La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2024 | FRANCE | N°21/05361

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 mai 2024, 21/05361


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 MAI 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3JP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03668





APPELANTE



Madame [C] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]r>
Représentée par Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 103





INTIMEE



S.A.R.L. DISTRIRIN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Avner DOUKHAN, av...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 MAI 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05361 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3JP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03668

APPELANTE

Madame [C] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 103

INTIMEE

S.A.R.L. DISTRIRIN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Avner DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1026

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société Distririn exploite un supermarché en qualité de franchisé du groupe Franprix, employant moins de 11 salariés.

Elle a engagé Mme [C] [T] en qualité de caissière suivant contrat à durée indéterminée en date du 28 décembre 2001.

Mme [T] a été promue, le 1er novembre 2010, au poste de Directrice de magasin, niveau 7, statut cadre.

A l'occasion d'un contrôle réalisé le 14 septembre 2017 par la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP), il a été trouvé dans les rayons du magasin dans lequel travaillait Mme [T] plusieurs produits dont la date limite de consommation était dépassée.

Par courrier en date du 10 avril 2018, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 avril suivant.

Par courrier du 4 mai 2018, Mme [T] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave.

Par requête du 19 décembre 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir, notamment, retenir que ni la faute grave ni la cause réelle et sérieuse ne sont constituées, et ainsi condamner la société Distririn à lui verser diverses indemnités afférentes, outre des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Par jugement du 26 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a:

- requalifié le licenciement de Mme [C] [T] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Distririn à payer à Mme [C] [T] les sommes suivantes :

* 8610 euros au titre du préavis,

* 861 euros à titre de congés payés afférents,

* 16 263,33 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1204,55 euros à titre de congés payés d'ancienneté,

* 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la Sarl Distririn de transmettre à Mme [C] [T], le certificat de travail, bulletins de salaires conformes, ainsi que l'attestation Pôle Emploi rectifiés et conformes au prononcé du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus,

- condamné la société Distririn aux dépens.

Par déclaration du 15 juin 2021, Mme [T] a interjeté appel de cette décision, intimant la société Distririn.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, Mme [T] demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'en dire bien fondée;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'il a retenu l'absence de faute grave et de cause réelle et sérieuse;

- l'infirmer en ce qu'il n'a pas été fait droit à sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

- en conséquence de quoi, condamner la société Distririn à lui verser au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse la somme de 50 000 euros net;

- infirmer la décision entreprise en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur, lui accorder une somme de 10 000 euros net à ce titre;

- rappeler que les intérêts au taux légal ont couru au jour de l'introduction de la demande, faire droit y compris à la demande de capitalisation des intérêts échus;

- confirmer pour le surplus la décision entreprise et rejeter toutes demandes infondées de la société Distririn;

- y ajouter une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et condamner l'employeur aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, la société Distririn demande à la cour de :

Vu les articles L.1231-1 et suivants du code du travail;

Vu la convention collective nationale du commerce détail et gros à prédominance alimentaire,

Vu les pièces versées aux débats, et notamment la lettre de licenciement;

- recevoir la société Distririn en ses conclusions, la déclarer bien fondée et y faisant droit;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 26 mai 2021;

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [T] est parfaitement justifié

En conséquence,

- débouter Mme [T] de ses demandes de paiement :

* d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents;

* d'indemnité de licenciement;

* d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* d'indemnité de congés payés;

* d'indemnité pour exécution fautive;

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considère que, comme le prétend Mme [T], la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée, la société Distririn pourrait être condamnée au maximum à 2.650 euros;

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considère que le licenciement n'est pas justifié par une faute grave, requalifier en cause réelle et sérieuse;

- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considère le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ramener à de plus justes proportions les demandes de Mme [T] et faire application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail lequel dispose qu'en pareil cas, l'indemnité est fixée en fonction du préjudice subi entre 3,5 et 14 mois,

En tout état de cause :

- condamner Mme [T] à payer les éventuels dépens de la présente instance ainsi qu'une somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations de travail.

L'employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et son imputation certaine au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 4 mai 2018, qui fixe les termes du litige, est libellée de la façon suivante:

' Un courrier de la Direction départementale de la Protection des populations a été réceptionné en date du 19 avril 2018 faisant suite à un contrôle réalisé le 14 septembre 2017.

Lors de ce contrôle, de nombreux produits ont été retrouvés au sein des rayons comportant des dates limites dépassées.

De plus, nous vous précisons que ce courrier était accompagné d'une amende de 1350 euros.

Ceci traduit des anomalies manifestes dans la gestion des rayons puisque vous n'avez pas veillé à ce que les produits n'étant plus destinés à la vente soient retirés des rayons.

Nous ne pouvons tolérer que ce genre d'attitude donne une image déplorable à nos clients et puisse entraîner par la suite une perte de clientèle.

De plus, la présence de produits périmés peut avoir des conséquences sur la santé de nos clients.

Nous vous rappelons qu'en votre qualité de directrice de magasin vous n'êtes pas sans ignorer la rigueur de la législation en matière de périmés et de sécurité alimentaire.

Les manquements à vos obligations professionnelles en termes de gestion des rayons ne sont pas acceptables au regard de votre qualité et de vos responsabilités.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et qui constituent une faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible: le licenciement prend donc effet immédiatement ...'.

Mme [T] invoque un moyen tenant à la prescription des faits fautifs dès lors qu'elle estime que son employeur a eu connaissance des faits qu'il invoque au plus tard lors du contrôle opéré le 14 septembre 2017, alors que la procédure de licenciement a été engagée le 10 avril 2018 par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable.

La société explique qu'elle n'avait pas eu l'intention de sanctionner la salariée suite à ce contrôle mais a décidé d'initier un constat d'huissier en mars 2018 qui a mis en évidence d'autres produits périmés et qui l'a conduite à engager la procédure de licenciement.

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il en résulte que le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié. Toutefois, l'employeur peut sanctionner des faits dont il a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré pendant ce délai.

La société se réfère au procès-verbal établi le 9 février 2018 par la direction départementale de la protection des populations suite au contrôle opéré le 14 septembre 2017 mettant en évidence 27 infractions au code de la consommation, soit détention pour vente, vente ou offre de denrées alimentaires après la date limite de consommation, soit 3 produits périmés depuis plus de 28 jours et un produit périmé depuis plus de 15 jours, les autres produits contrôlés étant périmés depuis plus de 1 jour ou 2 jours.

Elle vise plus spécifiquement dans ses écritures au soutien du licenciement le constat fait par l'huissier le 28 mars 2018, actant la présence d'un grand nombre de produits périmés, et un précédent ayant conduit le directeur régional à retirer trois caddies de produits dont les dates étaient périmées, précédent non étayé en l'espèce.

Mme [T] oppose qu'elle était en congés lors du contrôle opéré par les inspectrices de la concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes et lors de l'établissement du constat d'huissier ainsi que le confirment les mentions portées sur son bulletin de salaire.

La chronologie des faits révèle que la procédure de licenciement a été engagée antérieurement à la réception du courrier en date du mois d'avril 2018 portant proposition de transaction par les services du ministère de l'économie suite au constat des infractions relevées dans le magasin auquel était joint le procès-verbal dressé suite au contrôle du 14 septembre 2017, ce qui ne manque pas d'interroger sur le fondement du licenciement à la date de la convocation et l'éventuelle prescription.

L'employeur met en avant le constat d'huissier établi le 28 mars 2018 dont il n'est pas fait mention ni dans la lettre de licenciement ni lors de l'entretien préalable selon le compte-rendu fait par le délégué assistant la salariée. Il sera également noté que tant lors de l'inspection que du constat fait par huissier la salariée était absente.

Cependant, même à considérer que l'employeur n'a eu connaissance au regard des pièces versées des manquements reprochés qu'en mars 2018 et que l'ensemble des produits périmés relevait de la responsabilité de la seule salariée- ce qui n'est pas démontré avec certitude par l'employeur - et à prendre en compte les conséquences non négligeables pour le magasin et les clients de la consommation de tels produits, le licenciement pour faute grave apparaît comme une mesure disproportionnée et injustifiée à l'égard d'une salariée dont l'employeur ne démontre pas qu'elle aurait fait l'objet d'une sanction disciplinaire antérieurement aux faits litigieux.

De même, la cause réelle et sérieuse du licenciement, au regard des incertitudes concernant les responsabilités de la salariée et de la directrice adjointe à une période où la première était absente, n'est pas établie avec certitude et la sanction apparait disproportionnée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la faute grave ne pouvait être retenue et que le licenciement de Mme [T] était sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

Le jugement doit encore être confirmé s'agissant de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas contestés.

L' article L.1235- 3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne. Les dispositions de l'article L. 1235-3 dans sa version précitée, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il se déduit de ce qui précède que le barème d'indemnisation établi par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ne peut être écarté au motif qu'il serait contraire aux normes internationales susmentionnées.

En l'espèce, Mme [T] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de 17 années et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 mois et 14 mois de salaire.

Au regard de son ancienneté, de son âge lors de la rupture (56 ans), de ce qu'elle justifie avoir été indemnisée par Pôle emploi, il y a lieu de lui accorder la somme de 28. 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est en conséquence infirmé de ce chef.

Sur l'exécution du contrat de travail

Mme [T] sollicite des dommages et intérêts en raison de l'exécution fautive selon elle du contrat de travail par l'employeur aux motifs qu'il lui a été appliqué une convention de forfait annuel alors que selon la convention collective celle-ci n'est pas applicable au cadre de son niveau et qu'aucun contrôle de la charge de travail n'a été opéré. Elle souligne également qu'elle a du accomplir de nombreuses tâches compte-tenu de l'effectif réduit affecté à son magasin.

L'employeur objecte que Mme [T] avait tous les pouvoirs dans le cadre de la délégation de pouvoir consentie aux termes du contrat de travail pour procéder à des embauches si elle avait manqué de personnel.

Le contrat de travail conclu le 12 novembre 2010 avec la société Distririn stipule que Mme [T] occupe les fonctions de directeur de magasin, niveau VII de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers moyennant une rémunération mensuelle brute de 2300 euros représentant la contrepartie forfaitaire de son activité dans le cadre de 218 jours maximum travaillés par an.

Les dispositions de l'article 5.6.3 de l'avenant n°37 du 3 mars 2000 relatif à la réduction du temps de travail annexé à la convention collective du commerce de détail, fruits et légumes, épicerie, produits laitiers applicable au contrat, prévoient s'agissant des cadres autonomes de niveau 6 que :

«Il est possible de conclure des conventions de forfait annuel en jours, à la condition que le salarié l'ait accepté dans son contrat de travail ou par avenant à son contrat de travail.

Le nombre de jours travaillés pour cette catégorie de personnels est limité à 217 jours par an. En cas de dépassement de ce plafond, le cadre doit bénéficier au cours du premier trimestre de l'année suivante d'un nombre de jours de repos égal au dépassement constaté. Le plafond annuel de jours de l'année considérée est alors réduit d'autant.

La durée journalière maximale de travail effectif est de 10 heures ; en cas de surcharge exceptionnelle de travail, elle sera au maximum de 12 heures.

En tout état de cause, les règles relatives au repos quotidien, prévues à l'article L. 220-1 du code du travail, et les règles relatives au repos hebdomadaire, prévues à l'article L. 221-4 du code du travail, s'appliquent...(..).

Une fois par semestre, lors d'un entretien individuel, le chef d'entreprise doit vérifier l'organisation de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité ainsi que la charge de travail en résultant.

Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle. Les salariés concernés doivent remplir une fois par mois un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de journées ou de demi-journées de repos prises et celles restant à prendre. Ce document signé par le salarié et par l'employeur est conservé par ce dernier pendant 3 ans et reste à la disposition de l'inspecteur du travail.

Avec le dernier bulletin de paie de chaque trimestre, un document annexe est joint, récapitulant les documents de contrôle.''

Si Mme [T] ne conteste pas que ses fonctions justifiaient une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui étaient confiées, elle souligne à juste titre qu'elle n'était pas au niveau 6 mais 7 et que son employeur ne justifie d'aucun entretien annuel dédié au contrôle prévu par ce texte ni ne justifie des moyens mis en place pour garantir que l'amplitude et sa charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, de son travail, dans le respect de sa sécurité et de sa santé.

Le postulat selon lequel Mme [T] aurait pu embaucher du personnel supplémentaire en cas de réelle charge de travail, à le supposer vrai, ne suffisait pas à dispenser la société de cette formalité destinée précisément à s'assurer de la protection de la santé et de la sécurité de sa salariée.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des arguments développés sur ce point, que cette clause de forfait en jours et sa mise en oeuvre n'observaient pas suffisamment les principes généraux et conventionnels de protection de la sécurité et de la santé de la salariée.

Mme [T] produit plusieurs attestations de collègues ou clientes qui témoignent de sa disponibilité, de ce qu'elle assurait de multiples tâches et a assumé beaucoup de responsabilité.

Au vu de ces éléments et au regard de la date d'accession au statut de cadre avec application de la convention de forfait, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 2000 euros le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Mme [T].

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur les congés payés

Mme [T] sollicite la confirmation du jugement sur les autres dispositions, en ce compris la condamnation de la société à lui verser la somme de 1204, 55 euros à titre de congés payés 'd'ancienneté'.

Or, il ressort des éléments versés que Mme [T] a perçu au mois de mai 2018 des indemnités congés payés 'écoulés' et une indemnité 'congés payés' en cours.

Elle ne communique aucun élément au soutien de sa demande, qui sera en conséquence rejetée par voie d'infirmation du jugement.

Sur les intérêts

Il sera rappelé que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Sur les autres demandes

La société Distririn, partie perdante, sera déboutée de ses demandes, condamnée aux dépens et à verser à Mme [T] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions du jugement sur les dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement de Mme [C] [T] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Distririn à payer à Mme [C] [T] les sommes suivantes :

* 8610 euros au titre du préavis,

* 861 euros à titre de congés payés afférents,

* 16 263,33 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la Sarl Distririn de transmettre à Mme [C] [T], le certificat de travail, bulletins de salaires conformes, ainsi que l'attestation Pôle Emploi devenu France Travail rectifiés et conformes au prononcé du jugement,

- condamné la société Distririn aux dépens;

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Distririn à verser à Mme [C] [T] les sommes suivantes:

-28.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-2000 euros à titre de dommages et inérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification à l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce;

ORDONNE la capitalisation des intérêts;

CONDAMNE la Sarl Distririn aux dépens;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05361
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;21.05361 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award