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23/05/2024 | FRANCE | N°21/09929

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 mai 2024, 21/09929


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 MAI 2024



(n° 2024/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09929 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00104





APPELANTE



S.A.R.L. [V] SERVICES

[Adresse

4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe MONCALIS de la SELARL BECAM MONCALIS, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIME



Monsieur [N] [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représe...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 MAI 2024

(n° 2024/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09929 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00104

APPELANTE

S.A.R.L. [V] SERVICES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe MONCALIS de la SELARL BECAM MONCALIS, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIME

Monsieur [N] [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Virginie LORMAIL-BOUCHERON, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée à temps plein en date du 18 juillet 2016, la société [V] Services (ci-après la société) a embauché M. [N] [F] [L] au motif d'un accroissement temporaire d'activité, en qualité de technicien, catégorie employé, position 1-3-1, coefficient 220, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 676,13 euros pour une durée de travail de 169 heures par mois, pour la période du 18 juillet au 20 novembre 2016 inclus.

Par avenant du 21 novembre 2016, son contrat a été prolongé à compter de cette date jusqu'au 20 mai 2017.

Par avenant du 20 mai 2017, les parties ont convenu que le contrat de travail devenait à durée indéterminée, la rémunération de M. [F] [L] étant fixée à 1 798 euros brut pour 39 heures de travail par semaine « (dont 4 heures supplémentaires) ».

Par avenant du 1er janvier 2018, la rémunération brute du salarié est passée à 1 898 euros pour la même durée de travail mensuelle, outre un panier de repas de 8 euros par jour travaillé.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC) en date du 15 décembre 1987 et la société employait moins de onze salariés lors de la rupture de cette relation.

M. [F] [L] a présenté un arrêt de travail pour maladie du 30 septembre au 16 octobre 2019.

Par lettre recommandée datée du 14 octobre 2019 avec avis de réception du 16 octobre suivant, M. [F] [L] a notifié à l'employeur plusieurs griefs.

Soutenant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [F] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 17 février 2020.

Par jugement du 8 novembre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :

- jugé que la prise d'acte de M. [F] [L] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse à compter du 14 octobre 2019 ;

- condamné la société à verser à M. [F] [L] les sommes suivantes :

* 3 932, 18 euros au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 932,18 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 393,21 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 679,37 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;

- dit que ces sommes porteraient intérêt au taux légal ;

- condamné la société à verser à M. [F] [L] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société de remettre à M. [F] [L] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi mentionnant la date de fin de contrat au 17 octobre 2019 sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter du 31ème jour après le prononcé du présent jugement et dans la limite de 90 jours ;

- ordonné l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;

- mis les dépens afférents aux actes et procédures de la présente instance à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice.

Par déclaration du 6 décembre 2021, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 août 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement à l'exception du débouté opposé à la demande de M. [F] [L] relative au défaut d'exécution de bonne foi du contrat de travail à hauteur de 3 000 euros ;

- et, statuant à nouveau, requalifier en démission univoque le départ de M. [F] [L] de l'entreprise au matin du 30 septembre 2019 pour se rendre sur son lieu de vacances à l'étranger ;

en conséquence,

- débouter M. [F] [L] de l'intégralité de ses demandes de condamnation formulées à son encontre tant au titre d'un licenciement aux torts de l'employeur après prise d'acte qu'à des dommages et intérêts pour inobservation d'une obligation de sécurité ;

- débouter M. [F] [L] de toute demande de remise de documents sociaux autres que ceux déjà remis dans le cadre de sa démission ;

- débouter M. [F] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dans tous les cas,

- condamner M. [F] [L] à lui verser la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 5 000 euros sur le même fondement pour l'instance d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] [L] demande à la cour de :

infirmer le jugement sauf en ce qu'il a :

- jugé que la prise d'acte entraînait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 14 octobre 2019 ;

- condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;

* 3 932,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 393,21 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 679,37 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud'homale ;

- dit que ces sommes porteraient un intérêt au taux légal ;

- ordonné à la société de lui remettre un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi ;

- le réformer pour le surplus ;

et statuant à nouveau,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

* 7 864,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en tout état de cause,

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue 11 octobre 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

* sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La société soutient que le départ de M. [F] [L] le 30 septembre 2019 au petit matin après avoir refusé de véhiculer ses collègues de travail jusqu'à [Localité 6] sur un chantier s'analyse en une démission pure et simple du salarié. A cet égard, la société réfute tout harcèlement moral qui ne peut résulter de la seule conversation, même vive, du lundi 30 septembre 2019 et relève que M. [F] [L] a d'ailleurs abandonné ce grief qui figurait dans sa prise d'acte de rupture. La société conteste avoir manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en demandant à M. [F] [L] de conduire ses collègues de travail sur le lieu d'intervention le 30 septembre 2019 alors qu'il est d'usage dans l'entreprise que chaque salarié effectue à tour de rôle le transport de l'équipe sur le lieu d'intervention. Elle rappelle que l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail est réciproque et que le refus de conduire opposé par M. [F] [L] est intervenu dès le lendemain du rejet de sa demande d'autorisation de congés présentée tardivement et qu'il est parti en Tunisie à [Localité 5] pendant son arrêt de travail. La société réfute tout manquement à son obligation de sécurité. A cet égard, elle fait valoir que le refus de conduire ses co-équipiers un lundi matin au motif que le salarié avait effectué des travaux dans son nouvel appartement le weekend ne signifie pas que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Elle fait également valoir que M. [G] [V] n'a pas adopté un comportement violent le 30 septembre 2019 à l'égard du salarié.

M. [F] [L] réplique que le transport de ses co-équipiers n'entrait pas dans ses attributions contractuelles et qu'il a subi des violences, menaces et injures de la part M. [G] [V].

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat.

Sauf dans les cas où le régime probatoire est inversé à raison du manquement allégué, il appartient au salarié de rapporter la preuve du ou des manquement(s) suffisamment grave(s) allégué(s) empêchant la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, M. [F] [L] ne rapporte pas la preuve des violences, menaces et injures alléguées. A cet égard, le dépôt d'une main courante ne constitue pas une preuve des faits dénoncés.

Ensuite, le seul fait de demander au salarié de conduite des co-équipiers sur le lieu d'intervention avec un véhicule mis à disposition par la société - sans que cette demande n'ait été assortie d'une contrainte ne constitue pas un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles - a fortiori suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, la prise d'acte par M. [F] [L] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission. La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Corollairement, M. [F] [L] sera débouté de ses demandes financières - indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ; indemnité de licenciement - et de sa demande de remise de d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte , étant observé qu'il est d'ores et déjà en possession d'un certificat de travail. La décision des premiers juges sera également infirmée à ces titres.

En revanche, la société devra remettre à M. [F] [L] une attestation pour Pôle emploi et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité

M. [F] [L] allègue un manquement à l'obligation de sécurité au motif que, selon lui, il a été victime du comportement violent de son employeur. Toutefois, M. [F] [L] ne rapportant pas la preuve du comportement violent allégué, il ne peut y avoir manquement de ce fait à l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur. M. [F] [L] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail

Il résulte d'ores et déjà des développements qui précèdent que l'employeur n'a pas commis de manquement à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail de sorte que M. [F] [L] sera débouté de sa demande en dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [F] [L] sera condamné aux dépens de première instance et en appel, la décision des premiers juges étant infirmée sur les dépens.

En revanche, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée sur les frais irrépétibles en ce qu'elle a condamné la société à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et confirmée en ce qu'elle a débouté l'employeur de sa demande au titre de ces mêmes frais.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions hormis celle déboutant M. [N] [F] [L] de sa demande en dommages-intérêts pour absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail, celle ordonnant la remise de l'attestation Pôle emploi et celle déboutant l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d'acte par M. [N] [F] [L] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission ;

Déboute M. [N] [F] [L] de ses demandes suivantes : indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse; indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents; indemnité légale de licenciement; dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité; remise d'un certificat de travail et d'un reçu pour solde de tout compte;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [N] [F] [L] aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09929
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;21.09929 ?
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