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22/05/2024 | FRANCE | N°21/03396

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 mai 2024, 21/03396


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 MAI 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03396 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQNP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04671





APPELANTE



Madame [D] [S]

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Représentée par Me Frank PETERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1288





INTIMEE



Société INETUM SOFTWARE FRANCE (anciennement dénommée GFI PROGICIELS)

[Adresse 1]

[Local...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 MAI 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03396 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQNP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04671

APPELANTE

Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frank PETERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1288

INTIMEE

Société INETUM SOFTWARE FRANCE (anciennement dénommée GFI PROGICIELS)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [D] [S] a été embauchée par la société GFI progiciels, devenue Inetum software France, suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 mai 2018, en qualité de consultante fonctionnelle, statut cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des Bureaux d'études techniques (SYNTEC).

Par courrier du 31 janvier 2019, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 22 février 2019.

Par lettre du 1er mars 2019, Mme [S] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, son employeur lui reprochant un comportement irrespectueux à plusieurs reprises avec les clients ainsi qu'avec ses collègues, malgré de multiples rappels à l'ordre.

Par lettre du 28 mars 2019, l'employeur a apporté des précisions sur les motifs du licenciement.

Par acte du 16 décembre 2019, Mme [S] a assigné la société Inetum software France devant le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir, notamment, juger que son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner son employeur à lui verser une indemnité de 10 000 euros.

Par jugement du 31 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a statué en ces termes :

- déboute Mme [D] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamne Mme [D] [S] à verser à la société GFI Progiciels la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne Mme [D] [S] aux dépens.

Par déclaration du 2 avril 2021, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, intimant la société Inetum software France.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2021, Mme [S] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée l'appel interjeté à l'encontre du jugement,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris.

Y faisant droit,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Inetum software France (anciennement GFI Progiciels) au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1 343-2 du code civil,

- condamner la société Inetum software France (anciennement GFI Progiciels) aux entiers dépens y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice,

- la condamner également au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021, la société Inetum software France demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement et de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- fixer le salaire mensuel moyen de Mme [S] à hauteur de 3 750 euros,

- limiter le montant des condamnations à la somme de 3 750 euros maximum à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- débouter Mme [S] du surplus de ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2024.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement :

Sur la matérialité des faits :

Selon l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Les motifs de licenciement doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables.

En application de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée à Mme [S], complétée par le courrier du 28 mars 2019, précise que l'employeur reproche à la salariée d'avoir, le 5 juin 2018, adopté un ton inapproprié et un comportement agressif lors d'une prestation auprès du département de la Somme, l'un de ses clients, d'avoir, les 27 septembre et 4 octobre 2018, adopté un ton et une approche inadaptée face au client ANFR, d'avoir, le 17 décembre 2018, traité un collaborateur de menteur, d'avoir, le 22 janvier 2019, adopté un ton « souvent à la limite » et tenu « des réflexions mettant en doute [les] capacités professionnelles » d'une cliente à l'occasion d'une prestation à la marie de [Localité 5], d'avoir, le 31 janvier 2019 adopté le même type d'attitude lors d'échanges téléphoniques avec le client Paris Vallée de la Marne, lequel a manifesté son mécontentement quant aux conditions de l'intervention à distance de Mme [S], et enfin d'avoir, lors de formations internes des 4 et 5 février 2019, adopté un ton agressif et une posture inappropriée envers le formateur.

Sur le premier grief relatif aux faits du 5 juin 2018 :

En ce qui concerne la prescription :

Si, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

En l'espèce, les poursuites disciplinaires à l'encontre de la salariée ont été engagées le 31 janvier 2019, date de la convocation à l'entretien préalable, soit plus de deux mois après les faits reprochés du 5 juin 2018.

Toutefois, ces faits procèdent d'une réitération du comportement inadapté reproché à l'intéressée les 17 décembre 2018, 22 et 31 janvier 2019, période non couverte par la prescription, de sorte que l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'ils se heurtent à la prescription et ne pouvaient, ainsi, être retenus à son encontre pour justifier la rupture de son contrat de travail.

En ce qui concerne la matérialité des faits :

L'employeur soutient qu'à la suite d'une intervention à distance de Mme [S] le 5 juin 2018 auprès du département de la Somme, ce client s'est oralement plaint du ton inapproprié et agressif employé par la salariée lors de cette prestation et a demandé que cette dernière n'intervienne plus auprès de lui.

La salariée conteste la matérialité de ce grief.

En l'absence de tout élément permettant d'en démontrer la réalité, ce grief n'est pas établi.

Sur le deuxième grief relatif aux faits du 27 septembre et 4 octobre 2018 :

Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des interventions de la salariée les 27 septembre et 4 octobre 2018 auprès de l'ANFR, son représentant, M. [W], a indiqué par courriel à la société GFI que « suite à l'intervention de Mme [S] le 4 octobre », il ne souhaitait plus « que cette personne intervienne sur [son] site ».

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il s'infère de la formulation de ce courriel que cette demande était manifestement liée au mécontentement de ce client au regard de son comportement, ce grief n'étant toutefois établi que pour la date du 4 octobre et non pour celle du 27 septembre 2018.

Il ne ressort pas par ailleurs des pièces produites que d'autres difficultés opposant la société à ce client seraient à l'origine d'un mécontentement de sa part.

Dès lors, le grief relatif à un comportement inapproprié de Mme [S] le 4 octobre 2018 est établi.

Sur le troisième grief relatif aux faits du 17 décembre 2018 :

Il ressort des éléments produits que le 17 décembre 2018, Mme [S] a eu une altercation avec l'une de ses collègues de travail après avoir éteint son ordinateur en quittant son poste, à laquelle elle a adressé un courriel libellé en ces termes : « J'ignore ce que vous faites et pourquoi autant d'agitation. (') Je n'ai interrompu aucune installation sur mon ordinateur, c'est un mensonge ce que vous écrivez et c'est vraiment surprenant ».

A la suite de cette altercation, la direction de la DSI a alerté le responsable direct de Mme [S] en ces termes : « Cette collaboratrice a envoyé un mail à la DSI (') qui est très limite et qui ne correspond pas réellement aux faits tels qu'ils m'ont été rapportés. Si [problème] avec mon équipe, cela peut arriver, je peux recadrer, mais je ne crois que l'on soit dans ce cas de figure : par exemple, traiter quelqu'un de menteur n'est pas acceptable. Plier son PC et partir, c'est ce qui a occasionné l'interruption des installations ».

Au regard de ces éléments, ce grief est établi.

Sur le quatrième grief relatif aux faits du 22 janvier 2019 :

Il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 7 février 2019, les services de la commune de [Localité 5] se sont plaints du comportement de Mme [S] en indiquant que jusqu'alors, et depuis plusieurs années, les prestations réalisées par d'autres intervenants de la société se déroulaient sans difficulté, mais que : « Cette année, cela s'est passé de manière très différente ! La journée (voire la soirée) n'y a pas suffi. Mme [S] n'a cessé de me demander des informations, de me faire modifier des anomalies sous Astre, avec un ton souvent à la limite de la correction et des réflexions mettant en doute mes capacités professionnelles (30 ans de carrière en RH !) disant par exemple « vous ne savez pas ! Ce n'est pas vous qui faites les déclarations ou quoi !!! etc ... » (') Pour finir, après avoir géré une partie des anomalies (le reste a été à faire en partie par moi sur d'autres jours avec des allers-retours de mail et téléphone avec Mme [S]), elle me demande de comparer les bases avec mes déclarations en me remettant le tableau ci-joint. Je lui réponds que je suis surprise car les intervenants précédents utilisaient BOXI pour ce genre de contrôle et que ce n'était pas à moi de le faire. (') Il était 19h30 à ce moment et j'ai refusé de le faire (après une discussion très âpre dont je vous passe les détails). Les fichiers N4DS ont donc été envoyés sans contrôle et ce, à la date limite, le 31 janvier dans la journée. A ce jour, nous n'avons toujours pas reçu de rapport d'intervention où l'on pourrait retrouver la liste des tâches accomplies. ».

Si Mme [S] soutient qu'elle a dû solliciter la cliente du fait qu'elle n'avait pas été formée sur le logiciel en cause, il ressort des éléments du dossier qu'elle a pu bénéficier de diverses formations et qu'en tout état de cause, à supposer qu'une partie des difficultés rapportées aient été liées à sa connaissance insuffisante du logiciel, les propos qu'elle a tenus auprès de la cliente caractérisent le comportement inadapté qui lui est reproché.

Ce grief est ainsi établi.

Sur le cinquième grief relatif aux faits du 31 janvier 2019 :

L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir la matérialité des faits reprochés à la salariée concernant son comportement à l'égard du client Paris Vallée de la Marne. Ce grief n'est donc pas établi.

Sur le sixième grief relatif aux faits des 4 et 5 février 2019 :

L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir la matérialité des faits reprochés à la salariée concernant son comportement à l'égard d'un formateur. Ce grief n'est donc pas établi.

Sur la gravité des faits :

Il résulte de ce qui précède que sont établis les griefs reprochés en date des 4 octobre 2018, 17 décembre 2018, et 22 janvier 2019.

A la suite des premiers faits, l'employeur a notamment adressé à la salariée un courriel du 7 novembre 2018 intitulé « Retour clients » lui signalant avoir eu, « depuis juillet, 4 retours négatifs de clients demandant un(e) nouvel(le) intervenant(e) sur les futures prestations » et précisant que si « cela arrive à tous » « cela doit rester exceptionnel et parmi les motifs ces clients ont évoqué la forme ». La salariée était ainsi invitée à « plus de souplesse et diplomatie » et, en cas de difficulté, à « ajuster [son] approche, être moins directive », son supérieur hiérarchique concluant en ces termes : « (') S'il y a un sujet en suspens, tu préviens le client que tu devras réintervenir en précisant l'objet (le mettre dans le rapport et dans courriel d'envoi du rapport). Il faut donc uniquement améliorer la forme. C'est un point incontournable dans une société des services et je ne dois plus avoir de retour négatif de cette nature. Je compte sur toi. ».

Compte tenu de la persistance du comportement de l'intéressée malgré la mise en garde effectuée par son employeur, des exigences propres à sa mission de consultante fonctionnelle, en relation étroite avec les besoins des clients, de sa faible ancienneté et de l'atteinte portée par son attitude à l'image de l'entreprise, ces manquements caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] sera condamnée aux dépens d'appel, les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant en revanche rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [D] [S] aux dépens en cause d'appel ;

REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/03396
Date de la décision : 22/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;21.03396 ?
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