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22/05/2024 | FRANCE | N°21/08218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 22 mai 2024, 21/08218


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 22 MAI 2024



(n° 2024/ ,8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08218 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEN4Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/06598



APPELANT



Monsieur [O] [S]

[Adresse 5]

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Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833



INTIMEE



Société ATALIAN SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Séverine HOUARD-BR...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 22 MAI 2024

(n° 2024/ ,8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08218 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEN4Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/06598

APPELANT

Monsieur [O] [S]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

INTIMEE

Société ATALIAN SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant avenant au contrat de travail à durée indéterminée conclu en application des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés (avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel), M. [O] [S] a été engagé par la société LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS, désormais dénommée ATALIAN SECURITE, en qualité d'agent de sécurité qualifié, à compter du 1er janvier 2018, avec reprise d'ancienneté au 28 juin 2013.

Suivant courrier recommandé du 9 juillet 2020, M. [S] a fait l'objet d'un avertissement.

Sollicitant l'annulation de son avertissement, invoquant l'existence d'agissements de harcèlement moral, d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ainsi que d'une situation de travail dissimulé, et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [S] a saisi la juridiction prud'homale le 15 septembre 2020.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge du demandeur.

Par déclaration du 6 octobre 2021, M. [S] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 27 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

- prononcer le caractère injustifié de l'avertissement notifié le 9 juillet 2020 ainsi que le retrait de cette sanction disciplinaire de son dossier administratif,

- condamner la société LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS à lui payer les sommes suivantes :

- dommages-intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros,

- indemnité pour travail dissimulé : 10 318,42 euros,

- dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi : 5 000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

- condamner la société LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 avril 2022, la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de toutes ses demandes, fin et prétentions,

- condamner M. [S] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée le 13 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 mars 2024.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral

Le salarié appelant indique avoir fait l'objet d'une dégradation brutale de ses conditions de travail au cours de la seconde moitié de l'année 2019 alors qu'il avait toujours donné entière satisfaction et qu'il n'avait jamais rencontré la moindre difficulté avec son employeur, et ce même après la reprise de son contrat de travail par la société intimée.

La société intimée réplique que le salarié n'a été victime d'aucun harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le salarié, qui indique avoir fait l'objet d'une dégradation brutale de ses conditions de travail au cours de la seconde moitié de l'année 2019 se manifestant par des agissements répétés de son responsable concernant l'établissement et la communication des plannings ainsi que les affectations, une enquête sur les faits de harcèlement moral menée de manière irrégulière et dont les conclusions sont inadaptées, le refus de prendre en compte la dénonciation de faits similaires par le comité social et économique et les collaborateurs de la société cliente (FRANCE TELEVISION), un avertissement injustifié notifié le 9 juillet 2020 à la suite des résultats de l'enquête, un refus de valider ses congés estivaux ainsi que des pressions subies suite à sa saisine de la juridiction prud'homale, produit les éléments suivants :

- différents échanges de courriers et de mails avec ses supérieurs hiérarchiques concernant l'établissement et la communication des plannings ainsi que les sites d'affectation au cours de la période courant d'octobre 2019 à mai 2020,

- une déclaration de main courante du 11 mai 2020,

- une demande de congés pour la période du 15 juillet au 11 août 2020, sa demande d'annulation de congés pour la période du 1er au 11 août et le refus lui ayant été opposé par sa hiérarchie,

- différents éléments relatifs au vestiaire/local de pause des salariés au sein du site [Localité 7] de FRANCE TELEVISION,

- une pétition du 26 avril 2020 signée par plusieurs salariés dont l'appelant concernant l'existence d'agissements de harcèlement moral au sein du site [Localité 7] de FRANCE TELEVISION ainsi que différents éléments concernant l'enquête diligentée par la société intimée et notamment le compte rendu établi par la commission d'enquête le 2 juillet 2020, auquel était notamment annexée une copie de la main courante établie par le salarié le 11 mai 2020 comportant son adresse personnelle,

- le courrier d'avertissement du 9 juillet 2020 ainsi que son courrier de contestation du 23 juillet 2020,

- le compte rendu de la réunion du 20 novembre 2020 du comité social et économique de l'établissement [Localité 7] de FRANCE TELEVISION,

- la copie de différents courriers anonymes de menace reçus à son domicile,

- un courrier du médecin du travail du 2 décembre 2020 alertant l'employeur sur la situation de l'appelant,

- une convocation à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement des 28 octobre et 3 novembre 2020,

- une convocation à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement du 19 novembre 2020,

- un courrier de rappel à l'ordre du 17 décembre 2020,

- différents justificatifs d'arrêts de travail pour maladie au cours des mois d'avril, mai, août, septembre, octobre et novembre 2020 ainsi que mars 2021.

Dès lors, il apparaît que le salarié présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Cependant, au vu des différents éléments produits en réplique, la société intimée justifie :

- s'agissant de l'établissement et de la communication des plannings ainsi que des sites d'affectation, que les plannings ont été établis et transmis à l'appelant dans des délais conformes aux dispositions conventionnelles, que l'intéressé a bénéficié d'un nombre de week-ends complets ou de week-ends comprenant un samedi ou un dimanche dénué de tout caractère inéquitable et que la société cliente FRANCE TELEVISION bénéficiant de deux sites proches situés [Adresse 3] à [Localité 8] et [Adresse 1] à [Localité 7], les salariés relevant de ce marché pouvaient être affectés sur l'un ou l'autre site selon les besoins liés aux prestations effectuées pour le compte de la société cliente, lesdites affectations sur des sites peu éloignés géographiquement étant en toute hypothèse conformes aux stipulations contractuelles (article 5 du contrat de travail concernant le lieu de travail et la mobilité géographique) et ne pouvant aucunement s'analyser comme une « mutation » imposée sans explication, aucun élément produit ne permettant d'établir que les décisions d'affectation auraient en réalité été prises pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elles auraient été mises en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle,

- s'agissant des congés estivaux et de l'annulation partielle sollicitée par le salarié, que celle-ci n'a pas pu être accordée pour des raisons objectives résultant des nécessités d'exploitation et que la situation d'un autre collègue de travail (M. [D]) était différente, en ce que ce dernier n'a pas bénéficié, à sa demande, d'une annulation d'une partie de ses congés mais a accepté, à la suite d'une demande de sa hiérarchie, de reprendre son activité à une date anticipée (et donc de reporter une partie de ses congés) pour remplacer un salarié absent, aucune inégalité de traitement ne pouvant dès lors être retenue à ce titre.

Pour le surplus des agissements invoqués par l'appelant, s'agissant tout d'abord de l'enquête diligentée à la demande de la société intimée à la suite d'une pétition du 26 avril 2020 signée par 14 salariés (dont l'appelant) aux fins de dénonciation des agissements de harcèlement moral dont leur supérieur hiérarchique (M. [N]) était à l'origine au sein du site [Localité 7] de FRANCE TELEVISION, outre le fait que la société intimée ne justifie pas de ce que l'appelant serait l'instigateur de cette pétition par mesure de rétorsion à sa planification sur les deux sites FRANCE TELEVISION, il résulte également du compte rendu versé aux débats que les conclusions de la commission d'enquête, qui a retenu « qu'il n'y a pas de faits avérés de harcèlement à cause de l'absence évidente de preuves démontrant le désir du manager de porter atteinte aux droits, à la dignité des signataires, le désir de nuire professionnellement à la carrière des plaignants et aucun d'eux n'a fait part de la dégradation de sa santé physique ou morale sur la base d'une prescription médicale » tout en reconnaissant que « certaines attitudes du manager peuvent choquer et peuvent être mal perçues par les plaignants », sont pour le moins manifestement contradictoires avec les éléments ressortant des témoignages de salariés qu'elle a pourtant elle-même relevés (« Il veut montrer que c'est lui qui commande [...], Il en fait trop [...], J'ai peur quand je lui parle car à chaque fois qu'il n'est pas content de ce qu'on lui dit il dit qu'il va appeler le chef de site [...], Il m'a menacé au téléphone sur les problèmes de planning [...], Il fait le caïd sur le site. Il dit que « Lancry m'appartient et si vous n'êtes pas d'accord, affectation [...], Il est toujours derrière vous et passe toujours derrière vous pour vous rappeler à l'ordre. Il vous suit aux toilettes pour vérifier que vous ne dépassez pas le temps accordé. Il vous suit à la cantine et vient vous rappeler en cas de dépassement d'une ou deux minutes [...], Il nous traite comme des enfants en nous appelant en faisant claquer du doigt ou par le geste de doigt. Moi je considère cela comme un manque de respect et je l'assimile à du harcèlement [...], Il nous surveille tout le temps [...], Il s'énerve vite. Il parle avec un ton autoritaire. Il fait des reproches répétés [...], Moi je le vis mal, car je n'aime pas subir des reproches constants. Je sens qu'il est toujours dans notre dos. Pour moi ce n'est pas du management trop poussé mais ça frôle du harcèlement [...], Dès le premier jour il est venu me parler de façon agressive [...], Les agissements sont quotidiens. C'est tous les jours. Il ne facilite pas le travail [...], Il est toujours sur le dos des salariés [...], Après il a changé et a commencé par mettre la pression aux collègues [...], Il est derrière les collègues, il met la pression, il ne fait pas confiance aux gens [...], Il faut qu'il se calme, qu'il respecte les gens »), les conclusions précitées méconnaissant de surcroît le fait que le harcèlement moral est constitué indépendamment de la volonté de son auteur et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer une intention de nuire.

Il sera par ailleurs relevé que la dégradation des conditions de travail des agents affectés sur le site [Localité 7] en conséquence de l'attitude et des « excès de zèle » de leur supérieur hiérarchique avait également été constatée par les salariés de FRANCE TELEVISION ainsi que cela résulte du compte rendu de la réunion du 20 novembre 2020 du comité social et économique de l'établissement [Localité 7] de FRANCE TELEVISION.

Concernant le compte rendu d'enquête précité, il sera enfin noté que la direction des ressources humaines a diffusé celui-ci aux salariés concernés en y annexant la copie de la main courante établie par l'appelant le 11 mai 2020 alors que celle-ci mentionnait son adresse personnelle, méconnaissant ainsi son obligation de respect du secret des informations relevant de la vie privée du salarié.

S'agissant de l'avertissement du 9 juillet 2020, outre le fait que l'appelant souligne justement que l'avertissement litigieux est intervenu quelques jours seulement après les conclusions précitées de la commission d'enquête sur les faits de harcèlement moral (soit le 2 juillet 2020), la cour relève par ailleurs que la société intimée ne justifie pas suffisamment, au vu des seules pièces versées aux débats, de la matérialité et des circonstances précises des faits allégués ainsi que de leur caractère fautif imputable au salarié, le seul élément justificatif produit étant un mail daté du 6 juillet 2020 (pour des faits allégués du 1er juillet 2020), rédigé postérieurement aux conclusions de la commission d'enquête et dont l'auteur est le supérieur hiérarchique de l'appelant (M. [N]) dont les agissements de harcèlement moral avaient été dénoncés et venaient de donner lieu à l'enquête susvisée, de sorte que ce courriel apparaît dénué de force probante dans un tel contexte.

En application des dispositions des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, l'avertissement litigieux, qui n'apparaît pas justifié, sera annulé et son retrait du dossier administratif de l'appelant sera ordonné, et ce par infirmation du jugement.

S'agissant des pressions subies postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale le 15 septembre 2020, la cour observe qu'après avoir fait l'objet d'une première convocation à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement des 28 octobre et 3 novembre 2020, puis d'une nouvelle convocation à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement du 19 novembre 2020, l'appelant n'a finalement fait l'objet que d'un simple rappel à l'ordre en date du 17 décembre 2020, l'employeur se limitant alors à alléguer « une manière de communiquer avec vos responsables hiérarchiques qui n'est pas appropriée », sans faire état d'aucun fait matériel précis et circonstancié.

Dès lors, au vu de l'ensemble des développements précédents, la société intimée ne démontrant pas, mises à part ses seules affirmations de principe et au vu des seuls éléments produits en réplique, que les différents agissements précités invoqués par le salarié ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour retient l'existence d'agissements de harcèlement moral subis par l'appelant, ce dernier justifiant en outre d'un préjudice spécifique résultant des faits de harcèlement moral dont il a fait l'objet de la part de son employeur durant plusieurs mois, et ce eu égard notamment aux répercussions sur son état de santé telles qu'elles ressortent des éléments médicaux versés aux débats ainsi que du courrier d'alerte du médecin du travail du 2 décembre 2020.

Par conséquent, la cour lui accorde une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et ce par infirmation du jugement.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

L'appelant fait valoir qu'il ressort de son relevé de carrière qu'il n'a pas été déclaré à compter de l'année 2018 et que son employeur s'est intentionnellement soustrait au versement des cotisations sociales afférentes à la relation de travail, notamment auprès de l'organisme de retraite compétent.

La société intimée réplique qu'une erreur avait été commise sur le numéro de sécurité sociale de l'appelant, qui avait un homonyme, que la situation de l'intéressé a pu être régularisée et qu'une indemnité pour travail dissimulé ne peut en tout état de cause être perçue qu'en cas de rupture de la relation de travail.

Selon l'article L. 8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;

3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En application de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, au vu des pièces versées aux débats, outre que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi alléguée n'est pas caractérisé au regard des éléments produits par la société intimée permettant de justifier de l'existence d'un homonyme de l'appelant ainsi que de l'erreur effectivement commise quant à son numéro de sécurité sociale, la cour ne peut en toute hypothèse que rappeler, ainsi que cela est justement souligné par l'intimée, que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n'est due qu'en cas de rupture de la relation de travail, un employeur ne pouvant être condamné au paiement d'une somme à ce titre alors que le contrat est toujours en cours, comme cela est le cas s'agissant du contrat de travail de l'appelant.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Selon l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Outre le fait que l'appelant se limite à faire état des mêmes manquements que ceux précédemment invoqués au titre du harcèlement moral (retenus par la cour) ainsi qu'au titre du travail dissimulé (non retenus par la cour), il apparaît également, au vu des seules pièces versées aux débats et mises à part les propres affirmations de principe de l'appelant, que ce dernier ne justifie en toute hypothèse ni du principe et du quantum du préjudice allégué ni de son caractère distinct de celui déjà réparé par l'attribution de la somme précitée à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail.

Sur les autres demandes

L'employeur, qui succombe partiellement, supportera les dépens de première instance, et ce par infirmation du jugement, ainsi que ceux d'appel.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel, et ce par infirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail et en ce qu'il a débouté la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l'avertissement notifié à M. [S] le 9 juillet 2020 et ordonne son retrait du dossier administratif de l'intéressé ;

Condamne la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) à payer à M. [S] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

CONDAMNE la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. [S] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la société ATALIAN SECURITE (anciennement dénommée LANCRY PROTECTION SECURITE - LPS) du surplus de ses demandes reconventionnelles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/08218
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;21.08218 ?
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