parcelles CR [Cadastre 7] et 21) ;

'au sud, par l'entreprise AICO NOVACOLOR, spécialisée dans l'application de peinture en poudre (parcelles CR [Cadastre 2] et 16).

Elle ajoute que plusieurs visites ont permis de constater la présence :

'de cuves aériennes à l'entrée du site et du bâtiment,

'de déchets divers, répartis en plusieurs tas à l'intérieur et l'extérieur des bâtiments, comme en témoigne la photographie produite,

'de cabines de peinture,

'de nombreuses cuves enterrées de fioul,

'de stockage aérien de bouteilles d'oxygène,

'de cuves aériennes de propane et de fioul.

Ces éléments faisant présumer l'existence d'une pollution des sites en cause, elle a sollicité la société SITA REMEDIATION, expert des sites et sols pollués afin qu'elle se prononce sur l'étendue de la pollution, celle-ci ayant déposé trois rapports.

Elle a également saisi le Président du Tribunal Grande instance aux fins d'ordonner une mesure d'expertise afin d'identifier la nature de la pollution et le coût de dépollution, qui a donné lieu à une ordonnance du 23 novembre 2018 (pièce n° 2) ; l'expert désigné a déposé son rapport le 9 février 2022 (pièce n°3).

Elle procède à une description détaillée du bien avec des photographies.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 27 septembre 2022.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

La superficie du bâti, tout usage confondu de 3179 m² retenue par le premier juge n'étant pas contestée par les parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

2° Sur la situation locative

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Il n'est pas contesté que le bien est occupé par la société AUBER METAUX selon deux baux conclus le 1er janvier 2006 et le 1er mars 2009.

L'évaluation en valeur occupée retenue par le premier juge sera donc confirmée.

3° Sur la méthode

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

La méthode par comparaison, globale, terrain intégré, retenue par le premier juge n'étant pas contestée, le jugement sera confirmé sur ce point.

4° Sur les références des parties

Après examen des références des parties, y compris celles du commissaire du gouvernement, le premier juge a retenu une référence de SEQUANO, une référence de la SCI ASIF et six références du commissaire du gouvernement et a fixé une valeur de 900 euros/m², en retenant une référence privilégiée, à savoir un jugement du 12 juin 2020 ayant fixé à 850 euros/m², la valeur du bien contigu au bien exproprié, sur lequel est exercée une activité comparable.

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références de la SCI ASIF

Elle produit les actes de vente des références du commissaire du gouvernement de première instance CG1, CG2, CG3, CG6 (pièces n°6, 7, 8 et 9) prises en compte par le premier juge.

A l'appui de sa demande de voir retenir une valeur unitaire de 2 000 euros/m², elle propose les références suivantes correspondant à des bâtiments d'activité comparables sur la commune de [Localité 27] avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

surface utile/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

T1

29 juillet 2019

[Adresse 8]

CK 42

2549

6 000 000

2361

T2

1er octobre 2019

[Adresse 10]

CF 11

832,56

1'450'000

1742

T1 : La SCI ASIF indique que cette mutation concerne le local industriel composé de 1636 m² de surface de plancher à usage d'entrepôts et 570 m² de bureaux, au sein de la [Adresse 20].

Elle produit une photographie et indique qu'il est manifeste que cette cession n'est plus exploitée et que son état extérieur traduit une certaine dégradation.

SEQUANO demande d'écarter cette référence dans la mesure où :

'l'acte de vente ne fait mention d'aucune superficie, ce qui ne permet pas de déterminer la valeur unitaire exacte de cette vente,

'l'autorité expropriante avait relevé en première instance et le commissaire du gouvernement faisait état d'un mesurage réalisé en 2004 faisant apparaître une superficie utile de 2540,90 m² et non de 2106 m² comme l'affirme l'exproprié ; le certificat de mesurage n'est pas produit,

'surtout, la consistance de l'immeuble et son affectation ne permet aucune comparaison utile. En effet, il est expressément stipulé dans l'acte de vente que le bien objet de cette mutation est à usage de bureaux et d'entrepôt :

« [Localité 27] (Seine-[Localité 27]) ([Localité 15]) [Adresse 9], au sein de la zone d'aménagement concerté dénommé « [Adresse 20] ».

Ensemble immobilier comprenant :

'des locaux à usage de bureaux et d'entrepôt élevé sur sous-sol, et un étage sur parties,

'sur 22 emplacements de stationnement ».

Or, le site exproprié est à usage industriel était exploité par une société exerçant une utilité de ferraillerie, classée comme ICPE, site dont le rapport d'expertise produit par l'expert a relevé une pollution importante et avérée ; ces éléments ont une influence déterminante sur la valeur du bien cédé, ce qui justifie sa valorisation plus importante.

Ce terme correspond à local industriel composé de 1636 m² de surface de plancher à usage d'entrepôts et de 570 m² de bureaux au sein de la [Adresse 20], selon l'exproprié.

La consistance du bien n'est donc pas comparable s'agissant de bureaux et d'entrepôts, alors que le bien exproprié est à usage industriel, et accueille une activité polluante ; enfin, l'acte de vente ne mentionne pas la superficie, faisant uniquement état du cadastre ce qui ne permet pas de connaître la valeur unitaire (pièce n°10) ; ce terme sera donc écarté.

T2 : La SCI ASIF indique que cette mutation concerne le local à usage commercial et industriel de 832,56 m², en état assez dégradé ; que ce terme de comparaison est composé d'un bâtiment occupant l'emprise totale de la parcelle et qu'il n'y a pas de cour, ni de terrain nu présentant des potentialités ; que ce terme de comparaison est également situé à proximité immédiate de la voie ferrée ce qui constitue une nuisance ; que contrairement à ce qu'indique l'expropriant, ce bien n'a pas fait l'objet de travaux de rénovation (pièce n° 12) ; qu'il a fait l'objet d'une étude révélant une pollution des sols :

« par ailleurs le vendeur déclare :

'qu'un audit de pollution a été réalisé du chef du précédent propriétaire par la société KAUFMAN AND BROAD le 25 septembre 2007.

Copie de cet audit est demeurée ci-joint et annexée après mention.

L'acquéreur déclare avoir pris connaissance du contenu de ce diagnostic et déclare faire son affaire personnelle des conséquences de l'existence de pollution sur le terrain sans recours contre le vendeur à quelque titre que ce soit, afin que ce dernier ne puisse jamais être inquiété ni recherché à ce sujet. »

SEQUANO demande d'écarter ce terme en l'absence de comparaison pertinente avec le bien exproprié compte-tenu :

'de la superficie du bien qui est plus de trois fois inférieure à celle de l'immeuble exproprié,

'de la consistance de l'immeuble, en bien meilleur état, ainsi qu'en attestent les photographies produites,

'de son affectation. Il est en effet stipulé dans l'acte de vente que le bien objet de cette mutation est à usage commercial et industriel sans activité IPCE :

« usage du bien

le vendeur déclare que le bien est actuellement à usage autre que l'habitation et qu'il est actuellement affecté à usage commercial et industriel ».

Le site exproprié qui est à usage industriel était exploité par la société exerçant l'activité de Ferraillerie, avec une pollution importante avérée.

Or, l'acte de vente établit que le vendeur déclare notamment que le bien n'est frappé d'aucune pollution susceptible de résulter de l'exploitation actuelle ou passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation ou bien encore qu'aucune activité n'a été exercée sur les lieux ou à proximité entraînant des dangers ou inconvénients pour la santé ou l'environnement.

Ce terme n'est en outre pas comparable en terme de superficie, puisque celle-ci est trois fois inférieure à celle du bien exproprié, ni en terme de consistance, étant en bien meilleur état ; il sera donc écarté.

b) Les références de SEQUANO

Elle ne conteste pas la valeur unitaire de 900 euros/m² et propose la référence suivante :

N° du terme

Date de la référence

Adresse

surface/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

I1

TGI Bobigny

12 juin 2020

[Adresse 6] à

[Localité 27]

1922

850

local d'activité de bureaux à usage industriel occupé par la société SDSE (activité de traitement et revêtements de métaux, ICPE)

La SCI ASIF demande d'écarter ce terme en indiquant ce que cette référence ne correspond pas à un marché libre ; en effet, il ressort du jugement que la cession prise pour référence privilégiée est fondée sur les négociations intervenues manifestement hors cadre du marché libre, en présence d'une indivision obtenant, du fait de cet accord, la garantie d'une solution définitive au litige et surtout d'un paiement rapide des sommes, ce qui a une influence sur la valeur du bien.

Elle ajoute que le premier juge n'était nullement tenu de prendre pour base cette référence au regard de l'article L322-8 du code de l'expropriation.

SEQUANO rétorque qu'il appartient à l'exproprié qui prétend que les cessions seraient représentatives d'un marché captif de le prouver, ces affirmations aux termes desquelles ces mutations sont intervenues au profit d'une personne publique étant à cet égard totalement insuffisantes et par suite inopérantes ; que la Cour de Cassation rappelle régulièrement le principe selon lequel doivent être pris en considération les accords réalisés à l'amiable entre l'autorité expropriante et les expropriés postérieurement à la déclaration d'enquête publique, la juridiction d'expropriation étant tenue de prendre en compte les mutations amiables intervenues entre une autorité expropriante et des propriétaires à l'intérieur d'une opération d'aménagement faisant l'objet d'une DUP ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la [Adresse 20] a fait l'objet d'une DUP du 28 mai 2014 de sorte que le juge de l'expropriation a à juste titre retenu de manière privilégiée cette cession du 4 décembre 2019 ; qu'en outre, le prix de cession a été amiablement négocié dans le cas d'un marché libre voire 'À la hausse' pour permettre à SEQUANO de maîtriser rapidement ce foncier dans le cadre de la réalisation de la Zac.

Par jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 12 juin 2020 (pièce n° 3), le juge de l'expropriation a fixé à 850 euros/m² la valeur du bien contigu au bien exproprié sur lequel est exercée une activité comparable ; dans le cadre de ce jugement, il a été retenu comme terme de référence privilégiée une vente du 4 décembre 2019 conclue entre l'EPFIF et les consorts [E] portant sur un bien comparable au bien exproprié en termes de localisation et de nature d'activité exercée pour une valeur unitaire de 926 euros/m².

Il n'est pas fait état dans le jugement d'une valeur au sein d'un marché captif ; en outre, la SCI ASIF ne démontre pas au-delà de son affirmation, que cette cession est représentative d'un marché captif.

S'agissant du contexte particulier de cette cession du 4 décembre 2019, la SCI ASIF indique qu'elle est intervenue dans le cadre d'une mise en demeure d'acquérir le bien en cause puis d'une procédure devant le juge de l'expropriation tendant à ordonner son transfert de propriété en fixant le prix (exercice du droit de délaissement) mais avant

que le juge n'ait à statuer du fait d'un accord sur le prix trouvé entre les parties, ce qui a conduit les propriétaires à s'en désister.

Cependant, il ressort de l'acte, que le maintien dans les lieux du propriétaire stipulé dans l'acte de cession du 4 décembre 2019 jusqu'au 4 février 2020 au plus tard n'a eu aucune incidence sur le prix de cession, puisque la contrepartie de ce maintien dans les lieux a été un paiement différé d'une partie du prix à hauteur de 235'000 euros au moment de la date d'entrée en jouissance de l'acquéreur ; il est indiqué que c'est à la demande de SEQUANO AMENAGEMENT, que les parties ont amiablement conclu entre elles les modalités de la vente.

En conséquence, cette mutation récente sera retenue, puisqu'il s'agit d'un bien comparable au bien exproprié en termes de localisation et de nature d'activité exercée et en outre contigu.

Cependant, le bien exproprié dispose d'une cour dotée de divers équipements, d'une dalle en béton avec usure d'usage (pièce n°3 page 13) et d'un toit en bac acier, ce qui constitue

un élément de plus-value dont ne dispose pas ce terme privilégié, qui est composé de locaux ouverts présentant un toit en tôle en fibrociment et un sol en terre battue ; en tenant compte en outre de l'ancienneté de ce terme du 12 janvier 2020 et d'évolution du marché, le premier juge a exactement retenu une valeur supérieure fixée à 900 euros/m².

Le jugement sera confirmé en ce sens.

5° sur l'abattement pour pollution

Le premier juge a rejeté la demande d'abattement de SEQANO à hauteur des coûts effectifs de dépollution.

SEQUANO demande l'infirmation et sollicite un abattement pour frais de dépollution d'un montant de 398'500 euros.

À l'appui, elle indique que :

'le code de l'expropriation impose de prendre en compte l'état de pollution du bien exproprié,

'la Cour de Cassation, de manière constante, rappelle que l'existence d'une pollution génère une contrainte de construction qui grève la valeur du bien exproprié,

'les juges du fond, notamment les cours d'appel appliquent scrupuleusement ce principe sur l'ensemble du territoire,

'de la même manière, les juges de l'expropriation francilien ont une position conforme à celle de la haute juridiction et des cours d'appel,

'il ne saurait dès lors en être autrement, dès lors que le rapport d'expertise du 9 février 2021 estime les frais de dépollutions du site exproprié au montant de 398'500 euros (Pièce n°3).

La SCI ASIF demande la confirmation du jugement, l'indemnité principale intégrant déjà la problématique de la pollution ; dès lors, aucun abattement supplémentaire ne peut être appliqué, sauf à faire supporter au bien exproprié un double abattement.

À titre subsidiaire, elle indique que le coût de dépollution du bien tel qu'estimé par l'expert ne pourra être retenu à titre d'abattement sur la valeur unitaire du bien exproprié, la prise en compte de cette dépollution et son ampleur ne devant pas être évaluées au regard de la vocation future du projet porté par l'expropriant, mais uniquement au regard de l'usage existant, l'expert ayant chiffré le coût de dépollution en fonction de l'usage future indiqué par SEQUANO, soit l'hypothèse d'un bâtiment résidentiel sur un niveau de sous-sol ; l'expert a finalement consenti, dans le cadre de son rapport final, à estimer le coût de dépollution pour permettre un usage futur comparable à celui de la dernière période d'exploitations de l'installation , et ce, conformément aux dispositions de l'article L512-6-1 du code de l'environnement, soit à usage de type industriel, mais de façon surprenante, l'expert a indiqué que les coûts étaient égaux tant pour un usage résidentiel que pour un usage industriel, et il a estimé le coût dépollution variant de 318'000 à 478'200 euros hors-taxes. Le rapport présente des incohérences quant au coût effectif de la dépollution pour un usage comparable, de telle sorte que le chiffrage n'est pas exploitable.

S'agissant du terme retenu par la cour, il ressort du jugement du 12 juin 2020 que le premier juge a rejeté la demande d'abattement pour pollution en indiquant que la moins-value liée à l'activité exercée sur le site exproprié a été prise en compte dans la fixation de sa valeur selon la méthode dite par comparaison.

Or, ce terme concerne des locaux à usage industriel situés à proximité du bien à évaluer ; or, il n'est pas contesté que le périmètre de la [Adresse 20] présente une position spécifique, tel que relevé par l'expert judiciaire qui souligne « un risque important de pollution d'origine généralisée de par les activités passées actuelles dans la [Adresse 20] » ; il n'est pas démontré une pollution plus importante sur le site du bien exproprié, que sur la référence retenue ; dans le cadre de ce jugement, s'agissant de la vente [E], l'acte mentionne un abattement pour pollution de 6 %, mais il n'est pas établi que cet abattement couvre les coûts effectifs de dépollution ; la circonstance que cet abattement représente un montant nettement inférieur aux coûts de dépollution des sols du bien à évaluer tels que chiffrés par l'expert ne justifie donc pas l'appplication d'un abattement supplémentaire.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté la demande d'abattement à hauteur des coûts effectifs de dépollution présentée par SEQUANO.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité principale à la somme de :

3179 m² X 900 euros/m²= 2'861'100 euros en valeur occupée.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

[Cadastre 7]% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

[Cadastre 2]% entre 5 001 et [Cadastre 2] 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : ( 2 861 100 - [Cadastre 2] 000 = 2'846'100 ) x 10% = 284'610 euros

soit un total de 287'110 euros.

Les modalités de calcul n'étant pas contestées par les parties,le jugement sera confirmé en ce sens.

2° l'indemnité pour perte de revenus locatifs

L'indemnité pour perte de revenus locatifs pour un montant fixé par le premier juge de 199'946,52 euros correspondant à 12 mois de loyers, n'étant pas contestée par les parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

L'indemnité totale de dépossession est donc de :

2'861'100 euros (indemnité principale) + 287'110 euros (indemnité de remploi) + 199'946,52 euros (indemnité pour perte de revenus locatifs)= 3'348'156,52 euros arrondis à 3'348'200 euros en valeur occupée.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné SEQUANO AMENAGEMENT à payer à la SCI ASIF la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le sens de la décision commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

La SCI ASIF perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans la limite des appels,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI ASIF aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 23/03021
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.03021 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award