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21/05/2024 | FRANCE | N°23/14697

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 21 mai 2024, 23/14697


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 MAI 2024



(n° 215 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14697 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGBD



Décision déférée à la cour : ordonnance du 14 juin 2023 - président du TJ de PARIS - RG n° 23/52885





APPELANTE



S.A.S. SIMONE TEINTURERIE DE LUXE, RCS de Paris n°390850816, prise

en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, av...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 21 MAI 2024

(n° 215 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14697 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGBD

Décision déférée à la cour : ordonnance du 14 juin 2023 - président du TJ de PARIS - RG n° 23/52885

APPELANTE

S.A.S. SIMONE TEINTURERIE DE LUXE, RCS de Paris n°390850816, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocats plaidants Me Raphaël BENILLOUCHE et Gaëlle ZERBIB du cabinet RDB ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

E.P.I.C. [Localité 5] HABITAT - OPH, RCS de Paris n°344810825, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Claire-Marie DUBOIS-SPAENLE de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Valérie GEORGET, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé en date du 2 octobre 2007, l'office public d'aménagement et de construction de la ville de [Localité 5], aux droits duquel vient [Localité 5] habitat-OPH, a consenti un bail commercial à la société Simone teinturerie de luxe portant sur les locaux situés [Adresse 1].

Exposant que l'activité de teinturerie du preneur générait des troubles de jouissance, Paris habitat-OPH a fait assigner par acte extrajudiciaire du 29 mars 2023 la société Simone  teinturerie de luxe devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment de :

à titre principal :

ordonner l'arrêt immédiat et sans délai de l'activité de la défenderesse dans les lieux sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir et dans l'attente du dénouement de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris (rg 19/11921) ;

à titre subsidiaire :

ordonner la mise en oeuvre immédiate de travaux d'insonorisation à la charge de la défenderesse dans les lieux sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir.

Par ordonnance contradictoire du 14 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de paris a :

rejeté l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir ;

enjoint la société Simone dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance, à procéder à des travaux d'insonorisation des lieux exploités par elle, selon les préconisations de l'expert judiciaire développées en italique en page 20 du rapport d'expertise de M. [U] du 23 octobre 2017 ;

dit qu'à défaut d'exécution dans le délai précité, la société Simone sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard pendant une période maximale de quatre mois ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné la société Simone à verser à [Localité 5] habitat-OPH la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

condamné la société Simone aux dépens, en ce non compris le coût des constats non prescrits par une ordonnance judiciaire.

Par déclaration du 22 août 2023, la société Simone teinturerie de luxe a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2023, la société Simone teinturerie de luxe demande à la cour de :

la recevoir en ses demandes et l'y dire bien fondée ;

infirmer l'ordonnance rendue le 14 juin 2023 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

débouter [Localité 5] habitat-OPH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner [Localité 5] habitat-OPH à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamner [Localité 5] habitat-OPH à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner [Localité 5] habitat-OPH aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2023 [Localité 5] habitat-OPH demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance rendue le 14 juin 2023 en toutes ses dispositions ;

débouter la société Simone de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

y ajoutant :

condamner la société Simone à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Simone aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.

Sur ce,

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article R. 1336-5 du code de la santé, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.

L'article R. 1336-6, alinéa 1er, du même code dispose que lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Au cas présent, pour établir l'existence d'un trouble manifestement illicite, [Localité 5] habitat-OPH affirme que l'activité de sa locataire, la société Simone teinturerie de luxe, provoque des nuisances sonores excessives subies depuis 2012 par ses autres locataires, M. et Mme [O], voisins de la société Simone teinturerie de luxe. Il ajoute que malgré les nombreuses sommations faites, cette dernière n'a pas réalisé les travaux pouvant mettre fin aux nuisances dénoncées.

Le contrat de bail liant les parties stipule que le preneur devra prendre toutes les précautions nécessaires pour que l'exercice de son activité, de son industrie, ou de sa profession ne puisse nuire en quoi que ce soit à la tranquillité, à l'hygiène, à la solidité, à la sécurité ou à la bonne tenue de l'immeuble ou ne puisse causer aux habitants de l'immeuble ou des immeubles voisins, une incommodité, une gêne, un trouble ou un préjudice quelconque. Il prendra tous les travaux à sa charge.

Un rapport d'expertise judiciaire déposé le 23 octobre 2017, réalisé au contradictoire de la société Simone teinturerie de luxe, énonce que les niveaux de bruit mesurés au domicile de M. et Mme [O] sont en corrélation avec la montée en pression du service d'utilisation de la vapeur circulant dans les réseaux de l'atelier de la société Simone teinturerie de luxe. L'expert constate un dépassement des valeurs d'émergences globales et spectrales admises, constaté dans l'appartement de M. et Mme [O] lors de la montée de la pression d'utilisation. Il précise que l'apparition du bruit dans l'appartement de M. et Mme [O] est en relation avec l'usage de la vapeur distribuée par la compagnie parisienne de chauffage urbain (COCU) dès l'action d'ouverture de la vanne du barrage principal située dans le local technique par la société Simone teinturerie de luxe, la durée d'apparition du bruit résultant de la circulation de la vapeur dans le local technique est continue en journée.

Un commissaire de justice a établi un procès-verbal de constat (pièce 13 de l'intimé). Il expose que 'parvenu le 11 janvier 2023 à 11 heures dans les parties communes devant la porte de l'appartement de M. [O] (...) un bruit continu et assimilable à une sorte de bourdonnement ou un écoulement d'eau permanent est déjà perceptible dans ces parties communes, notamment près d'une porte en bois située à gauche de l'accès de l'appartement de M. [O]. (...) le 2 février, je me rends chez M. [O] (...), arrivé à 10 heures, je perçois de manière plus nette ici un bruit continu assimilable à un bruit d'eau circulant en permanence dans une canalisation. Restant sur place 30 minutes, je visite l'ensemble de l'appartement où ces bruits sont perceptibles partout, précision faite qu'au fur et à mesure de ma présence dans l'appartement, le bruit devient de plus en plus prégnant. Il y a des à-coups de sonorité, des variations de bruit ainsi que des vibrations lors de l'enclenchement de ce que je perçois comme une sorte de vanne ou moteur. Les bruits sont continus, avec une variation d'intensité, mais sont perceptibles même avec un fond sonore de paroles ou de télévision allumée. Le 7 février, je procède aux mêmes constatations, (...) quant au bourdonnement et bruit d'écoulement d'eau que je perçois dès les parties communes. Dans l'appartement du locataire, bien qu'aucune machine ne tourne (...) je perçois le bruit toujours avec des intensités variables.'

M. [O] atteste le 14 novembre 2023 qu'il constate tous les jours de 6 heures à 23 heures de fortes nuisance sonores telles qu'un bruit permanent 'comme une chasse d'eau' et des vibrations régulières.

La société Simone teinturerie de luxe oppose qu'elle n'est à l'origine d'aucune nuisance sonore.

Elle expose qu'elle a été mise en demeure par arrêté préfectoral du 13 octobre 2017 (sapièce 35) de mettre en conformité son installation notamment au regard des nuisances sonores générées par le système de ventilation. Elle ajoute qu'après un rapport de l'inspection des installations classées du 25 novembre 2022 par arrêté du 10 mai (sa pièce 36) il a été admis la mise en conformité des installations. Elle précise, d'une part, qu'un premier rapport de l'Apave du 24 octobre 2022 indique que les mesurages des niveaux sonores émis dans l'environnement montrent que les installations respectent les critères définis par l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997, les niveaux en limites de propriété et les émergences sont conformes, d'autre part, qu'un second rapport de l'Apave du 14 septembre 2023 parvient à la même conclusion et qu'il est indiqué que 'le respect des valeurs d'émergence indique qu'il n'y a pas de potentiel de gêne pour le voisinage pour les conditions de mesures existantes lors de l'intervention'.

Certes, ces éléments démontrent que l'activité de l'appelante est désormais en conformité avec les dispositions relatives aux émissions sonores des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation. En revanche, ils sont insuffisants pour établir que les nuisances sonores subies par M. et Mme [O] ont cessé. En effet, les mesures de l'expert judiciaire, réalisées en application des règles fixées par le code de la santé publique, ont été effectuées dans l'appartement de M. et Mme [O] contrairement à celles de l'Apave. La persistance de ces nuisances est confortée par les constatations précises du commissaire de justice, qui s'est déplacé à trois reprises et qui décrit les mêmes bruits que ceux dont M. et Mme [O] se plaignent depuis 2012.

La société Simone teinturerie de luxe affirme encore qu'elle a réalisé des travaux en 2021. Néanmoins, les courriels, devis et factures produits concernent pour l'essentiel l'installation d'une chaudière, la réfection de la ventilation sous-station, la pose de laine de roche, le remplacement de vannes et de lumière et du système électrique. Ces travaux sont étrangers à ceux préconisés par l'expert judiciaire (page 20 de son rapport) qui concernent notamment la réalisation d'un traitement d'isolation contre les vibrations des réseaux de canalisations des installations du réseau secondaire, la mise en place des dispositifs de type 'manchettes souples' pour éviter la transmission et la propagation des vibrations et la vérification périodique et la maintenance des installations situées dans le local technique concernant le réseau d'arrivée et de distribution de l'énergie sous forme de vapeur sous pression.

Il n'est donc pas établi que la société Simone teinturerie de luxe a réalisé des travaux qui ont mis fin aux nuisances subies par M. et Mme [O].

Au contraire, il se déduit de l'ensemble de ces motifs que les nuisances sonores subies par M. et Mme [O], locataires de [Localité 5] habitat OPH, persistent et constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en faisant injonction, sous astreinte, à l'appelante de réaliser les travaux d'insonorisation des lieux exploités ainsi que préconisés par l'expert judiciaire.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Simone teinturerie de luxe

La demande de [Localité 5] habitat OPH est accueillie.

Son action ne présente donc pas de caractère abusif.

La demande de dommages et intérêts formée par la société Simone teinturerie de luxe sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La décision sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Simone teinturerie de luxe sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi qu'au paiement de la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société Simone teinturerie de luxe ;

Condamne la société Simone teinturerie de luxe aux dépens ;

La condamne à payer à [Localité 5] habitat OPH la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/14697
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;23.14697 ?
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