La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2024 | FRANCE | N°21/08099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 21 mai 2024, 21/08099


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 21 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08099 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENMZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n°



APPELANTE



Madame [HV] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me A

urélie THEVENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 757





INTIMEE



S.A.S. DPL

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 382 547 289



Représentée par Me Maryline BUHL, avocat au barreau de ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 21 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08099 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENMZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n°

APPELANTE

Madame [HV] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie THEVENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 757

INTIMEE

S.A.S. DPL

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 382 547 289

Représentée par Me Maryline BUHL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0097

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Madame Isabelle LECOQ CARON Présidente de chambre

Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [HV] [P] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 janvier 2020 par la société D.P.L en qualité de chef des ventes ' responsable de site avec reprise de son ancienneté au 9 juillet 2018. Elle percevait une dernière rémunération mensuelle brute de 4 723 euros.Mme [P] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis par courrier en date du 17 juillet 2020.énonçant le motif suivant :

'...Vous occupez les fonctions de Chef de ventes - Responsable de site, statut cadre au sein de notre établissement situé à [Localité 10] depuis le 2 janvier 2020. Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes chargée de superviser les différents services de ce site : vente de véhicules VN-VO, service après-vente et pièces de rechange.

Lors de votre prise de poste, je vous avais fixé des priorités a savoir dans un premier temps vous occuper de la partie commerciale. Pour la partie après-vente vous pouviez compter sur l'expérience de Monsieur [W] [F] Chef d'atelier.

Dès lors les 3 priorités concernaient le management des équipes commerciales, la qualité et le suivi des dossiers avec une nouvelle organisation a mettre en place par vos soins.

Dès votre arrivée, vous avez bénéficié d'un accompagnement sur le site de [Localité 10] assuré par les différents interlocuteurs Renault ([TF] [L] Manager entreprise, Loic [X] Business Manager, [E] [VU] à la qualité, les équipes DIAC, [A] [D] aux accessoires, [KJ] [I] pour les Agents...) mais aussi par différents interlocuteurs du groupe MAURIN ([H] [U] du marketing, [EO] [Z] à la distribution, [O] [K] chef de région IFC.

Je regrette d'ailleurs que vous n'ayez pas saisi l'importance des formations organisées. Ainsi, Monsieur [B] [J] - coach formateur a regretté votre manque de disponibilité pour assister à une formation relative à l'environnement VN Renault qui avait d'ailleurs été reprogrammée le 26 février 2020 du fait de votre manque d'attention.

Vous avez également assisté à une formation des outils RENAULT (notamment MAEVA) au [Localité 9] le 06/03/2020 pour que vous soyez le plus à l'aise possible pour piloter votre activité.

Je vous ai donné tous mes supports d'ancien chef des ventes VN (notamment fichier pour objectifs vendeurs, pour les rapports quotidien, l'atterrissage pour les immatriculations). Je me suis également rendu disponible pour vous accompagner au mieux dans votre prise de fonction.

Dès lors s'il on ajoute à cela votre expérience passée dans le secteur de l'automobile (Vendeuse Renault, Responsable de région IFC), vous disposiez de l'ensemble des moyens pour mener à bien les missions qui vous étaient confiées.

Par mail du 13 mai 2020, vous m'avez fait un inventaire des difficultés que vous rencontriez. Nous avons échangé oralement sur ces différents points le lendemain et j'ai souhaité me rendre sur site dès le 18 mai pour me rendre compte de la réalité. A cette occasion, j'ai repris l'ensemble des dossiers depuis votre arrivée et j'ai pu constater de nombreux manquements de votre part. Compte tenu de leur ampleur j'ai d'ailleurs dû prolonger mes investigations sur les jours suivants.

Ainsi, à titre d'exemples j'ai constaté les manquements/irrégularités suivants :

Vente VO modèle Renault Clio [Immatriculation 5] : vous avez validé la livraison de ce véhicule d'occasion au client (Monsieur [C] [S]) dès le 19 février 2020 alors que la demande de financement auprès de la DIAC était encore à l'étude le 16 juin 2020. Or, comme vous le savez la livraison d'un véhicule ne peut être programmée que si son financement est validé.

Vente véhicule [Immatriculation 7] a un agent ([Localité 8] AUTOMOBILE) : le PV de livraison (non signé par le client) indique une date de livraison manuscrite au 30 avril 2020.à Or, le véhicule a été réimmatriculé par l'agent le 13/03/2020 ce qui veut dire qu'il l'avait déjà sa possession à cette date. Par mail du 27 mai, il nous a confirmé que lorsqu'il avait récupéré le véhicule la facture n'était pas établie et le PV de livraison non disponible, ces documents devant lui être transmis ultérieurement ce qui n'était visiblement toujours pas le cas au 27 mai... De plus, le véhicule n'a été déclaré chez RENAULT que le 06/05/2020 alors que cette déclaration doit être faite concomitamment à la livraison.

Vente d'un VN modèle Renault Scénic Business le 2 décembre 2019 : le bon de commande n'est signé ni du vendeur et du client. Plus grave encore, dans le cadre de cette vente, il était prévu une reprise d'un véhicule Renault Scénic Zen pour un montant de 10 800€ selon le bon de commande. Or, le bon de commande de l'agent « [Localité 8] AUTOMOBILE» amené racheter le même véhicule précisait un montant de 8300€ - la différence constituant une perte pour notre société.

Vente d'un VN modèle Nouveau Captur Fiche le 19 janvier 2020 : cette vente a été réalisée avec reprise de l'ancien véhicule : la fiche signalétique établie lors de cette reprise n'a pas été signée par vous (et donc pas contrôlée par vos soins) alors qu'il s'agit d'un process obligatoire. Il y apparait d'ailleurs des sommes rajoutées a la main (190 €) ce qui est interdit puisqu'il s'agit d'un document officiel à remettre au client.

Vente VO modèle Renault Twingo le 3 mars 2020 : j'ai retrouvé dans le dossier le chèque d'acompte d'un montant de 906.05 euros qui n'avait pas été signé par le client. Force est de constater qu'aucune vérification n'avait été faite et aucune action menée pour obtenir un chèque signé. Le véhicule a d'ailleurs été livré le 19 mai 2020 sans confirmation de règlement.

Vente d'un VO modèle Renault Captur [Immatriculation 6] le 25 février 2020 : dans ce dossier nous n'avons pas moins de 3 bons de commande : un en date du 25/02/2020, un en date du 14/05/2020, un en date du 23/05/2020 avec différents montants de reprise sur chacun des bons de commande, 2 fiches signalétiques (dont l'une n'est pas signée et l'autre uniquement signée par le client). Le modèle même du véhicule repris diffère selon le bon de commande : une OPEL ZAPHIRA sur l'un des bons de commande mais sur deux des 3 bons de commande la reprise concerne une RENAULT MEGANE SCENIC'

La vente d'un véhicule neuf ou d'occasion avec ou sans reprise implique le respect d'un process précis que vous connaissez parfaitement. Plusieurs documents doivent être établis à cette occasion et signés par les parties. Le non-respect de ce process est source de contentieux et de risque (risque juridique, risque d'Impayé...) pour notre société. Dans le cadre de vos fonctions vous êtes tenue de respecter et de faire respecter ces procédures. Vous vous devez de sensibiliser vos vendeurs sur leur importance et devez assurer un contrôle sur la bonne tenue des dossiers.

Force est de constater que vous avez failli a cette mission.

Je ne suis pas le seul à avoir fait un constat aussi alarmant.

Ainsi, Monsieur [G] [N], Responsable VO Plaque 77 a fait le point sur le stock VO du site de [Localité 10] le 25 mai 2020. Il a déploré qu'après avoir constaté le 18 janvier 2020 que le stock VO était bien géré, la situation se soit considérablement dégradée en quelques mois à peine :

Après avoir pointé le stock complet, il a constaté que sur 65 VO présents sur le stock Planet seulement 31 VO étaient exposés aux clients avec très peu de PLV sur les Pare-brise pour les mettre en valeur. 5 VO étaient même exposés sans prix et non préparés, 15 VO étaient entreposés dans le hangar au fond de la concession et couverts de poussière dont un VO de + de 400 jours et 2 de + de 200 jours....

Début février 2020, les vendeurs du site de [Localité 11] étaient à la recherche de Renault Trafic 9PI car ils avaient des acheteurs en demande. Vous aviez répondu que les véhicules de ce modèle en votre possession étalent tous vendus ou réservés. Or, Monsieur [G] [N] a découvert 4 véhicules de ce modèle dans le hangar de la concession non vendus et non préparés. L'un de ces véhicules avait été apporté par Monsieur [G] [N] en janvier 2020 pour y être réparé - or il se trouvait garé dans le hangar toujours dans le même état....

Vous aviez assuré à Monsieur [G] [N] en début d'année que vous alliez prendre la main sur les ventes à marchand et que vous vendriez les VO à un négociant unique que vous connaissiez bien. Or les 12 VO destinés à marchand sont toujours entreposés dans un hangar et il n'y a eu qu'une seule vente à marchand sur les mois de janvier a mars 2020.

Plus grave encore 3 VO restent introuvables : 2 Duster et un Grand Scénic'

Monsieur [G] [N] a également pu constater que la gestion des dossiers à l'occasion de la vente de VO est tout aussi catastrophique. Ainsi à titre d'exemples :

Vente VO d'une Clio à Monsieur [V] le 13 février 2020 : la demande de carte grise n'est toujours pas lancée dans l'ANTS et le client mécontent ne cesse de nous relancer depuis la réouverture - plus grave encore le dossier papier reste introuvable ;

Vente VO d'un véhicule modèle Captur livré à Master diffusion le 11 février : la demande d'immatriculation n'a pas été faite, le PV de livraison n'a pas été envoyé à la DIAC, la facture n'a jamais été faite, le chèque du premier loyer n'a jamais été réclamé au client qui refuse d'ailleurs de payer tant qu'il n'a pas réceptionné se carte grise.

Vente VO d'un véhicule modèle Kadjar livré le 23 mai a Monsieur [Y] : la commande n'a pas été enregistrée sur ICAR et la reprise a été réalisée sans de demande de non-gage.

Par ailleurs, vos vendeurs m'ont indiqué que vous leur aviez formellement interdit de vendre un véhicule avec reprise le samedi en votre absence, une telle consigne est totalement aberrante. Le samedi constitue une journée de forte affluence, en demandant au client de revenir un jour de semaine pour finaliser une vente, vous prenez le risque de ne pas le voir revenir et de perdre cette vente.

Nous vous avons demandé de réorganiser le service commercial mais cette réorganisation passe par la mise en place de procédures claires permettant de favoriser les ventes et non l'inverse.

Enfin, plusieurs vendeurs se sont plaints de votre attitude à leur égard : ton agressif en présence de clients, manque de disponibilité et de communication (vous vous enfermez dans votre bureau demandant à ne pas être dérangée) ' Ainsi, ces derniers regrettaient le climat négatif et délétère que vous aviez instauré, une telle ambiance de travail n'étant pas propice à l'amélioration de nos résultats et de la qualité de nos services ...'.

Mme [HV] [P] a été dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois étant précisé que l'indemnité compensatrice de préavis lui a été versée aux échéances normales de la paie.

Mme [P] a saisi la juridiction prud'homale le 31 juillet 2020 aux fins notamment de faire condamner la société D.P.L. à lui payer les sommes suivantes :

1 239,57 € à titre de rappel de salaire pour la période d'activité partielle,

123,95 € à titre des congés payés afférents,

1 692,72 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

28 338 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

624,95 € à titre de rappel de salaire pour le 18, 19 janvier et 14 mars 2020,

62,49 € à titre des congés payés afférents,

16 530 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par jugement en date du 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [P] de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration d'appel du 1er octobre 2021, Mme [P] a relevé appel du jugement.

Les relations entre les parties sont régies par les dispositions de la convention collective des services de l'automobile.

Par conclusions récapitulatives du 20 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Mme [P] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société D.P.L à lui payer les sommes suivantes :

. 1 239,57 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'acti vité partielle

. 123,95 euros au titre des congés payés afférents

. 1 692,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

. 28 338 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

. 624,95 euros à titre de rappel de salaire pour les 18 janvier, 19 janvier et 14 mars 2020

. 62,49 euros au titre des congés payés afférents

. 16 530 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [P] demande de condamner la société D.P.L à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux enti ers dépens.

Par conclusions récapitulatives du 15 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société D.P.L. demande de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [P] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens. La société D.P.L. demande de débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes et de toute demande nouvelle formée à hauteur de cour, de la condamner à verser à la société la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, ainsi que 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure en appel. Enfin, la société D.P.L.demande de condamner Mme [P] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2024

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel conformément a l'article 455 du code de procédure civile.

****

SUR CE :

Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail :

Sur les demandes afférentes à l'activité partielle

Le groupe MAURIN a été contraint de fermer l'ensemble des concessions du groupe et de mettre en place une mesure de chômage partiel pour l'ensemble des collaborateurs à la suite de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid, puis de la décision de confinement total prenant effet le 17 mars 2020.

Par mail du 20 mars 2020, Monsieur [R], Directeur de plaque du 77 et supérieur hiérarchique direct de Mme [P], a informé les Directeurs de site de son périmètre des conditions de leur passage en activité partielle à compter du 23 mars 2020. Ce message indiquait à Mme [P] qu'elle serait au chômage partiel à partir du 23/03/2020, sauf 2 heures par jour pour gérer les appels et les remontées du 'fichier hebdo'.

Le message ne prévoyait pas d'horaire précis et Mme [P] expose qu'elle a en réalité été contrainte de travailler à temps plein et, à tout le moins, de se tenir à la disposition permanente de son employeur.

Mme [P] a assuré le standard téléphonique dès le 17 mars 2020 à 8 heures, la ligne standard de la concession de [Localité 10] ayant été transférée sur son téléphone portable sur demande de la direction. De plus, les pièces du dossier établissent que son supérieur hiérarchique lui a donné instruction d'établir quotidiennement un tableau des appels reçus en notant le maximum d'éléments et de le renvoyer chaque jour à 18h30 pour compilation. Enfin, le tableau récapitulatif des appels reçus par Mme [P] montre que l'intéressée a reçu des appels à toute heure de la journée durant toute la période de confi nement. Mme [P] devait donc être joignable à toute heure de la journée.

Ainsi, Mme [P] se tenait constamment à la disposition de son employeur, son téléphone étant susceptible de sonner à toute heure de la journée sans qu'il puisse être prétendu qu'il s'agirait d'une astreinte au sens de l'article L 3121-9 du code du travail faute d'être prévue au contrat de travail . Mme [P] n'a d'ailleurs jamais bénéficié du paiement d'interventions pendant ces prétendues astreintes puisqu'elle était rémunérée pour 2 heures de travail par jour pour l'ensemble de son activité, sans aucun décompte de son temps de travail effectif. Outre les appels téléphoniques, Mme [P] a reçu 615 mails durant la période du 17 mars au 10 mai 2020, dont 201 émanant de son supérieur hiérarchique direct, M. [R]. A cet égard, Mme [P] produit de nombreux mails lui donnant des instructions, notamment de joindre des clients et d'effectuer un retour. Elle a aussi dû se rendre à plusieurs reprises à la concession, notamment pour signer les justificatifs de déplacements des autres salariés et leur remettre certains documents, pour faire tourner les ordinateurs des salariés en activité partielle, pour procéder aux affichages dans la concession. Elle a aussi dû participer à des réunions bi-hebdomadaires, en présentiel puis à distance.

Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier que, pendant la période de confinement, la société D.P.L a contraint Mme [P] à poser des congés payés, comme pour tous les autres salariés. Cependant, cette dernière a continué à travailler normalement durant ses jours dits de congés à la demande de son employeur. Mme [P] n'a donc pas pu bénéficier de ses jours de congés payés.

En conséquence, il y a lieu de faire droit aux demandes de Mme [P] afférentes à la période d'activité dite partielle entre mars et mai 2020.

Mme [P], qui a travaillé à plein temps et était, à tout le moins, contrainte de se tenir à la disposition permanente de son employeur, aurait dû bénéficier de sa rémunération normale pendant la période de confinement. Elle est donc bien fondée à solliciter, selon les termes de la demande, un rappel de salaire non discuté dans son quantum correspondant au différentiel entre la retenue opérée pour activité partielle et le montant versé au titre de l'indemnité pour activité partielle soit un montant total de 1239,57 euros, outre 123,95 euros au titre des congés payés afférents.

De plus l'appelant ayant travaillé durant ses congés payés elle aurait dû percevoir sa rémunération habituelle sans qu'il y ait lieu à déduction sur son compteur de congés payés. Elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation de la société D.P.L à lui payer la somme de 1 692,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement est donc infirmé sur ces points et la société D.P.L. est condamnée à verser à Mme [P] les sommes susvisées.

Sur le rappel de salaire des 18, 19 janvier et 14 mars 2020

Mme [P] indique qu'elle travaillait habituellement du lundi au vendredi, mais a dû travailler le samedi 18 et le dimanche 19 janvier 2020 ainsi que le samedi 14 mars 2020 et n'a bénéficié d'aucune compensation. L'employeur rappelle que Mme [P] travaillait sous le régime du forfait jour, à raison de 218 jours par an et qu'elle ne justifie pas que son employeur l'a empêchée de prendre des jours de congés en compensation.

Cependant, le contrat de travail prévoit que le temps de travail peut être réparti sur les jours ouvrables de la semaine, soit du lundi au samedi. La cour retient que Mme [P] n'a bénéficié d'aucune compensation ou jour de repos pour le jour de travail supplémentaire à savoir le dimanche 19 janvier 2020 qui n'était pas comptabilisé dans son forfait. Mme [P] est donc bien fondée à solliciter la condamnation de la société D.P.L à lui verser la somme de 208,31 euros à titre de rappel de salaire, outre 20,83 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est donc infirmé sur ce point et la société D.P.L.est condamnée à payer la somme susvisée à Mme [P].

Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5 du code du travail disposequ'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, il a été retenu, au vu des éléments versés au débat, que Mme [P] a travaillé au delà des heures d'activité partielle prévues par l'employeur pour la période de confinement, qui n'ont pas été déclarées comme telles.

Or il est constant qu'un employeur ne peut demander à un salarié placé en activité partielle de travailler en télétravail sur les mêmes heures au risque de s'exposer à des sanctions pénales et administratives.

En cas de réduction de l'horaire de travail, l'employeur peut placer les salariés en activité partielle pour le temps qui correspond à cette réduction et placer le salarié en télétravail pour le temps travaillé. Dans cette hypothèse, l'employeur doit définir clairement les plages travaillées et celles non travaillées.En effet, le dispositif de l'activité partielle prend en charge les heures non travaillées par les salariés, c'est-à-dire celles au cours desquelles ils n'ont pas fourni de travail et n'étaient pas à disposition de leur employeur.

Au constat qu'il n'est pas justifié d'un décompte des heures identifiées comme travaillées, que la salariée a été placée en activité partielle alors qu'il a été retenu qu'elle a travaillé à temps plein, il s'en déduit que la dissimulation d'emploi salarié est établie et que la salariée est fondée à obtenir la somme de 28338 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En application de l'article 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Application du droit a l'espèce

Mme [P] conteste la réalité les griefs qui lui sont reprochés.Elle soutient qu'aucune priorité ne lui a été fixée dans le cadre de sa prise de poste et qu'il lui a été demandé de prendre la tête d'une concession qui dysfonctionnait et pour laquelle il était nécessaire de procéder à des changements de fond. Elle indique qu'elle n'était pas en mesure d'assurer cette réorganisation en seulement trois mois de travail en présentiel et deux mois de confinement pendant lesquels son équipe était en activité partielle. Elle ajoute que ses difficultés rencontrées pour suivre les formations ne caractérisent pas un manque d'investissement de sa part, mais sont dues à la surcharge de travail et aux difficultés de fonctionnement de la concession antérieures à son arrivée. Elle admet qu'elle a fait part de ses difficultés dans un mail adressé à son supérieur hiérarchique. Elle ajoute qu'elle ne peut être tenue pour responsable des manquements de la secrétaire et soutient qu'elle n'a jamais instauré de climat délétère ou négatif au sein de la concession.

Aux termes du contrat de travail et de l'annexe de définition des fonctions signés le 2 janvier 2020, Mme [P] était chargée des fonctions de chef de ventes, responsable de site de la société D.P.L.et affectée au site de [Localité 10]. Ses fonctions étaient détaillées précisément dans l'annexe et comportaient notamment la responsabilité de la commercialisation des véhicule (neufs et occasions) et l'encadrement et le management de l'équipe.

Mme [P] avait déjà une certaine expérience au sein du Groupe auquel la société IFC appartient dans la mesure où, auparavant, elle avait été engagée à compter du 9 juillet 2018 en qualité de « Chef de Région IFC ». Par ailleurs, Mme [P] a bénéficié d'une formation adéquate et d'un accompagnement sur le site de [Localité 10].

Mme [P] disposait ainsi des moyens pour mener à bien les missions qui lui étaient confiées et qu'elle avait acceptées. Il ressort du dossier qu'elle s'est peu investie dans les formations mises en place et a rencontré assez rapidement des difficultés à remplir ses missions à tel point que, le 13 mai 2020, elle a adressé un courriel à sa Direction contenant un inventaire des difficultés qu'elle rencontrait en indiquant qu'elle ne peut faire face à l'ensemble des problématiques rencontrées.

Dès le lendemain, son supérieur hiérarchique, M. [R] a eu un entretien avec elle, puis s'est rendu sur le site dès le 18 mai 2020. Celui-ci a repris l'ensemble des dossiers traités depuis l'arrivée de Mme [P] et a constaté un certain nombre d'irrégularités dans les dossiers de vente de véhicule dont l'importance était de nature à remettre en cause la pérennité de la concession selon M. [X], directeur IDF Business Manager Réseau. Les investigations menées ont effectivement révélé un défaut de respect des process imputable à la salariée, mais aussi des consignes erronées données aux vendeurs et des pratiques de management inadéquates.

Plusieurs vendeurs se sont plaints de l'attitude de Mme [P] à leur égard, notamment de son ton agressif et de son manque de disponibilité et de communication.

A cet égard, la société D.P.L. produit trois attestations de collègues de travail de Mme [P] : M. [T] expose que sa supérieure hiérarchique Mme [P] avait un comportement inadéquat, notamment en lui parlant 'de façon sévère et méchante sans raison valable'.M. [M] indique que Mme [P] lui a donné l'ordre de ne pas vendre de véhicule le samedi car elle n'était pas là le samedi, ce qui est totalement contraire au procédures en vigueur. M.[LB] indique que Mme [P] l'empêchait de travailler en bloquant ses reprises et s'enfermait dans son bureau. Il fait état d'altercations verbales et laisse entendre qu'elle n'est pas digne d'un responsable de site.

Il est ainsi établi que Mme [P] donnait à ses vendeurs des consisignes inadéquates et instaurait une climat négatif au sein du site dont elle avait pris la responsabilité.

La société D.P.L. produit aussi un certain nombre de dossiers évoqués dans la lettre de licenciement illustrant les défaillances de l'intéressée : dossier [DX] du 3 mars 2020 avec un chèque non signé pour l'achat d'un véhicule ; dossier [Localité 8] AUTOMOBILE avec des incohérences de date (10 février 2020 et 30 avril 2020) et une absence de signature du client ; dossier [Y] de vente d'un Renault Captur avec trois bons de commande mentionnant des dates différentes (25/02/2020,14/05/2020, et 23/05/2020 et 2 fiches signalétiques (dont l'une n'est pas signée et l'autre uniquement signée par le client ; dossier [S] avec un procès-verbal de livraison du 19 février 2020 d'une Renault Clio alors que la demande de financement auprès de la DIAC était encore à l'étude le 16 juin 2020.

Ainsi, il est établi que la salariée, malgré les moyens mis à sa disposition, a été défaillante dans sa mission de management des équipes commerciales et n'a pas fait preuve de la rigueur nécessaire dans le contôle de la qualité et le suivi des dossiers.

Il s'ensuit que le licenciement de Mme [P] est jutifié par une cause réelle et sérieuse. Le jugement est donc confirmé sur ce point et la salariée est déboutée de sa demande d'indernnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis a disposition au greffe,

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme [HV] [P] de ses demandes à titre de rappel de salaire pour la période d'activité partielle et de congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, à titre de rappel de salaire pour le 18, 19 janvier et 14 mars 2020 et de congés payés afférents et à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Et statuant à nouveau les chefs infirmés:

CONDAMNE la société D.P.L. à payer à Mme [HV] [P] les sommes de :

- 1 239,57 euros à titre de rappel de salaire correspondant à titre de rappel de salaire correspondant à la période de confinement de mars à mai 2020,

- 123,95 euros à titre de congés payés afférents,

- 1 692,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 208,31 euros à titre de rappel de salaire pour les 18,19 janvier et 14 mars 2020,

- 20,83 euros à titre de congés payés afférents.

- 28 338 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

-RAPPELLE que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société D.P.L. à payer à Mme [HV] [P] en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

CONDAMNE la société D.P.L. aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/08099
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;21.08099 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award