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16/05/2024 | FRANCE | N°23/17879

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 mai 2024, 23/17879


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17879 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPEN



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2023 -Président du TJ de creteil - RG n° 23/00432





APPELANTE



S.A.R.L. ARES TRANSPORT, RCS de Créteil sous le n°822 788

519, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Abdelmajid B...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17879 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIPEN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2023 -Président du TJ de creteil - RG n° 23/00432

APPELANTE

S.A.R.L. ARES TRANSPORT, RCS de Créteil sous le n°822 788 519, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Abdelmajid BELLOUTI de la SELEURL SELARL BELLOUTI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0524

INTIMEE

S.A.R.L. GONCOURT 3 ARPENTS, RCS de Paris sous le n°487 602 344, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

Ayant pour avocat plaidant Me Gérard MOIRÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : K0002

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 19 avril 2022, la société Goncourt 3 arpents a loué à la société TMC Express, devenue la société Ares transports, des locaux situés à [Localité 5] (94), 1-3 rue des Quinze Arpents, lot n°1, comprenant au rez-de-chaussée un entrepôt frigorifique de 1.555m², des locaux techniques de 35m² et des locaux sociaux de 73 m², et au 1er étage, 280m² de bureaux, moyennant un loyer annuel de 194.300 euros hors charges et hors taxes, payable trimestriellement, par avance et un dépôt de garantie de 58.290 euros.

Par exploit du 9 février 2023, la société Goncourt 3 arpents a fait délivrer à la société Ares transports un commandement de payer, visant la clause résolutoire, pour une somme de 172.694,40 euros au titre de l'arriéré locatif au 9 janvier 2023.

Par exploit du 21 mars 2023, la société Goncourt 3 arpents a fait assigner la société Ares transport devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

- ordonner l'expulsion de la société Ares transport et celle de tous occupants de son chef des lieux loués à défaut de libération dans les 15 jours de la signification de la décision, avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

- ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée ;

- condamner la société Ares transport à lui payer la somme provisionnelle de 108.630,68 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 13 mars 2023, outre la somme de 58.659,02 euros au titre du remboursement des franchises et celle de 16.676,77 euros au titre des pénalités et des intérêts de retard, sauf à parfaire ;

- condamner la société Ares transport au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale à la somme de 1.797,34 euros par jour, jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur ;

- condamner la société Ares transport au paiement d'une somme de 97.150 euros à titre de l'indemnité de relocation ;

- dire que le dépôt de garantie de 58.290 euros demeurera acquis au bailleur.

Par ordonnance contradictoire du 12 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- constaté l'acquisition de clause résolutoire insérée au bail à la date du 10 mars 2023 ;

- débouté la société Ares transport de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Ares transport et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 6], lot n°1 avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Ares transport, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Ares transport à la payer ;

- condamné par provision la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 282.367,84 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 1er juillet 2023 (3 me trimestre 2023 inclus après déduction de 24.917,14 euros de pénalités diverses), avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 sur 172.694,40 euros et à compter du 21 mars 2023 sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures, outre la somme de 58.659,02 euros au titre du remboursement de la franchise de loyers de trois mois, avec intérêts de droit ;

- dit n'y avoir lieu référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale et du dépôt de garantie ;

- condamné la société Ares transport aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

- condamné la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 7 novembre 2023, la société Ares transport a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 mars 2024, la société Ares transport demande à la cour, au visa des articles 834, 835 du code de procédure civile, 1130, 1131, 1137, 1178, 1719, 1217 et 1219 du code civil, de :

- juger que les demandes formulées par la société Goncourt 3 arpents se heurtent à des contestations sérieuses ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 10 mars 2023 ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a prononcé son expulsion et celle de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 6], lot n°1 avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par elle, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et l'a condamnée à la payer ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamnée par provision à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 282.367,84 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation, arriérés au 1 juillet 2023 (3ème trimestre 2023 inclus après déduction de 24.917,14 euros de pénalités diverses), avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 sur 172.694,40 euros et à compter du 21 mars 2023 sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures, outre la somme de 58.659,02eurosau titre du remboursement de la franchise de loyers de trois mois, avec intérêts de droit ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamnée aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement ;

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence et statuant à nouveau :

- débouter la société Goncourt 3 arpents de l'intégralité de ses demandes formées tant en première instance qu'en cause d'appel ;

- condamner la société Goncourt 3 arpents à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 18 mars 2024, la société Goncourt 3 arpents demande à la cour, au visa des articles 834, 835, 514 du code de procédure civile, 1103, 1193, 1194, 1728 2°, 1760 du code civil et L. 145-41 du code de commerce, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes conclusions et demandes ;

Y faisant droit :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Créteil en date du 12 octobre 2023 en ce qu'elle a :

*constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 10 mars 2023 ;

*débouté la société Ares transport de sa demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

* ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Ares transport et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 6], lot n°1 avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

*dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

*dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

*condamné par provision la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 282.367,84 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 1er juillet 2023 (3ème trimestre 2023 inclus après déduction de 24 917,14 euros de pénalités diverses), avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 sur 172 694,40 euros et à compter du 21 mars 2023 sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures, outre la somme de 58.659,02 euros au titre du remboursement de la franchise de loyers de trois mois, avec intérêts de droit ;

*condamné la société Ares transport aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

*condamné la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

*rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial à autorité de chose jugée et est exécutoire à titre provisoire. ;

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

*dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale et le dépôt de garantie ;

*fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Ares transport, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Ares transport à la payer ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la société Ares transport à lui payer la somme provisionnelle de 42.747,63 euros ;

- dire qu'elle conservera le dépôt de garantie en raison de la résiliation du bail commercial aux torts exclusifs du preneur ;

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant de 1.797,34 euros par jour, outre les charges, taxes et accessoires, à compter du 10 mars 2023 et si besoin, et condamner la société Ares transport à la régler jusqu'à son départ définitif du local ;

- condamner la société Ares transport au paiement de la somme de 97.150 euros au titre de l'indemnité de relocation à la société Goncourt 3 arpents correspondant à 6 mois de loyer HT ou, à titre subsidiaire, la somme de 48.575 euros correspondant à 3 mois de loyer HT ;

En tout état de cause :

- débouter la société Ares transport de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Ares transport au paiement de la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Bonaldi-Nut, avocat au barreau de Paris, sur son affirmation de droit.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

SUR CE,

A titre liminaire, il sera relevé que la cour n'est pas saisie de l'astreinte susceptible d'assortir la mesure d'expulsion et demandée en première instance par la société Goncourt 3 arpents, ni de la demande au titre des frais de procédure en application des dispositions de l'article 22.6 du contrat de bail qui n'est pas reprise dans le dispositif des écritures de l'intimée.

Sur l'exception d'inexécution et l'acquisition de la clause résolutoire

La société Ares transports se prévaut de l'exception d'inexécution en ce qu'elle allègue que le bailleur a dissimulé l'existence de procédures en cours, le local loué étant implanté dans une zone d'aménagement concertée (ZAC), dénommée « le Senia », de sorte que la société Goncourt 3arpents a fait l'objet à deux reprises de l'exercice d'un droit de préemption par l'établissement public foncier d'Ile-de-France, ce dont elle-même n'a pris connaissance qu'après signature du bail, alors qu'il s'agissait d'un élément déterminant de son consentement, et qu'elle a engagé des travaux importants. Elle fait valoir encore que le bailleur lui a également dissimulé l'existence d'infiltrations d'eau, rendant l'activité de stockage impossible, et de la défaillance du système frigorifique, que la société Goncourt 3 arpents a également manqué à son obligation de délivrance en plaçant sa locataire dans l'impossibilité d'exploiter les locaux loués en raison des problématiques d'infiltrations, de la défaillance du système frigorifique, des failles de sécurité au sein des locaux.

La société Goncourt 3 arpents expose notamment que le juge du fond n'est pas saisi d'une quelconque réticence dolosive, alors qu'en tout état de cause, une telle procédure serait vouée à l'échec. Elle soutient qu'elle n'a subi aucune procédure d'expropriation et n'a commis aucun manquement à son devoir d'information, qu'elle n'a pas plus dissimulé l'existence d'infiltrations d'eau, ou la défaillance du système frigorifique, et qu'elle n'a pas non plus manqué à son obligation de délivrance.

Or, il apparaît que :

- le bail a été signé devant notaire, la société Ares transport étant assistée dans les opérations de recherches de locaux et la négociation du bail par un consultant, M. [Y], agissant pour la société NCT Immo,

- la société Ares transports a obtenu une fiche de présentation des locaux qu'elle a visités, tandis qu'un premier projet de bail a été établi le 12 avril 2022 puis modifié et signé le 19 avril 2022,

- le contrat de bail stipule en son article préliminaire que « le preneur reconnaît avoir été en mesure de discuter et de négocier l'ensemble des conditions des présentes avec l'assistance de tous conseils qu'il a été libre de s'adjoindre. Le preneur a pu solliciter toutes informations utiles tant techniques que juridiques sur les locaux loués et l'immeuble dont ils dépendent ainsi que sur les équipements communs et privatifs en place. Le preneur déclare qu'il a été répondu de façon satisfaisante à l'ensemble de ses questions de sorte qu'il a en sa possession l'ensemble des éléments nécessaires à la conclusion des présentes »,

- s'il est constant que les locaux se trouvent dans une zone d'aménagement différée, il s'évince des pièces produites que la société Goncourt 3 arpents a certes fait l'objet de l'exercice d'un droit de préemption par l'établissement public foncier d'Ile-de-France à la suite d'une déclaration d'intention d'aliéner dont elle s'est désistée, renonçant à la vente des lieux,

- de la sorte, il n'est pas démontré que la société Goncourt 3 arpents n'était plus propriétaire des lieux lors de la signature du bail, ni qu'une procédure d'expropriation aurait été engagée avant ou postérieurement à la dite signature,

- en outre, l'article 2 du bail précise que le preneur reconnaît que, bien qu'averti par le notaire de la nécessité d'obtenir des renseignements d'urbanisme, il a requis l'établissement de l'acte sans la production des pièces, de sorte qu'il a déclaré être « parfaitement informé de la situation de l'immeuble à cet égard et se reconnaît seul responsable des conséquences entraînées par l'existence de servitudes particulières, renonçant à tout recours contre le bailleur ou le notaire »,

- le contrat de bail précise par ailleurs en son article 1 que « le preneur prendra les locaux loués en l'état où ils se trouvent au jour de l'entrée en jouissance sans aucun recours possible par le bailleur », de sorte que, bien qu'un procès-verbal de constat du 30 mai 2023 fasse état de flaques d'eau et d'auréoles au sol et dans le faux plafond, il n'est pas établi que des infiltrations aient été dissimulées, alors qu'un procès-verbal de constat d'entrée dans les lieux a été établi contradictoirement le 9 mai 2022 indiquant que les locaux sont « en état d'usage »,

- le procès-verbal du 30 mai 2023 ne fait état pour sa part d'aucune défaillance du système frigorifique ni d'un dysfonctionnement du portail, alors qu'au surplus, la société Goncourt 3 arpents justifie avoir fait changer en septembre 2022 l'un des deux groupes froid et précisé aux termes du planning des travaux que ceux-ci n'auraient aucun impact sur l'activité de la société Ares transport.

Il en résulte que l'impossibilité d'exploiter en raison de manquements du bailleur au cours de la formation et au cours de l'exécution du contrat de bail n'est pas caractérisée.

De la sorte c'est vainement que la société Ares transports argue de l'exception d'inexécution à titre de contestation sérieuse qu'elle oppose aux effets du commandement de payer délivré.

Il est constant que les causes du commandement délivré le 9 février 2023 n'ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à compter du 10 mars 2023, avec toutes conséquences de droit.

Sur la dette locative

Selon le décompte au 31 décembre 2023 produit par le bailleur, la dette locative s'élevait à 406.698,66 euros, au titre des loyers, taxes et accessoires, dont il convient de soustraire la somme de 152.467, 16 euros obtenue par les mesures de saisie-attribution pratiquées, soit au final, la somme de 254.231, 49 euros. Ce montant n'étant pas contesté et la bailleresse sollicitant la condamnation provisionnelle de la société Ares transports au paiement de cette somme, la cour retiendra ce montant.

L'ordonnance rendue sera infirmée en conséquence sur le quantum de la provision.

Sur les pénalités et intérêts de retard, sur l'indemnité d'occupation, sur la conservation du dépôt de garantie et sur l'indemnité forfaitaire de recouvrement

La société Goncourt 3 arpents expose que les pénalités de retard sont dues de plein droit, la conservation du dépôt de garantie étant contractuellement prévue, et l'indemnité d'occupation devant être fixée à hauteur du loyer contractuel majoré de 100% et augmenté des charges.

L'article 5.3 du contrat de bail prévoit que « toute somme payée en retard sera productive d'un intérêt au taux de l'intérêt légal en vigueur au jour de l'exigibilité, majoré de cinq points, lequel taux majoré s'appliquera de plein droit sans mise en demeure préalable à compter de la date d'échéance. Conformément aux articles L 441-1 et L 441-10 du code de commerce, tout retard de paiement entraîne de plein droit outre les pénalités de retard une obligation pour le preneur de payer une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement, étant précisé que le bailleur pourra solliciter une indemnisation complémentaire si les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de l'indemnité forfaitaire ».

S'agissant de l'indemnité d'occupation, l'article 22.5 du contrat stipule que : « l'indemnité d'occupation mensuelle à charge du preneur, en cas de non délaissement des locaux ou en cas de non-réalisation des travaux de remise en état nécessaires, après la date d'effet de résiliation de plein droit, judiciaire ou conventionnelle, sera établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location, majoré de 100% et augmenté des charges, tout mois commencé étant du. »

La conservation du dépôt de garantie est prévue par l'article 6.1 du bail en cas de défaillance du locataire, s'analysant aussi en une clause pénale.

Si le juge des référés peut entrer en voie de condamnation provisionnelle en application de clauses pénales claires et précises, nonobstant le pouvoir modérateur des juges du fond, c'est à la condition que leur application ne procure pas un avantage disproportionné pour le créancier.

Tel est le cas en l'espèce, en ce que le montant en cause, composé de l'ensemble des pénalités cumulées, soit dépôt de garantie, intérêts de retard et la majoration de l'indemnité d'occupation conférerait un avantage excessif au bailleur, de sorte que le premier juge a estimé à bon droit que la demande de provision à ce titre se heurtait à une contestation sérieuse.

Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes, l'indemnité d'occupation étant fixée au montant du loyer et des charges exigibles aux termes du bail, et l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

S'agissant de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, cette indemnité est enfin, en application des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce, reprise par le contrat de bail, due de plein droit en cas de non-règlement, son montant étant de 40 euros. Elle sera allouée à titre provisionnel à la société Goncourt 3 arpents.

Sur le remboursement des franchises accordées

Il ressort du bail signé entre les parties, précisément de son article 5.1, qu'à titre exceptionnel, le bailleur a consenti au preneur une franchise totale de loyer de trois mois pleins et consécutifs, appliquée à la date de prise d'effet et que, dans le cas où le preneur se montrerait défaillant au cours de la première période ferme d'engagement, il remboursera au bailleur la franchise accordée, de manière prioritaire et à première demande, étant observé que le décompte produit par le bailleur comporte bien cette franchise portée au crédit du preneur.

S'agissant de cette demande de provision au titre du remboursement de la franchise de loyer, au regard de ces stipulations et en l'absence de contestation du preneur, il y a lieu de considérer qu'elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse, et d'allouer au bailleur une provision à ce titre dont le montant s'élève à 58.659,02 euros, l'ordonnance rendue étant confirmée de ce chef.

Sur l'indemnité de relocation

La société Goncourt 3 arpents se fonde sur les dispositions de l'article 1790 du code civil pour solliciter à titre d'indemnité de relocation une somme de 97.150 euros, correspondant à six mois de loyer et subsidiairement, une somme de 48.575 euros correspondant à trois mois de loyers.

Or, outre qu'il est demandé à ce titre une indemnisation forfaitaire, équivalente à six mois de loyers, et subsidiairement trois mois de loyers, de sorte que son quantum ne peut être vérifié, une telle demande suppose l'analyse d'une faute du preneur, analyse qui excède les pouvoirs du juge des référés et relève de ceux du juge du fond. Dès lors, il n'y a pas lieu à référé sur ce point, l'ordonnance rendue étant confirmée sur ce point.

Sur la demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire

La société Ares transport demande aux termes du dispositif de ses écritures l'infirmation de l'ordonnance rendue en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire. Toutefois, elle n'étaye sa demande par aucun moyen ni aucune pièce de sorte que celle-ci sera rejetée, l'ordonnance étant confirmée sur ce point.

Sur les frais et dépens

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.

Partie perdante, la société Ares transport supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société Goncourt 3 arpents une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné par provision la société Ares transports à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 282.367,84 euros au titre du solde des loyers, charges accessoires et indemnité d'occupation arriérés au 1er juillet 2023,

Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant ;

Condamne la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme provisionnelle de 254.231,49 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 31 décembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 pour la somme de 172. 694,40 euros et à compter du 21 mars 2023 pour le surplus,

Condamne la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme provisionnelle de 40,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

Confirme l'ordonnance rendue pour le surplus,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Ares transport aux dépens d'appel dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Ares transport à payer à la société Goncourt 3 arpents la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/17879
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.17879 ?
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