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22/05/2024 | FRANCE | N°24/00271

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 22 mai 2024, 24/00271


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 22 MAI 2024



(n°271, 4 pages)







N° du répertoire général : N° RG 24/00271 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJLYW



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mai 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01438



L'audience a é

té prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 21 Mai 2024



Décision réputée contradictoire



COMPOSITION



Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premie...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 22 MAI 2024

(n°271, 4 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00271 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJLYW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mai 2024 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01438

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 21 Mai 2024

Décision réputée contradictoire

COMPOSITION

Patricia DUFOUR, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANTE

Madame [V] [L] (Personne faisant l'objet de soins)

née le 16 Avril 1988 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 2]

Actuellement hospitalisée au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences site [4]

comparante en personne, assistée de Me Marie-Laure MANCIPOZ, avocat commis d'office au barreau de Paris,

INTIMÉ

M. LE DIRECTEUR DU GHU PARIS PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [4]

demeurant [Adresse 1]

non comparant, non représenté,

TIERS

Madame [U] [R]

demeurant [Adresse 2]

non comparante, non représentée,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Brigitte AUGIER DE MOUSSAC , avocate générale

Comparante,

DÉCISION

Au vu des certificats médicaux des Docteurs [H] [K] et [Z] [W] du 29 avril 2024 décrivant les troubles dont souffrait Mme [V] [L] et, de la demande de sa mère, par décision du même jour le directeur du GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences ' site [4] - l'a admise en soins psychiatriques sans consentement sous forme d'hospitalisation complète à la demande d'un tiers, décision maintenue le 2 mai 2024.

Par requête du 3 mai 2024, le directeur de l'établissement hospitalier a sollicité la prolongation de la mesure, demande à laquelle il a été fait droit par décision du 7 mai 2024.

Par courriel du 14 mai 2024 à 14h28, Me Marie-Laure Mancipoz, avocate de Mme [V] [L] a interjeté appel de l'ordonnance.

Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 21 mai 2024.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction en audience publique.

Mme [V] [L] déclare qu'elle est venue seule car il n'y avait personne de l'hôpital pour l'accompagner et qu'il lui a été dit de se rendre à la cour d'appel en métro.

Elle déclare se sentir bien et être allée à l'hôpital [3] pour ses problèmes de foie mais qu'on lui a indiqué qu'elle devait aller à [4] où les médecins ont fait mention d'une hospitalisation courte alors que maintenant il est question d'une hospitalisation longue, précisant qu'elle a des permissions de sortie le week-end.

Sur interrogation, Mme [V] [L] indique qu'elle était en rupture de soins car elle était chez elle après s'être cassée le pied et était dans l'impossibilité de se déplacer physiquement, qu'elle a repris l'alcool et reconnait avoir eu tort de le faire mais que cela fait un mois qu'elle n'a pas bu et n'en a pas envie, précisant que le 29 mai elle a une expertise pour ses troubles de conduites alimentaires mais voudrait la faire sous un régime de soins ambulatoires.

Elle ajoute avoir envie de se faire soigner et de s'en sortir et qu'il faut qu'elle soit partie prenante aux soins pour que cela fonctionne.

Reprenant ses conclusions écrites, son avocate déclare que respecter les droits c'est permettre aux patients de pouvoir les exercer de manière effective. Elle soulève des irrégularités liées à l'incompétence du psychiatre ayant établi le certificat médical des 72 heures qui avait déjà rédigé un des deux certificats sur la base desquels sa cliente a été hospitalisée, à la notification tardive des décisions d'admission et de maintien ainsi que la notification tardive de la décision du juge des libertés et de la détention puisque ce n'est qu'après plusieurs demandes, qu'enfin elle a reçu cette notification sept jours après la décision.

Me Marie-Laure Mancipoz considère que ces irrégularités ont porté atteinte aux droits de sa cliente et que la mainlevée de la mesure doit être ordonnée.

L'avocate générale fait observer que, s'agissant de la notification de la décision du premier juge, il est indiqué qu'il lui est donné connaissance des voies de recours sans que soit mentionner si une copie de la décision lui a été effectivement remise.

S'agissant des autres irrégularités soulevées, elle s'interroge sur le grief dont peut se prévaloir Mme [V] [L] alors que trois médecins l'ont examinée.

Sur le fond, elle évoque le certificat médical de situation du 17 mai 2024 qui fait mention de la nécessité pour tous les médecins de maintenir l'hospitalisation sous contrainte d'autant que le droit de préserver la santé de la patiente doit prévaloir ce qui est dans son intérêt.

En conclusion, elle sollicite le rejet des irrégularités et la prolongation de la mesure en cours.

Mme [V] [L] a la parole en dernier et dit n'avoir vu qu'une seule fois le Dr [W], ajoutant qu'elle n'a aucun problème de jugement, qu'elle sait qu'elle a besoin de soins dont elle veut être vraiment partie prenante mais que l'activité à l'hôpital consiste à aller prendre un café au Relay H qui se trouve à l'autre bout de l'hôpital ce qui ne constitue pas vraiment une activité. Elle insiste sur le fait que si son pied cassé l'empêchait physiquement de se rendre aux rendez-vous, elle continuait à prendre son traitement.

MOTIFS,

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.

Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ;

En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine, tant les certificats médicaux que la décision de maintien en hospitalisation sans consentement ont été établis dans les délais légaux compte-tenu de l'état du patient.

Avant d'apprécier le bien fondé des irrégularités et de la prolongation de la mesure en cours, il y a lieu de constater que le fait pour une patiente en soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète se rende seule à l'audience par le métro en l'absence de possibilité d'accompagnateur ne peut qu'interroger.

En l'espèce, Mme [V] [L], qui est connu du service pour de nombreuses hospitalisations, la dernière datant du 15 mars 2024, a été hospitalisée sans consentement à la demande d'un tiers après avoir été adressée aux urgences de l'hôpital [3] puis transférée en service de gastro-entérologie pour troubles du comportement à domicile et apparition d'une ascite sur foie dysmorphique, la patiente présentant aussi une altération de l'état général majeure avec amaigrissement important récent et asthénie associé à une consommation d'alcool quotidienne au domicile, une rupture des soins psychiatriques et somatiques depuis 15 jours, les médecins faisant aussi mention d'une opposition aux soins et d'une anosognosie de la gravité de troubles.

S'agissant des irrégularités soulevées et plus particulièrement de l'exception d'irrégularité tirée de la notification tardive de la décision du juge des libertés et de la détention du 7 mai 2024 et sans qu'aucun élément probant ne démontre qu'une copie de la décision comportant les voies de recours a été remise antérieurement à Mme [V] [L], il convient de constater que la notification n'est intervenue que le 14 mai, soit sept jours plus tard après une nouvelle demande de la patiente de recevoir la date notification.

Compte-tenu de cette tardiveté qui a porté atteinte aux droits de Mme [V] [L] en retardant pour elle la possibilité d'exercer une voie de recours et de voir examiner la procédure par le juge d'appel, et sans qu'il y ait lieu d'apprécier les autres irrégularités soulevées, il convient de déclarer la procédure irrégulière, d'infirmer la décision querellée et d'ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète, étant précisé qu'au vu des éléments médicaux la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi.

PAR CES MOTIFS,

Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,

INFIRME l'ordonnance,

Statuant à nouveau,

DECLARE la procédure irrégulière,

ORDONNE la mainlevée de la mesure de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète de Mme [V] [L],

DIT que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi.

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Ordonnance rendue le 22 MAI 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 22/05/2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

X tiers par LS

' préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00271
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;24.00271 ?
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