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22/05/2024 | FRANCE | N°21/05427

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 mai 2024, 21/05427


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 MAI 2024



(n° /2024, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3YD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/10102





APPELANT



Monsieur [R] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4] /

FRANCE

Représenté par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739





INTIMEE



S.A. EDF

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale ARTAUD, avocat au b...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 MAI 2024

(n° /2024, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3YD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/10102

APPELANT

Monsieur [R] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

Représenté par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMEE

S.A. EDF

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale ARTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0450

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 avril 2007, M. [R] [P] a été engagé par la société EDF, en qualité d'ingénieur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises au Statut national des industries électriques et gazières.

M. [P] a conclu un contrat de mission de longue durée et exercé les fonctions de chef de projet à Abu Dhabi du 1er août 2014 au 31 août 2018.

Le 1er septembre 2018, M. [P] a été réaffecté par mutation pour prendre ses nouvelles fonctions sur un poste d'ingénieur en France.

M. [P] a, à cette occasion sollicité le versement de l'indemnité de deux mois de salaires prévue par l'article 30 du statut national des industries électriques et gazières.

La société EDF n'a pas fait droit à cette demande.

M. [R] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 14 novembre 2019, aux fins de voir condamner la société EDF à lui verser la somme de 9099 euros correspondant à l'indemnité de deux mois prévue par l'article 30 paragraphe 4 du statut national des industries électriques et gazières, outre la somme de 1700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a également été demandé la remise d'un bulletin de paie conforme et la condamnation de la société EDF aux dépens.

Par jugement en date du 17 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives et condamné M. [P] aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 16 juin 2021, M. [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 août 2021, M. [R] [P] demande à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes, et le condamne au paiement des entiers dépens,

Et statuant à nouveau, de :

- condamner la société EDF à payer à M. [P] la somme de 9 099 euros bruts à titre d'indemnité de deux mois prévue par l'article 30 paragraphe 4 du statut national des industries électriques et gazières,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie conforme,

- condamner la société EDF à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2021, la société EDF demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré,

En conséquence,

- déclarer infondées les demandes de M. [P],

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [P] à verser à la société EDF la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande au titre de l'article 30 du statut national des industries électriques et gazières

M. [P] indique qu'à l'occasion de son déménagement vers la France, il a sollicité, en vain, le versement de l'indemnité de deux mois de salaire prévue par l'article 30 § 4 du statut national des Industries Electriques et Gazières en cas de changement de résidence d'office décidée dans l'intérêt du service.

Il expose que la société EDF a refusé ce versement au motif qu'il s'est réinstallé dans le logement dont il est propriétaire et qu'il occupait avant sa mutation, ce qui ne constituerait pas un changement de résidence effectif et nécessaire et qu'il n'aurait pas engagé de frais

à l'occasion de son retour.

Le salarié souligne qu'en application de la circulaire 309 de la commission supérieure nationale du personnel, l'indemnité de deux mois prévue à l'article 30 est conditionnée au caractère « nécessaire » du changement de résidence pour que l'agent prenne ses nouvelles fonctions si bien que son employeur a ajouté une condition aux textes applicables. Il précise par ailleurs, qu'il a loué son logement vide pendant son expatriation et qu'il a dû assumer les mêmes frais d'aménagement que s'il s'était installé dans un nouveau logement loué. Il souligne qu'il a engagé au moins 7500 euros de réaménagement dans son logement.

Le salarié précise encore que les documents internes à la société établissent qu'il peut bien bénéficier de l'indemnité sollicitée.

La société EDF indique qu'aux termes de l'article 30 § 4 du statut national des Industries Electriques et Gazières « L'agent déplacé perçoit, en outre, à titre d'indemnité, une somme égale à deux mois de son salaire ou traitement. » et que la circulaire PERS 309 relative au « changement de résidence » précise les critères d'appréciation de cette indemnité de la sorte :

« Le critère à retenir pour déterminer si jouent les dispositions des § 3 et 4 de l'article 30 est de savoir s'il y a changement de résidence effectif et nécessaire.

Il faut qu'il y ait changement de résidence effectif. En effet, le but des avantages consentis par l'article 30 est de couvrir des frais réellement supportés par l'agent. »

La société rappelle que les circulaires PERS (pour personnel) sont des textes à valeur réglementaire, prises en application du Statut, équivalent à la convention collective de la branche, qui s'imposent tant aux entreprises de la Branche qu'aux juridictions judiciaires et que l'esprit de la PERS 309 est de permettre aux agents qui reviennent de mission de n'engager aucun frais lié à leur retour. Elle explique que la notion de « frais réellement supportés par l'agent » s'entend des frais engagés lors de l'arrivée dans un lieu nouveau, pour lequel des aménagements seraient justifiés, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une résidence secondaire dont dispose un agent, devient principale suite à une mutation géographique, ou, comme en espèce, lorsqu'un agent, réintègre son logement principal dont il est propriétaire et qu'il avait mis en location pendant la durée de sa mutation.

La société EDF soutient que son salarié ne pouvait bénéficier de l'indemnité prévue par l'article 30§ 4 du statut applicable que s'il s'était installé dans un logement en location et non dans celui dont il était propriétaire et qu'il occupait avant son départ. Elle estime qu'en ce qui concerne les frais dont il est fait état, il n'est pas rapporté la preuve de leur caractère nécessaire et souligne qu'elle a pris à sa charge les frais de garde- meubles de son salarié. Elle conclut que si M. [P] a bien changé de pays il n'a pas changé de résidence puisqu'il a retrouvé son logement et n'a engagé aucun frais.

Aux termes de l'article 30 du statut national des Industries Electriques et Gazières

« § 1. Il ne sera prononcé de changement de résidence d'office que dans l'intérêt du service.

§ 2. Un changement de résidence ne peut avoir pour conséquence une diminution de gain annuel ni une perte d'ancienneté ni une suppression ni même une réduction d'avantages acquis.

§ 3. Les frais de changement de résidence (déménagements, réemménagements) de l'agent et de sa famille, sont supportés par le service ou l'exploitation intéressés audit changement.

Une tarification forfaitaire sera établie à ce sujet par la commission supérieure nationale du personnel.

§ 4. L'agent déplacé perçoit, en outre, à titre d'indemnité, une somme égale à deux mois de son salaire ou traitement ».

La circulaire PERS 309 prévoit que « lorsqu'un changement de résidence sera nécessaire pour permettre à l'agent de prendre ses nouvelles fonctions, la mutation entraînera pour l'agent intéressé le bénéfice des dispositions de l'article 30 du Statut National, sauf s'il s'agit d'une mutation pour convenances personnelles, ou des mutations d'agents inadaptés qui demeurent régies par

les dispositions des Circulaires ».

Il résulte de la combinaison de ces textes que le changement de résidence visé est celui rendu nécessaire par la prise de nouvelles fonctions par l'agent, l'article 30§ 3 visant aussi bien les déménagements que les réemménagements.

Ce dernier terme a pour signification ' revenir à l'endroit où l'on habitait auparavant'.

L'article 30§4 précise qu' 'en outre ' qui signifie ' en plus ', 'en sus 'ou encore ' indépendanmment de', l'agent déplacé perçoit une somme égale à deux mois de salaire. Cette somme est forfaitaire, quels que soient les frais effectivement engagés.

En ce qui concerne le raisonnement de la société EDF à propos de la corrélation entre le bénéfice de l'article 30 § 4et le bénéfice de l'Aide Individualisée au Logement (AIL), la lecture de l'article 30, comme les échanges de mail versés aux débats démontrent que ces deux prestations ne sont pas liées entre elles.

A l'occasion de son interprétation des textes applicables, la société EDF ajoute ainsi une condition qu'ils ne prévoient pas.

M. [P], qui a déménagé à la suite de sa mutation, c'est à dire pour les besoins du service (changement de résidence effectif), sans que les exceptions (mutation pour convenances personnelles ou mutation d'un agent inadapté) ne lui soient opposables, est en droit d'obtenir l'indemnité prévue par l'article 30 § 4 du statut national des Industries Electriques et Gazières.

La société EDF est en conséquence condamnée à payer à M. [P] la somme de 9099 euros à ce titre.

Le jugement est infirmé.

2-Sur la remise d'un bulletin de paie conforme

Cette demande étant de droit, il sera ordonné à la société EDF de remettre au salarié un bulletin de paie conforme à la présente décision.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SA EDF de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, la SA EDF est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [R] [P] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SA EDF est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SA EDF de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SA EDF à payer à M. [R] [P] la somme de 9099 euros au titre de l'article 30 § 4 du statut national des industries électriques et gazières,

ORDONNE à la SA EDF de remettre à M. [R] [P] un bulletin de paie conforme au présent arrêt,

CONDAMNE la SA EDF à payer à M. [R] [P] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA EDF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la SA EDF aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05427
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;21.05427 ?
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