Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 16 MAI 2024
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00185 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIX3F
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/08082
APPELANT :
Monsieur [Y] [H]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Laurent MEILLET, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : A0428 et par Me Thomas CARTIGNY, avocat plaidant, inscrit a barreau de PARIS,
INTIMÉS :
Association UNÉDIC (DÉLÉGATION AGS ' CGEA IDF OUEST) Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Arthur TENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
S.A.S. SIRCA Société en liquidation judiciaire, prise en la personne de son Liquidateur Judiciaire, la SAS BDR & Associés sise [Adresse 3], prise en la personne de Maître [Z] [M], es qualité de Liquidateur judiciaire de la société SIRCA.
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronica DE SOETE, avocat au barreau de PARIS, toque : R193
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Paule ALZEARI, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Eric LEGRIS, président
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [H] a été embauché par la société par actions simplifiée SIRCA à compter du 26 janvier 2004, en qualité de consultant non associé.
La société SIRCA est un cabinet de recrutement de cadres supérieurs et dirigeants à [Localité 8].
M. [H] est, par la suite, devenu associé et détenait 24,92 % du capital, au moment de la liquidation judiciaire de la société.
Au moins de mars 2021, il a fait valoir ses droits à la retraite.
Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard la société SIRCA. Maître [D] a été désignée ès qualité d'administrateur judiciaire.
À compter du 1er avril 2021, la collaboration entre SIRCA et M. [H] s'est poursuivie sous la forme projetée d'un contrat de prestation de services avec la société Oiko Domeo, créée par sa femme, dont il est devenu associé et dont il a pris la direction générale.
Dans cette perspective, dès le 27 mars 2021, M. [H] a adressé à la société SIRCA une proposition de sous-traitance, dont les conditions financières ont été rejetées par cette dernière. Le 28 avril 2021, il a adressé un projet de contrat amendé. Cette proposition de sous-traitance a alors été rejetée dans son principe par l'administratrice désignée par le tribunal de commerce, et aussi par les associés de la société SIRCA, préférant le dispositif du cumul emploi-retraite. M. [H] n'a pas donné suite à cette proposition.
Par jugement du 09 novembre 2021, la procédure de sauvegarde judiciaire a été convertie en mise en redressement judiciaire.
M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 04 octobre 2021 aux fins de revendiquer sa qualité de salarié.
Par jugement du 08 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société SIRCA. Maître Daude de la S.A.S. BDR & Associés a été nommée liquidateur judiciaire.
Par jugement du 14 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa formation paritaire, n'a pas fait droit aux prétentions de M. [H] en :
- Mettant hors de cause la SELARL LE BAZE [D] ès qualités d'administrateur judiciaire ;
- Se déclarant incompétent au profit du tribunal judiciaire de commerce de Paris.
Le conseil de prud'hommes de Paris a également condamné M. [H] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 08 janvier 2024, M. [H] a relevé appel du jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris et l'a condamné au paiement des entiers dépens.
Le 08 janvier 2024, M. [H] a déposé une requête auprès du premier président de la cour d'appel de Paris afin d'être autorisé à assigner la S.A.S. SIRCA et l'Unédic (délégation CGEA IDF Ouest) à jour fixe.
Par une ordonnance en date du 19 janvier 2024, M. [H] a été autorisé à assigner la S.A.S. SIRCA et l'Unédic (délégation CGEA IDF Ouest) à jour fixe pour l'audience du 05 avril 2024 à 11 heures.
Le 31 janvier et 1er février 2024, M. [H] a assigné respectivement la SELARL BDR & Associés et l'association UNEDIC (délégation AGS - CGEA IDF OUEST) à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.
Les assignations ont été déposées le 07 février 2024.
PRÉTENTION DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 22 mars 2024, M. [H] demande à la cour de :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail
- D'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 14 septembre 2023 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que la relation de travail entre la société SIRCA et M. [H] à compter du 1er avril 2021 caractérise un contrat de travail à durée indéterminée ;
- Dire et juger en conséquence que le conseil de prud'hommes de Paris est compétent pour statuer sur les conséquences de cette relation de travail et de sa rupture ;
Pour le surplus :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formulée par Me [Z] [M], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SIRCA au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant le conseil de prud'hommes de Paris.
- Débouter Maître [Z] [M], ès qualités de liquidateur de la société SIRCA de ses demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre de dommages-intérêts pour abus manifeste d'agir.
- Condamner la S.A.S. BDR & Associés prise en la personne de Maître [Z] [M], ès qualités de liquidateur de la société SIRCA à payer à M. [H] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Laurent Meillet, avocat constitué aux offres de droit, qui le requiert, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 11 mars 2024, la S.A.S. SIRCA et la S.A.S. BDR & Associés demandent à la cour de :
Vu les articles 74 et 75 du code de procédure civile et L.1411-1 du code du travail,
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 14 septembre 2023, en ce qu'il :
* S'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
* A condamné M. [H] au paiement des entiers dépens ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formulée par Maître [Z] [M] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SIRCA, au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Statuant à nouveau sur ce point :
- Condamner M. [H] à verser à Maître [Z] [M], es qualité de liquidateur judiciaire de la société SIRCA, la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles de première instance ;
- Débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions ;
Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et l'article 1240 du code civil,
- Condamner M. [H] à verser à Maître [Z] [M], es qualité de liquidateur judiciaire de la société SIRCA, une somme de 4.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour abus manifeste d'agir ;
- Condamner M. [H] à verser à Maître [Z] [M], es qualité de liquidateur judiciaire de la société SIRCA, la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles d'appel ;
- Condamner M. [H] aux entiers dépens d'appel.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 19 février 2024, l'Unédic (délégation AGS ' CGEA IDF Ouest) demande à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il :
* Se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
* Condamne M. [H] au paiement des entiers dépens.
Subsidiairement,
- Débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions ;
- Juger que s'il y a lieu à fixation, la garantie de l'AGS ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;
- Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie ;
- Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'Unédic AGS.
MOTIFS,
Sur la compétence :
M. [H] fait valoir que :
En ce qui concerne la continuité de ses missions dans le cadre d'un cumul emploi salarié-retraite et d'un lien de subordination :
* Les 03 et 04 juin 2021, la société SIRCA exprimait pour la première fois sa volonté de signer un contrat de travail avec M. [H], dans le cadre d'un cumul emploi-retraite salarié ;
* Dans les faits, M. [H] a continué à travailler, à compter du 1er avril 2021, dans les mêmes conditions, au sein d'un service intégré et dans le même lien de subordination que précédemment.
Sur les missions et prestations exécutées pour le compte de la société SIRCA :
* M. [H] a notamment obtenu, pour le compte de la société SIRCA, un important contrat de recrutement de Directeur d'usine de la part de la société Framatome, au mois d'avril 2021, pour un montant maximum de facturation de 45.000 euros, montant ajusté définitivement, en fonction du niveau réel de salaire d'embauche du candidat lors de la signature de son contrat de travail. Le contrat négocié par M. [H] avec la société Framatome a été validé par cette dernière. Les honoraires ont été perçus par la société SIRCA et la commande a été faite à son nom mais, exécutée par M. [H] en toute connaissance de cause et avec l'aval du représentant légal de la société SIRCA.
* Grâce à ses compétences et son relationnel, il a aussi obtenu de la société Framatome BU IB une mission de screening pour un poste de Strategy Manager. Cette prestation a dû être facturée par SIRCA à minima à hauteur de 18.000 euros H.T. si l'on se réfère audit contrat.
* M. [H] a également négocié et obtenu le recrutement de deux postes de directeurs d'établissement pour le client La Poste. En dépit de plusieurs sommations à Me [M] ès qualités, de produire les factures émises par la société SIRCA au titre de ces prestations effectuées pour ce client La Poste géré jusque-là par M. [H], cette dernière n'a pas daigné y déférer.
* Par ailleurs, le dirigeant de la société SIRCA, avant la mise en sauvegarde avait décidé d'un changement de locaux professionnels et a chargé M. [H] de prendre contact avec l'aménageur des locaux en vue de l'aménagement des nouveaux locaux.
Sur les outils mis à sa disposition :
* La société SIRCA a continué, après le 31 mars 2021, de laisser M. [H] accéder à sa base de données, d'utiliser la messagerie professionnelle mise à sa disposition et l'adresse mail créée pour lui. Les courriels adressés par ou à M. [H] via cette adresse mail démontrent de surcroît que ce dernier ne travaillait que pour la société SIRCA.
* De plus, si aucune rémunération n'a été versée à M. [H], c'est bien en raison de l'attitude dilatoire de la société SIRCA qui a cherché à gagner du temps et n'a jamais régularisé le moindre contrat avec M. [H] qui avait pourtant fait des propositions tarifaires au titre des missions proposées.
- Dans ces conditions, il est demandé de juger qu'un nouveau contrat de travail s'est formé entre la société SIRCA et M. [H] à compter du 1er avril 2021. Le conseil de prud'hommes de Paris était donc seul compétent pour statuer sur les demandes formulées par M. [H].
La S.A.S. SIRCA et la S.A.S. BDR & Associés opposent que :
- Au cas présent, le différend dont a été saisi le conseil de prud'hommes oppose un associé, M. [H] à la société dont il détenait une partie du capital, la société SIRCA, et avec laquelle il a souhaité finaliser un contrat de prestation de services à compter de l'annonce de sa prise de retraite, avec la société OIKO DOMEO, dont il est Directeur Général. Cette finalisation du projet du contrat a été refusée par l'Administrateur Judiciaire nommé dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
- Le différend, qu'il soit entre un associé et la société dont il détient du capital ou entre une société prestataire de services et son prétendu co-contractant, relève de la compétence exclusive du tribunal de Commerce, de surcroît lorsque la société considérée comme débitrice a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.
- M. [H] s'est permis de soutenir, pour les besoins de l'instance prud'homale, qu'un contrat de travail se serait formé au lendemain de sa prise de retraite, soit au 1er avril 2021, et aurait été brutalement rompu à effet au 30 juin 2021.
- M. [H] a pu être informé, en première instance, que trois éléments doivent être réunis, pour qu'il y ait contrat de travail : une prestation de travail, une rémunération, un lien de subordination juridique. Aucun élément constitutif n'existe dans la réalité factuelle de ce dossier. Les trois éléments font en effet défaut :
* M. [H] n'a été sollicité pour aucun travail, tout au contraire il lui a été demandé depuis sa prise de retraite de cesser ses relations avec les clients de la société SIRCA. Les missions qu'il a pu faire de sa propre initiative, tout en utilisant les ressources de la société SIRCA, l'ont été en tant que Directeur Général de la société OIKO DOMEO, laquelle a d'ailleurs cru pouvoir facturer cette prestation non contractualisée.
* M. [H] n'a perçu aucune rémunération.
* M. [H] ne peut justifier d'aucun début de commencement de lien de subordination.
- M. [H] a fait valoir son droit à la retraite à effet au 31 mars 2021, et qu'il a toujours refusé de donner suite à la possibilité même d'un cumul emploi-retraite pourtant mis en 'uvre pour les autres associés de la société qui s'étaient trouvés dans la même situation.
- Tout au contraire, dès le mois de janvier 2021, il se rapprochait de la société SIRCA pour indiquer souhaiter poursuivre son activité de Consultant de manière indépendante au sein de la société de son épouse. S'il a continué à travailler avec des clients de SIRCA, Monsieur [H] l'a fait de sa propre initiative, sans en référer au Président de la société SIRCA, et donc, outre en secret, en totale et absolue autonomie. Pour ce faire, il a étendu l'objet social de la société OIKO DOMEO, avec prise de participation et nomination comme Directeur Général au sein de cette société.
- M. [H] a fait facturer ses prestations par sa société de sorte qu'il ne peut prétendre ensuite qu'il aurait travaillé dans le cadre d'un contrat de travail.
- Il résulte de ce qui précède que le différend dont a été saisi le Conseil de Prud'hommes ne relève manifestement pas de sa compétence matérielle, ce que cette juridiction a parfaitement pu relever en résumant le litige en ces termes.
L'Unédic (délégation AGS ' CGEA IDF Ouest), quant à elle, oppose que :
- Au cas présent, le différend dont est saisi la Cour oppose un associé, M. [H], à la société dont il détenait une partie du capital, la société SIRCA, et à laquelle il a souhaité imposer un contrat de prestation de services, à signer avec la société OIKO DOMEO, dont il est le Directeur Général. Or, il est bien établi que M. [H] a quitté les effectifs de la société le 31 mars et que l'ensemble de ses demandes portent sur une période postérieure à cette date, alors même qu'il ne disposait plus de la qualité de salarié. Aucun lien de subordination, en l'absence de toute directive, n'est caractérisé. Il n'est pas contesté que M. [H] a continué, en sa qualité d'associé, a adressé quelques emails à certains clients de la société SIRCA. Lorsque la société SIRCA s'en est aperçue, sa réaction a été très claire, en lui demandant de cesser tout contact avec la clientèle M. [H] ne peut prétendre avoir continué à travail pour les clients de la société SIRCA en qualité de salarié alors même que, suite à son départ, il a facturé la société SIRCA par l'intermédiaire de la société OIKO DOMEO.
- S'il existe un quelconque litige quant à cette facturation de 15.435,00 € qui couvre largement les quelques emails envoyés par M. [H], ce litige relève de la compétence matérielle du tribunal de commerce.
- La cour d'appel de Paris confirmera le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris.
La relation salariée suppose la fourniture d'un travail en contrepartie du versement d'une rémunération, ainsi que l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et le salarié.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les ,parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité .
C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Enfin, aux termes de l'article L. 8221-6 I 3° du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.
Cette présomption de non salariat édictée par le code du travail peut être levée lorsque ces personnes fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans les conditions qui les placent dans un lien de subordination comparable à celui existant entre le salarié et son employeur.
En l'espèce, il est constant que M.[H] a été engagé en qualité de consultant non associé par contrat de travail à durée indéterminée le 17 octobre 2003 à effet au 23 janvier 2004.
Par la suite, il est entré au capital de la Société.
Ainsi, M.[H] a été salarié de la Société jusqu'à sa prise de retraite au mois de mars 2021 et associé jusqu'à la liquidation de la société le 08 février 2022.
Dès avant la prise de sa retraite, M. [H] a engagé des discussions avec la société en vue de la conclusion d'un contrat de sous-traitance.
Ainsi par courrier électronique du 08 mars 2021, il a proposé le principe d'une collaboration avec différents scénarios outre les conditions de facturation de ses prestations.
Il a réitéré une proposition remaniée par message du 27 mars 2021.
Enfin, le 28 avril 2021, il a transmis un projet de contrat de collaboration entre la société Sirca et la société Oïko Domeo, société dont les statuts ont été mis à jour le 03 mars 2021 afin d'étendre son objet social notamment , aux activités d'études, conseils, recherches en organisation, en ressources humaines, recrutement et autre opérations de participation dans des opérations mobilières et immobilières, étant ajouté qu'il a été nommé directeur général .
Après discussion avec les autres associés, M.[H] a écrit, le 06 avril 2021, que la discussion s'arrêtait et qu'il se retirait définitivement.
Il doit être précisé qu'à cette époque, la société Sirca a sollicité par requête du 14 avril 2021, une procédure de sauvegarde.
Le tribunal de commerce a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la Société par jugement du 10 mai 2021.
C'est dans ces conditions que l'administrateur judiciaire nommé a examiné les décisions à prendre dans l'intérêt de la Société et notamment, le projet de contrat de prestation de services proposé par M.[H] au nom de la société Oïko Domeo.
Par e-mail du 02 juin 2021, M.[H], reconnaissant l'existence d'un trop-perçu à son profit au titre des indemnités de fin de carrière lors de son départ à la retraite, a proposé, afin d'éviter des mouvements de trésorerie inutile, de déduire la somme trop-perçu de 21.657,96 €
des prochaines factures des prestations devant être adressées par la société Oïko Domeo.
En réponse le même jour, le président de la société Sirca lui indiquait que le contrat de prestation de services qu'il souhaitait n'était pas envisageable notamment au vu du risque pour la société d'une requalification possible en travail dissimulé.
Il était précisé que l'administratrice proposait un possible cumul emploi- retraite.
Par courrier du 07 juin 2021, l'administrateur judiciaire a formulé plusieurs demandes :
' une demande de remboursement impérative au titre du trop payé perçu au titre des indemnités de fin de carrière,
' sur le contrat de prestation de services et d'apport de clientèle : l'administratrice indiquait que la mise en place d'une collaboration professionnelle entre la société Oïko Domeo et la société Sirca n'était pas adaptée à la situation actuelle de cette dernière.
Dans ces conditions, l'administratrice proposait la régularisation d'un contrat à durée déterminée à temps partiel ou temps plein , précisant que cette option ne ferait courir aucun risque juridique à la Société, alors placée sous la protection du tribunal de commerce depuis l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Il n'est pas justifié que M.[H] a donné suite à cette proposition mais à l'opposé, par courriel du 8 juin 2021 adressé à l'ensemble de son carnet d'adresses il a écrit en ces termes :
« Je quitte SIRCA.
Veuillez noter qu'à compter de mercredi 9 juin 2021, ce n'est plus moi qui relèverai les mails adressés à fbarbe@sirca.fr. »
Néanmoins, le 10 juin 2021, M. [H] a réitéré sa proposition de compenser le trop-perçu sur les indemnités de fin de carrière tout en précisant qu'il restait en contact professionnel avec des clients de la Société afin d'assurer sa fin de mission.
Ainsi il demandait le rétablissement de son accès à la base de données SIRCA, de son adresse mail, de son matériel informatique tout en faisant interdiction d'une prise de contact avec Framatome jusqu'à la conclusion de sa mission.
Le 11 juin suivant, le dirigeant de la société lui a confirmé qu'il était impossible de finaliser tout autre contrat qu'un contrat de travail dans le cadre d'un cumul emploi retraite.
Il lui était rappelé que dans l'attente, et pour des raisons de responsabilité évidentes dans le cadre de la procédure de sauvegarde, il ne lui était pas possible de communiquer directement avec les clients de SIRCA ni d'engager cette dernière.
À l'issue de ces échanges et alors que M.[H] n'a pas répondu favorablement à la conclusion d'un contrat de travail, par l'intermédiaire de son conseil, le 30 juin 2021, au motif que la régularisation de sa situation de travail était au point mort, il a réclamé le paiement de salaires pour les mois d'avril à juin 2021 outre une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, estimant qu'un contrat de travail à durée indéterminée s'était formé entre les parties à compter du 1er avril 2021.
La Société assistée de son administrateur a répondu le 02 juillet 2021 en rappelant certains éléments :
' la possibilité d'un cumul emploi retraite tel que proposé aux associés de SIRCA à leur départ en retraite pour finir les missions en cours qui a été exclu par M.[H],
' l'invitation ferme faite à l'intéressé de cesser ses relations avec les clients de SIRCA,
' la décision unilatérale et hors cadre contractuel de M.[H] de travailler au sein de la société de son épouse avec Framatome en revendiquant cette société comme son client,
' la demande de facturation concomitante avec son obligation de rembourser un trop-perçu d'indemnité de retraite.
Par la suite, M.[H] a été à nouveau mis en demeure de rembourser le trop-perçu d'indemnité de fin de carrière, indemnité qui a été finalement remboursée à la fin du mois de juillet 2021.
Il résulte de l'examen de ces faits constants qu'au moment de son départ à la retraite, M.[H] a souhaité poursuivre une activité de consultant indépendant illustrée par la proposition de services entre la société Oïko Domeo dont il est devenu le directeur général et associé et la société Sirca.
Ainsi, il a formulé des propositions et projets de contrat de prestations de services les 27 mars et 28 avril 2021 et a fait facturer son activité par la société Oïko Domeo .
La finalisation de ce projet de contrat de prestation a finalement été refusée par l'administrateur judiciaire nommé dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Pour autant, M.[H] a maintenu sa demande de compensation entre le trop-perçu sur indemnités de fin de carrière et des factures devant être adressées par la société Oïko Domeo .
En l'état de ces éléments tels qu'ils sont justifiés, il doit être considéré que le différend, soit entre l'associé et la société dont il détient une partie du capital soit entre une société prestataire de services et son cocontractant, relève de la compétence du tribunal de commerce.
À cet égard, il doit être rappelé que la société prétendue débitrice a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.
Ainsi, il doit être considéré que M.[H], sur lequel pèse la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail, échoue à faire cette démonstration.
En effet, il ne démontre nullement avoir poursuivi la relation de travail postérieurement à son départ à la retraite avec l'accord de la société alors au surplus que, jusqu'au courrier de son conseil, il a refusé la conclusion d'un contrat de travail et a indiqué quitter la société.
Il est constant qu'il n'a perçu aucune rémunération.
Enfin, il ne justifie et surtout n'allègue d'aucun lien de subordination avec la société.
Sur ce point, il n'établit pas qu'il a continué à travailler avec des clients de la Société sur instruction de cette dernière.
Le jugement est donc confirmé sur la compétence.
Sur la demande reconventionnelle des intimés :
Le liquidateur de la société entend faire état d'un abus d'agir en justice de la part de l'appelant au regard de l'absence manifeste de tout fondement à son action et de son évidente mauvaise foi.
M.[H] s'oppose à cette prétention estimant qu'il n'a obtenu aucune contrepartie financière pour le travail réalisé alors qu'il n'a fait que tirer les conséquences d'une situation totalement illégale à son égard.
Loin d'avoir aggravé la situation financière de la Société, il prétend qu'il l'a améliorée.
Il ne peut être utilement reproché à M.[H] les déclarations de créances auxquelles il a été procédé tant au regard d'une prestation effectuée par sa société qu'en considération d'une créance salariale.
Dans cette mesure, il n'est pas démontré que la présente action a été génératrice d'un quelconque dommage aux opérations de liquidation.
D'autre part, la faute prétendument commise n'est pas démontrée au regard de l'allégation d'une absence manifeste de tout fondement à l'action et d'une évidente mauvaise foi de l'intéressé.
La demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts est donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
M.[H], qui succombe sur le mérite de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
À l'opposé, il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties intimées qui en font la demande en cause d'appel.
En revanche, compte tenu des motifs qui y sont exposés, le jugement est également confirmé en ce qu'il n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Société.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoire, dernier ressort, publiquement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
REJETTE la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Sirca,
CONDAMNE M. [Y] [H] aux dépens d'appel,
CONDAMNE M.[Y] [H] à payer à la société Sirca prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [Z] Daude la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente